CAA de PARIS, 4ème chambre, 31/07/2023, 21PA05469, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture et Oasiis et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique :
- d'arrêter le décompte général et définitif du marché principal de maîtrise d'œuvre conclu le 4 février 2002 pour la construction de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin et des quatre marchés complémentaires et de fixer le solde à la somme de 641 797,37 euros TTC en leur faveur et de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au paiement de cette somme ;
- de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au paiement des intérêts au taux légal, à compter du 4 avril 2013, sur la somme de 1 274 433,47 euros TTC correspondant au solde dû à l'ensemble du groupement de maîtrise d'œuvre au titre du marché principal et des quatre marchés complémentaires.



Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la restitution, par les membres du groupement de maîtrise d'œuvre, d'une somme de 66 905,54 euros TTC et à la condamnation solidaire des sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, Ion Cindea Ingénieur Conseil et Egis bâtiments et de M. A... à lui verser une somme totale de 26 473 980,20 euros au titre des fautes commises dans l'exécution de leurs marchés.

II. La société Ion Cindea Ingénieur a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'arrêter le décompte général et définitif du marché principal de maîtrise d'œuvre conclu le 4 février 2002 pour la construction de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin et des quatre marchés complémentaires et de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser la somme de 211 776,42 euros TTC à ce titre, assortie des intérêts moratoires.

Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la restitution, par les membres du groupement de maîtrise d'œuvre, d'une somme de 66 905,54 euros TTC et à la condamnation solidaire des sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, Ion Cindea Ingénieur Conseil et Egis bâtiments et de M. A... à lui verser une somme totale de 24 707 778,60 euros au titre de fautes commises dans l'exécution de leurs marchés.

III. La société Egis bâtiments a demandé au tribunal administratif de la Martinique :
- d'arrêter le décompte général et définitif du marché principal de maîtrise d'œuvre conclu le 4 février 2002 pour la construction de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin et des quatre marchés complémentaires et de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser une somme de 430 540,59 euros TTC assortie des intérêts moratoires à un taux de 7 % à compter du 10 juillet 2017 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 juillet 2018 ;
- de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser la somme de 157 143,86 euros au titre des intérêts moratoires dus en raison des retards de paiement des notes d'honoraires émises dans le cadre de l'exécution du marché principal et des marchés complémentaires.

Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Egis bâtiments à lui verser une somme de 247 597,93 euros et à la condamnation solidaire des sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, Ion Cindea Ingénieur Conseil et Egis bâtiments et de M. A... à lui verser une somme totale de 27 387 171,47 euros.

Par un jugement n° 1800450-1900039-1900210 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser à la société Michel Beauvais et associés une somme de 324 130,47 euros TTC, à la société Acra architecture une somme de 36 467,86 euros TTC, à la société Lorenzo architecture une somme de 32 317,12 euros TTC, à la société Oasiis une somme de 15 854,07 euros TTC, à M. A... une somme de 128 410,78 euros TTC, à la société Ion Cindea Ingénieur Conseil une somme de 208 518,87 euros TTC et à la société Egis bâtiments une somme de 208 518,87 euros TTC, sommes assorties des intérêts moratoires, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par une ordonnance n° 456341 du 15 octobre 2021 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.


Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2021, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser des sommes aux sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, Ion Cindea Ingénieur Conseil et Egis bâtiments et à M. A... et a rejeté en tout ou partie ses conclusions reconventionnelles ;

2°) de lui accorder le bénéfice de ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société Michel Beauvais et associés et autres une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- les avenants prévoyant une rémunération au titre de l'incidence des délais hors travaux modificatifs sont nuls ;
- en affirmant le paiement intégral du marché de la société Lorenzo architecture et en le condamnant néanmoins au règlement des sommes dues, le jugement est entaché de contradiction de motifs et d'erreur de fait ;
- la maîtrise d'œuvre doit répondre dans son décompte des surcoûts occasionnés par la problématique parasismique ;
- s'il avait été avisé par la maîtrise d'œuvre que les problèmes intervenus sur la centrale de production d'eau glacée n'étaient pas réglés au jour de la réception, celle-ci ne serait pas intervenue sans réserve et les désordres ne se seraient pas produits ;
- son préjudice lié à l'allongement de la durée du chantier est établi.

