Conseil d'État, 5ème chambre, 25/05/2023, 454472, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 5ème chambre, 25/05/2023, 454472, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 5ème chambre
- N° 454472
- ECLI:FR:CECHS:2023:454472.20230525
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
25 mai 2023
- Rapporteur
- M. Christophe Barthélemy
- Avocat(s)
- SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DOUMIC-SEILLER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière Marquette Famille a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune d'Avignon à lui verser la somme de 141 847,64 euros en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la carence du maire à mettre fin aux nuisances constatées à proximité du bien lui appartenant. Par un jugement n° 1700070 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19MA01223 du 12 mai 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société civile immobilière Marquette Famille contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 12 juillet 2021, 12 octobre 2021, 22 septembre 2022 et 26 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société civile immobilière Marquette Famille demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Avignon la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Marquette Famille et à la SCP Doumic-Seiller, avocat de la commune d'Avignon.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 avril 2023, présentée par la SCI Marquette Famille ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière (SCI) Marquette Famille a loué à la société La Poste Immo et à la société GDF Suez des locaux professionnels implantés sur un terrain lui appartenant, situé sur le territoire de la commune d'Avignon (Vaucluse), à proximité d'une déchetterie et d'une aire d'accueil des gens du voyage. En 2014, la SCI Marquette Famille a dû consentir une baisse de loyer à la société GDF Suez et, en mars 2016, la société La Poste Immo a résilié son bail et quitté les lieux. Estimant que ces circonstances étaient motivées notamment par la présence récurrente de dépôts sauvages de déchets, dégradant l'environnement des locaux commerciaux de ces entreprises, ainsi que par des actes de vandalisme commis dans ces locaux, la SCI Marquette Famille a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune d'Avignon à lui payer la somme de 141 847, 64 euros en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis, en invoquant la carence du maire à faire usage de son pouvoir de police pour faire cesser ces atteintes à la tranquillité publique, à la salubrité publique et à la commodité du passage sur la voie publique. Par un jugement du 25 janvier 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt du 12 mai 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SCI Marquette Famille contre ce jugement, en estimant que, si le maire a fait preuve de carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière de salubrité publique et de commodité du passage sur la voie publique, en raison de l'insuffisance tant de la surveillance des abords de la déchetterie que des diligences effectuées auprès de la communauté d'agglomération du grand Avignon, responsable de la collecte des déchets, cette carence ne présente pas de lien de causalité avec les préjudices invoqués. La SCI Marquette Famille se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, (...) et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, (...), l'enlèvement des encombrements, (...) ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées (...) ".
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'en retenant, après avoir constaté l'existence d'une carence du maire d'Avignon dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales citées au point précédent, vis-à-vis de dépôts sauvages de déchets ou d'encombrants portant atteinte à la salubrité publique et à la commodité du passage sur les dépendances de la voie publique, qu'il n'existait pas de lien de causalité " direct " entre cette faute et le préjudice dont la SCI Marquette Famille faisait état, consistant en des baisses de loyer consenties à la société GDF Suez, dès lors que " la dégradation des lieux à l'origine de cette baisse résulte, selon les affirmations mêmes de la société, de l'existence de la déchetterie et d'un camp destiné aux gens du voyage ", la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 5216-5 du même code : " I.- La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : (...) / 7° Collecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés ; / (...) ".
