Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 02/06/2023, 461645, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 02/06/2023, 461645, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État - 6ème - 5ème chambres réunies
- N° 461645
- ECLI:FR:CECHR:2023:461645.20230602
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
02 juin 2023
- Rapporteur
- Mme Rozen Noguellou
- Avocat(s)
- SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière (SCI) du 90-94 avenue de la République a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le maire de Montgeron lui a accordé un permis de construire pour procéder à la surélévation d'un immeuble dont elle est propriétaire et y aménager huit logements, en tant qu'il comporte, en son article 2, différentes prescriptions applicables à la construction, ainsi que la décision du 1er février 2021 rejetant son recours gracieux dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté. Par un jugement n° 2100905 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé les prescriptions attachées au permis de construire relatives, d'une part, aux volets extérieurs de la construction, en prévoyant que ceux-ci doivent être des " volets battants persiennes en bois peint munis de lames à la française ajourées " et, d'autre part, aux modèles des portes d'accès, qui devaient être transmis pour avis au maire avant réalisation, et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 février, 17 mai et 19 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI du 90-94 avenue de la République demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montgeron la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société civile immobilière du 90-94 avenue de la République et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Montgeron ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 5 août 2020, le maire de la commune de Montgeron a délivré à la SCI du 90-94 avenue de la République un permis de construire en vue de la surélévation d'un immeuble dont la SCI était propriétaire et de la réalisation, dans la partie ainsi surélevée, de huit logements. Ce permis de construire était assorti de douze prescriptions. Après le rejet du recours gracieux qu'elle avait formé, le 5 octobre 2020, contre sept de ces prescriptions, la SCI du 90-94 avenue de la République a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du maire lui délivrant un permis de construire, en tant qu'il comportait l'ensemble des prescriptions qui lui étaient attachées. Par un jugement du 17 décembre 2021, contre lequel la SCI du 90-94 avenue de la République se pourvoit en cassation dans la mesure où il lui est défavorable, le tribunal administratif de Versailles a annulé les prescriptions relatives aux volets extérieurs et aux modèles des portes d'accès, et rejeté le surplus des conclusions de la société.
Sur la compétence du Conseil d'Etat
2. Aux termes de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative dans sa version alors applicable : " Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application (...) ".
3. En premier lieu, ces dispositions, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements, dérogent aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative qui prévoient que " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ", et doivent donc s'interpréter strictement. Si ces dispositions sont susceptibles de s'appliquer aux permis de construire autorisant la réalisation de travaux sur une construction existante, c'est à la condition, d'une part, que les travaux ainsi autorisés aient pour objet la réalisation de logements et, d'autre part, que ces travaux aient un usage principal d'habitation, c'est-à-dire consacrent plus de la moitié de la surface de plancher autorisée à l'habitation.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que si le bâtiment, d'une surface de 862 m2, sur lequel va être réalisée l'extension autorisée par le permis délivré à la société requérante était exclusivement destiné au commerce, le projet de surélévation porte sur une surface de 414 m2, laquelle est entièrement destinée à l'habitation. Les travaux ainsi autorisés portant sur une surface dont plus de la moitié est destinée à l'habitation, puisqu'elle est même exclusivement destinée à un tel objet, le permis doit être considéré comme autorisant des travaux à usage principal d'habitation au sens et pour l'application de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative.
5. En second lieu, le recours dirigé contre les prescriptions attachées au permis de construire doit, au sens et pour l'application de l'article R. 811-1-1 précité, être considéré comme un recours contre un permis de construire.
6. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Versailles a statué, en application de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative, en premier et dernier ressort et que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître du pourvoi qu'elle a formé contre le jugement attaqué.
Sur les prescriptions attachées au permis de construire
7. En premier lieu, il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que le recours gracieux formé par la société requérante n'était dirigé que contre certaines des prescriptions attachées au permis de construire qui lui a été délivré, et que le délai de recours contentieux contre les autres prescriptions non contestées dans le recours gracieux était écoulé quand la société a saisi le tribunal administratif. Par suite, c'est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier que le tribunal administratif a jugé que les conclusions de la requête dirigées contre les prescriptions qui n'avaient pas été contestées dans le cadre du recours gracieux étaient irrecevables car tardives.