Par un mémoire enregistré le 13 février 2023, les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture et Oasiis et M. B... A..., représentés par la SELARL Lallemand et associés, demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser à la société Michel Beauvais et associés la somme de 418 230,12 euros TTC, à la société Acra architecture la somme de 43 251,84 euros TTC, à la société Lorenzo architecture la somme de 46 435,62 euros TTC, à la société Oasiis la somme de 15 854,07 euros TTC et à M. A... la somme de 132 054,21 euros TTC, assorties des intérêts au taux légal ;

3°) de condamner à la garantir la société Egis bâtiments dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée à leur encontre s'agissant des problèmes parasismiques et de la centrale de production d'eau glacée ;

4°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 2 000 euros à verser à chacun d'entre eux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils font valoir que :
- il convient de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser à la société Michel Beauvais et associés la somme de 418 230,12 euros TTC, à la société Acra architecture la somme de 43 251,84 euros TTC, à la société Lorenzo architecture la somme de 46 435,62 euros TTC, à la société Oasiis la somme de 15 854,07 euros TTC et à M. A... la somme de 132 054,21 euros TTC compte tenu des double-paiements retenus à tort par le tribunal et du total des sommes dues à la société Lorenzo architecture ;
- les clauses des avenants prévoyant la rémunération du groupement de maîtrise d'œuvre du fait de l'allongement de la durée du chantier ne sont pas illicites ;
- les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin relatives aux problèmes parasismiques ne sont pas recevables dès lors que l'ouvrage a été réceptionné sans réserve sur ce point et la demande n'est pas chiffrée ; la Cour s'est en outre déjà prononcée sur cette question ;
- s'agissant des conclusions relatives à la centrale d'eau glacée, il y a autorité relative de la chose jugée ; à tout le moins elles doivent être rejetées dès lors qu'elles font l'objet d'une procédure distincte ; elles ne sont en outre pas chiffrées et pas fondées ;
- le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne justifie d'aucun préjudice lié à l'allongement de la durée du chantier ;
- ils seraient fondés à appeler en garantie la société Egis bâtiments s'ils devaient être condamnés au titre des problèmes parasismiques et de la centrale de production d'eau glacée.

Par des mémoires enregistrés les 14 février et 14 mars 2023, la société Egis bâtiments Ile-de-France (nouvelle dénomination d'Egis bâtiments) représentée par la SELARL Molas Riquelme Associés, conclut au rejet de la requête, au rejet des appels en garantie formés à son encontre et à ce que soit mise à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable en ce qu'elle est insuffisamment motivée ;
- les honoraires contractuels convenus par les avenants n°4, 5 et 6 au regard de l'allongement de la durée d'exécution des travaux ne sont pas dénués de cause ;
- le jugement n'est pas entaché de contradictions s'agissant des sommes dues à la société Lorenzo architecture ;
- elle n'a aucune responsabilité dans la problématique parasismique ;
- compte tenu de la réception sans réserve des ouvrages considérés, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé à rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs au titre des prétendus dysfonctionnements de la centrale de production d'eau glacée ; aucune faute ne peut en tout état de cause être reprochée à la maîtrise d'œuvre à ce titre ;
- elle ne saurait être condamnée pour des fautes commises par ses co-contractants dont elle n'est pas solidaire et elle n'a commis aucune faute susceptible d'empêcher le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin d'appliquer des pénalités ;
- le préjudice allégué par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas établi ;
- la société Ion Cindea Ingénieur Conseil n'est pas fondée à l'appeler en garantie.

