CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 11/04/2023, 21VE01948, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 11/04/2023, 21VE01948, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES - 1ère chambre
- N° 21VE01948
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
11 avril 2023
- Président
- M. BEAUJARD
- Rapporteur
- Mme Christine PHAM
- Avocat(s)
- SELARL ONELAW
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Thifan Industrie a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en raison de la remise en cause de crédits d'impôt recherche, à titre subsidiaire, de prendre en compte un prorata d'utilisation des brevets aux fins de recherche et de développement d'environ 98 %, à titre plus subsidiaire, de prendre en compte un prorata d'utilisation des brevets aux fins de recherche et de développement égal à 68,45 % pour l'ensemble des années, validé par l'administration.
Par un jugement n° 1803399 du 3 mai 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juillet 2021, la société Thifan Industrie, représentée par Me Malric, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 24 juillet 2018 par laquelle la direction générale des finances publiques a rejeté sa réclamation ;
2°) de réformer le jugement attaqué ;
3°) de la décharger, en droits et pénalités, des rectifications litigieuses à hauteur de la somme de 170 677 euros ;
4°) à titre subsidiaire, de valider le calcul de prorata d'utilisation des brevets qu'elle propose, qui est fondé sur une analyse de son chiffre d'affaires ;
5°) à défaut, d'appliquer le prorata d'utilisation minimal de 69,18 % qui a été validé par l'administration fiscale sur l'ensemble des années en cause ;
6°) à défaut, de reprendre les proratas utilisés pour déterminer les dépenses de salariat affectés au crédit impôt recherche ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a considéré à tort que les brevets étaient nécessaires à son activité de production de munitions alors qu'ils ne décrivent aucunement des procédés de fabrication ;
- en tout état de cause, les dotations aux amortissements afférentes aux brevets rachetés par la société Thifan Industrie en 2009 doivent être considérées comme des dépenses de recherche éligibles au crédit impôt recherche dans leur intégralité, dès lors que l'administration fiscale reconnaît qu'ils ont été utilisés, même partiellement, pour des opérations de recherche ; une telle interprétation est conforme aux textes en vigueur qui ne prévoient pas l'utilisation d'un prorata en cas d'utilisation mixte ;
- à titre subsidiaire, elle propose une méthode de proratisation basée sur son chiffre d'affaires ;
- à titre encore subsidiaire, elle propose de retenir un taux de 69,18 %, qui est celui admis par l'administration fiscale ;
- à titre encore subsidiaire, elle propose une proratisation basée sur l'activité de son personnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions de la société requérante tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2018 de rejet de sa réclamation préalable sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par la société Thifan Industrie ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2023 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiées (SAS) Thifan Industrie est spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente de munitions à destination du secteur de la chasse. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, résultant de la remise en cause des crédits d'impôt pour dépenses de recherche au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Par un jugement n° 1803399 du 3 mai 2021, dont la société Thifan Industrie relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de cette dernière tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2018 :
2. La décision par laquelle l'administration statue sur la réclamation contentieuse du contribuable, qui ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition, ne peut être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir. Il s'ensuit que les conclusions de la société Thifan Industrie à fin d'annulation de la décision du 24 juillet 2018, par laquelle l'administration a partiellement rejeté sa réclamation, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) / II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / f) Les dotations aux amortissements des brevets (...) acquis en vue de réaliser des opérations de recherche et de développement expérimental (...) ". Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts subordonnent le bénéfice du crédit d'impôt qu'elles instituent. S'il se prononce au vu des éléments avancés par l'une et l'autre partie, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.
4. Il résulte de l'instruction que par acte sous seing privé en date du 30 avril 2009, M. C... B..., associé fondateur de cette société, a cédé, le 30 avril 2009, l'ensemble de ses actions à la société I'Tech ainsi que, dans le même temps, dix brevets se rapportant à la balistique intermédiaire et terminale, qu'il détenait en son nom propre, à la société Thifan Industrie pour un prix global de 1 600 000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée.
5. La société Thifan Industrie a poursuivi cinq projets au cours des années d'imposition 2012 à 2014 en litige : un en 2012, portant sur le développement de nouveaux calibres, un en 2013, portant sur le développement de nouveaux calibres et une étude exploratoire, et trois en 2014, portant sur une douille polymère, la balistique intermédiaire et la balistique terminale. L'ensemble de ces travaux a été considéré comme se rapportant à des opérations de recherche et de développement et, par voie de conséquence, déclaré éligible au crédit impôt recherche par l'expert mandaté par la délégation régionale à la recherche et à la technologie Centre Val-de-Loire aux termes de son rapport en date du 24 novembre 2016. Au titre des années d'imposition litigieuses, la société Thifan Industrie a déduit comme dépenses de recherche éligibles au crédit impôt recherche les dotations d'amortissement afférentes à l'acquisition des dix brevets acquis par elle en 2009, au motif que ces brevets étaient utilisés dans ses opérations de recherche et de développement. Le service a refusé cette déduction au motif que ces brevets faisaient l'objet d'une utilisation mixte, étant utilisés à la fois pour la production et pour la recherche, et que la part consacrée aux opérations de recherche et de développement n'avait pas été précisée par la société requérante.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que ces brevets, qui se rapportent à des techniques employées pour la fabrication des munitions produites par la société Thifan Industrie, étaient déjà exploités à des fins de production avant la date de leur rachat en 2009, par voie de concession accordée par M. B.... Au cours de la vérification, le gérant de la société a d'ailleurs indiqué au vérificateur que le rachat des brevets était indispensable pour maintenir la production de la société. Cette appréciation n'est pas contredite par le rapport d'expertise du 24 novembre 2016, qui s'est contenté de relever que la question de l'éligibilité au crédit impôt recherche des dotations aux amortissements n'entrait pas dans son champ d'intervention, ni par l'avis du 17 octobre 2017 du comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche, qui a admis que ces brevets ont été utiles à la fois à la commercialisation de produits et aux opérations de recherche et de développement.
7. D'autre part, la société Thifan Industrie ne peut soutenir qu'une méthode de proratisation serait contraire aux dispositions législatives en vigueur, alors qu'il ressort des termes du II. de l'article 244 B quater du code général des impôts que seules les dépenses de recherche ouvrent droit au crédit d'impôt prévu par ces dispositions. L'éligibilité étant conditionnée par cet objectif de recherche, c'est à bon droit que le service a considéré que les brevets n'ont pas été acquis à cette seule fin et, par suite, que les dotations aux amortissements ne peuvent en totalité être prises en compte au titre du crédit impôt recherche pour chacune des années en litige.
8. En second lieu, afin d'évaluer la part de dotation aux amortissements des brevets liés à la recherche et au développement, le service vérificateur a proposé de faire application d'une méthode de proratisation fondée sur le temps effectif d'utilisation des brevets pour la recherche.
9. D'une part, la société Thifan Industrie a proposé une autre modalité de détermination de ces dépenses consistant à déduire la part d'implication des brevets pour la recherche et le développement par soustraction de la part d'implication des brevets pour la production, qui doit elle-même être calculée par référence au quotient des ventes des produits concernés par les brevets sur le nombre total de munitions vendues et le chiffre d'affaires global réalisé. Toutefois, il n'est pas démontré qu'un brevet non utilisé à des fins de production est nécessairement impliqué dans la réalisation d'un projet de recherche. Par suite, le bien-fondé de cette méthode n'est pas établi.
10. D'autre part, si l'administration a soutenu en première instance que le taux d'emploi aux fins de recherche ne saurait excéder 69,18 %, elle n'a aucunement affirmé que ce dernier taux serait pour autant pertinent. Par suite, la société Thifan Industrie n'est pas fondée à demander, à titre subsidiaire, que lui soit appliqué un tel taux.
11. De troisième part, la société requérante propose une méthode consistant à adopter, pour les brevets, les mêmes proratas que ceux déterminant les temps respectifs consacrés par ses personnels pour leurs travaux de recherche par rapport à leurs activités de production, qui sont de 26,16 %, 30,62 % et 38,62 % pour les travaux de recherche au titre respectivement des années 2012, 2013 et 2014. Toutefois, il n'existe aucune corrélation entre la proportion de temps consacré par le personnel aux activités de recherche et la proportion de temps effectif d'utilisation des brevets pour la recherche. En outre, il n'est pas établi que tous les projets considérés comme éligibles au crédit impôt recherche auraient nécessité l'exploitation desdits brevets, dès lors que le rapport d'expertise du 24 novembre 2016 indique que, hormis pour le troisième projet entrepris en 2014, l'état de l'art ne mentionne aucunement lesdits brevets. Par suite, la pertinence d'une telle méthode n'est pas justifiée.
12. De quatrième part, la société Thifan Industrie n'a fourni que le prix global de 1 600 000 euros pour le rachat des dix brevets litigieux, et non le prix individuel de chaque brevet, alors qu'il résulte de l'instruction que certains de ces brevets étaient manifestement dédiés aux activités de production, que le brevet n° 1 a expiré en 2009 et que le brevet n° 9 a expiré en 2013, ce que la société requérante reconnaît elle-même dans ses écritures. Elle ne fournit non plus aucun élément, même déclaratif, permettant de déterminer le temps d'utilisation de chacun des brevets à des fins de recherche. En l'absence de ces éléments, que la société requérante est seule susceptible de fournir, il est impossible d'établir une proratisation par temps dédié, ou en distinguant selon que tel ou tel brevet est affecté à la recherche ou à la production. Il suit de là que les dotations aux amortissements afférentes à ces brevets exposés au titre des années 2012, 2013 et 2014 ne pouvaient ouvrir droit au bénéfice du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Thifan Industrie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que ses conclusions relatives aux intérêts moratoires.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Thifan Industrie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Thifan Industrie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
La rapporteure,
C. A... Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 21VE01948
Procédure contentieuse antérieure :
La société Thifan Industrie a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en raison de la remise en cause de crédits d'impôt recherche, à titre subsidiaire, de prendre en compte un prorata d'utilisation des brevets aux fins de recherche et de développement d'environ 98 %, à titre plus subsidiaire, de prendre en compte un prorata d'utilisation des brevets aux fins de recherche et de développement égal à 68,45 % pour l'ensemble des années, validé par l'administration.
Par un jugement n° 1803399 du 3 mai 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juillet 2021, la société Thifan Industrie, représentée par Me Malric, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 24 juillet 2018 par laquelle la direction générale des finances publiques a rejeté sa réclamation ;
2°) de réformer le jugement attaqué ;
3°) de la décharger, en droits et pénalités, des rectifications litigieuses à hauteur de la somme de 170 677 euros ;
4°) à titre subsidiaire, de valider le calcul de prorata d'utilisation des brevets qu'elle propose, qui est fondé sur une analyse de son chiffre d'affaires ;
5°) à défaut, d'appliquer le prorata d'utilisation minimal de 69,18 % qui a été validé par l'administration fiscale sur l'ensemble des années en cause ;
6°) à défaut, de reprendre les proratas utilisés pour déterminer les dépenses de salariat affectés au crédit impôt recherche ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a considéré à tort que les brevets étaient nécessaires à son activité de production de munitions alors qu'ils ne décrivent aucunement des procédés de fabrication ;
- en tout état de cause, les dotations aux amortissements afférentes aux brevets rachetés par la société Thifan Industrie en 2009 doivent être considérées comme des dépenses de recherche éligibles au crédit impôt recherche dans leur intégralité, dès lors que l'administration fiscale reconnaît qu'ils ont été utilisés, même partiellement, pour des opérations de recherche ; une telle interprétation est conforme aux textes en vigueur qui ne prévoient pas l'utilisation d'un prorata en cas d'utilisation mixte ;
- à titre subsidiaire, elle propose une méthode de proratisation basée sur son chiffre d'affaires ;
- à titre encore subsidiaire, elle propose de retenir un taux de 69,18 %, qui est celui admis par l'administration fiscale ;
