Conseil d'État, 5ème chambre, 25/04/2023, 467797, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir les décisions de retrait de points récapitulées dans la décision référencée 48 SI du 20 mars 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de point nul et lui a enjoint de restituer ce titre, d'annuler pour excès de pouvoir cette décision et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer les points retirés dans un délai de deux mois. Par un jugement n° 2003410 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en annulant la décision du 20 mars 2020 et en enjoignant au ministre de l'intérieur de lui restituer son permis de conduire dans un délai de deux mois.

Par un pourvoi, enregistré le 26 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B....



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat.

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision référencée 48SI du 20 mars 2020, le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. B... pour solde de points nul et lui a enjoint de restituer ce titre. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande l'annulation du jugement du 21 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a, sur la demande de M. B..., annulé cette décision et enjoint au ministre de lui restituer son permis de conduire dans un délai de deux mois.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / A la date d'obtention du permis de conduire, celui-ci est affecté de la moitié du nombre maximal de points. Il est fixé un délai probatoire de trois ans. Au terme de chaque année de ce délai probatoire, le permis est majoré d'un sixième du nombre maximal de points si aucune infraction ayant donné lieu à un retrait de points n'a été commise depuis le début de la période probatoire. (...) / (...) / Le premier alinéa de l'article L. 223-6 n'est pas applicable pendant la période probatoire ". Aux termes de l'article R. 223-1 du même code : " ... II. - A la date d'obtention du permis de conduire, celui-ci est affecté d'un nombre initial de six points. Au terme de chaque année du délai probatoire défini à l'article L. 223-1, si aucune infraction ayant donné lieu à retrait de points n'a été commise depuis le début de la période probatoire, ce permis de conduire est majoré de deux points. Cette majoration est portée à trois points si le titulaire du permis a suivi un apprentissage anticipé de la conduite. / III. - Pendant le délai probatoire, le permis de conduire ne peut être affecté d'un nombre de points supérieur à six. Ce nombre est augmenté de la majoration résultant de l'application du II du présent article. / IV. - A l'issue de ce délai probatoire, si aucune infraction ayant donné lieu à retrait de points n'a été commise, le permis de conduire est affecté du nombre maximal de douze points. En cas de commission d'infraction ayant donné lieu à retrait de points au cours du délai probatoire, l'affectation du nombre maximal de points intervient dans les conditions définies à l'article L. 223-6 ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 223-6 du même code : " Si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans le délai de deux ans à compter de la date du paiement de la dernière amende forfaitaire, de l'émission du titre exécutoire de la dernière amende forfaitaire majorée, de l'exécution de la dernière composition pénale ou de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu au retrait de points, son permis est affecté du nombre maximal de points ". Aux termes du troisième alinéa du même article : " Toutefois, en cas de commission d'une infraction ayant entraîné le retrait d'un point, ce point est réattribué au terme du délai de six mois à compter de la date mentionnée au premier alinéa, si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans cet intervalle, une infraction ayant donné lieu à un nouveau retrait de points ".

4. Pour prononcer l'annulation de la décision du 20 mars 2020, le tribunal administratif de Melun a retenu, d'une part, que, du fait des reconstitutions automatiques dont M. B... avait bénéficié, son permis de conduire ne faisait l'objet que du retrait de six points à cette date, d'autre part, qu'il ressortait de son relevé d'information intégral que sa période probatoire s'était achevée le 1er juillet 2016.

5. Toutefois, il résulte des articles L. 223-1 et R. 223-1 du code de la route, cités ci-dessus, que la commission d'une infraction durant le délai probatoire fait obstacle, alors même que le point retiré a ensuite été rétabli en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 223-6 du même code, à ce que le capital de points fasse l'objet, à l'issue de la première année du délai probatoire et des années suivantes, des majorations prévues au deuxième alinéa de l'article L. 223-1 et au II de l'article R. 223-1.

6. Par suite, en déduisant des seules circonstances rappelées au point 4 que le retrait de six points n'avait pu avoir pour effet de ramener le permis de conduire de M. B... à un solde nul, sans rechercher si celui-ci n'avait pas commis durant son délai probatoire une ou plusieurs infractions susceptibles de plafonner à six points le solde de son permis à l'issue de ce délai, et alors au surplus qu'il ressortait des énonciations de son propre jugement que M. B... avait commis de telles infractions, le tribunal administratif a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de son jugement.




D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 21 juillet 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Melun.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 25 avril 2023.
La présidente :
Signé : Mme Fabienne Lambolez
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras

ECLI:FR:CECHS:2023:467797.20230425
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