CAA de TOULOUSE, Juge des référés, 30/08/2023, 23TL02049, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 7 août 2019 au 6 août 2022, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2203152 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 août 2023, M. B... représenté par Me Allouch demande au juge des référés de la cour :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;


2°) d'enjoindre à la préfète de Vaucluse, de procéder au réexamen de sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie dès lors qu'elle est présumée en cas de refus de renouvellement d'un titre de séjour ; par ailleurs il risque d'être privé de sa seule source de revenus, constituée par son activité de saisonnier agricole, dans le cadre de laquelle il a obtenu de nombreux contrats de travail, diverses autorisations administratives, et des titres de séjour pendant une période de trois ans, entre le 7 août 2019 au 6 août 2022 ; le refus de renouvellement de son titre de séjour porte d'une manière grave atteinte à sa situation et à ses intérêts vitaux dans la mesure où il ne peut plus subvenir à ses besoins, et ne peut plus rembourser son emprunt ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée dès lors que la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier est entachée en ce qui concerne la légalité interne , d'une erreur de fait quant à la durée maximale de séjour en France qu'il devait respecter en vertu de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile; en effet , contrairement à ce qui lui oppose la décision en litige, il a respecté la durée maximale de séjour de 183 jours sur les douze derniers mois précédant la date du 6 août 2022 d'expiration de son titre de séjour ; à cet égard, les cachets d'entrée et de sortie de France apposés sur son passeport par les autorités françaises et les autorités marocaines établissent qu'il se trouvait en France du 6 août au 13 octobre 2021, puis du 23 avril au 6 août 2022, soit pendant une période totale de 174 jours, donc inférieure à la limite de 183 jours autorisée par l'article L 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ces éléments sont corroborés par les fiches de paie qu'il produit, pour la période du 14 juin au 11 octobre 2021 ; il a séjourné au Maroc entre le 13 octobre 2021 et le 28 avril 2022, ainsi qu'il en justifie au dossier ; par ailleurs, la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte, compte tenu de ce qu'il n'est pas justifié de la délégation de signature , accordée à M. Christian Guyard, secrétaire général de la préfecture, ni de sa publication ; elle méconnait par ailleurs l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne , faute de respect de son droit d'être entendu alors qu'il avait des informations à apporter quant à la durée de son séjour en France en qualité de travailleur saisonnier.


Vu :

- la requête enregistrée le 27 juillet 2023 sous le n° 23TL01930 par laquelle M. A... B... demande l'annulation du jugement n° 2203152 du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 7 août 2019 au 6 août 2022, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours , et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.


- les autres pièces du dossier.

Vu la décision en date du 4 janvier 2023 par laquelle le président de la cour a désigné M.Bentolila président-assesseur , en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1.M. A... B..., ressortissant marocain né le 16 novembre 1997, a sollicité le 5 septembre 2022 le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 7 août 2019 au 6 août 2022. Par un arrêté du 20 septembre 2022, la préfète de Vaucluse a rejeté cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2203152 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation de ces décisions.
2.Par la présente requête, M. B..., qui a relevé appel de ce jugement par sa requête enregistrée le 27 juillet 2023 sous le n° 23TL01930, demande la suspension des effets de l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé le renouvellement de sa carte de séjour en qualité de travailleur saisonnier, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin de suspension :

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". Aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Enfin aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 dudit code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire ".

4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans les cas de refus de renouvellement d'un titre de séjour.

5. D'une part, M.B... a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 7 août 2019 au 6 août 2022, dont le renouvellement lui a été refusé par un arrêté du 20 septembre 2022 de la préfète de Vaucluse dont il demande la suspension. Dès lors, la condition d'urgence doit en l'espèce être présumée alors qu'au surplus, M.B... fait valoir, que de par le refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier, il est privé des ressources qu'il percevait dans le cadre de l'exercice de cette activité, dont il justifie de la réalité par la production de différentes fiches de paie.

Par suite, M.B... justifie d'une situation d'urgence à suspendre les effets de la décision du 20 septembre 2022 de refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier, ainsi que des décisions subséquentes d' obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce un emploi à caractère saisonnier, tel que défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " d'une durée maximale de trois ans. Cette carte peut être délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger. Elle autorise l'exercice d'une activité professionnelle et donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. (...). ".
En l'état de l'instruction, le moyen invoqué par M.B... tiré de l'erreur de fait dont serait entaché l'arrêté du 20 septembre 2022 de la préfète de Vaucluse au regard de ces dispositions, quant à l'absence de respect de la durée maximale de séjour en France imposée par l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux ressortissants étrangers séjournant en France en qualité de saisonniers, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité.
En effet , contrairement à ce qui lui oppose la décision en litige, quant au fait qu'il aurait, en méconnaissance des dispositions précitées , séjourné plus de six mois en France pour la période d'un an comprise entre le 6 août 2021 et le 6 août 2022, ayant précédé l'échéance de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 7 août 2019 au 6 août 2022, M.B... justifie par la production de son passeport sur lequel figurent les cachets d'entrée et de sortie de France apposés par les autorités françaises et les autorités marocaines , qu'il se trouvait en France du 6 août au 13 octobre 2021, puis du 23 avril au 6 août 2022, soit pendant une période totale de 175 jours, donc inférieure à la limite de 183 jours autorisée par l'article L 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " à M.B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours , et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement , jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 23TL01930.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la préfète de Vaucluse de délivrer à M.B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu'il soit nécessaire à ce stade, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de M.B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


ORDONNE :


Article 1er : L'exécution de l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " à M.B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement est suspendue au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 23TL01930.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de Vaucluse de délivrer à M.B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à M.B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B..., à la préfète de Vaucluse et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Fait à Toulouse, le 30 août 2023.


Le juge des référés,





P.Bentolila



La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.



N° 23TL02049
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