CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 19/06/2023, 22MA01028, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société de travaux publics forestiers et agricoles (STPFA) a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, avant dire-droit, d'ordonner une expertise, d'autre part, de dresser le décompte général définitif du marché de travaux conclu le 12 novembre 2011, dont le lot n° 1 " Terrassement généraux - VRD " lui a été confié, et de condamner la commune de Ceyreste à lui verser la somme de 162 505,63 euros toutes taxes comprises pour les travaux supplémentaires exécutés dans le cadre de ce marché.

Par un jugement n° 1502689 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Ceyreste à lui verser la somme de 6 612 euros toutes taxes comprises et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 novembre 2017, le 7 mars 2018, le 4 mai 2018 et le 15 juin 2018, la Société de travaux publics forestiers et agricoles (STPFA), représentée par Me Ceccaldi, demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 septembre 2017 ;

2°) avant dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise ;

3°) de condamner la commune de Ceyreste à lui verser la somme de 162 505,63 euros toutes taxes comprises ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Ceyreste et de la SCP Bouilhol-Bernard et Ramel, maître d'œuvre, les frais d'expertise ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Ceyreste le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, d'une part, la commune de Ceyreste ne restait pas redevable de la seule somme de 6 612 euros et, d'autre part, une expertise s'avérait nécessaire ;
- les travaux supplémentaires dont elle demande le paiement ont été exécutés à la demande du maître d'ouvrage ou présentaient un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
- le préjudice résultant des fautes commises par la commune de Ceyreste dans la direction du chantier doit lui être indemnisé ; le maître de l'ouvrage a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché et dans la mise en œuvre du marché, notamment dans la coordination des différents intervenants en laissant intervenir en premier l'entreprise Cavataio, titulaire du lot n° 2 " gros œuvre ", interdisant ainsi au bureau de contrôle le recours au minage, qui est plus onéreux que le recours au fraisage ce qui a contraint la STFPA à effectuer les travaux supplémentaires dont elle sollicite le paiement ;
- ainsi, les frais générés par l'utilisation de la technique du fraisage non couverts par l'avenant n° 1, représentant la somme de 30 749 euros hors taxes, doivent lui être réglés dans la mesure où elle avait conditionné son offre initiale à l'utilisation de la technique du minage alors que le bureau d'études lui a finalement imposé le recours à la technique du fraisage ; ce surcoût, qui n'a pas été couvert par les économies opérées sur les autres lots, est en lien avec l'exécution de travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ou, à défaut, relève de la théorie des sujétions imprévues ;
- s'agissant des travaux supplémentaires liés à la réalisation d'une plate-forme de stockage, elle est fondée à demander le paiement de la somme de 42 450 euros hors taxes, ces travaux ayant été commandés par la commune de Ceyreste ; en tout état de cause, ces travaux soit étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage, soit relevaient d'une sujétion imprévue de nature à bouleverser l'économie du contrat ;
- s'agissant des travaux supplémentaires liés au rehaussement de la plate-forme, qui résultent de l'erreur de cote commise lors de la réalisation du pied du gradin par la société Cavataio en charge du lot n° 2, elle est fondée à demander la somme de 3 798 euros hors taxes eu égard à la nécessité de procéder à son relèvement afin de permettre l'accès aux gradins ; à défaut, la première marche du gradin se serait trouvée à une hauteur de 80 cm et les pièces du dossier établissent l'existence d'une demande en ce sens ;
- s'agissant des travaux supplémentaires liés à la fourniture et la pose de câblettes cuivre et de massif de candélabres pour les courts de tennis n° 5 et n° 6, qui résultent d'une erreur de conception du maître d'œuvre, elle est fondée à demander la somme de 7 600 euros hors taxes, ces travaux lui ayant été commandés et l'avenant n° 2 n'ayant jamais régularisé cette demande ; en tout état de cause, ces travaux présentent un caractère indispensable ;
- s'agissant des travaux supplémentaires liés à la réalisation de prestations en lieu et place de l'entreprise défaillante Cavataio, titulaire du lot gros œuvre n° 2, elle est fondée à demander la somme totale de 15 308,36 euros hors taxes dans la mesure où elle a été sollicitée pour effectuer des travaux de terrassement en fouille pour fondations et réseaux à hauteur de 7 199 euros hors taxes, des travaux de hérissonnage, la fourniture et la mise en œuvre de concassé à hauteur de 2 250 euros hors taxes, des travaux de terrassement en fouille pour la réalisation de gradins à hauteur de 2 929,68 euros hors taxes ainsi que des travaux de remblaiement sur l'emprise des gradins à hauteur de 2 929,68 euros hors taxes ;
- s'agissant des travaux supplémentaires liés à la réalisation de prestations en lieu et place de l'entreprise défaillante Eurovia titulaire du lot n° 12, elle est fondée à demander la somme de 30 006 euros hors taxes correspondant à la réalisation d'une couche de fondation d'une épaisseur de 34 centimètres ;
- les pièces du dossier établissent que le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage avaient connaissance de son intervention en lieu et place des deux entreprises défaillantes et le maître d'ouvrage a commis une faute en ne régularisant pas sa situation et en payant les entreprises Eurovia et Cavataio défaillantes contre l'avis du maître d'œuvre ;
- si la Cour s'estimait insuffisamment éclairée sur les montants exposés, une mesure d'expertise pourrait être ordonnée ;
- le maître d'ouvrage qui a connaissance de la présence d'un sous-traitant sur le chantier et ne met pas l'entrepreneur en demeure de le faire agréer engage sa responsabilité, en méconnaissance de l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2018, la commune de Ceyreste, représentée par Me Arnaud, demande à la Cour :

