CAA de NANTES, 4ème chambre, 21/04/2023, 22NT00953, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES, 4ème chambre, 21/04/2023, 22NT00953, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES - 4ème chambre
- N° 22NT00953
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
21 avril 2023
- Président
- M. LAINE
- Rapporteur
- Mme Laure CHOLLET
- Avocat(s)
- CL AVOCAT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Deltex a demandé au tribunal administratif de Nantes la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 10 891,08 euros au titre de factures impayées et la somme de 44 481,18 euros au titre de la facture n° 024299 du 6 juillet 2018.
Par un jugement n°1900918 du 2 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à la société Deltex la somme de 10 891,08 euros (article 1er), a mis à la charge du CHU de Nantes une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 mars 2022 et le 6 janvier 2023, la société Deltex, représentée par Me Lussault, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 2 février 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au versement d'une somme de 44 481,18 euros au titre d'une facture du 6 juillet 2018 ;
2°) de condamner le CHU de Nantes à lui verser une somme de 44 481,18 euros au titre d'une facture du 6 juillet 2018, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Nantes une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont statué ultra petita en relevant l'absence de signature de chacune des pages de l'inventaire contradictoire de sortie du 27 juin 2018 et qu'il aurait été utile de réaliser un inventaire au 1er mars 2018 ; le jugement est insuffisamment motivé s'agissant des écarts que les premiers juges auraient relevé entre la facture du 7 juin 2018 et l'inventaire du 27 juin précédent ;
- la créance du 6 juillet 2018 d'un montant de 44 481,18 euros est certaine, liquide et exigible ; son montant est conforme au décompte du CHU de Nantes, à l'exception d'une référence et a tenu compte du matériel non renouvelé ; un inventaire numérique du matériel a été réalisé au mois d'avril 2017 par ses soins et elle a ainsi procédé à un réassort des neuf boites initialement fournies en 2016 ;
- sa demande n'est pas irrecevable ; les dispositions du CCAG applicables aux marchés publics de fournitures courantes et services (FCS), comme du CCAP ne peuvent être invoquées dès lors que les fournitures ont été conservées et utilisées en dehors de tout marché ; le litige ne porte ni sur une interprétation des stipulations du marché, ni sur l'exécution des prestations au sens des dispositions de l'article 37 du CCAG FCS ; en tout état de cause, ces dispositions ont été respectées ; sa demande n'est pas tardive non plus au regard de l'article 5 du CCAP ;
- le matériel est mis à disposition du CHU de Nantes à titre gratuit et facturé uniquement après utilisation ; le CHU de Nantes est débiteur de la somme de 10 891,08 euros au titre de factures impayées relatives aux commandes de renouvellements de matériels effectuées après la fin du marché ; quand bien même une partie du prix relatif au matériel livré n'a pas été réglée par le CHU de Nantes, la vente est parfaite de sorte que les parties sont conventionnellement liés à l'exclusion de toute situation d'enrichissement sans cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022, le CHU de Nantes, représenté par Me Rayssac, demande :
1°) de rejeter la requête de la société Deltex ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 2 février 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a été condamné à verser à la société Deltex une somme de 10 891,08 euros ;
3°) de mettre à la charge de la société Deltex une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de la société Deltex s'agissant de la somme de 10 891,08 euros est irrecevable dès lors que cette somme n'est exigible sur la base d'aucun contrat ; les conditions posées pour la théorie de l'enrichissement sans cause sont réunies dès lors qu'il n'y a eu aucun accord sur le prix des fournitures livrées au CHU de Nantes pour la période du second trimestre 2018 ; la société Deltex ne peut que prétendre à l'indemnisation des seules dépenses utiles au CHU, déduction faite de son bénéfice net ;
- la requête de la société Deltex s'agissant de la somme de 44 481,18 euros est irrecevable dès lors que la société n'a pas saisi préalablement le pouvoir adjudicateur d'un mémoire en réclamation pour lui demander le versement d'une telle somme ; les modalités de règlement des différends entre les parties sont régies par l'article 37 du CCAG-FCS et sont applicables à cette créance qui intervient au stade du solde des comptes du contrat ; le courrier du 11 septembre 2018 ne tient pas lieu de mise en demeure de payer et se borne à menacer d'une mise en recouvrement des sommes demandées sans indiquer de délai pour répondre ; seul le courrier du 19 octobre 2018, valant mise en demeure, a fait naitre un différend et aucun mémoire en réclamation ne lui a été adressé par la suite ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la société Deltex ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er mars 2016, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes a conclu avec la société Deltex un marché à bons de commande ayant pour objet la fourniture de dispositifs médicaux pour chirurgie osseuse et maxillo-faciale. Le marché a été conclu pour une période allant de sa date de notification au titulaire jusqu'au 1er mars 2017, assorti d'une période de reconduction tacite ne pouvant excéder un an. Il est arrivé ainsi à son terme le 28 février 2018. La société Deltex a cependant émis huit factures d'un montant total de 10 891,08 euros au titre du matériel utilisé par le CHU de Nantes à sa demande entre le 1er mars 2018 et l'inventaire de sortie réalisé le 27 juin 2018. Elle a également émis une facture n° 024299 du 6 juillet 2018 d'un montant de 44 481,18 euros au titre du matériel manquant tel que relevé lors d'un inventaire de sortie établi le 27 juin 2018. La société Deltex relève appel du jugement du 2 février 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme de 44 481,18 euros au titre de la facture du 6 juillet 2018, tandis que le CHU de Nantes relève appel du même jugement par la voie de l'appel incident en tant qu'il l'a condamné en son article 1er à verser à la société Deltex la somme de 10 891,08 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en relevant l'absence de signature de chacune des pages de l'inventaire contradictoire de sortie du 27 juin 2018 et qu'il aurait été utile de réaliser un inventaire au 1er mars 2018, les premiers juges se sont bornés à répondre au moyen tiré de ce que le CHU de Nantes reste débiteur d'une somme de 44 481,18 euros correspondant à des dispositifs médicaux qui auraient été livrés par elle mais qui ne lui auraient pas été payés et n'a ainsi fait qu'exercer son office. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait excédé son ofice doit, dès lors, être écarté.
3. En second lieu, le jugement est suffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de ce que le CHU de Nantes reste débiteur d'une somme de 44 481,18 euros correspondant à des dispositifs médicaux qui auraient été livrés mais qui n'auraient pas été payés, aux points 6 à 8 du jugement attaqué. Si la société Deltex soutient qu'en considérant que " la facture litigieuse ne correspond pas aux données de l'inventaire produit, à supposer même que les neuf boites auraient été bien complètes " les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement, l'argumentation invoquée à l'appui de ce moyen est relative au bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'appel principal de la société Deltex :
4. Il résulte de l'instruction, notamment des dispositions de l'article 5 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de fourniture à bons de commande, éclairé par le guide sur la traçabilité des dispositifs médicaux implantables en établissements de santé produit en première instance par le CHU, qu'en exécution du marché de fourniture il revenait à la société Deltex de constituer un dépôt des dispositifs médicaux et de les mettre à la disposition à titre gratuit de l'établissement de santé. L'émission de bons de commande, dits de régularisation, par l'établissement de santé avait pour objet et pour effet de déclencher la facturation des dispositifs médicaux utilisés et l'obligation de réassort par livraison au CHU de Nantes.
5. La société Deltex demande le paiement d'une facture du 6 juillet 2018 d'un montant de 44 481,18 euros correspondant aux matériels manquants ou utilisés, dans le cadre de la détermination du solde des comptes du marché à bons de commande qui est arrivé à son terme le 28 février 2018. Pour en justifier, elle soutient avoir comparé l'inventaire des produits déposés au début du marché en avril 2016, soit neuf boîtes de matériel de dispositifs médicaux pour chirurgie osseuse et maxillo-faciale, avec l'inventaire contradictoire des matériels réalisé le 27 juin 2018 et produit un récapitulatif du 18 juillet 2018 du matériel manquant suite au retrait des fournitures du dépôt du CHU de Nantes faisant apparaître une perte globale de ce montant. La société Deltex produit également des bons de livraisons de matériels couvrant la période du 28 avril 2016 au 9 mars 2017, ainsi qu'un bon de livraison du 3 mai 2017, intitulé " remplacement vis perdues lors de la stérilisation " et un bon de livraison du 27 juin 2017 intitulé " supplément de dépôt ". Toutefois, la liste des produits manquants ne peut être tenue pour certaine compte-tenu de l'impossibilité de retracer les flux des fournitures entre avril 2016 et juin 2018 par ces seuls documents en l'absence, d'une part, d'un inventaire contradictoire des produits au titre de l'année 2017 conformément à l'article 5 du CCAP, d'autre part, des bons de commandes du CHU de Nantes qui a, par courrier du 5 septembre 2018, affirmé qu'il constate des écarts entre ce que la société Deltex déclare avoir livré et les renouvellements que le CHU de Nantes a constatés. Au demeurant, il est constant que le CHU de Nantes a retrouvé, après l'inventaire contradictoire du 27 juin 2018, quarante-trois références que la société Deltex refuse de reprendre au motif qu'il s'agirait de matériels inutilisables.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Deltex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle sollicitait le versement d'une somme de 44 481,18 euros au titre d'une facture du 6 juillet 2018, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le CHU de Nantes.
