CAA de NANTES, 5ème chambre, 04/04/2023, 21NT00824, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES, 5ème chambre, 04/04/2023, 21NT00824, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES - 5ème chambre
- N° 21NT00824
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
04 avril 2023
- Président
- M. FRANCFORT
- Rapporteur
- M. Christian RIVAS
- Avocat(s)
- SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Trégastel (Côtes-d'Armor) à lui verser la somme de 194 150 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la délivrance de renseignements erronés concernant la constructibilité de la parcelle cadastrée section A n° 934 acquise par lui en 2007.
Par un jugement n° 1801930 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars et 22 septembre 2021, M. B... C..., représenté par Me Saout, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 janvier 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner la commune de Trégastel à lui verser la somme de 194 150 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la délivrance de renseignements erronés concernant la constructibilité de la parcelle cadastrée section A n° 934 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Trégastel la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé ;
- la responsabilité de la commune est engagée eu égard à la délivrance le 20 décembre 2006 d'un certificat d'urbanisme méconnaissant les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- il sera indemnisé de son préjudice matériel correspondant au coût excessif de l'acquisition du terrain pour 123 600 euros, aux frais d'acte dont il s'est acquitté à hauteur de 14 342,92 euros, à la perte des intérêts bancaires sur la somme ayant servi à financer son achat à hauteur de 50 293,04 euros et à son préjudice de jouissance et moral évalué à 5 914,04 euros ;
- la créance n'est pas prescrite dès lors qu'il n'a été informé du caractère inconstructible de sa parcelle au regard de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme que le 20 octobre 2017, et à tout le moins pas avant le 23 mars 2017, date d'approbation du plan local d'urbanisme de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, la commune de Trégastel, représentée par Me Gourvennec et Me Moreau-Verger, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la créance supposée est prescrite ; M. C... disposait d'un délai expirant le 31 décembre 2012 pour rechercher la responsabilité de la commune, dès lors qu'il a eu connaissance de l'inconstructibilité de sa parcelle le 18 janvier 2008 avec l'arrêté de refus de permis de construire ;
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Saout, représentant M. C..., et de Me Largy, représentant la commune de Trégastel.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Trégastel, a été enregistrée le 3 avril 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a acquis par acte authentique du 11 juillet 2007 une parcelle cadastrée section A n° 934, située route de Grannec à Trégastel (Côtes-d'Armor). Préalablement à cette acquisition, la commune de Trégastel avait indiqué, par un certificat d'urbanisme opérationnel du 20 décembre 2006, que cette parcelle, d'une superficie de 1 400 m², pouvait être utilisée pour l'édification d'une maison individuelle à usage d'habitation d'une surface hors œuvre nette de 210 m². Par un courrier du 27 décembre 2017, reçu en mairie le 28 décembre suivant, M. C... a demandé à la commune de Trégastel de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des renseignements d'urbanisme erronés qui lui ont été donnés à l'occasion du certificat du 20 décembre 2006, concernant la constructibilité du terrain en cause, faute de mentionner que le projet était irréalisable compte tenu de ce que ce terrain ne se trouvait pas en continuité avec une agglomération et un village existants au sens des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur. Cette demande ayant été rejetée par une décision du 26 février 2018, M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Trégastel à lui verser la somme de 194 150 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts, du fait de l'engagement de sa responsabilité pour faute. Par un jugement du 29 janvier 2021, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande indemnitaire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Trégastel :
2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du certificat d'urbanisme du 20 décembre 2006 : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors œuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. / Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 146-4 du code l'urbanisme alors en vigueur, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 121-8 du même code : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
