CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 20/07/2023, 22TL22197, Inédit au recueil Lebon
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 20/07/2023, 22TL22197, Inédit au recueil Lebon
CAA de TOULOUSE - 3ème chambre
- N° 22TL22197
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
20 juillet 2023
- Président
- M. REY-BÈTHBÉDER
- Rapporteur
- Mme Karine BELTRAMI
- Avocat(s)
- DURAND
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2204168 du 12 octobre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. D... A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2022 sous le n° 22TL22197, le préfet de Toulouse demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 octobre 2022 ;
2°) de rejeter la demande de M. D... A... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que le jugement doit être annulé dès lors que M. D... A... ne démontre pas que son lien avec ses enfants soit tel qu'une séparation aurait des conséquences particulièrement dommageables pour leur équilibre.
Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2023, M. D... A..., représenté par Me Durand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par une ordonnance du 31 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 avril 2023 à 12 heures.
II.- Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2022 sous le n° 22TL22199, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 12 octobre 2022.
Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement contesté et le rejet des conclusions accueillies par ce jugement au motif de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2023, M. D... A..., représenté par Me Durand, demande à la cour de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant congolais, né le 15 mai 1976 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), déclare être entré sur le territoire français le 11 mars 2020. Il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 23 juin 2020. L'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande d'asile par une décision du 30 novembre 2021. La Cour nationale du droit d'asile a confirmé ce rejet par une décision du 18 mai 2022. Par un arrêté du 30 juin 2022, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL22197, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 12 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 30 juin 2022. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 22TL22199, le préfet sollicite qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes n° 22TL22197 et n° 22TL22199 du préfet de la Haute-Garonne sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions de M. D... A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. / (...) ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence, (...). / L'admission provisoire est accordée par (...) le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué ".
4. L'appelant, déjà représenté par un avocat, n'a pas justifié du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle, n'a pas joint à son appel une telle demande et n'a pas davantage justifié d'une situation d'urgence. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer son admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
5. En premier lieu, aux termes de l'article aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret le 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...), des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. Il est constant que les deux filles de M. D... A..., Grace et Maverdi, nées en 2011 et 2013 d'une précédente union avec une ressortissante congolaise, vivent avec leur mère qui réside régulièrement sur le territoire français. Il ressort du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Foix du 12 mai 2022 que, depuis 2014, M. D... A... n'a plus de contact avec ses deux filles qui étaient alors âgées de deux ans et neuf mois, hormis quelques contacts téléphoniques. Il n'est pas établi que la mère des enfants se soit opposée à ce que ses filles maintiennent des relations personnelles avec leur père. De plus, ce dernier n'a entrepris des démarches pour renouer le lien avec ses filles que par une requête du 20 mai 2021 aux termes de laquelle il a sollicité l'exercice conjoint de l'autorité parentale et l'octroi d'un droit de visite. Si, comme le relève le juge aux affaires familiales, il est de l'intérêt des enfants d'entretenir des liens avec leurs deux parents, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, il n'existait aucun lien effectif et actuel entre M. D... A... qui n'a manifesté sa volonté de recréer des liens avec ses filles que récemment, et ces dernières. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement dont l'exécution n'aurait pas pour effet de priver les filles de M. D... A... de la présence de leur père puisqu'il s'est lui-même éloigné d'elles depuis plus de six années, ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt supérieur des enfants de l'appelant qui résident en France.
7. Il en résulte que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... A... devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que devant la cour contre cet arrêté.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. D... A... à l'encontre de l'arrêté du 30 juin 2022 :
8. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 et celles des articles L. 721-3 à L. 721-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il précise les conditions d'entrée de M. D... A... en France, rappelle le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmé par la Cour nationale du droit d'asile. Il mentionne les principaux éléments de la situation personnelle de l'intéressé et la circonstance que ce dernier n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, l'arrêté comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est suffisamment motivé.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté serait entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation de l'appelant dès lors que cet arrêté n'a pas ignoré la présence de ses quatre enfants mineurs en France.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
11. Pour les motifs exposés au point 6, M. D... A... ne justifie pas entretenir des liens effectifs et actuels avec ses deux filles mineures, nées d'une précédente union avec une ressortissante congolaise qui réside régulièrement sur le territoire français. De plus, selon ses déclarations, il n'est entré que récemment en France, le 11 mars 2020, pour y présenter une demande d'asile et sa compagne, ressortissante angolaise, avec laquelle il justifie, par les pièces produites, avoir eu une fille, B..., née le 20 mai 2017 à Kinshasa, de nationalité congolaise, et une autre fille, C..., née le 24 avril 2021 en France, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à destination de l'Angola. Aucun obstacle ne s'oppose dès lors à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, notamment en République démocratique du Congo, dont l'appelant et sa fille B... ont la nationalité. Compte tenu de ces éléments, l'arrêté attaqué ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
12. En quatrième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire national n'étant pas illégale, la décision fixant le pays de destination n'est pas dépourvue de base légale.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. L'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de cet article.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2022 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. D... A....
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :
16. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 12 octobre 2022. Par conséquent, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. D... A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre M. D... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL22199 du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 octobre 2022 prononçant l'annulation de son arrêté du 30 juin 2022.