En ce qui concerne l'appel incident du centre hospitalier universitaire de Nantes :
7. D'une part, aux termes du II de l'article 77 du code des marchés publics : " (...) / L'émission des bons de commande ne peut intervenir que pendant la durée de validité du marché. Leur durée d'exécution est fixée conformément aux conditions habituelles d'exécution des prestations faisant l'objet du marché. Le pouvoir adjudicateur ne peut cependant retenir une date d'émission et une durée d'exécution de ces bons de commande telles que l'exécution des marchés se prolonge au-delà de la date limite de validité du marché dans des conditions qui méconnaissent l'obligation d'une remise en concurrence périodique des opérateurs économiques. / (...)".
8. D'autre part, lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, l'absence ou la nullité du contrat, les parties qui s'estimaient liées par ce contrat peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat par lequel elles s'estimaient liées a apporté à l'une d'elles ou de la faute consistant, pour l'une d'elles, à avoir induit l'autre partie en erreur sur l'existence de relations contractuelles ou à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles.
9. Il est constant que le CHU de Nantes a continué de bénéficier à sa demande des produits fournis initialement par la société Deltex dans le cadre d'un marché qui est arrivé à son terme contractuellement le 28 février 2018, à savoir neuf boîtes de dispositifs médicaux pour chirurgie osseuse et maxillo-faciale. Le CHU de Nantes a alors émis huit bons de commande les 14, 18, 19, 20, 22, 25, 26 et 28 juin 2018, qui lui ont été facturés pour un montant total de 10 891,08 euros par la société Deltex. Il est constant que les produits correspondant à cette facturation avaient été livrés et ont été utilisés pour les besoins de l'activité opératoire de l'établissement hospitalier. Néanmoins, contrairement à ce que soutient la société Deltex, il ne résulte pas de l'instruction que le prix ainsi facturé, dans des conditions similaires à celui appliqué dans le cadre du marché initial, ait fait l'objet d'un accord de la part du CHU de Nantes suivant une procédure conforme aux règles s'appliquant aux marchés publics. Par suite, la société Deltex n'est fondée à se prévaloir ni de la poursuite volontaire du marché initial par le CHU de Nantes ni de l'existence d'un nouveau contrat qui aurait été passé avec le CHU de Nantes. Dans ces conditions, elle ne saurait invoquer l'existence d'un tel contrat pour réclamer le paiement des sommes qu'elle estime lui être dues en rémunération des prestations qu'elle a ainsi réalisées entre mars et juin 2018.
10. Toutefois, dès lors que les bons de commande du CHU de Nantes mentionnés au point 9 ont été émis après la date d'expiration de la durée de validité du marché l'indemnisation des matériels livrés par la société Deltex ne peut être demandée par celle-ci que sur le fondement de l'enrichissement sans cause et non sur le fondement contractuel retenu par les premiers juges. Le fournisseur dont le contrat est écarté peut ainsi prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la personne publique envers laquelle il s'était engagé.
11. Cependant, la société Deltex renonce expressément, dans le dernier état de ses écritures, à invoquer l'enrichissement sans cause du CHU de Nantes pour obtenir le remboursement des dépenses qui ont été utiles à celui-ci. Dans ces conditions, le CHU de Nantes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser à la société Deltex une somme de 10 891,08 euros.
Sur les frais liés au litige :
12. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Deltex au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
13. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Deltex une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Deltex est rejetée.
Article 2 : L'article 1er du jugement du 2 février 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 3 : La demande présentée par la société Deltex devant le tribunal administratif de Nantes tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 10 891,08 euros au titre de factures impayées est rejetée.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Nantes au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Deltex et au centre hospitalier universitaire de Nantes.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2023.
La rapporteure,
L. A...
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT00953
Procédure contentieuse antérieure :
La société Deltex a demandé au tribunal administratif de Nantes la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 10 891,08 euros au titre de factures impayées et la somme de 44 481,18 euros au titre de la facture n° 024299 du 6 juillet 2018.
Par un jugement n°1900918 du 2 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à la société Deltex la somme de 10 891,08 euros (article 1er), a mis à la charge du CHU de Nantes une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 mars 2022 et le 6 janvier 2023, la société Deltex, représentée par Me Lussault, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 2 février 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au versement d'une somme de 44 481,18 euros au titre d'une facture du 6 juillet 2018 ;
2°) de condamner le CHU de Nantes à lui verser une somme de 44 481,18 euros au titre d'une facture du 6 juillet 2018, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Nantes une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont statué ultra petita en relevant l'absence de signature de chacune des pages de l'inventaire contradictoire de sortie du 27 juin 2018 et qu'il aurait été utile de réaliser un inventaire au 1er mars 2018 ; le jugement est insuffisamment motivé s'agissant des écarts que les premiers juges auraient relevé entre la facture du 7 juin 2018 et l'inventaire du 27 juin précédent ;
- la créance du 6 juillet 2018 d'un montant de 44 481,18 euros est certaine, liquide et exigible ; son montant est conforme au décompte du CHU de Nantes, à l'exception d'une référence et a tenu compte du matériel non renouvelé ; un inventaire numérique du matériel a été réalisé au mois d'avril 2017 par ses soins et elle a ainsi procédé à un réassort des neuf boites initialement fournies en 2016 ;
- sa demande n'est pas irrecevable ; les dispositions du CCAG applicables aux marchés publics de fournitures courantes et services (FCS), comme du CCAP ne peuvent être invoquées dès lors que les fournitures ont été conservées et utilisées en dehors de tout marché ; le litige ne porte ni sur une interprétation des stipulations du marché, ni sur l'exécution des prestations au sens des dispositions de l'article 37 du CCAG FCS ; en tout état de cause, ces dispositions ont été respectées ; sa demande n'est pas tardive non plus au regard de l'article 5 du CCAP ;
- le matériel est mis à disposition du CHU de Nantes à titre gratuit et facturé uniquement après utilisation ; le CHU de Nantes est débiteur de la somme de 10 891,08 euros au titre de factures impayées relatives aux commandes de renouvellements de matériels effectuées après la fin du marché ; quand bien même une partie du prix relatif au matériel livré n'a pas été réglée par le CHU de Nantes, la vente est parfaite de sorte que les parties sont conventionnellement liés à l'exclusion de toute situation d'enrichissement sans cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022, le CHU de Nantes, représenté par Me Rayssac, demande :
1°) de rejeter la requête de la société Deltex ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 2 février 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a été condamné à verser à la société Deltex une somme de 10 891,08 euros ;
3°) de mettre à la charge de la société Deltex une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de la société Deltex s'agissant de la somme de 10 891,08 euros est irrecevable dès lors que cette somme n'est exigible sur la base d'aucun contrat ; les conditions posées pour la théorie de l'enrichissement sans cause sont réunies dès lors qu'il n'y a eu aucun accord sur le prix des fournitures livrées au CHU de Nantes pour la période du second trimestre 2018 ; la société Deltex ne peut que prétendre à l'indemnisation des seules dépenses utiles au CHU, déduction faite de son bénéfice net ;
- la requête de la société Deltex s'agissant de la somme de 44 481,18 euros est irrecevable dès lors que la société n'a pas saisi préalablement le pouvoir adjudicateur d'un mémoire en réclamation pour lui demander le versement d'une telle somme ; les modalités de règlement des différends entre les parties sont régies par l'article 37 du CCAG-FCS et sont applicables à cette créance qui intervient au stade du solde des comptes du contrat ; le courrier du 11 septembre 2018 ne tient pas lieu de mise en demeure de payer et se borne à menacer d'une mise en recouvrement des sommes demandées sans indiquer de délai pour répondre ; seul le courrier du 19 octobre 2018, valant mise en demeure, a fait naitre un différend et aucun mémoire en réclamation ne lui a été adressé par la suite ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la société Deltex ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er mars 2016, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes a conclu avec la société Deltex un marché à bons de commande ayant pour objet la fourniture de dispositifs médicaux pour chirurgie osseuse et maxillo-faciale. Le marché a été conclu pour une période allant de sa date de notification au