8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques (...) ". Aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : / 1° Un rapport de présentation ; / 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; / 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; / 4° Un règlement ; / 5° Des annexes. Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. Ces documents graphiques peuvent contenir des indications relatives au relief des espaces auxquels il s'applique ". Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-18 du code de l'urbanisme, " Le règlement peut déterminer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, leurs dimensions, leurs conditions d'alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l'aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l'insertion des constructions dans le milieu environnant ". Aux termes de l'article R. 151-10 du code de l'urbanisme : " Le règlement est constitué d'une partie écrite et d'une partie graphique, laquelle comporte un ou plusieurs documents. / Seuls la partie écrite et le ou les documents composant la partie graphique du règlement peuvent être opposés au titre de l'obligation de conformité définie par l'article L. 152-1 ". Aux termes de l'article R. 151-11 du code l'urbanisme : " Les règles peuvent être écrites et graphique. / Lorsqu'une règle fait exclusivement l'objet d'une représentation dans un document graphique, la partie écrite du règlement le mentionne expressément. / Tout autre élément graphique ou figuratif compris dans la partie écrite du document est réputé constituer une illustration dépourvue de caractère contraignant, à moins qu'il en soit disposé autrement par une mention expresse ".
10. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le règlement du plan local d'urbanisme renvoie à un " cahier de recommandations architecturales ", adopté selon les mêmes modalités procédurales, le soin d'expliciter ou de préciser certaines des règles figurant dans le règlement auquel il s'incorpore. Un tel document ne peut toutefois être opposé aux demandes d'autorisation d'urbanisme que s'il y est fait expressément référence dans le règlement et que ce cahier se contente d'expliciter ou préciser, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement.
11. Il ressort des motifs du jugement attaqué que l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montgeron, relatif à l'aspect extérieur des constructions, à l'aménagement de leurs abords et à la protection des éléments de paysage, prévoit que : " (...) Un cahier de recommandations architecturales et paysagères annexé au dossier de PLU vient compléter les prescriptions figurant ci-après ". Le cahier de recommandations architecturales et paysagères indique que : " Ce document est un complément qualitatif indispensable au PLU et à son règlement. Il s'agit avant tout d'un guide pédagogique qui apporte des recommandations techniques en complément du règlement (...) Le présent cahier de recommandations vise à expliciter et à prolonger les prescriptions du règlement. En cas de doute sur l'interprétation d'une disposition, c'est le règlement qui prévaut (...) ". Le tribunal administratif a relevé qu'en l'espèce, le cahier des recommandations architecturales annexé au plan local d'urbanisme de la commune, dont l'article 11 précité du règlement indique expressément qu'il vient en " compléter les dispositions " et qui mentionne, lui-même, dès son introduction qu'il est un " complément qualitatif indispensable au plan local d'urbanisme et à son règlement " devait être pris en compte par le pétitionnaire dans le cadre de l'élaboration de son projet, les auteurs du plan local d'urbanisme ayant entendu le rendre opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 qu'en se fondant sur ces motifs pour en déduire que le cahier des recommandations architecturales, annexé au plan local et auquel le règlement se référait expressément, était opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme, le tribunal administratif de Versailles n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat. / Le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect du droit de l'Union européenne, des règles relatives à l'utilisation des sols et à l'implantation, à la destination, à la nature, à l'architecture, aux dimensions et à l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d'une autre législation dans les cas prévus au chapitre V du présent titre (...) ". Aux termes de l'article L. 424-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'autorité compétente est le maire au nom de la commune ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, le permis est exécutoire, lorsqu'il s'agit d'un arrêté, à compter de sa notification au demandeur et de sa transmission au préfet dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ".
13. Il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient pas à l'autorité qui est compétente pour instruire et délivrer un permis de construire d'imposer des formalités non prévues par le code de l'urbanisme pour la mise en œuvre de l'autorisation délivrée. Dès lors, en reconnaissant à l'administration la possibilité de subordonner la mise en œuvre de certaines des prescriptions attachées au permis de construire à un " avis " préalable de la commune, formalité qui n'est prévue par aucune disposition du code de l'urbanisme, le tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Versailles du 17 décembre 2021 doit être annulé en tant qu'il a rejeté le recours de la SCI 90-94 avenue de la République contre les prescriptions visées aux points 17, 18 et 19 du jugement. Le surplus des conclusions de la SCI 90-94 avenue de la République doit être rejeté.
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montgeron la somme de 3 000 euros à verser à la SCI du 90-94 avenue de la République, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI du 90-94 avenue de la République qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 17 décembre 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté le recours de la SCI 90-94 avenue de la République contre les prescriptions visées aux points 17, 18 et 19 du jugement.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la SCI 90-94 avenue de la République est rejeté.
Article 3 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Versailles.