* à titre principal :

1°) de réformer le jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la STPFA la somme de 6 612 euros toutes taxes comprises et l'a condamnée à lui verser 1 000 euros ;

2°) de rejeter la requête de la STPFA ;

* à titre subsidiaire :

3°) de condamner la SCP Bouilhol-Bernard et Ramel, maître d'œuvre, à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de toute partie perdante une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- la société appelante a, de sa propre initiative, engagé des travaux supplémentaires en les estimant nécessaires à la poursuite du chantier sans même en informer le maître d'œuvre ni le maître d'ouvrage ;
- le surcoût lié à l'utilisation de la technique du fraisage, ainsi que l'a jugé le tribunal, a été pris en compte par la conclusion de l'avenant n° 1 et par la conclusion de l'avenant n° 3, et l'entreprise titulaire d'un marché à forfait est réputée en avoir accepté les risques liés aux difficultés d'exécution ;
- les travaux supplémentaires dont le paiement est demandé ont été exécutés à l'initiative de la société STPFA sans qu'un ordre de service régulier ait été notifié par le maître d'ouvrage ou par le maître d'œuvre ; ils ne sauraient dès lors être indemnisés en l'absence de démonstration de leur caractère indispensable à l'édification de l'ouvrage ;
- ainsi que l'a jugé le tribunal, l'indisponibilité de la plate-forme de stockage initialement prévue au marché conclu à un prix global et forfaitaire ne présente pas un caractère de sujétions imprévues en bouleversant l'économie générale ;
- l'appelante ne démontre pas plus en appel qu'elle ne l'a fait devant le tribunal administratif le caractère indispensable de la rehausse de la plate-forme ;
- en l'absence de démonstration de la faute commise par le maître d'œuvre dans la conception, la requérante ne saurait être indemnisée de la fourniture et de la pose de câblettes de cuivre et de massifs de candélabres ;
- c'est à tort que le tribunal a fait droit, à hauteur de la somme de 5 510 euros hors taxes, à la demande de paiement des travaux d'enrochement du court de tennis n° 6, les premiers juges s'étant bornés à affirmer le caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage de ces travaux sans faire état des éléments techniques le démontrant ;
- les défauts de réalisation ou de conception imputables à d'autres intervenants devaient être portés à la connaissance du maître d'œuvre, seul compétent pour déterminer les travaux de reprise à exécuter ;
- dès lors que la requérante a agi en qualité de sous-traitante de l'entreprise titulaire du lot n° 12 et en lieu et place de celle titulaire du lot n° 2, sans que le maître d'œuvre ni le maître d'ouvrage n'aient donné leur accord et en méconnaissance de l'article 3.5.1 du cahier des clauses administratives particulières, il lui appartient de formuler ses réclamations à leur encontre ;
- à titre subsidiaire, si la Cour venait à prononcer à son encontre une condamnation au paiement d'une quelconque somme à la société requérante, il y aurait lieu de condamner la SCP Bouilhol-Bernard et Ramel, maître d'œuvre, à la relever et à la garantir de cette condamnation ;
- en tout état de cause, la demande d'expertise doit être rejetée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2018, la SCP Bouilhol-Bernard et Ramel, maître d'œuvre, représentée par Me Hugon de Villers, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante, outre les dépens, une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'appelante ne formule aucune demande à son encontre ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 17MA04536 du 8 février 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a réformé l'article 1er de ce jugement en portant de 6 612 euros toutes taxes comprises à 71 229,60 euros toutes taxes comprises la somme que la commune de Ceyreste est condamnée à payer à la société et rejeté le surplus des conclusions d'appel de la société et l'appel incident formé par la commune contre ce jugement.

