Conseil d'État, 8ème chambre, 12/05/2023, 466775, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Les Chandons a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2019 dans le rôle de la commune de Balma (Haute-Garonne). Par un jugement no 2102802 du 21 juin 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 7 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Chandons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la société Les Chandons ;



Considérant ce qui suit :

1. La société Les Chandons se pourvoit en cassation contre le jugement du 21 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce qu'il prononce la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles de la commune de Balma (Haute-Garonne).

2. Aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'aux dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés mentionné à l'article L. 541-15-1 du code de l'environnement, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal. / Les dépenses du service de collecte et de traitement des déchets mentionnées au premier alinéa du présent I comprennent : / 1° Les dépenses réelles de fonctionnement ; / 2° Les dépenses d'ordre de fonctionnement au titre des dotations aux amortissements des immobilisations lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure ; / 3° Les dépenses réelles d'investissement lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses d'ordre de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure (...) ".

3. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les article L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, relatives à ces opérations.

4. Les dépenses susceptibles d'être prises en compte sont constituées de la somme, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe, de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées lorsque la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes ou des dépenses réelles d'investissement lorsque la taxe n'a pas pourvu aux dotations aux amortissements.

5. Peuvent être incluses dans les dépenses de fonctionnement à prendre en compte au titre du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers, celles correspondant à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la collectivité, calculée au moyen d'une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d'identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l'administration générale de la collectivité, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour les besoins de ce service.

6. Il ressort du jugement du tribunal administratif que, pour juger que le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2019 n'avait pas été fixé par Toulouse Métropole à un niveau manifestement excessif, celui-ci s'est fondé sur un montant estimé de dépenses du service de collecte et de traitement des ordures ménagères de 101 685 882 euros, lequel incluait une somme de 18 522 177 euros correspondant à des charges d'administration générale imputées forfaitairement au budget " collecte et valorisation des déchets ". En admettant la prise en compte de cette dernière somme dans les dépenses du service au seul motif qu'elle correspondait à des " coûts de structure ", sans rechercher si elle constituait une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la métropole, établie sur la base d'une comptabilité analytique produite au dossier et correspondant à la fraction de ces dépenses directement exposée pour les besoins du service de collecte et de traitement des déchets, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement et commis une erreur de droit.

7. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Les Chandons est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Les Chandons au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.





D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 21 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulouse.
Article 3 : L'Etat versera à la société Les Chandons une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Les Chandons et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.

Rendu le 12 mai 2023.











Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
La secrétaire :
Signé : Mme Catherine Meneyrol



ECLI:FR:CECHS:2023:466775.20230512
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