Article 4 : La commune de Montgeron versera à la SCI du 90-94 avenue de la République une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Montgeron au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SCI du 90-94 avenue de la République et à la commune de Montgeron.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 2 juin 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
ECLI:FR:CECHR:2023:461645.20230602
La société civile immobilière (SCI) du 90-94 avenue de la République a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le maire de Montgeron lui a accordé un permis de construire pour procéder à la surélévation d'un immeuble dont elle est propriétaire et y aménager huit logements, en tant qu'il comporte, en son article 2, différentes prescriptions applicables à la construction, ainsi que la décision du 1er février 2021 rejetant son recours gracieux dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté. Par un jugement n° 2100905 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé les prescriptions attachées au permis de construire relatives, d'une part, aux volets extérieurs de la construction, en prévoyant que ceux-ci doivent être des " volets battants persiennes en bois peint munis de lames à la française ajourées " et, d'autre part, aux modèles des portes d'accès, qui devaient être transmis pour avis au maire avant réalisation, et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 février, 17 mai et 19 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI du 90-94 avenue de la République demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montgeron la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société civile immobilière du 90-94 avenue de la République et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Montgeron ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 5 août 2020, le maire de la commune de Montgeron a délivré à la SCI du 90-94 avenue de la République un permis de construire en vue de la surélévation d'un immeuble dont la SCI était propriétaire et de la réalisation, dans la partie ainsi surélevée, de huit logements. Ce permis de construire était assorti de douze prescriptions. Après le rejet du recours gracieux qu'elle avait formé, le 5 octobre 2020, contre sept de ces prescriptions, la SCI du 90-94 avenue de la République a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du maire lui délivrant un permis de construire, en tant qu'il comportait l'ensemble des prescriptions qui lui étaient attachées. Par un jugement du 17 décembre 2021, contre lequel la SCI du 90-94 avenue de la République se pourvoit en cassation dans la mesure où il lui est défavorable, le tribunal administratif de Versailles a annulé les prescriptions relatives aux volets extérieurs et aux modèles des portes d'accès, et rejeté le surplus des conclusions de la société.
Sur la compétence du Conseil d'Etat
2. Aux termes de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative dans sa version alors applicable : " Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application (...) ".
3. En premier lieu, ces dispositions, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements, dérogent aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative qui prévoient que " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ", et doivent donc s'interpréter strictement. Si ces dispositions sont susceptibles de s'appliquer aux permis de construire autorisant la réalisation de travaux sur une construction existante, c'est à la condition, d'une part, que les travaux ainsi autorisés aient pour objet la réalisation de logements et, d'autre part, que ces travaux aient un usage principal d'habitation, c'est-à-dire consacrent plus de la moitié de la surface de plancher autorisée à l'habitation.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que si le bâtiment, d'une surface de 862 m2, sur lequel va être réalisée l'extension autorisée par le permis délivré à la société requérante était exclusivement destiné au commerce, le projet de surélévation porte sur une surface de 414 m2, laquelle est entièrement destinée à l'habitation. Les travaux ainsi autorisés portant sur une surface dont plus de la moitié est destinée à l'habitation, puisqu'elle est même exclusivement destinée à un tel objet, le permis doit être considéré comme autorisant des travaux à usage principal d'habitation au sens et pour l'application de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative.
5. En second lieu, le recours dirigé contre les prescriptions attachées au permis de construire doit, au sens et pour l'application de l'article R. 811-1-1 précité, être considéré comme un recours contre un permis de construire.
6. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Versailles a statué, en application de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative, en premier et dernier ressort et que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître du pourvoi qu'elle a formé contre le jugement attaqué.
Sur les prescriptions attachées au permis de construire
7. En premier lieu, il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que le recours gracieux formé par la société requérante n'était dirigé que contre certaines des prescriptions attachées au permis de construire qui lui a été délivré, et que le délai de recours contentieux contre les autres prescriptions non contestées dans le recours gracieux était écoulé quand la société a saisi le tribunal administratif. Par suite, c'est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier que le tribunal administratif a jugé que les conclusions de la requête dirigées contre les prescriptions qui n'avaient pas été contestées dans le cadre du recours gracieux étaient irrecevables car tardives.