Par une décision du 25 octobre 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la STFPA, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la Société de travaux publics forestiers et agricoles (STPFA) dirigées contre cet arrêt du 8 février 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille, en tant seulement qu'il s'est prononcé sur le règlement des prestations que la société requérante soutient avoir effectuées en lieu et place des entreprises titulaires du lot n° 2 " Gros œuvre " et du lot n° 12 " Equipements et sols sportifs ".

Par une décision du 6 avril 2022, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 8 février 2021 en tant qu'il s'est prononcé sur le règlement des prestations que la société requérante soutient avoir effectuées en lieu et place des entreprises titulaires du lot n° 2 " Gros œuvre " et du lot n° 12 " Equipements et sols sportifs " et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Le Conseil d'Etat a censuré la Cour qui, après avoir relevé que la société requérante devait être regardée comme ayant agi en qualité de sous-traitante des entreprises titulaires des lots n°s 2 et 12, a omis de se prononcer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, selon lequel la commune avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant, en sa qualité de maître d'ouvrage, de faire régulariser, alors qu'elle en avait connaissance, la situation de sous-traitant dans laquelle elle se trouvait en ce qu'il lui a été demandé de réaliser une partie des travaux relevant de ces deux lots.

Par un mémoire, enregistré après renvoi le 11 mai 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 20 juin 2022, la STPFA, représentée par Me Ceccaldi, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a limité à 6 612 euros toutes taxes comprises le montant de la condamnation de la commune de Ceyreste ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Ceyreste la somme de 125 606,47 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 7 octobre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ceyreste la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- sa demande fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle de la commune est recevable ;
- les travaux supplémentaires réalisés en lieu et place des entreprises chargées du lot n° 2 " gros œuvre " et du lot n° 12 " équipements et sols sportifs " étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
- la réalisation de ces travaux en sous-traitance était connue du maitre d'ouvrage qui n'a pas respecté les dispositions de l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.

Par un mémoire, enregistré après renvoi le 19 mai 2022, la commune de Ceyreste, représentée par Me Gil-Fourrier, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la STPFA la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- les demandes indemnitaires de la STPFA fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle de la commune, qui sont nouvelles en appel, sont irrecevables ;
- elles n'ont de surcroit pas donné lieu à une demande préalable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Un courrier du 17 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 5 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,
- les conclusions de M. Olivier Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Devanlay, pour la STPFA, et de Me Crespy, pour la commune de Ceyreste.

