CAA de NANCY, 1ère chambre, 17/07/2023, 22NC00112, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, 1ère chambre, 17/07/2023, 22NC00112, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY - 1ère chambre
- N° 22NC00112
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
17 juillet 2023
- Président
- M. WALLERICH
- Rapporteur
- M. Jean-Baptiste SIBILEAU
- Avocat(s)
- BERTIN
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel la préfète de la Haute-Saône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Par un jugement n° 2100532 du 19 mai 2021, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours.
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2022 par lequel le préfet de la Haute-Saône a décidé de l'assigner à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2200189 du 11 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 22NC00112 le 17 janvier 2022, M. A... B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100532 du tribunal administratif de Besançon du 19 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel la préfète de la Haute-Saône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné en cas de non-respect de ce délai ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Saône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant notification de la décision à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que l'arrêté du 15 mars 2021 méconnaît le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car d'une part il est mineur et que d'autre part son âge a été évalué au terme d'une procédure irrégulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés
Par une ordonnance du 14 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2022.
M. B... a produit un mémoire le 18 janvier 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 13 décembre 2021.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC00168 le 17 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200189 du tribunal administratif de Besançon du 11 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2022 par lequel le préfet de la Haute-Saône a décidé de l'assigner à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- son éloignement n'est pas une perspective raisonnable ;
- l'arrêté du 15 mars 2021 méconnaît le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car d'une part il est mineur et que d'autre part son âge a été évalué au terme d'une procédure irrégulière ;
- l'administration aurait dû prescrire des examens médicaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête qui a perdu son objet en raison de l'abrogation de l'arrêté du 18 janvier 2022.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 16 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien, qui déclare être né le 7 mars 2004, est entré irrégulièrement en France à une date indéterminée. À la suite de l'évaluation de sa minorité et de son isolement sur le territoire français, l'intéressé a été déclaré majeur le 2 mars 2021 par le conseil départemental de Haute-Saône et sa demande de prise en charge a été refusée. Par un arrêté du 15 mars 2021, la préfète de la Haute-Saône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Par un jugement n° 2100532 du 19 mai 2021, le président du tribunal administratif a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté. Par un arrêté en date du 18 janvier 2022, le préfet de la Haute-Saône a assigné M. B... dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2200189 du 11 février 2022, le tribunal administratif de Besançon a également rejeté ce recours.
2. Les requêtes susvisées n° 22NC00112 et n° 23NC00168, présentées pour M. B..., concernent la situation d'une même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'étendue du litige :
3. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête, la décision du 18 janvier 2022 a été abrogée par une décision du préfet de la Haute-Saône du 15 mars 2022. L'arrêté du 18 janvier 2022 a obligé M. B... non seulement à se présenter quotidiennement aux services de police à 10 heures mais également à rester à son domicile tous les jours de 14 heures à 16 heures pour une durée de quarante-cinq jours. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 18 janvier 2022 n'ait pas été exécuté, même partiellement. Dès lors, les conclusions tendant à son annulation ne sont pas devenues sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 janvier 2022 :
4. L'illégalité d'un acte administratif non réglementaire peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Cette exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée.
5. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable le 15 mars 2021 : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ".
6. Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Par ailleurs aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 susvisé : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".
7. Les dispositions citées au point précédent posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
8. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
9. M. B... a produit à l'appui de sa demande une carte d'identité consulaire délivrée le 9 décembre 2021, un acte de naissance délivré en mars 2021 par un officier d'état civil malien certifié conforme par M. Boubacar Abba Maïga, conseiller au consulat général du Mali le 7 décembre 2021. De surcroît, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Vesoul par une décision du 11 février 2022 a confié l'intéressé au département de la Haute-Saône en raison de sa minorité jusqu'au 7 mars 2022. Le juge des enfants a également requis par commission rogatoire les services de la police aux frontières d'un examen technique des documents produits par M. B... à l'appui de sa demande. La cellule de lutte contre la fraude documentaire interdépartementale de Pontarlier, dans un rapport du 29 mars 2022, a remis en cause l'authenticité de ces documents en raison notamment d'erreurs factuelles et d'irrégularités de présentation. Il ressort pourtant des pièces du dossier que ces éléments ne constituent que des erreurs de plume ou des irrégularités formelles mineures qui ne permettent pas de remettre en cause l'identité et l'âge de l'intéressé. Par ailleurs, il n'est ni établi ni même allégué que le juge des enfants, qui a requis cette analyse et a été destinataire du rapport, ait modifié le sens de sa décision.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 mars 2021 :
11. L'arrêté du 15 mars 2021 doit être annulé par voie de conséquence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'exécution du présent arrêt implique que la situation de M. B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
13. Faute pour M. B... d'établir qu'il a exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale dont il bénéficie pour les besoins de la présente instance, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100532 du 19 mai 2021 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : Le jugement n° 2200189 du 11 février 2022 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 3 : L'arrêté de la préfète de la Haute-Saône du 15 mars 2021 est annulé.