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que les préjudices dont la société SCI Marquette Famille demande réparation, nés de la résiliation du bail par la société La Poste Immo et de la difficulté pour la SCI à relouer ces locaux, ne peuvent être directement imputés à la carence fautive du maire d'Avignon, la cour administrative d'appel a retenu que la compétence en matière de collecte des déchets avait été transférée à la communauté d'agglomération du grand Avignon depuis 2004, en application des dispositions de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales citées au point 4, et que les nuisances invoquées par la SCI ne relevaient pas, pour l'essentiel, de la carence du maire d'Avignon dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale rappelés au point 2. Ce faisant, la cour administrative d'appel qui n'a pas entendu exclure, après le transfert de compétences de la collecte et de la gestion des déchets à une communauté d'agglomération, le maintien d'une compétence du maire lorsque des déchets ou des encombrants portent atteinte à la sûreté et à la commodité du passage dans les voies publiques, n'a pas commis d'erreur de droit.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Marquette Famille n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Avignon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Avignon au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société civile immobilière Marquette Famille est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Avignon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Marquette Famille et à la commune d'Avignon.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 avril 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 25 mai 2023.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet
ECLI:FR:CECHS:2023:454472.20230525
La société civile immobilière Marquette Famille a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune d'Avignon à lui verser la somme de 141 847,64 euros en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la carence du maire à mettre fin aux nuisances constatées à proximité du bien lui appartenant. Par un jugement n° 1700070 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19MA01223 du 12 mai 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société civile immobilière Marquette Famille contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 12 juillet 2021, 12 octobre 2021, 22 septembre 2022 et 26 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société civile immobilière Marquette Famille demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Avignon la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Marquette Famille et à la SCP Doumic-Seiller, avocat de la commune d'Avignon.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 avril 2023, présentée par la SCI Marquette Famille ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière (SCI) Marquette Famille a loué à la société La Poste Immo et à la société GDF Suez des locaux professionnels implantés sur un terrain lui appartenant, situé sur le territoire de la commune d'Avignon (Vaucluse), à proximité d'une déchetterie et d'une aire d'accueil des gens du voyage. En 2014, la SCI Marquette Famille a dû consentir une baisse de loyer à la société GDF Suez et, en mars 2016, la société La Poste Immo a résilié son bail et quitté les lieux. Estimant que ces circonstances étaient motivées notamment par la présence récurrente de dépôts sauvages de déchets, dégradant l'environnement des locaux commerciaux de ces entreprises, ainsi que par des actes de vandalisme commis dans ces locaux, la SCI Marquette Famille a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune d'Avignon à lui payer la somme de 141 847, 64 euros en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis, en invoquant la carence du maire à faire usage de son pouvoir de police pour faire cesser ces atteintes à la tranquillité publique, à la salubrité publique et à la commodité du passage sur la voie publique. Par un jugement du 25 janvier 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt du 12 mai 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SCI Marquette Famille contre ce jugement, en estimant que, si le maire a fait preuve de carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière de salubrité publique et de commodité du passage sur la voie publique, en raison de l'insuffisance tant de la surveillance des abords de la déchetterie que des diligences effectuées auprès de la communauté d'agglomération du grand Avignon, responsable de la collecte des déchets, cette carence ne présente pas de lien de causalité avec les préjudices invoqués. La SCI Marquette Famille se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, (...) et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, (...), l'enlèvement des encombrements, (...) ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées (...) ".
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'en retenant, après avoir constaté l'existence d'une carence du maire d'Avignon dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales citées au point précédent, vis-à-vis de dépôts sauvages de déchets ou d'encombrants portant atteinte à la salubrité publique et à la commodité du passage sur les dépendances de la voie publique, qu'il n'existait pas de lien de causalité " direct " entre cette faute et le préjudice dont la SCI Marquette Famille faisait état, consistant en des baisses de loyer consenties à la société GDF Suez, dès lors que " la dégradation des lieux à l'origine de cette baisse résulte, selon les affirmations mêmes de la société, de l'existence de la déchetterie et d'un camp destiné aux gens du voyage ", la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 5216-5 du même code : " I.- La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : (...) / 7° Collecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés ; / (...) ".
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que les préjudices dont la société SCI Marquette Famille demande réparation, nés de la résiliation du bail par la société La Poste Immo et de la difficulté pour la SCI à relouer ces locaux, ne peuvent être directement imputés à la carence fautive du maire d'Avignon, la cour administrative d'appel a retenu que la compétence en matière de collecte des déchets avait été transférée à la communauté d'agglomération du grand Avignon depuis 2004, en application des dispositions de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales citées au point 4, et que les nuisances invoquées par la SCI ne relevaient pas, pour l'essentiel, de la carence du maire d'Avignon dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale rappelés au point 2. Ce faisant, la cour administrative d'appel qui n'a pas entendu exclure, après le transfert de compétences de la collecte et de la gestion des déchets à une communauté d'agglomération, le maintien d'une compétence du maire lorsque des déchets ou des encombrants portent atteinte à la sûreté et à la commodité du passage dans les voies publiques, n'a pas commis d'erreur de droit.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Marquette Famille n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Avignon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Avignon au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société civile immobilière Marquette Famille est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Avignon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Marquette Famille et à la commune d'Avignon.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 avril 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 25 mai 2023.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet