CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 25/04/2023, 21BX01212, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 25/04/2023, 21BX01212, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX - 6ème chambre
- N° 21BX01212
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
25 avril 2023
- Président
- Mme DEMURGER
- Rapporteur
- Mme Caroline GAILLARD
- Avocat(s)
- FRECHE & ASSOCIES
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bagelec Réunion (société par action simplifiée) a demandé au tribunal administratif de La Réunion de résilier le marché public " Travaux neufs et réhabilitation des éclairages des sites sportifs période 2018-2020 " signé par la commune de Saint-Denis de la Réunion le 20 septembre 2018, d'annuler la décision du 26 septembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Denis de La Réunion a rejeté son offre et de condamner la commune de Saint-Denis de La Réunion à lui verser la somme de 54 668 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1801054 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2021, la société Bagélec Réunion, représentée par Me Benoiton, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 22 décembre 2020 ;
2°) de résilier le marché public " Travaux neufs et réhabilitation des éclairages des sites sportifs période 2018-2020 " signé par la commune de Saint-Denis le 20 septembre 2018 ;
3°) d'annuler la décision du 26 septembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Denis de La Réunion a rejeté son offre ;
4°) de condamner la commune de Saint-Denis de La Réunion à lui verser la somme de 54 668 euros résultant de l'irrégularité du contrat et de la perte du bénéfice escompté ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis de La Réunion la somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la contestation de la validité du marché public :
- le pouvoir adjudicateur a méconnu l'interdiction d'attribuer deux lots à un même candidat en méconnaissance des articles 2 et 8 du règlement de la consultation et de l'article 1.2 du CCAP ; il a méconnu l'article L. 420-1 du code de commerce et l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui prohibent les ententes entre entreprises ;
- les dispositions de l'article 99 du décret du 25 mars 2016 ont été méconnues.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
- elles sont recevables, dès lors qu'elle a adressé à la commune de Saint-Denis une demande indemnitaire préalable ;
- son éviction irrégulière lui a causé un préjudice financier qui doit être indemnisé à hauteur de 54 668 euros au titre du manque à gagner lié à la perte du lot n° 1 du marché litigieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2021, la commune de Saint-Denis, représentée par son maire en exercice et par Me Chane Meng Hime, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Bagélec Réunion sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le recours en contestation de la validité du marché public contesté :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
- les prétentions indemnitaires sont infondées.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de l'offre :
- cette décision constitue un acte détachable du contrat, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision sont dès lors irrecevables.
Par un mémoire, enregistré le 31 mai 2021, les sociétés New Com et Sécab, représentées par Me Bernard, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Bagélec Réunion en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 septembre 2018, qui constitue un acte détachable du contrat, sont irrecevables ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux ;
- les moyens soulevés dans le cadre du recours en contestation de la validité du marché public litigieux sont infondés ;
- les conclusions à fin d'indemnisation sont infondées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gauthier-Lucas se substituant à Me Bertrand représentant les sociétés New Com et Sécab.
Considérant ce qui suit :
1. Par avis d'appel public à la concurrence du 9 mai 2018, la commune de Saint-Denis a lancé une consultation sous la forme d'une procédure adaptée régie par les articles 27, 78 et 80 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics en vue de la conclusion d'un accord cadre à bons de commande ayant pour objet les travaux neufs et de réhabilitation des éclairages des sites sportifs de la commune. Les sociétés New Com et Sécab ont été respectivement déclarées attributaires des lots n° 1 et n° 2. L'accord cadre a été signé le 20 septembre 2018 et le pouvoir adjudicateur a notifié à la société Bagélec Réunion le rejet de ses offres par courrier du 26 septembre 2018. La société Bagélec Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion de résilier ce marché public, d'annuler la décision du 20 septembre 2018 précitée et de condamner solidairement la commune de Saint-Denis et les sociétés attributaires à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à la contestation de la validité du marché et à l'annulation de la décision du 26 septembre 2018 :
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 12 du décret du 25 mars 2016 : " (...) III. - L'acheteur indique dans les documents de la consultation si les opérateurs économiques peuvent soumissionner pour un seul lot, plusieurs lots ou tous les lots ainsi que, le cas échéant, le nombre maximal de lots qui peuvent être attribués à un même soumissionnaire. Dans ce cas, les documents de la consultation précisent les règles applicables lorsque la mise en œuvre des critères d'attribution conduirait à attribuer à un même soumissionnaire un nombre de lots supérieur au nombre maximal ". Aux termes du point 2 de l'article 2 du règlement de consultation applicable au marché litigieux : " (...) Les candidats peuvent soumissionner à tous les lots, mais ne peuvent être attributaire que d'un seul et unique lot (...) ". Aux termes de l'article 8 de ce même règlement de consultation : " (...) Un candidat ne peut être attributaire de plus d'un lot (...) ".