4. D'une part, il résulte de l'instruction que le certificat d'urbanisme en litige délivré le 20 décembre 2006 indique que la parcelle cadastrée n° A 851 peut être utilisée pour la construction d'une habitation de 210 m² de surface hors œuvre nette. Toutefois, la commune de Trégastel étant une commune littorale, cette opération devait respecter les dispositions précitées du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors applicables. Or il résulte de l'instruction que ce terrain était alors bordé sur deux de ses cotés par des espaces naturels et sur les deux autres par des constructions situées sur de vastes parcelles. La trentaine de constructions se trouvant plus ou moins à proximité était constitutive d'une zone d'habitat diffus séparée du centre-ville de Trégastel et de toute autre zone agglomérée de la commune. Aussi cette parcelle n'était-elle pas alors située en continuité d'une agglomération ou d'un village existants au sens de ce même article, si bien que le terrain acheté par le requérant était en réalité inutilisable pour le projet de construction auquel il le destinait.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction que la délivrance du certificat d'urbanisme opérationnel positif du 20 décembre 2006 a induit en erreur M. C..., qui n'est pas un opérateur immobilier, dès lors qu'il a acquis ce bien le 11 juillet 2007, au vu de ce certificat et afin d'y construire une maison d'habitation. La circonstance que M. C... se soit vu refuser un permis de construire dès le 18 janvier 2008, puis que sa parcelle serait redevenue constructible en 2012 à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme de la commune par un jugement du 12 mai 2011 du tribunal administratif de Rennes devenu définitif, est sans incidence sur la faute de la commune mentionnée ci-dessus, dès lors que le motif du refus de permis et de l'annulation du plan communal a trait à l'appartenance de la parcelle, invoquée par le maire puis censurée par le tribunal, à un espace remarquable du littoral au sens des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme. La circonstance qu'à la suite de l'annulation en 2011 du plan local d'urbanisme M. C... n'ait pas présenté de nouvelle demande de permis de construire est également sans incidence sur la faute identifiée, dès lors qu'il n'était pas tenu de le faire. De même, en l'état de l'instruction, le fait que le maire de Trégastel ait délivré dans cette zone, après 2011, plusieurs permis de construire qui n'ont pas été contestés, est sans incidence sur la faute commise par la commune en 2006. La délivrance du certificat d'urbanisme positif du 20 décembre 2006 est dès lors de nature à engager la responsabilité pour faute de la commune à concurrence des préjudicies directs et certains qui en ont résulté pour M. C....
6. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire présentée par M. C... au motif que les dispositions citées au point 3 ne s'opposaient pas, à la date d'acquisition du terrain par le requérant, à son projet de construction d'une maison d'habitation et qu'ainsi la commune n'avait commis aucune faute à l'occasion de la délivrance du certificat d'urbanisme du 20 décembre 2006.
En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Trégastel :
7. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la connaissance par la victime de l'existence d'un dommage ne suffit pas à faire courir le délai de la prescription quadriennale. Le point de départ de cette dernière est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration.
8. La connaissance par M. C... du caractère inconstructible de sa parcelle au motif qu'elle n'appartient pas à un espace urbanisé ou un village au sens de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ne pouvait se déduire du refus de permis de construire opposé à M. D... le maire de Trégastel le 18 janvier 2008, dès lors que ce refus de permis était motivé par le fait distinct que cette parcelle appartenait à un espace remarquable au sens des articles L. 146-6 et R. 146-2 du code de l'urbanisme alors applicables. De même, l'action indemnitaire engagée le 28 mai 2008 par M. C... à l'encontre du notaire qui a procédé à la cession de la parcelle et de la vendeuse de ce bien n'est pas davantage fondé sur absence de continuité de la parcelle avec une zone urbanisée. Dès lors, le requérant n'a pu acquérir connaissance suffisante de sa créance et de la cause qui la fonde qu'à réception du certificat informatif du 20 octobre 2017 mentionnant l'application au terrain des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, qui reprennent celles du I de l'article L. 146-4 du même code. La demande préalable au présent contentieux ayant été reçue le 28 décembre 2017 par la commune de Trégastel, cette dernière n'est donc pas fondée, en se prévalant des événements rappelés ci-dessus, à opposer l'exception de prescription quadriennale.
En ce qui concerne les préjudices :
9. L'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par la faute de l'administration a pour seule vocation de replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, c'est-à-dire, lorsque la faute résulte d'une décision illégale, si celle-ci n'était jamais intervenue.
S'agissant de la perte de valeur vénale du terrain et des frais notariés :
10. En premier lieu, M. C... soutient qu'il doit être indemnisé pour un montant de 123 600 euros du coût excessif de la parcelle qu'il a acquise en 2007 pour un montant de 130 100 euros, alors qu'elle est estimée par un notaire à 6 500 euros en raison de son caractère inconstructible. Cette attestation notariale n'ayant pas été contestée et l'inexactitude de cette estimation ne résultant pas des pièces du dossier, M. C... est fondé à demander à être indemnisé à ce titre pour le montant demandé de 123 600 euros.