titulaire jusqu'au 1er mars 2017, assorti d'une période de reconduction tacite ne pouvant excéder un an. Il est arrivé ainsi à son terme le 28 février 2018. La société Deltex a cependant émis huit factures d'un montant total de 10 891,08 euros au titre du matériel utilisé par le CHU de Nantes à sa demande entre le 1er mars 2018 et l'inventaire de sortie réalisé le 27 juin 2018. Elle a également émis une facture n° 024299 du 6 juillet 2018 d'un montant de 44 481,18 euros au titre du matériel manquant tel que relevé lors d'un inventaire de sortie établi le 27 juin 2018. La société Deltex relève appel du jugement du 2 février 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme de 44 481,18 euros au titre de la facture du 6 juillet 2018, tandis que le CHU de Nantes relève appel du même jugement par la voie de l'appel incident en tant qu'il l'a condamné en son article 1er à verser à la société Deltex la somme de 10 891,08 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en relevant l'absence de signature de chacune des pages de l'inventaire contradictoire de sortie du 27 juin 2018 et qu'il aurait été utile de réaliser un inventaire au 1er mars 2018, les premiers juges se sont bornés à répondre au moyen tiré de ce que le CHU de Nantes reste débiteur d'une somme de 44 481,18 euros correspondant à des dispositifs médicaux qui auraient été livrés par elle mais qui ne lui auraient pas été payés et n'a ainsi fait qu'exercer son office. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait excédé son ofice doit, dès lors, être écarté.
3. En second lieu, le jugement est suffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de ce que le CHU de Nantes reste débiteur d'une somme de 44 481,18 euros correspondant à des dispositifs médicaux qui auraient été livrés mais qui n'auraient pas été payés, aux points 6 à 8 du jugement attaqué. Si la société Deltex soutient qu'en considérant que " la facture litigieuse ne correspond pas aux données de l'inventaire produit, à supposer même que les neuf boites auraient été bien complètes " les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement, l'argumentation invoquée à l'appui de ce moyen est relative au bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'appel principal de la société Deltex :
4. Il résulte de l'instruction, notamment des dispositions de l'article 5 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de fourniture à bons de commande, éclairé par le guide sur la traçabilité des dispositifs médicaux implantables en établissements de santé produit en première instance par le CHU, qu'en exécution du marché de fourniture il revenait à la société Deltex de constituer un dépôt des dispositifs médicaux et de les mettre à la disposition à titre gratuit de l'établissement de santé. L'émission de bons de commande, dits de régularisation, par l'établissement de santé avait pour objet et pour effet de déclencher la facturation des dispositifs médicaux utilisés et l'obligation de réassort par livraison au CHU de Nantes.
5. La société Deltex demande le paiement d'une facture du 6 juillet 2018 d'un montant de 44 481,18 euros correspondant aux matériels manquants ou utilisés, dans le cadre de la détermination du solde des comptes du marché à bons de commande qui est arrivé à son terme le 28 février 2018. Pour en justifier, elle soutient avoir comparé l'inventaire des produits déposés au début du marché en avril 2016, soit neuf boîtes de matériel de dispositifs médicaux pour chirurgie osseuse et maxillo-faciale, avec l'inventaire contradictoire des matériels réalisé le 27 juin 2018 et produit un récapitulatif du 18 juillet 2018 du matériel manquant suite au retrait des fournitures du dépôt du CHU de Nantes faisant apparaître une perte globale de ce montant. La société Deltex produit également des bons de livraisons de matériels couvrant la période du 28 avril 2016 au 9 mars 2017, ainsi qu'un bon de livraison du 3 mai 2017, intitulé " remplacement vis perdues lors de la stérilisation " et un bon de livraison du 27 juin 2017 intitulé " supplément de dépôt ". Toutefois, la liste des produits manquants ne peut être tenue pour certaine compte-tenu de l'impossibilité de retracer les flux des fournitures entre avril 2016 et juin 2018 par ces seuls documents en l'absence, d'une part, d'un inventaire contradictoire des produits au titre de l'année 2017 conformément à l'article 5 du CCAP, d'autre part, des bons de commandes du CHU de Nantes qui a, par courrier du 5 septembre 2018, affirmé qu'il constate des écarts entre ce que la société Deltex déclare avoir livré et les renouvellements que le CHU de Nantes a constatés. Au demeurant, il est constant que le CHU de Nantes a retrouvé, après l'inventaire contradictoire du 27 juin 2018, quarante-trois références que la société Deltex refuse de reprendre au motif qu'il s'agirait de matériels inutilisables.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Deltex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle sollicitait le versement d'une somme de 44 481,18 euros au titre d'une facture du 6 juillet 2018, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le CHU de Nantes.