Par un mémoire enregistré le 28 février 2023, la société Ion Cindea Ingénieur Conseil et la SCP Thevenot Perdereau Manière El Baze, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société, représentées par la SCP Derrienic Associés, demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête et toutes les demandes formées à son encontre ;

2°) de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas condamné le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser à la société Ion Cindea Ingénieur Conseil une somme à hauteur de 211 776,42 euros TTC assortie des intérêts moratoires ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter sa condamnation au préjudice correspondant à 47 jours de retard et à la condamnation in solidum des sociétés Egis bâtiments, Michel Beauvais et associés, Lorenzo architecture, Acra architecture et Oasiis, de M. A... et du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 8 000 euros à verser à la société Ion Cindea Ingénieur Conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :
- la société Ion Cindea Ingénieur Conseil est fondée à solliciter le paiement des sommes dues au titre du paiement du marché principal et des marchés complémentaires ;
- les clauses relatives à ses honoraires complémentaires sont licites ;
- elle n'a commis aucune faute ;
- subsidiairement elle ne pourrait être condamnée que pour 47 jours de retard et que pour les préjudices du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ayant un lien direct avec ses manquements éventuels ;
- sa condamnation ne peut pas être prononcée in solidum ;
- en cas de condamnation in solidum elle serait fondée à appeler en garantie les intervenants dont l'expert a relevé les manquements.

Par une ordonnance du 5 avril 2023 prise sur le fondement du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, l'instruction a été close avec effet immédiat.

Un mémoire présenté pour la Mutuelle des architectes français a été enregistré le 22 juin 2023.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité pour tardiveté de la requête du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, à l'exception de ses conclusions dirigées contre l'article 7 du dispositif du jugement compte tenu de l'intervention d'une ordonnance de rectification matérielle qui en a modifié la portée, et de l'irrecevabilité par voie de conséquence des conclusions d'appel incident et d'appel provoqué des sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, Ion Cindea ingénieur Conseil et de M. A....





Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mbouhou, représentant le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, de Me Boudet, représentant la société Egis bâtiments et de Me Lallemand, représentant M. B... A....

Une note en délibéré produite pour le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a été enregistrée le 27 juillet 2023.


Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, auquel a succédé, à compter du 1er janvier 2016, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, a conclu un marché public de travaux comprenant 19 lots pour la construction d'une cité hospitalière, constituée d'un établissement public départemental de santé mentale (EDPSM) sur deux niveaux, d'un centre hospitalier MCO (Médecine-Chirurgie-Obstétrique) sur quatre niveaux et d'un pôle unique de gestion technique et administrative commun à l'ensemble du projet. Par un marché notifié le 4 février 2002, il en a confié la maîtrise d'œuvre à un groupement conjoint constitué des sociétés Michel Beauvais et associés, mandataire, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, OTH Bâtiments, devenue Egis Bâtiments et Ion Cindea Ingénieur Conseil, ainsi que de M. A.... En cours d'exécution, sept avenants au marché principal et quatre marchés complémentaires ont été conclus. Les travaux, dont la réception était initialement prévue le 19 mars 2008, ont finalement été réceptionnés avec réserves le 31 mars 2011. Par un courrier du 3 avril 2018 resté sans réponse, le groupement de maîtrise d'œuvre, par l'intermédiaire de son mandataire, a mis en demeure le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin d'établir le décompte général et définitif des marchés. Les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, OTH Bâtiments, devenue Egis Bâtiments et Ion Cindea Ingénieur Conseil et M. A... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'arrêter le décompte général et définitif du marché principal et des quatre marchés complémentaires et de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser les sommes correspondantes. Ce dernier a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation solidaire des membres du groupement de maîtrise d'œuvre à l'indemniser du préjudice qu'il aurait subi du fait de leurs fautes. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté ses conclusions reconventionnelles et a fait droit en partie aux demandes des membres du groupement de maîtrise d'œuvre.


Sur la recevabilité :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 811-5 du même code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis (...) ". Aux termes de l'article R. 421-7 de ce même code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent (...) à la Martinique (...) ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 de ce même code, les " parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles ".


3. D'autre part, aux termes de l'article R. 741-11 du code de justice administrative : " Lorsque le président du tribunal administratif, de la cour administrative d'appel ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux constate que la minute d'une décision est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle non susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, il peut y apporter, par ordonnance rendue dans le délai d'un mois à compter de la notification aux parties, les corrections que la raison commande. / La notification de l'ordonnance rectificative rouvre, le cas échéant, le délai d'appel ou de recours en cassation contre la décision ainsi corrigée (...) ". La correction d'une erreur matérielle effectuée sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-11 du code de justice administrative ne conduit à différer le point de départ du délai d'appel que dans la mesure où cette correction, soit par elle-même, soit de façon indivisible avec d'autres parties du jugement ou de l'ordonnance qui en fait l'objet, a une incidence sur la portée qui était la leur initialement.


4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été mis à disposition du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin dans l'application télérecours le 14 avril 2021, avec la mention des voies et délais de recours, et que celui-ci l'a consulté le 15 avril 2021. Le jugement étant réputé lui avoir été notifié à cette date, il avait, compte tenu de la localisation de son siège en Martinique, jusqu'au 16 juillet 2021 minuit pour faire appel de ce jugement, mais sa requête n'a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux que le 19 juillet 2021. Le jugement attaqué a toutefois fait l'objet de deux ordonnances de rectification d'erreur matérielle. L'une, mise à la disposition du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur télérecours le 4 juin 2021, modifie l'article 7 du jugement en augmentant le montant de sa condamnation au profit de la société Egis bâtiments. L'autre, également mise à sa disposition sur télérecours le 4 juin 2021, rejette la demande de rectification formée par les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture et Oasiis et M. A.... Dans ces conditions, seule la première ordonnance a eu pour effet de rouvrir le délai d'appel, en ce qui concerne uniquement l'article 7 du dispositif du jugement attaqué.


5. Il résulte de ce qui précède que la requête du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est recevable qu'en tant qu'elle porte sur l'article 7 du dispositif du jugement attaqué. Les conclusions d'appel incident et provoqué des sociétés Michel Beauvais associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis et Ion Cindea Ingénieur Conseil et M. A... sont, par voie de conséquence, irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relative notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.


7. Il résulte des dispositions des articles 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée et 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Ainsi, la prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'œuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage. En outre, le maître d'œuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'œuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si le maître d'œuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Enfin, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché dans la mesure où celle-ci justifie que ces difficultés sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.


8. Il résulte de l'instruction que le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin et le groupement de maîtrise d'œuvre ont conclu, les 2 juillet 2008, 29 mai 2009 et 1er juin 2012, des avenants n° 4, 5 et 6 au marché initial de maîtrise d'œuvre. Les articles 2.1 de l'avenant n° 4 et 2 de l'avenant n° 5 prévoient un surplus de rémunération au seul titre de la prolongation de la durée du chantier, calculé au prorata de cette prolongation, indépendamment de toute modification de programme ou de prestations, et l'article 3 de l'avenant n° 6 prévoit une rémunération supplémentaire forfaitaire au titre de la seule prolongation de la durée du chantier. Il ne résulte ni des modalités de calcul de la rémunération supplémentaire, ni des termes de ces clauses qu'elles ont eu pour objet d'indemniser un préjudice lié à des sujétions imprévues ou à une faute du maître de l'ouvrage.


9. Toutefois, s'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le groupement de maîtrise d'œuvre n'avait pas droit à une rémunération supplémentaire du seul fait de l'allongement de la durée du chantier eu égard au caractère forfaitaire du prix du marché, il était loisible aux parties de décider, par ces avenants, de modifier le prix du marché initial. En outre, les clauses en litige, qui visent à prendre en compte la prolongation de la durée du chantier, ne peuvent être regardées comme étant dépourvues de toute contrepartie dès lors que leur objet n'est pas strictement identique à celui du marché initial.


10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé à soutenir que ces clauses sont irrégulières en ce qu'elles constitueraient une libéralité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de la société Egis bâtiments sur ce point.
Sur les frais du litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :



Article 1er : La requête du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, aux sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis consultant, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Egis bâtiments et Thevenot-Perdereau-Manière-El Baze, à la mutuelle des architectes français et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023.




La rapporteure,




M. SAINT-MACARY

La présidente,




M. HEERS
La greffière,




O. BADOUX-GRARE


La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA05469



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