11. En deuxième lieu, M. C... soutient qu'il doit être indemnisé de la somme de 14 342,92 euros correspondant à la différence entre les frais d'actes notariés exposés en 2007 pour l'achat de la parcelle en litige, pour un montant de 15 550 euros, et ceux qu'il aurait exposés s'il avait acquis le même terrain non constructible, soit 1 207,08 euros. Ces montants, au demeurant non contestés, étant justifiés par les attestations que le requérant verse à l'instance, il y a lieu de fixer l'indemnisation à ce titre au montant de 14 342 euros.
12. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une action en responsabilité exercée par M. C... en 2007 devant le TGI de Guingamp à l'encontre de la précédente propriétaire du terrain ainsi que du notaire devant lequel s'était conclue la vente en juillet 2007, les parties ont conclu le 6 juillet 2012 un protocole d'accord transactionnel mettant fin à l'instance alors pendante devant la cour d'appel. Au terme de cet accord transactionnel M. C... a bénéficié d'une indemnité forfaitaire et définitive de 35 000 euros, destinée à couvrir plusieurs des préjudices que lui avait occasionné l'acquisition du terrain ici en cause. Dès lors que cet accord, qui visait essentiellement à réparer la moins-value du terrain lié à son inconstructibilité, portait également sur d'autres chefs de préjudice sans lien avec ceux invoqués dans la présente instance, tels notamment les frais d'architectes engagés en vue de la construction projetée, il y a lieu de tenir compte de cette transaction en tant qu'elle comporte des montants visant à indemniser en partie les chefs de préjudice énoncés ci-dessus aux points 10 et 11. Il en sera fait une juste appréciation en réduisant de 30 000 euros les sommes mises à la charge de la commune de Trégastel à ce titre.
13. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Trégastel la somme de 107 942 euros au titre de l'indemnisation de la perte de valeur vénale du bien immobilier et des frais notariés exposés par M. C....
S'agissant du préjudice d'immobilisation financière :
14. M. C... demande à être indemnisé pour un total de 50 293,04 euros du préjudice né de l'immobilisation financière de son capital, dès lors qu'il a été privé d'une chance sérieuse de placer la somme de 145 650 euros qu'il a investi pour l'acquisition de ce terrain, en soutenant que ce placement lui aurait ouvert droit au versement d'intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2007, date d'acquisition, et jusqu'à sa demande préalable du 22 mars 2021.
15. Il résulte de l'instruction que M. C... a acquis sans emprunt la parcelle en litige au prix du terrain constructible, afin d'y construire une maison d'habitation qu'il n'a pu réaliser. La commune fait valoir qu'à compter de l'annulation du plan local d'urbanisme par un jugement du 12 mai 2011 du tribunal administratif de Rennes et avant l'approbation en 2017 du nouveau plan qui interdit à nouveau toute construction sur cette parcelle, M. C... avait la possibilité d'obtenir un permis de construire, à l'instar de proches voisins, au regard des règles issues du plan d'occupation des sols de la commune de 1999 remis en vigueur consécutivement à l'annulation du plan local d'urbanisme. Cependant il résulte de l'instruction qu'il n'aurait pu légalement être fait droit à cette demande au regard des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur, qui imposaient une construction en continuité d'une agglomération ou d'un village existant. M. C... est donc en droit d'être indemnisé de son préjudice d'immobilisation financier consécutif à l'acquisition de sa parcelle à compter de la date de cet achat, le 11 juillet 2007. Ce préjudice peut être calculé pour la période courant jusqu'à la transaction intervenue le 6 juillet 2012 sur la base de 137 942 euros par référence aux sommes précisées aux points 10 et 11. A compter du 7 juillet 2012 et jusqu'au 22 mars 2021, ainsi qu'il le demande, afin de prendre en compte le montant de cette transaction et au regard de la perception de la somme prévue par la transaction et dans les limites prévues au point 12, il y a lieu de fixer ce montant de référence à 107 942 euros. En conséquence, M. C... a droit à être indemnisé par la commune de Trégastel du montant des intérêts au taux légal à calculer sur la somme de 137 942 euros pour la période courant du 11 juillet 2007 au 6 juillet 2012 puis sur la somme de 107 942 euros pour la période comprise entre le 7 juillet 2012 et le 22 mars 2021.
16. En quatrième lieu, M. C... a subi un préjudice moral du fait de l'acquisition d'un bien immobilier sur lequel il n'a pas pu réaliser son projet de construction et de la nécessité d'engager plusieurs procédures pour se faire indemniser. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant la commune de Trégastel à lui verser à ce titre un montant de 1 500 euros.
17. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Trégastel, au bénéfice de M. C..., la somme de 107 942 euros au titre de l'indemnisation de la perte de valeur vénale de son bien immobilier et des frais notariés exposés, de 1 500 euros au titre de son préjudice moral, ainsi qu'une somme à calculer, au titre du préjudice d'immobilisation financière, dans les conditions fixées au point 15 du présent arrêt. Par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté en totalité sa demande.
Sur les intérêts et la capitalisation :
18. M. C... a droit, pour le total des sommes mises à la charge de la commune de Trégastel telles que précisées au point précédent, aux intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017, date de réception de sa demande préalable par la commune. Les intérêts échus à la date du 28 décembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, seront capitalisés à cette date et à chacune des échéances annuelles suivantes pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur les frais d'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de Trégastel. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C....
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1801930 du 29 janvier 2021 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La commune de Trégastel versera à M. C... la somme de 109 442 euros.
Article 3 : La commune de Trégastel versera à M. C... les intérêts dus sur la somme de 137 942 euros puis sur la somme de 107 942 euros, dans les conditions fixées au point 15.
Article 4 : Les sommes dues en application des articles 2 et 3 porteront intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 28 décembre 2018.
Article 5 : La commune de Trégastel versera à M. C... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la commune de Trégastel.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21NT00824
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Trégastel (Côtes-d'Armor) à lui verser la somme de 194 150 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la délivrance de renseignements erronés concernant la constructibilité de la parcelle cadastrée section A n° 934 acquise par lui en 2007.
Par un jugement n° 1801930 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars et 22 septembre 2021, M. B... C..., représenté par Me Saout, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 janvier 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner la commune de Trégastel à lui verser la somme de 194 150 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la délivrance de renseignements erronés concernant la constructibilité de la parcelle cadastrée section A n° 934 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Trégastel la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé ;
- la responsabilité de la commune est engagée eu égard à la délivrance le 20 décembre 2006 d'un certificat d'urbanisme méconnaissant les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- il sera indemnisé de son préjudice matériel correspondant au coût excessif de l'acquisition du terrain pour 123 600 euros, aux frais d'acte dont il s'est acquitté à hauteur de 14 342,92 euros, à la perte des intérêts bancaires sur la somme ayant servi à financer son achat à hauteur de 50 293,04 euros et à son préjudice de jouissance et moral évalué à 5 914,04 euros ;
- la créance n'est pas prescrite dès lors qu'il n'a été informé du caractère inconstructible de sa parcelle au regard de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme que le 20 octobre 2017, et à tout le moins pas avant le 23 mars 2017, date d'approbation du plan local d'urbanisme de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, la commune de Trégastel, représentée par Me Gourvennec et Me Moreau-Verger, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la créance supposée est prescrite ; M. C... disposait d'un délai expirant le 31 décembre 2012 pour rechercher la responsabilité de la commune, dès lors qu'il a eu connaissance de l'inconstructibilité de sa parcelle le 18 janvier 2008 avec l'arrêté de refus de permis de construire ;
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Saout, représentant M. C..., et de Me Largy, représentant la commune de Trégastel.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Trégastel, a été enregistrée le 3 avril 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a acquis par acte authentique du 11 juillet 2007 une parcelle cadastrée section A n° 934, située route de Grannec à Trégastel (Côtes-d'Armor). Préalablement à cette acquisition, la commune de Trégastel avait indiqué, par un certificat d'urbanisme opérationnel du 20 décembre 2006, que cette parcelle, d'une superficie de 1 400 m², pouvait être utilisée pour l'édification d'une maison individuelle à usage d'habitation d'une surface hors œuvre nette de 210 m². Par un courrier du 27 décembre 2017, reçu en mairie le 28 décembre suivant, M. C... a demandé à la commune de Trégastel de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des renseignements d'urbanisme erronés qui lui ont été donnés à l'occasion du certificat du 20 décembre 2006, concernant la constructibilité du terrain en cause, faute de mentionner que le projet était irréalisable compte tenu de ce que ce terrain ne se trouvait pas en continuité avec une agglomération et un village existants au sens des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur. Cette demande ayant été rejetée par une décision du 26 février 2018, M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Trégastel à lui verser la somme de 194 150 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts, du fait de l'engagement de sa responsabilité pour faute. Par un jugement du 29 janvier 2021, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande indemnitaire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Trégastel :