Une note en délibéré présentée pour la STPFA a été enregistrée le 5 juin 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Ceyreste a, par un acte d'engagement du 12 novembre 2011, confié à la Société de travaux publics forestiers et agricoles (STPFA) le lot n° 1 " Terrassement généraux - VRD " du marché public de travaux à prix global et forfaitaire portant sur la construction de six courts de tennis et d'un club house. A la suite de la réception des travaux, intervenue sans réserve le 7 juin 2013, la STPFA a établi un projet de décompte final notifié le 4 août 2014 au maître d'ouvrage, en y incluant des travaux supplémentaires non prévus au marché. Le décompte général établi par le maître d'ouvrage le 5 septembre 2014 n'ayant pas repris l'intégralité des montants liés à ces travaux, la STPFA l'a contesté par un mémoire en réclamation du 7 octobre 2014 et a demandé le paiement de travaux supplémentaires qu'elle indiquait avoir réalisés en lieu et place des attributaires d'autres lots du marché pour un montant de 162 505,63 euros toutes taxes comprises. A la suite du refus opposé par la commune de Ceyreste, la société a saisi le tribunal administratif de Marseille qui, par un jugement du 21 septembre 2017, a condamné la commune à verser à la STPFA la somme de 6 612 euros. Sur appel de la STPFA, la cour administrative d'appel de Marseille par un arrêt du 8 février 2021 a reformé ce jugement en portant cette somme à 71 229,60 euros toutes taxes comprises. Par une décision du 25 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions de la STPFA dirigées contre cet arrêt, en tant seulement qu'il s'est prononcé sur le règlement des prestations que la société requérante soutient avoir effectuées en lieu et place des entreprises titulaires du lot n° 2 " Gros œuvre " et du lot n° 12 " Equipements et sols sportifs ", respectivement pour les sommes de 15 308,36 euros et de 30 006 euros. Et par une décision du 6 avril 2022, il a annulé l'arrêt de la Cour du 8 février 2021 en tant qu'il s'est prononcé sur le règlement des prestations que la société requérante soutient avoir effectuées en lieu et place des entreprises titulaires du lot n° 2 " Gros œuvre " et du lot n° 12 " Equipements et sols sportifs ", puis lui a renvoyé l'affaire dans la limite de la cassation ainsi prononcée.

Sur la demande de paiement au titre de la sous-traitance :

2. En vertu des dispositions combinées des articles 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, le paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, pour la part du marché dont il assure l'exécution, est subordonné à la double condition que, sur la demande de l'entrepreneur principal, le sous-traitant ait été " accepté " par le maître de l'ouvrage et que les conditions de paiement du contrat de sous-traitance aient été " agréées " par le maître de l'ouvrage.

3. Il résulte des pièces du dossier que la STPFA doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme ayant agi, en vertu d'un contrat verbal, en qualité de sous-traitante de l'entreprise Cavataio, titulaire du lot n° 2 " gros œuvre " pour exécuter les travaux " de terrassement en fouille pour fondations et réseaux " à hauteur de 7 199 euros hors taxes, de " hérissonnage et de mise en œuvre de concassé " à hauteur de 2 250 euros hors taxes, de " terrassement en fouille et de terrassement complémentaire pour la réalisation de gradins " à hauteur de 2 929,68 euros hors taxes et de " remblaiement sur l'emprise des gradins pour un volume de 117,187 mètres cubes " à hauteur de 2 929,68 euros hors taxes, pour un montant total de 15 308,36 euros. De même, la STPFA doit être regardée, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme ayant agi en vertu d'un contrat verbal en qualité de sous-traitante de l'entreprise Eurovia titulaire du lot n° 12 " équipements et sols sportifs " pour un montant total de 30 006 euros. En effet après avoir envisagé une réduction par avenant des missions dévolues aux titulaires des lots n°s 2 et 12, le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre y ont renoncé en raison de l'importance des moins-values qui en auraient résulté et auraient excédé le seuil de 5 % prévu par le cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux, les contrats de sous-traitance préparés n'ayant ainsi jamais été signés par les entreprises concernées alors même qu'avait été accepté par le maître d'œuvre le principe de la réalisation par l'appelante des prestations pour lesquelles les entreprises titulaires étaient rémunérées.

4. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les sociétés titulaires des lots n°s 2 et 12 du marché passé par la commune de Ceyreste aient fait accepter et agréer par le maître de l'ouvrage, au sens des dispositions de la loi précitée au point 2, la société STPFA pour l'exécution de ce marché. Par suite, la STPFA n'est pas en droit de prétendre au paiement direct par la commune de Ceyreste des travaux qu'elle a exécutés pour l'exécution des lots n°s 2 et 12 du marché en lieu et place des sociétés titulaires.

Sur la demande de paiement au titre des travaux supplémentaires :

5. Le titulaire d'un marché à prix forfaitaire a droit au paiement des travaux supplémentaires qui, même réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art. Il en va ainsi, notamment, lorsque l'inexécution ou l'exécution défectueuse de travaux par une entreprise tierce a pour effet d'obliger l'entrepreneur intéressé à effectuer des travaux non prévus au marché pour rendre les ouvrages en cause aptes à recevoir les installations dont il a la charge.

6. Contrairement à ce que soutient la STPFA, il ne résulte pas des comptes rendus de chantier dont elle se prévaut qu'elle aurait reçu un ordre de service afin de réaliser elle-même les travaux supplémentaires des lots n°s 2 et 12. En revanche alors qu'ils avaient été confiés à deux autres titulaires mais ont finalement été réalisés par la STPFA, ces travaux peuvent être regardés comme ayant eu un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

7. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4, la STPFA devant être regardée comme sous-traitante des entreprises titulaires des lots n°s 2 et 12, elle n'est par conséquent pas fondée à demander à la commune de la rémunérer pour des prestations supplémentaires qui ont d'ailleurs déjà été payées aux entrepreneurs titulaires de ces lots.

Sur la demande fondée sur la responsabilité contractuelle du maitre d'ouvrage dans ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché :

8. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

9. Il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage ait commis une faute dans ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché qui soit en lien avec le préjudice dont la STPFA demande réparation.

10. La société requérante n'est donc pas non plus fondée à demander à la commune de Ceyreste le versement des sommes de 15 308,36 euros et de 30 006 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage dans ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché.

Sur la responsabilité quasi-délictuelle fondée sur la méconnaissance de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 :

11. Ainsi que le soutient après cassation la commune de Ceyreste, dans sa demande de première instance la STPFA ne se fondait pas sur l'action en responsabilité quasi-délictuelle pour méconnaissance de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. Si dans son mémoire complémentaire de première instance elle invoquait sa qualité de sous-traitante, elle fondait seulement ses demandes sur la responsabilité contractuelle de l'autorité administrative, pour faute dans ses pouvoirs de contrôle ou de direction du marché et sur le terrain des travaux supplémentaires. Par suite ses conclusions tendant à engager la responsabilité quasi-délictuelle de la commune de Ceyreste sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, formulées pour la première fois en appel, et qui reposent sur une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance ne peuvent qu'être rejetées, comme irrecevables.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire droit, la STPFA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

13. La présente instance n'ayant généré aucun dépens, la demande présentée à ce titre par la société requérante ne peut qu'être rejetée.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties à l'instance les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.


D É C I D E :


Article 1er : La requête de la Société de travaux publics forestiers et agricoles (STPFA) est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Ceyreste formées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société de travaux publics forestiers et agricoles (STPFA) et à la commune de Ceyreste.

Copie en sera adressée à la SCP Bouilhol-Bernard et Ramel.


Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2023.
N° 22MA01028
02



Retourner en haut de la page