4. La société Bagélec Réunion, candidate évincée du marché pour chacun des deux lots n° 1 et n° 2, fait valoir que les sociétés New Com et Sécab se sont vu attribuer chacune l'un des lots précités, en méconnaissance de la règle fixée aux articles 2 et 8 précités du règlement de la consultation compte tenu du fait qu'elles doivent être regardées comme un seul et même candidat. En ce qui concerne le lot n° 1, il est constant que les sociétés New Com et Sécab sont membres d'un même groupe dès lors qu'elles sont toutes deux des filiales de la société Eclipse. Toutefois, il résulte de l'instruction et plus précisément des extraits K bis que ces deux sociétés sont chacune dotées de la personnalité morale et d'une adresse de siège social distincte. En outre, elles disposent chacune de moyens matériels et humains propres pour répondre à l'offre dont elles ont été déclarées attributaires. Ainsi, aucun élément du dossier ne permet d'estimer qu'en raison des liens existants entre leurs dirigeants, ces sociétés ne seraient pas dotées d'une autonomie commerciale. Il en résulte que les sociétés New Com et Sécab ne peuvent être regardées comme un seul et même candidat pour l'application des dispositions précitées des articles 2 et 8 du règlement de la consultation. En ce qui concerne le lot n° 2, l'offre de la société requérante ayant été classée en quatrième et dernière position, le moyen soulevé ne peut être regardé comme en rapport direct avec son éviction. Il et ne peut dès lors qu'être écarté.
5. Par suite, la société Bagélec Réunion n'est pas fondée à soutenir que la règle selon laquelle un candidat ne peut se voir attribuer plus d'un lot aurait été méconnue.
6. En deuxième lieu, si la société Bagélec Réunion a entendu soutenir que les sociétés New Com et Sécab auraient conclu une entente illégale prohibée notamment par l'article L. 420-1 du code de commerce, elle n'apporte aucun élément, notamment au regard de l'analyse des offres des intéressées, de nature à l'établir. Ainsi, alors que rien ne permet d'estimer que ces deux sociétés auraient par leurs agissements transgressé les règles de transparence et d'égalité entre les candidats, le moyen doit être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 55 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 : " Le choix des acheteurs à l'issue de la procédure de passation est communiqué aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue ". Aux termes de l'article 99 du décret du 25 mars 2016 : " I. Pour les marchés publics passés selon une procédure adaptée, l'acheteur, dès qu'il décide de rejeter une candidature ou une offre, notifie à chaque candidat ou soumissionnaire concerné le rejet de sa candidature ou de son offre. / Il communique aux candidats et aux soumissionnaires qui en font la demande écrite les motifs du rejet de leur candidature ou de leur offre dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Si le soumissionnaire a vu son offre écartée alors qu'elle n'était ni inappropriée ni irrégulière ni inacceptable, l'acheteur lui communique, en outre, les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché public (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour les marchés passés selon une procédure adaptée, l'acheteur doit, dès qu'il décide de rejeter une offre, notifier ce rejet au soumissionnaire concerné, sans être tenu de lui notifier la décision d'attribution.
8. La société requérante soutient que le pouvoir adjudicateur était tenu de l'informer de son éviction concomitamment à la signature du contrat. Toutefois, le manquement ainsi invoqué ne peut pas, en tout état de cause, être regardé comme en rapport direct avec son éviction, laquelle est fondée sur le classement et la notation de ses deux offres. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 99 du décret du 25 mars 2016 ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société Bagélec Réunion n'est pas fondée à contester la validité du marché en litige. Par suite, le tribunal a pu à bon droit rejeter ses conclusions aux fins de résiliation du contrat et d'annulation de la décision du 26 septembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Denis a rejeté son offre.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. La société requérante n'ayant pas démontré avoir été irrégulièrement évincée à l'issue de la procédure de passation litigieuse, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bagélec Réunion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Bagélec Réunion au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bagélec Réunion une somme totale de 1500 euros à verser aux sociétés New Com et Sécab prises ensemble au titre des frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Bagéléc Réunion est rejetée.
Article 2 : La société Bagélec Réunion versera la somme globale de 1500 euros aux sociétés New Com et Sécab prises ensemble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bagélec Réunion, à la commune de Saint-Denis de La Réunion, à la société New Com et à la société Sécab.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2023.