8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques (...) ". Aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : / 1° Un rapport de présentation ; / 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; / 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; / 4° Un règlement ; / 5° Des annexes. Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. Ces documents graphiques peuvent contenir des indications relatives au relief des espaces auxquels il s'applique ". Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-18 du code de l'urbanisme, " Le règlement peut déterminer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, leurs dimensions, leurs conditions d'alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l'aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l'insertion des constructions dans le milieu environnant ". Aux termes de l'article R. 151-10 du code de l'urbanisme : " Le règlement est constitué d'une partie écrite et d'une partie graphique, laquelle comporte un ou plusieurs documents. / Seuls la partie écrite et le ou les documents composant la partie graphique du règlement peuvent être opposés au titre de l'obligation de conformité définie par l'article L. 152-1 ". Aux termes de l'article R. 151-11 du code l'urbanisme : " Les règles peuvent être écrites et graphique. / Lorsqu'une règle fait exclusivement l'objet d'une représentation dans un document graphique, la partie écrite du règlement le mentionne expressément. / Tout autre élément graphique ou figuratif compris dans la partie écrite du document est réputé constituer une illustration dépourvue de caractère contraignant, à moins qu'il en soit disposé autrement par une mention expresse ".
10. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le règlement du plan local d'urbanisme renvoie à un " cahier de recommandations architecturales ", adopté selon les mêmes modalités procédurales, le soin d'expliciter ou de préciser certaines des règles figurant dans le règlement auquel il s'incorpore. Un tel document ne peut toutefois être opposé aux demandes d'autorisation d'urbanisme que s'il y est fait expressément référence dans le règlement et que ce cahier se contente d'expliciter ou préciser, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement.
11. Il ressort des motifs du jugement attaqué que l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montgeron, relatif à l'aspect extérieur des constructions, à l'aménagement de leurs abords et à la protection des éléments de paysage, prévoit que : " (...) Un cahier de recommandations architecturales et paysagères annexé au dossier de PLU vient compléter les prescriptions figurant ci-après ". Le cahier de recommandations architecturales et paysagères indique que : " Ce document est un complément qualitatif indispensable au PLU et à son règlement. Il s'agit avant tout d'un guide pédagogique qui apporte des recommandations techniques en complément du règlement (...) Le présent cahier de recommandations vise à expliciter et à prolonger les prescriptions du règlement. En cas de doute sur l'interprétation d'une disposition, c'est le règlement qui prévaut (...) ". Le tribunal administratif a relevé qu'en l'espèce, le cahier des recommandations architecturales annexé au plan local d'urbanisme de la commune, dont l'article 11 précité du règlement indique expressément qu'il vient en " compléter les dispositions " et qui mentionne, lui-même, dès son introduction qu'il est un " complément qualitatif indispensable au plan local d'urbanisme et à son règlement " devait être pris en compte par le pétitionnaire dans le cadre de l'élaboration de son projet, les auteurs du plan local d'urbanisme ayant entendu le rendre opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 qu'en se fondant sur ces motifs pour en déduire que le cahier des recommandations architecturales, annexé au plan local et auquel le règlement se référait expressément, était opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme, le tribunal administratif de Versailles n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat. / Le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect du droit de l'Union européenne, des règles relatives à l'utilisation des sols et à l'implantation, à la destination, à la nature, à l'architecture, aux dimensions et à l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d'une autre législation dans les cas prévus au chapitre V du présent titre (...) ". Aux termes de l'article L. 424-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'autorité compétente est le maire au nom de la commune ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, le permis est exécutoire, lorsqu'il s'agit d'un arrêté, à compter de sa notification au demandeur et de sa transmission au préfet dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ".
13. Il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient pas à l'autorité qui est compétente pour instruire et délivrer un permis de construire d'imposer des formalités non prévues par le code de l'urbanisme pour la mise en œuvre de l'autorisation délivrée. Dès lors, en reconnaissant à l'administration la possibilité de subordonner la mise en œuvre de certaines des prescriptions attachées au permis de construire à un " avis " préalable de la commune, formalité qui n'est prévue par aucune disposition du code de l'urbanisme, le tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Versailles du 17 décembre 2021 doit être annulé en tant qu'il a rejeté le recours de la SCI 90-94 avenue de la République contre les prescriptions visées aux points 17, 18 et 19 du jugement. Le surplus des conclusions de la SCI 90-94 avenue de la République doit être rejeté.
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montgeron la somme de 3 000 euros à verser à la SCI du 90-94 avenue de la République, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI du 90-94 avenue de la République qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 17 décembre 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté le recours de la SCI 90-94 avenue de la République contre les prescriptions visées aux points 17, 18 et 19 du jugement.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la SCI 90-94 avenue de la République est rejeté.
Article 3 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Versailles.
Article 4 : La commune de Montgeron versera à la SCI du 90-94 avenue de la République une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Montgeron au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SCI du 90-94 avenue de la République et à la commune de Montgeron.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 2 juin 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain