CAA de NANCY, 4ème chambre, 18/07/2023, 22NC03016, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2202416 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 juin 2022, a enjoint au préfet de délivrer à M. C... un certificat de résident algérien dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et dans l'attente de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour et enfin a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil du requérant.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 décembre 2022 et le 27 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 novembre 2022 du tribunal administratif de Nancy, y compris dans ses dispositions financières ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté au motif d'une méconnaissance des stipulations du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors que M. C... ne justifie pas subvenir aux besoins de sa fille née le 25 octobre 2021 ;
- l'intéressé représente un risque à l'ordre public suffisant pour justifier un refus d'admission au séjour ;
- aucun des autres moyens présentés en première instance par M. C... n'est fondé.


Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2023, M. C..., représenté par Me Bach-Wassermann, conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête ;
- en tout état de cause, à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 29 juin 2022 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou à titre subsidiaire une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou à titre très subsidiaire sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code ;
- à titre infiniment subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
- à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit en considérant qu'il ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien ; il a démontré qu'il participait à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il ne constitue pas une menace à l'ordre public au regard des faits qui lui sont reprochés ;
- le refus du préfet de faire usage de son pouvoir de régularisation et de l'admettre au séjour à titre exceptionnel est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.


Par une ordonnance du 27 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 18 avril 2023 à midi.

Le mémoire produit par le préfet de Meurthe-et-Moselle le 9 juin 2023, soit après la clôture d'instruction, n'a pas été communiqué.


M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.


Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 24 mars 1997, a déclaré être entré irrégulièrement en France en janvier 2020. Par un arrêté du 22 août 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 22 août 2021 et a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la situation de M. C.... Par un arrêté du 29 juin 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 10 novembre 2022 du tribunal administratif de Nancy qui a annulé son arrêté préfectoral du 29 juin 2022.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale est délivré de plein droit : / (...) / 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ". Les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

3. Pour refuser de délivrer à M. C... un titre de séjour sur le fondement des stipulations citées au point précédent, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur la circonstance que la présence de l'intéressé en France constituait une menace à l'ordre public. Le préfet conteste en outre, au contentieux, que l'intéressé subvienne aux besoins de sa fille.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... est le père d'une enfant prénommée Chaïma, née le 25 octobre 2021 et de nationalité française, qu'il a reconnue par anticipation le 30 juillet 2021. Il est également établi que le requérant vit avec la mère de l'enfant et qu'il participe au quotidien au suivi et à l'éducation de cette enfant, sur laquelle il n'est pas contesté qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que les conditions exigées par les stipulations citées au point 2 ne sont pas satisfaites.

5. D'autre part, l'arrêté litigieux indique que M. C... avait été interpellé le 12 janvier 2022 par les services de police pour des faits de violence sans incapacité commis le 1er janvier 2021 par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un PACS, puis le 21 août 2021 lors d'un contrôle routier en excès de vitesse, qu'il avait travaillé illégalement pour la société Uber et enfin qu'il avait falsifié la date de fin de validité de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée par les services préfectoraux. S'il est constant que M. C... est connu défavorablement par les services de police, comme le démontre le préfet de Meurthe-et-Moselle, les circonstances précédemment rappelées ne permettent pas, à elles seule, de considérer que sa présence sur le territoire français constituerait une menace à l'ordre public, étant précisé que les agissements ultérieurs à cet arrêté, dont se prévaut le préfet dans ses écritures, ne peuvent être pris en considération car sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, et alors que M. C... remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence algérien sur le fondement du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, c'est à tort que le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a opposé la menace à l'ordre public pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté préfectoral du 29 juin 2022, lui a enjoint de délivrer à M. C... un certificat de résidence algérien et a mis à la charge de l'Etat une somme à verser au conseil du demandeur.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 200 euros à verser à Me Bach-Wassermann, représentant M. C..., sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.


D E C I D E :


Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Bach-Wassermann une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bach-Wassermann renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bach-Wassermann.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. B...
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N° 22NC03016



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