Article 3 : Le jugement n° 2204168 du 12 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé et la demande de M. D... A... devant ce tribunal est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22TL22197 ; 22TL22199
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2204168 du 12 octobre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. D... A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2022 sous le n° 22TL22197, le préfet de Toulouse demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 octobre 2022 ;
2°) de rejeter la demande de M. D... A... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que le jugement doit être annulé dès lors que M. D... A... ne démontre pas que son lien avec ses enfants soit tel qu'une séparation aurait des conséquences particulièrement dommageables pour leur équilibre.
Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2023, M. D... A..., représenté par Me Durand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par une ordonnance du 31 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 avril 2023 à 12 heures.
II.- Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2022 sous le n° 22TL22199, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 12 octobre 2022.
Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement contesté et le rejet des conclusions accueillies par ce jugement au motif de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2023, M. D... A..., représenté par Me Durand, demande à la cour de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant congolais, né le 15 mai 1976 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), déclare être entré sur le territoire français le 11 mars 2020. Il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 23 juin 2020. L'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande d'asile par une décision du 30 novembre 2021. La Cour nationale du droit d'asile a confirmé ce rejet par une décision du 18 mai 2022. Par un arrêté du 30 juin 2022, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL22197, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 12 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 30 juin 2022. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 22TL22199, le préfet sollicite qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes n° 22TL22197 et n° 22TL22199 du préfet de la Haute-Garonne sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions de M. D... A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. / (...) ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence, (...). / L'admission provisoire est accordée par (...) le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué ".
4. L'appelant, déjà représenté par un avocat, n'a pas justifié du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle, n'a pas joint à son appel une telle demande et n'a pas davantage justifié d'une situation d'urgence. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer son admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
5. En premier lieu, aux termes de l'article aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret le 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...), des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. Il est constant que les deux filles de M. D... A..., Grace et Maverdi, nées en 2011 et 2013 d'une précédente union avec une ressortissante congolaise, vivent avec leur mère qui réside régulièrement sur le territoire français. Il ressort du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Foix du 12 mai 2022 que, depuis 2014, M. D... A... n'a plus de contact avec ses deux filles qui étaient alors âgées de deux ans et neuf mois, hormis quelques contacts téléphoniques. Il n'est pas établi que la mère des enfants se soit opposée à ce que ses filles maintiennent des relations personnelles avec leur père. De plus, ce dernier n'a entrepris des démarches pour renouer le lien avec ses filles que par une requête du 20 mai 2021 aux termes de laquelle il a sollicité l'exercice conjoint de l'autorité parentale et l'octroi d'un droit de visite. Si, comme le relève le juge aux affaires familiales, il est de l'intérêt des enfants d'entretenir des liens avec leurs deux parents, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, il n'existait aucun lien effectif et actuel entre M. D... A... qui n'a manifesté sa volonté de recréer des liens avec ses filles que récemment, et ces dernières. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement dont l'exécution n'aurait pas pour effet de priver les filles de M. D... A... de la présence de leur père puisqu'il s'est lui-même éloigné d'elles depuis plus de six années, ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt supérieur des enfants de l'appelant qui résident en France.
7. Il en résulte que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... A... devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que devant la cour contre cet arrêté.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. D... A... à l'encontre de l'arrêté du 30 juin 2022 :
8. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 et celles des articles L. 721-3 à L. 721-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il précise les conditions d'entrée de M. D... A... en France, rappelle le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmé par la Cour nationale du droit d'asile. Il mentionne les principaux éléments de la situation personnelle de l'intéressé et la circonstance que ce dernier n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, l'arrêté comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est suffisamment motivé.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté serait entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation de l'appelant dès lors que cet arrêté n'a pas ignoré la présence de ses quatre enfants mineurs en France.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
11. Pour les motifs exposés au point 6, M. D... A... ne justifie pas entretenir des liens effectifs et actuels avec ses deux filles mineures, nées d'une précédente union avec une ressortissante congolaise qui réside régulièrement sur le territoire français. De plus, selon ses déclarations, il n'est entré que récemment en France, le 11 mars 2020, pour y présenter une demande d'asile et sa compagne, ressortissante angolaise, avec laquelle il justifie, par les pièces produites, avoir eu une fille, B..., née le 20 mai 2017 à Kinshasa, de nationalité congolaise, et une autre fille, C..., née le 24 avril 2021 en France, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à destination de l'Angola. Aucun obstacle ne s'oppose dès lors à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, notamment en République démocratique du Congo, dont l'appelant et sa fille B... ont la nationalité. Compte tenu de ces éléments, l'arrêté attaqué ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
12. En quatrième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire national n'étant pas illégale, la décision fixant le pays de destination n'est pas dépourvue de base légale.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. L'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de cet article.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2022 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. D... A....
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :
16. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 12 octobre 2022. Par conséquent, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. D... A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre M. D... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL22199 du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 octobre 2022 prononçant l'annulation de son arrêté du 30 juin 2022.
Article 3 : Le jugement n° 2204168 du 12 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé et la demande de M. D... A... devant ce tribunal est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22197 ; 22TL22199