En ce qui concerne l'appel incident du centre hospitalier universitaire de Nantes :
7. D'une part, aux termes du II de l'article 77 du code des marchés publics : " (...) / L'émission des bons de commande ne peut intervenir que pendant la durée de validité du marché. Leur durée d'exécution est fixée conformément aux conditions habituelles d'exécution des prestations faisant l'objet du marché. Le pouvoir adjudicateur ne peut cependant retenir une date d'émission et une durée d'exécution de ces bons de commande telles que l'exécution des marchés se prolonge au-delà de la date limite de validité du marché dans des conditions qui méconnaissent l'obligation d'une remise en concurrence périodique des opérateurs économiques. / (...)".
8. D'autre part, lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, l'absence ou la nullité du contrat, les parties qui s'estimaient liées par ce contrat peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat par lequel elles s'estimaient liées a apporté à l'une d'elles ou de la faute consistant, pour l'une d'elles, à avoir induit l'autre partie en erreur sur l'existence de relations contractuelles ou à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles.
9. Il est constant que le CHU de Nantes a continué de bénéficier à sa demande des produits fournis initialement par la société Deltex dans le cadre d'un marché qui est arrivé à son terme contractuellement le 28 février 2018, à savoir neuf boîtes de dispositifs médicaux pour chirurgie osseuse et maxillo-faciale. Le CHU de Nantes a alors émis huit bons de commande les 14, 18, 19, 20, 22, 25, 26 et 28 juin 2018, qui lui ont été facturés pour un montant total de 10 891,08 euros par la société Deltex. Il est constant que les produits correspondant à cette facturation avaient été livrés et ont été utilisés pour les besoins de l'activité opératoire de l'établissement hospitalier. Néanmoins, contrairement à ce que soutient la société Deltex, il ne résulte pas de l'instruction que le prix ainsi facturé, dans des conditions similaires à celui appliqué dans le cadre du marché initial, ait fait l'objet d'un accord de la part du CHU de Nantes suivant une procédure conforme aux règles s'appliquant aux marchés publics. Par suite, la société Deltex n'est fondée à se prévaloir ni de la poursuite volontaire du marché initial par le CHU de Nantes ni de l'existence d'un nouveau contrat qui aurait été passé avec le CHU de Nantes. Dans ces conditions, elle ne saurait invoquer l'existence d'un tel contrat pour réclamer le paiement des sommes qu'elle estime lui être dues en rémunération des prestations qu'elle a ainsi réalisées entre mars et juin 2018.
10. Toutefois, dès lors que les bons de commande du CHU de Nantes mentionnés au point 9 ont été émis après la date d'expiration de la durée de validité du marché l'indemnisation des matériels livrés par la société Deltex ne peut être demandée par celle-ci que sur le fondement de l'enrichissement sans cause et non sur le fondement contractuel retenu par les premiers juges. Le fournisseur dont le contrat est écarté peut ainsi prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la personne publique envers laquelle il s'était engagé.
11. Cependant, la société Deltex renonce expressément, dans le dernier état de ses écritures, à invoquer l'enrichissement sans cause du CHU de Nantes pour obtenir le remboursement des dépenses qui ont été utiles à celui-ci. Dans ces conditions, le CHU de Nantes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser à la société Deltex une somme de 10 891,08 euros.
Sur les frais liés au litige :
12. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Deltex au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
13. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Deltex une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Deltex est rejetée.
Article 2 : L'article 1er du jugement du 2 février 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 3 : La demande présentée par la société Deltex devant le tribunal administratif de Nantes tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 10 891,08 euros au titre de factures impayées est rejetée.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Nantes au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Deltex et au centre hospitalier universitaire de Nantes.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2023.
La rapporteure,
L. A...
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00953