Article 4 : L'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 18 janvier 2022 est annulé.
Article 5 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Saône de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N°s 22NC00112-23NC00168
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel la préfète de la Haute-Saône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Par un jugement n° 2100532 du 19 mai 2021, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours.
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2022 par lequel le préfet de la Haute-Saône a décidé de l'assigner à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2200189 du 11 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 22NC00112 le 17 janvier 2022, M. A... B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100532 du tribunal administratif de Besançon du 19 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel la préfète de la Haute-Saône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné en cas de non-respect de ce délai ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Saône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant notification de la décision à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que l'arrêté du 15 mars 2021 méconnaît le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car d'une part il est mineur et que d'autre part son âge a été évalué au terme d'une procédure irrégulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés
Par une ordonnance du 14 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2022.
M. B... a produit un mémoire le 18 janvier 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 13 décembre 2021.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC00168 le 17 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200189 du tribunal administratif de Besançon du 11 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2022 par lequel le préfet de la Haute-Saône a décidé de l'assigner à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- son éloignement n'est pas une perspective raisonnable ;
- l'arrêté du 15 mars 2021 méconnaît le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car d'une part il est mineur et que d'autre part son âge a été évalué au terme d'une procédure irrégulière ;
- l'administration aurait dû prescrire des examens médicaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête qui a perdu son objet en raison de l'abrogation de l'arrêté du 18 janvier 2022.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 16 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien, qui déclare être né le 7 mars 2004, est entré irrégulièrement en France à une date indéterminée. À la suite de l'évaluation de sa minorité et de son isolement sur le territoire français, l'intéressé a été déclaré majeur le 2 mars 2021 par le conseil départemental de Haute-Saône et sa demande de prise en charge a été refusée. Par un arrêté du 15 mars 2021, la préfète de la Haute-Saône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Par un jugement n° 2100532 du 19 mai 2021, le président du tribunal administratif a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté. Par un arrêté en date du 18 janvier 2022, le préfet de la Haute-Saône a assigné M. B... dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2200189 du 11 février 2022, le tribunal administratif de Besançon a également rejeté ce recours.
2. Les requêtes susvisées n° 22NC00112 et n° 23NC00168, présentées pour M. B..., concernent la situation d'une même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'étendue du litige :
3. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête, la décision du 18 janvier 2022 a été abrogée par une décision du préfet de la Haute-Saône du 15 mars 2022. L'arrêté du 18 janvier 2022 a obligé M. B... non seulement à se présenter quotidiennement aux services de police à 10 heures mais également à rester à son domicile tous les jours de 14 heures à 16 heures pour une durée de quarante-cinq jours. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 18 janvier 2022 n'ait pas été exécuté, même partiellement. Dès lors, les conclusions tendant à son annulation ne sont pas devenues sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 janvier 2022 :
4. L'illégalité d'un acte administratif non réglementaire peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Cette exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée.
5. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable le 15 mars 2021 : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ".
6. Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Par ailleurs aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 susvisé : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".
7. Les dispositions citées au point précédent posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
8. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
9. M. B... a produit à l'appui de sa demande une carte d'identité consulaire délivrée le 9 décembre 2021, un acte de naissance délivré en mars 2021 par un officier d'état civil malien certifié conforme par M. Boubacar Abba Maïga, conseiller au consulat général du Mali le 7 décembre 2021. De surcroît, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Vesoul par une décision du 11 février 2022 a confié l'intéressé au département de la Haute-Saône en raison de sa minorité jusqu'au 7 mars 2022. Le juge des enfants a également requis par commission rogatoire les services de la police aux frontières d'un examen technique des documents produits par M. B... à l'appui de sa demande. La cellule de lutte contre la fraude documentaire interdépartementale de Pontarlier, dans un rapport du 29 mars 2022, a remis en cause l'authenticité de ces documents en raison notamment d'erreurs factuelles et d'irrégularités de présentation. Il ressort pourtant des pièces du dossier que ces éléments ne constituent que des erreurs de plume ou des irrégularités formelles mineures qui ne permettent pas de remettre en cause l'identité et l'âge de l'intéressé. Par ailleurs, il n'est ni établi ni même allégué que le juge des enfants, qui a requis cette analyse et a été destinataire du rapport, ait modifié le sens de sa décision.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 mars 2021 :
11. L'arrêté du 15 mars 2021 doit être annulé par voie de conséquence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'exécution du présent arrêt implique que la situation de M. B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
13. Faute pour M. B... d'établir qu'il a exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale dont il bénéficie pour les besoins de la présente instance, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100532 du 19 mai 2021 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : Le jugement n° 2200189 du 11 février 2022 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 3 : L'arrêté de la préfète de la Haute-Saône du 15 mars 2021 est annulé.
Article 4 : L'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 18 janvier 2022 est annulé.
Article 5 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Saône de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N°s 22NC00112-23NC00168