La rapporteure,
Caroline B...
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21BX01212
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bagelec Réunion (société par action simplifiée) a demandé au tribunal administratif de La Réunion de résilier le marché public " Travaux neufs et réhabilitation des éclairages des sites sportifs période 2018-2020 " signé par la commune de Saint-Denis de la Réunion le 20 septembre 2018, d'annuler la décision du 26 septembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Denis de La Réunion a rejeté son offre et de condamner la commune de Saint-Denis de La Réunion à lui verser la somme de 54 668 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1801054 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2021, la société Bagélec Réunion, représentée par Me Benoiton, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 22 décembre 2020 ;
2°) de résilier le marché public " Travaux neufs et réhabilitation des éclairages des sites sportifs période 2018-2020 " signé par la commune de Saint-Denis le 20 septembre 2018 ;
3°) d'annuler la décision du 26 septembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Denis de La Réunion a rejeté son offre ;
4°) de condamner la commune de Saint-Denis de La Réunion à lui verser la somme de 54 668 euros résultant de l'irrégularité du contrat et de la perte du bénéfice escompté ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis de La Réunion la somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la contestation de la validité du marché public :
- le pouvoir adjudicateur a méconnu l'interdiction d'attribuer deux lots à un même candidat en méconnaissance des articles 2 et 8 du règlement de la consultation et de l'article 1.2 du CCAP ; il a méconnu l'article L. 420-1 du code de commerce et l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui prohibent les ententes entre entreprises ;
- les dispositions de l'article 99 du décret du 25 mars 2016 ont été méconnues.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
- elles sont recevables, dès lors qu'elle a adressé à la commune de Saint-Denis une demande indemnitaire préalable ;
- son éviction irrégulière lui a causé un préjudice financier qui doit être indemnisé à hauteur de 54 668 euros au titre du manque à gagner lié à la perte du lot n° 1 du marché litigieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2021, la commune de Saint-Denis, représentée par son maire en exercice et par Me Chane Meng Hime, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Bagélec Réunion sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le recours en contestation de la validité du marché public contesté :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
- les prétentions indemnitaires sont infondées.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de l'offre :
- cette décision constitue un acte détachable du contrat, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision sont dès lors irrecevables.
Par un mémoire, enregistré le 31 mai 2021, les sociétés New Com et Sécab, représentées par Me Bernard, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Bagélec Réunion en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 septembre 2018, qui constitue un acte détachable du contrat, sont irrecevables ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux ;
- les moyens soulevés dans le cadre du recours en contestation de la validité du marché public litigieux sont infondés ;
- les conclusions à fin d'indemnisation sont infondées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gauthier-Lucas se substituant à Me Bertrand représentant les sociétés New Com et Sécab.
Considérant ce qui suit :
1. Par avis d'appel public à la concurrence du 9 mai 2018, la commune de Saint-Denis a lancé une consultation sous la forme d'une procédure adaptée régie par les articles 27, 78 et 80 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics en vue de la conclusion d'un accord cadre à bons de commande ayant pour objet les travaux neufs et de réhabilitation des éclairages des sites sportifs de la commune. Les sociétés New Com et Sécab ont été respectivement déclarées attributaires des lots n° 1 et n° 2. L'accord cadre a été signé le 20 septembre 2018 et le pouvoir adjudicateur a notifié à la société Bagélec Réunion le rejet de ses offres par courrier du 26 septembre 2018. La société Bagélec Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion de résilier ce marché public, d'annuler la décision du 20 septembre 2018 précitée et de condamner solidairement la commune de Saint-Denis et les sociétés attributaires à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à la contestation de la validité du marché et à l'annulation de la décision du 26 septembre 2018 :
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 12 du décret du 25 mars 2016 : " (...) III. - L'acheteur indique dans les documents de la consultation si les opérateurs économiques peuvent soumissionner pour un seul lot, plusieurs lots ou tous les lots ainsi que, le cas échéant, le nombre maximal de lots qui peuvent être attribués à un même soumissionnaire. Dans ce cas, les documents de la consultation précisent les règles applicables lorsque la mise en œuvre des critères d'attribution conduirait à attribuer à un même soumissionnaire un nombre de lots supérieur au nombre maximal ". Aux termes du point 2 de l'article 2 du règlement de consultation applicable au marché litigieux : " (...) Les candidats peuvent soumissionner à tous les lots, mais ne peuvent être attributaire que d'un seul et unique lot (...) ". Aux termes de l'article 8 de ce même règlement de consultation : " (...) Un candidat ne peut être attributaire de plus d'un lot (...) ".