- à titre encore subsidiaire, elle propose une proratisation basée sur l'activité de son personnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions de la société requérante tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2018 de rejet de sa réclamation préalable sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par la société Thifan Industrie ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2023 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiées (SAS) Thifan Industrie est spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente de munitions à destination du secteur de la chasse. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, résultant de la remise en cause des crédits d'impôt pour dépenses de recherche au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Par un jugement n° 1803399 du 3 mai 2021, dont la société Thifan Industrie relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de cette dernière tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2018 :
2. La décision par laquelle l'administration statue sur la réclamation contentieuse du contribuable, qui ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition, ne peut être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir. Il s'ensuit que les conclusions de la société Thifan Industrie à fin d'annulation de la décision du 24 juillet 2018, par laquelle l'administration a partiellement rejeté sa réclamation, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) / II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / f) Les dotations aux amortissements des brevets (...) acquis en vue de réaliser des opérations de recherche et de développement expérimental (...) ". Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts subordonnent le bénéfice du crédit d'impôt qu'elles instituent. S'il se prononce au vu des éléments avancés par l'une et l'autre partie, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.
4. Il résulte de l'instruction que par acte sous seing privé en date du 30 avril 2009, M. C... B..., associé fondateur de cette société, a cédé, le 30 avril 2009, l'ensemble de ses actions à la société I'Tech ainsi que, dans le même temps, dix brevets se rapportant à la balistique intermédiaire et terminale, qu'il détenait en son nom propre, à la société Thifan Industrie pour un prix global de 1 600 000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée.
5. La société Thifan Industrie a poursuivi cinq projets au cours des années d'imposition 2012 à 2014 en litige : un en 2012, portant sur le développement de nouveaux calibres, un en 2013, portant sur le développement de nouveaux calibres et une étude exploratoire, et trois en 2014, portant sur une douille polymère, la balistique intermédiaire et la balistique terminale. L'ensemble de ces travaux a été considéré comme se rapportant à des opérations de recherche et de développement et, par voie de conséquence, déclaré éligible au crédit impôt recherche par l'expert mandaté par la délégation régionale à la recherche et à la technologie Centre Val-de-Loire aux termes de son rapport en date du 24 novembre 2016. Au titre des années d'imposition litigieuses, la société Thifan Industrie a déduit comme dépenses de recherche éligibles au crédit impôt recherche les dotations d'amortissement afférentes à l'acquisition des dix brevets acquis par elle en 2009, au motif que ces brevets étaient utilisés dans ses opérations de recherche et de développement. Le service a refusé cette déduction au motif que ces brevets faisaient l'objet d'une utilisation mixte, étant utilisés à la fois pour la production et pour la recherche, et que la part consacrée aux opérations de recherche et de développement n'avait pas été précisée par la société requérante.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que ces brevets, qui se rapportent à des techniques employées pour la fabrication des munitions produites par la société Thifan Industrie, étaient déjà exploités à des fins de production avant la date de leur rachat en 2009, par voie de concession accordée par M. B.... Au cours de la vérification, le gérant de la société a d'ailleurs indiqué au vérificateur que le rachat des brevets était indispensable pour maintenir la production de la société. Cette appréciation n'est pas contredite par le rapport d'expertise du 24 novembre 2016, qui s'est contenté de relever que la question de l'éligibilité au crédit impôt recherche des dotations aux amortissements n'entrait pas dans son champ d'intervention, ni par l'avis du 17 octobre 2017 du comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche, qui a admis que ces brevets ont été utiles à la fois à la commercialisation de produits et aux opérations de recherche et de développement.
7. D'autre part, la société Thifan Industrie ne peut soutenir qu'une méthode de proratisation serait contraire aux dispositions législatives en vigueur, alors qu'il ressort des termes du II. de l'article 244 B quater du code général des impôts que seules les dépenses de recherche ouvrent droit au crédit d'impôt prévu par ces dispositions. L'éligibilité étant conditionnée par cet objectif de recherche, c'est à bon droit que le service a considéré que les brevets n'ont pas été acquis à cette seule fin et, par suite, que les dotations aux amortissements ne peuvent en totalité être prises en compte au titre du crédit impôt recherche pour chacune des années en litige.
8. En second lieu, afin d'évaluer la part de dotation aux amortissements des brevets liés à la recherche et au développement, le service vérificateur a proposé de faire application d'une méthode de proratisation fondée sur le temps effectif d'utilisation des brevets pour la recherche.
9. D'une part, la société Thifan Industrie a proposé une autre modalité de détermination de ces dépenses consistant à déduire la part d'implication des brevets pour la recherche et le développement par soustraction de la part d'implication des brevets pour la production, qui doit elle-même être calculée par référence au quotient des ventes des produits concernés par les brevets sur le nombre total de munitions vendues et le chiffre d'affaires global réalisé. Toutefois, il n'est pas démontré qu'un brevet non utilisé à des fins de production est nécessairement impliqué dans la réalisation d'un projet de recherche. Par suite, le bien-fondé de cette méthode n'est pas établi.
10. D'autre part, si l'administration a soutenu en première instance que le taux d'emploi aux fins de recherche ne saurait excéder 69,18 %, elle n'a aucunement affirmé que ce dernier taux serait pour autant pertinent. Par suite, la société Thifan Industrie n'est pas fondée à demander, à titre subsidiaire, que lui soit appliqué un tel taux.
11. De troisième part, la société requérante propose une méthode consistant à adopter, pour les brevets, les mêmes proratas que ceux déterminant les temps respectifs consacrés par ses personnels pour leurs travaux de recherche par rapport à leurs activités de production, qui sont de 26,16 %, 30,62 % et 38,62 % pour les travaux de recherche au titre respectivement des années 2012, 2013 et 2014. Toutefois, il n'existe aucune corrélation entre la proportion de temps consacré par le personnel aux activités de recherche et la proportion de temps effectif d'utilisation des brevets pour la recherche. En outre, il n'est pas établi que tous les projets considérés comme éligibles au crédit impôt recherche auraient nécessité l'exploitation desdits brevets, dès lors que le rapport d'expertise du 24 novembre 2016 indique que, hormis pour le troisième projet entrepris en 2014, l'état de l'art ne mentionne aucunement lesdits brevets. Par suite, la pertinence d'une telle méthode n'est pas justifiée.
12. De quatrième part, la société Thifan Industrie n'a fourni que le prix global de 1 600 000 euros pour le rachat des dix brevets litigieux, et non le prix individuel de chaque brevet, alors qu'il résulte de l'instruction que certains de ces brevets étaient manifestement dédiés aux activités de production, que le brevet n° 1 a expiré en 2009 et que le brevet n° 9 a expiré en 2013, ce que la société requérante reconnaît elle-même dans ses écritures. Elle ne fournit non plus aucun élément, même déclaratif, permettant de déterminer le temps d'utilisation de chacun des brevets à des fins de recherche. En l'absence de ces éléments, que la société requérante est seule susceptible de fournir, il est impossible d'établir une proratisation par temps dédié, ou en distinguant selon que tel ou tel brevet est affecté à la recherche ou à la production. Il suit de là que les dotations aux amortissements afférentes à ces brevets exposés au titre des années 2012, 2013 et 2014 ne pouvaient ouvrir droit au bénéfice du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Thifan Industrie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que ses conclusions relatives aux intérêts moratoires.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Thifan Industrie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Thifan Industrie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
La rapporteure,
C. A... Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 21VE01948