Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13/07/2023, 452599
Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13/07/2023, 452599
Conseil d'État - 3ème - 8ème chambres réunies
- N° 452599
- ECLI:FR:CECHR:2023:452599.20230713
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
jeudi
13 juillet 2023
- Rapporteur
- M. Patrick Pailloux
- Avocat(s)
- SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; CABINET FRANÇOIS PINET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le syndicat CFDT Interco 67 a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 26 octobre 2015 par laquelle le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin a refusé le bénéfice d'une décharge d'activité de service à M. A... sur le contingent calculé par le centre de gestion et a refusé de procéder au remboursement des heures de décharge de M. A... et, d'autre part, d'annuler la décision du 21 avril 2016 par laquelle le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin a rejeté son recours gracieux contre la décision du 26 octobre 2015. Par un jugement n° 1602246 - 1603510 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes du syndicat CFDT Interco 67.
Par un arrêt n° 119NC01092 du 16 mars 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par le syndicat CFDT Interco 67 contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat CFDT Interco 67 demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-397 du 3 avril 1985 ;
- le décret n° 85-643 du 26 juin 1985 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Patrick Pailloux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat CFDT Interco 67 et au Cabinet François Pinet, avocat du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... est attaché territorial du syndicat mixte de coopération du parc naturel régional des Vosges du nord (Sycoparc). Par un courrier adressé le 3 septembre 2015 au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin, le syndicat Interco CFDT 67 a désigné M. A... comme bénéficiaire d'une décharge d'activité partielle de service de huit heures par mois sur le contingent des heures attribuées par le centre de gestion au syndicat CFDT Interco 67. Par une décision du 26 octobre 2015, le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin a refusé pour M. A... le bénéfice d'une telle décharge sur le contingent d'heures du centre de gestion. Le syndicat CFDT Interco 67 a formé, le 15 décembre 2015, un recours gracieux contre cette décision, rejeté par une décision implicite à laquelle s'est substituée une décision expresse de rejet du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin du 21 avril 2016. Par un arrêt du 16 mars 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par le syndicat CFDT Interco 67 contre le jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 26 octobre 2015 et du 21 avril 2016. Le syndicat CFDT Interco 67 se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Aux termes de l'article 100-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. ' Sous réserve des nécessités du service, les collectivités et établissements accordent un crédit de temps syndical aux responsables des organisations syndicales représentatives. Celui-ci comprend deux contingents : / 1° Un contingent est utilisé sous forme d'autorisations d'absence (...) 2° Un contingent est accordé sous forme de décharges d'activité de service. Il permet aux agents publics d'exercer, pendant leurs heures de service, une activité syndicale au profit de l'organisation syndicale à laquelle ils appartiennent et qui les a désignés en accord avec la collectivité ou l'établissement (...) / [2nd alinéa] Les centres de gestion calculent ce contingent de décharges d'activité de service pour les collectivités et établissements obligatoirement affiliés et leur versent les charges salariales de toute nature afférentes à ces décharges d'activité de service concernant l'ensemble des agents de ces collectivités et établissements. / (...) ".
3. Aux termes de l'article 15 de la même loi, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont obligatoirement affiliés aux centres de gestion les communes et leurs établissements publics qui emploient moins de trois cent cinquante fonctionnaires titulaires et stagiaires à temps complet (...) / L'affiliation est facultative pour les autres collectivités et établissements ". Le 1° de l'article 2 du décret du 26 juin 1985 relatif aux centres de gestion institués par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale, pris pour l'application de l'article 15 de la loi du 26 janvier 1984, précise que sont affiliés au centre départemental de gestion à titre obligatoire : " / a) Les communes qui emploient moins de 350 fonctionnaires titulaires ou stagiaires à temps complet ; / b) Les communes qui, n'employant aucun fonctionnaire titulaire ou stagiaire à temps complet, emploient au moins un fonctionnaire à temps non complet ; / c) Les communes qui n'emploient que des agents non titulaires ; / d) Les établissements publics administratifs communaux et intercommunaux qui ont leur siège dans le département et qui répondent aux conditions définies aux a, b et c ci-dessus ".
4. Aux termes de l'article 22 de la même loi : " Les dépenses supportées par les centres de gestion pour l'exercice des missions obligatoires énumérées aux articles 23 et 100 sont financées par une cotisation obligatoire payée par les collectivités et établissements concernés ". Aux termes du II de l'article 23 de cette même loi : " II.- Les centres de gestion assurent pour leurs fonctionnaires, y compris ceux qui sont mentionnés à l'article 97, et pour l'ensemble des fonctionnaires des collectivités territoriales et établissements publics affiliés, les missions suivantes (...) / 10° Le fonctionnement des comités techniques dans les cas et conditions prévus à l'article 32 ; / 11° Le calcul du crédit de temps syndical et le remboursement des charges salariales afférentes à l'utilisation de ce crédit dans les cas prévus au second alinéa des 1° et 2° du I de l'article 100-1 (...) ". Aux termes de l'article 32 de cette même loi : " Un comité technique est créé dans chaque collectivité ou établissement employant au moins cinquante agents, ainsi qu'auprès de chaque centre de gestion pour les collectivités et établissements affiliés employant moins de cinquante agents ".
5. Aux termes de l'article 12 du décret du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale : " Le crédit de temps syndical comprend deux contingents : / 1° Un contingent d'autorisations d'absence ; / 2° Un contingent de décharges d'activité de service ". Aux termes de l'article 13 de ce même décret : " Chacun des contingents mentionnés aux 1° et 2° de l'article 12 est réparti entre les organisations syndicales, compte tenu de leur représentativité appréciée de la manière suivante : / 1° La moitié entre les organisations syndicales représentées au comité technique ou aux comités techniques du périmètre retenu pour le calcul du contingent, en fonction du nombre de sièges qu'elles détiennent ; / 2° L'autre moitié entre toutes les organisations syndicales ayant présenté leur candidature à l'élection du comité technique ou des comités techniques du périmètre retenu pour le calcul du contingent, proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenues ". L'article 19 du même décret prévoit, d'une part, que le contingent de décharges d'activité de service mentionné au 2° de l'article 12 est calculé par chaque collectivité ou établissement non obligatoirement affilié à un centre de gestion, conformément à un barème dégressif en fonction du nombre d'électeurs inscrits sur la liste électorale du comité technique ou des comités techniques du périmètre retenu. Cet article 19 prévoit, d'autre part, pour les collectivités et établissements obligatoirement affiliés à un centre de gestion que ce contingent est calculé par le centre de gestion conformément au même barème. Cet article 19 ajoute, enfin, pour les collectivités et établissements obligatoirement affiliés, que les heures de décharge ainsi calculées sont ensuite réparties par le centre de gestion entre les organisations syndicales selon les critères définis à l'article 13 du même décret et que les centres de gestion remboursent les rémunérations supportées par ces collectivités et établissements dont certains agents bénéficient de décharges de service. Aux termes de l'article 20 de ce décret : " Les organisations syndicales désignent les agents bénéficiaires des décharges d'activité de service parmi leurs représentants en activité dans le périmètre du ou des comités techniques pris en compte pour le calcul du contingent concerné ".
6. Il résulte des dispositions citées aux points 2 à 5 qu'il appartient au centre de gestion de calculer le contingent de décharges d'activité de service pour les syndicats mixtes qui lui sont affiliés, alors même que cette affiliation n'est pas obligatoire, et dont le comité technique est placé auprès de lui. Il résulte également de ces dispositions que dès lors qu'un centre de gestion calcule le contingent de décharges d'activité de service pour les syndicats mixtes qui lui sont affiliés, il lui incombe de procéder au remboursement des charges salariales afférentes à l'utilisation de ce contingent.
7. Par suite, en jugeant que les centres départementaux de gestion calculent le contingent des décharges d'activité de service accordées aux responsables des organisations syndicales représentatives pour les seuls collectivités et établissements obligatoirement affiliés en vertu des dispositions de l'article 15 de la loi du 26 janvier 1984, et non pour les collectivités et établissements affiliés à titre volontaire à un centre de gestion et dont le comité technique est placé auprès de lui, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le syndicat CFDT Interco 67 est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
10. Il ressort des pièces du dossier que le Sycoparc est un syndicat mixte qui regroupe notamment plusieurs chambres de commerce et d'industrie territoriales, d'agriculture, de métiers ainsi que de l'Office national des forêts. Dès lors, il n'entre dans aucune des catégories de collectivité ou d'établissement public dont le 1° de l'article 2 du décret du 26 juin 1985, cité au point 3, prévoit que l'affiliation au centre de gestion est obligatoire, et doit donc, conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi du 26 janvier 1984 également citées au point 3, être regardé comme un syndicat mixte volontairement affilié au centre départemental de gestion du Bas-Rhin. Il n'est par ailleurs pas contesté que le Sycoparc est un établissement de moins de 50 agents et que son comité technique est placé auprès du centre de gestion. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le centre de gestion du Bas-Rhin doit inclure le Sycoparc dans le calcul du contingent de décharges d'activité de service et lui rembourser les charges salariales afférentes à l'utilisation de ce contingent par des décharges attribuées à ses agents.
11. Dans ces conditions, le syndicat CFDT Interco 67, dûment représenté par sa secrétaire générale et qui justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation des décisions, qui lui faisaient grief, ressortant des courriers par lesquels le président du centre de gestion du Bas-Rhin a refusé de rembourser au Sycoparc les heures de décharge d'activité de service attribuées par ce syndicat, sur le contingent qui lui avait été alloué par le centre de gestion, à M. A..., agent du Sycoparc, est fondé à soutenir que le président du centre de gestion ne pouvait légalement fonder ce refus sur le seul motif que ce remboursement n'incombait pas au centre de gestion. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a, par le jugement attaqué, rejeté les conclusions du syndicat requérant tendant à l'annulation des décisions contestées.
12. L'annulation de ces décisions implique que la demande du syndicat CFDT Interco 67 soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au président du centre de gestion de réexaminer la demande du syndicat dans un délai de trois mois.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre de gestion du Bas-Rhin, au titre de la première instance et des instances d'appel et de cassation, la somme de 5 000 euros, à verser au syndicat CFDT Interco 67 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du syndicat CFDT Interco 67 qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 16 mars 2021 et l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 février 2019 sont annulés.
Article 2 : Les décisions du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin du 26 octobre 2015 et du 21 avril 2016 sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin de réexaminer la demande du syndicat CFDT Interco 67 dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin versera au syndicat CFDT Interco 67 la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au syndicat CFDT Interco 67 et au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin.
Copie en sera adressée à la Fédération Interco CFDT et à M. A....
Délibéré à l'issue de la séance du 28 juin 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Patrick Pailloux conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 13 juillet 2023.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Patrick Pailloux
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin