Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 14/06/2023, 448605

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les
12 janvier 2021 et 21 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat de l'enseignement agricole - union nationale des syndicats autonomes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'agriculture et de l'alimentation n° SG/SRH/SDCAR/2020-725 du 23 novembre 2020 portant sur les principes et règles de gestion applicables aux emplois dits " gagés " sur ressources propres des établissements d'enseignement agricole et aux agents qui les occupent ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 90-90 du 24 janvier 1990 ;
- le décret n° 90-89 du 24 janvier 1990 ;
- le décret n° 92-778 du 3 août 1992 ;
- le décret n° 95-370 du 6 avril 1995 ;
- le décret n° 2008-370 du 18 avril 2008 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat du Syndicat de l'enseignement agricole - Union nationale des syndicats autonomes ;




Considérant ce qui suit :

1. Le Syndicat de l'enseignement agricole - Union nationale des syndicats autonomes (SEA-UNSA) demande l'annulation de la note de service
n° SG/SRH/SDCAR/2020-725 du 23 novembre 2020 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation portant sur les principes et règles de gestion applicables aux emplois dits " gagés " sur ressources propres des établissements d'enseignement agricole et aux agents qui les occupent. Eu égard aux moyens qu'il présente, il doit être regardé comme ne demandant l'annulation que des dispositions du II de cette note, intitulé " Les conséquences sur les agents placés sur des emplois dits gagés ", en tant que celui-ci prévoit que les agents concernés sont placés à compter du 1er janvier 2021 en position normale d'activité au sein des établissements d'enseignement agricole, dans les conditions définies par le décret du 18 avril 2008 organisant les conditions d'exercice des fonctions, en position d'activité, dans les administrations de l'Etat.

2. Les dispositions contestées de la note litigieuse prévoient que les agents concernés sont placés à compter du 1er janvier 2021 en position normale d'activité au sein des établissements d'enseignement agricole et que la position normale d'activité est prononcée pour une durée de trois ans renouvelables selon les souhaits de l'agent et aussi longtemps que les besoins de l'établissement le justifient.

3. D'une part, aux termes de l'article 36 bis de la loi du
11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat alors en vigueur, désormais codifié aux articles L. 512-2 et suivants du code général de la fonction publique : " Lorsqu'un fonctionnaire est affecté, pour lui permettre de pourvoir un emploi correspondant à son grade, soit au sein d'une administration mentionnée à l'article 2 de la présente loi mais qui ne relève pas du périmètre d'affectation défini par le statut particulier dont il relève, soit au sein d'un établissement public, il ne peut occuper cet emploi que pour une durée renouvelable fixée par décret (...) ". Aux termes de l'article 1-1 du décret du
18 avril 2008 organisant les conditions d'exercice des fonctions, en position d'activité, dans les administrations de l'Etat : " La durée, prévue à l'article 36 bis de la loi du 16 janvier 1984 susvisée, de l'affectation d'un fonctionnaire en dehors du périmètre d'affectation défini par le statut particulier dont il relève est de trois années. / A la demande de l'autorité compétente de l'administration d'accueil, cette affectation peut toutefois être renouvelée, par période de trois années. / Quatre mois avant le terme de la période concernée, l'administration d'accueil fait connaître à l'administration d'origine du fonctionnaire et à ce dernier sa décision de renouveler ou non son affectation ".

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les personnels concernés par l'application de la note litigieuse sont des agents recrutés à l'origine en tant que contractuels par les établissements publics d'enseignement agricole qui ont par la suite été titularisés en tant que fonctionnaires de l'Etat, tout en occupant des emplois dits " gagés " car financés sur les ressources propres de ces établissements. Il ressort également des pièces du dossier et n'est pas contesté que ces personnels relèvent de corps de fonctionnaires dont les membres ont vocation, en application des statuts particuliers qui leur sont applicables, à servir dans les établissements d'enseignement agricole publics relevant du ministre chargé de l'agriculture. Il en va ainsi, notamment, des professeurs de lycée professionnel agricole, en vertu de l'article 1er du décret du 24 janvier 1990 relatif au statut particulier des membres de ce corps, des professeurs certifiés de l'enseignement agricole, en vertu de l'article 3 du décret du 3 août 1992 relatif au statut particulier des membres de ce corps, des conseillers principaux d'éducation des établissements d'enseignement agricole en vertu de l'article 3 du décret du 24 janvier 1990 relatif au statut particulier des membres de ce corps, et des personnels techniques de formation et de recherche du ministère de l'agriculture et de la pêche, en vertu de l'article 3 du décret du 6 avril 1995 fixant les dispositions statutaires applicables aux membres de ce corps. Il en résulte que ces agents ne peuvent être regardés, lorsqu'ils sont affectés dans les établissements publics d'enseignement agricole, comme étant affectés dans un établissement public en dehors du périmètre d'affectation défini par le statut particulier dont ils relèvent.

5. Par suite, en prévoyant que les agents sur emplois dit " gagés " des établissements publics d'enseignement agricole, alors qu'ils ne peuvent être regardés, pour l'application de l'article 36 bis de la loi du 11 janvier 1984 cité au point 3, comme étant affectés soit dans une administration, soit dans un établissement public qui ne relèverait pas du périmètre d'affectation défini par leur statut particulier, y seraient néanmoins placés en position normale d'activité dans les conditions prévues par le décret du 18 avril 2008, et par suite soumis à la durée de trois années applicable à l'affectation d'un fonctionnaire en dehors du périmètre défini par son statut particulier, dont le renouvellement dépend de la décision de l'administration d'accueil, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a méconnu le sens et la portée des dispositions statutaires applicables à ces agents ainsi que les dispositions de ce décret.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation du
II de la note de service qu'il attaque en tant que celui-ci prévoit que les agents concernés sont placés à compter du 1er janvier 2021 en position normale d'activité au sein des établissements d'enseignement agricole, dans les conditions définies par le décret du 18 avril 2008 organisant les conditions d'exercice des fonctions, en position d'activité, dans les administrations de l'Etat.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au Syndicat de l'enseignement agricole - union nationale des syndicats autonomes, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : Le II de la note de service n° SG/SRH/SDCAR/2020-725 du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire du 23 novembre 2020 est annulé en tant qu'il prévoit que les agents concernés sont placés à compter du 1er janvier 2021 en position normale d'activité au sein des établissements d'enseignement agricole, dans les conditions définies par le décret du
18 avril 2008 organisant les conditions d'exercice des fonctions, en position d'activité, dans les administrations de l'Etat.
Article 2 : L'Etat versera au Syndicat de l'enseignement agricole - union nationale des syndicats autonomes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3°: La présente décision sera notifiée au Syndicat de l'enseignement agricole - union nationale des syndicats autonomes et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

ECLI:FR:CECHR:2023:448605.20230614
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