4. La société Bagélec Réunion, candidate évincée du marché pour chacun des deux lots n° 1 et n° 2, fait valoir que les sociétés New Com et Sécab se sont vu attribuer chacune l'un des lots précités, en méconnaissance de la règle fixée aux articles 2 et 8 précités du règlement de la consultation compte tenu du fait qu'elles doivent être regardées comme un seul et même candidat. En ce qui concerne le lot n° 1, il est constant que les sociétés New Com et Sécab sont membres d'un même groupe dès lors qu'elles sont toutes deux des filiales de la société Eclipse. Toutefois, il résulte de l'instruction et plus précisément des extraits K bis que ces deux sociétés sont chacune dotées de la personnalité morale et d'une adresse de siège social distincte. En outre, elles disposent chacune de moyens matériels et humains propres pour répondre à l'offre dont elles ont été déclarées attributaires. Ainsi, aucun élément du dossier ne permet d'estimer qu'en raison des liens existants entre leurs dirigeants, ces sociétés ne seraient pas dotées d'une autonomie commerciale. Il en résulte que les sociétés New Com et Sécab ne peuvent être regardées comme un seul et même candidat pour l'application des dispositions précitées des articles 2 et 8 du règlement de la consultation. En ce qui concerne le lot n° 2, l'offre de la société requérante ayant été classée en quatrième et dernière position, le moyen soulevé ne peut être regardé comme en rapport direct avec son éviction. Il et ne peut dès lors qu'être écarté.
5. Par suite, la société Bagélec Réunion n'est pas fondée à soutenir que la règle selon laquelle un candidat ne peut se voir attribuer plus d'un lot aurait été méconnue.
6. En deuxième lieu, si la société Bagélec Réunion a entendu soutenir que les sociétés New Com et Sécab auraient conclu une entente illégale prohibée notamment par l'article L. 420-1 du code de commerce, elle n'apporte aucun élément, notamment au regard de l'analyse des offres des intéressées, de nature à l'établir. Ainsi, alors que rien ne permet d'estimer que ces deux sociétés auraient par leurs agissements transgressé les règles de transparence et d'égalité entre les candidats, le moyen doit être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 55 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 : " Le choix des acheteurs à l'issue de la procédure de passation est communiqué aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue ". Aux termes de l'article 99 du décret du 25 mars 2016 : " I. Pour les marchés publics passés selon une procédure adaptée, l'acheteur, dès qu'il décide de rejeter une candidature ou une offre, notifie à chaque candidat ou soumissionnaire concerné le rejet de sa candidature ou de son offre. / Il communique aux candidats et aux soumissionnaires qui en font la demande écrite les motifs du rejet de leur candidature ou de leur offre dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Si le soumissionnaire a vu son offre écartée alors qu'elle n'était ni inappropriée ni irrégulière ni inacceptable, l'acheteur lui communique, en outre, les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché public (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour les marchés passés selon une procédure adaptée, l'acheteur doit, dès qu'il décide de rejeter une offre, notifier ce rejet au soumissionnaire concerné, sans être tenu de lui notifier la décision d'attribution.
8. La société requérante soutient que le pouvoir adjudicateur était tenu de l'informer de son éviction concomitamment à la signature du contrat. Toutefois, le manquement ainsi invoqué ne peut pas, en tout état de cause, être regardé comme en rapport direct avec son éviction, laquelle est fondée sur le classement et la notation de ses deux offres. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 99 du décret du 25 mars 2016 ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société Bagélec Réunion n'est pas fondée à contester la validité du marché en litige. Par suite, le tribunal a pu à bon droit rejeter ses conclusions aux fins de résiliation du contrat et d'annulation de la décision du 26 septembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Denis a rejeté son offre.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. La société requérante n'ayant pas démontré avoir été irrégulièrement évincée à l'issue de la procédure de passation litigieuse, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bagélec Réunion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Bagélec Réunion au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bagélec Réunion une somme totale de 1500 euros à verser aux sociétés New Com et Sécab prises ensemble au titre des frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Bagéléc Réunion est rejetée.
Article 2 : La société Bagélec Réunion versera la somme globale de 1500 euros aux sociétés New Com et Sécab prises ensemble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bagélec Réunion, à la commune de Saint-Denis de La Réunion, à la société New Com et à la société Sécab.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2023.
La rapporteure,
Caroline B...
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX01212