CAA de PARIS, 5ème chambre, 07/06/2023, 22PA04520, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2209498 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Foks, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2209498 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 26 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 7 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aggiouri ;
- et les observations de Me Foks, avocat de Mme A....


Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 13 septembre 1979, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 janvier 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a épousé, en avril 2006, un ressortissant sénégalais titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 27 juin 2022, d'ailleurs renouvelé jusqu'au 28 août 2024, et que de cette union sont nés deux enfants, respectivement en 2009 et en 2013. Mme A... soutient que son époux participe à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, alors même qu'il n'habite pas au sein de l'hôtel social auprès duquel elle est logée, aux côtés de ses enfants, en raison de la nécessité pour lui de résider à proximité de l'hôpital au sein duquel il subit, trois fois par semaine des séances d'hémodialyse. La requérante produit, au soutien de ses allégations, outre des attestations de ses deux enfants, une attestation, datée du 19 octobre 2022, du réceptionniste de l'hôtel social auprès duquel elle est hébergée, indiquant que son époux rend visite régulièrement à ses enfants et à son épouse, une attestation, datée du 13 avril 2023, d'une autre pensionnaire de cet hôtel, faisant également état des visites de M. A..., une attestation, datée du 20 avril 2023 de la directrice de l'école au sein de laquelle est scolarisée sa fille, soulignant que les parents de celle-ci suivent ses résultats, signent ses cahiers régulièrement et assistent toujours aux réunions parents/professeurs, enfin, une attestation d'un professeur, datée du même jour, indiquant que l'époux de Mme A... s'informe régulièrement de la scolarité de sa fille. Ainsi, Mme A... établit que son époux, en situation régulière sur le territoire français, participe à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, et donc les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 26 janvier 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de fait et de droit de l'intéressée, que le préfet de police délivre à Mme A... un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme A..., Me Foks, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Foks renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.



DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 2209498 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 26 janvier 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, sous réserve d'un changement dans la situation de fait et de droit de Mme A..., de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de Mme A..., Me Foks, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Copie en sera adressée à Me Foks.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
- M. Perroy, premier conseiller.


Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 7 juin 2023.


Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04520 2



Retourner en haut de la page