2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du certificat d'urbanisme du 20 décembre 2006 : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors œuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. / Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 146-4 du code l'urbanisme alors en vigueur, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 121-8 du même code : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
4. D'une part, il résulte de l'instruction que le certificat d'urbanisme en litige délivré le 20 décembre 2006 indique que la parcelle cadastrée n° A 851 peut être utilisée pour la construction d'une habitation de 210 m² de surface hors œuvre nette. Toutefois, la commune de Trégastel étant une commune littorale, cette opération devait respecter les dispositions précitées du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors applicables. Or il résulte de l'instruction que ce terrain était alors bordé sur deux de ses cotés par des espaces naturels et sur les deux autres par des constructions situées sur de vastes parcelles. La trentaine de constructions se trouvant plus ou moins à proximité était constitutive d'une zone d'habitat diffus séparée du centre-ville de Trégastel et de toute autre zone agglomérée de la commune. Aussi cette parcelle n'était-elle pas alors située en continuité d'une agglomération ou d'un village existants au sens de ce même article, si bien que le terrain acheté par le requérant était en réalité inutilisable pour le projet de construction auquel il le destinait.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction que la délivrance du certificat d'urbanisme opérationnel positif du 20 décembre 2006 a induit en erreur M. C..., qui n'est pas un opérateur immobilier, dès lors qu'il a acquis ce bien le 11 juillet 2007, au vu de ce certificat et afin d'y construire une maison d'habitation. La circonstance que M. C... se soit vu refuser un permis de construire dès le 18 janvier 2008, puis que sa parcelle serait redevenue constructible en 2012 à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme de la commune par un jugement du 12 mai 2011 du tribunal administratif de Rennes devenu définitif, est sans incidence sur la faute de la commune mentionnée ci-dessus, dès lors que le motif du refus de permis et de l'annulation du plan communal a trait à l'appartenance de la parcelle, invoquée par le maire puis censurée par le tribunal, à un espace remarquable du littoral au sens des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme. La circonstance qu'à la suite de l'annulation en 2011 du plan local d'urbanisme M. C... n'ait pas présenté de nouvelle demande de permis de construire est également sans incidence sur la faute identifiée, dès lors qu'il n'était pas tenu de le faire. De même, en l'état de l'instruction, le fait que le maire de Trégastel ait délivré dans cette zone, après 2011, plusieurs permis de construire qui n'ont pas été contestés, est sans incidence sur la faute commise par la commune en 2006. La délivrance du certificat d'urbanisme positif du 20 décembre 2006 est dès lors de nature à engager la responsabilité pour faute de la commune à concurrence des préjudicies directs et certains qui en ont résulté pour M. C....
6. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire présentée par M. C... au motif que les dispositions citées au point 3 ne s'opposaient pas, à la date d'acquisition du terrain par le requérant, à son projet de construction d'une maison d'habitation et qu'ainsi la commune n'avait commis aucune faute à l'occasion de la délivrance du certificat d'urbanisme du 20 décembre 2006.
En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Trégastel :
7. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la connaissance par la victime de l'existence d'un dommage ne suffit pas à faire courir le délai de la prescription quadriennale. Le point de départ de cette dernière est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration.
8. La connaissance par M. C... du caractère inconstructible de sa parcelle au motif qu'elle n'appartient pas à un espace urbanisé ou un village au sens de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ne pouvait se déduire du refus de permis de construire opposé à M. D... le maire de Trégastel le 18 janvier 2008, dès lors que ce refus de permis était motivé par le fait distinct que cette parcelle appartenait à un espace remarquable au sens des articles L. 146-6 et R. 146-2 du code de l'urbanisme alors applicables. De même, l'action indemnitaire engagée le 28 mai 2008 par M. C... à l'encontre du notaire qui a procédé à la cession de la parcelle et de la vendeuse de ce bien n'est pas davantage fondé sur absence de continuité de la parcelle avec une zone urbanisée. Dès lors, le requérant n'a pu acquérir connaissance suffisante de sa créance et de la cause qui la fonde qu'à réception du certificat informatif du 20 octobre 2017 mentionnant l'application au terrain des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, qui reprennent celles du I de l'article L. 146-4 du même code. La demande préalable au présent contentieux ayant été reçue le 28 décembre 2017 par la commune de Trégastel, cette dernière n'est donc pas fondée, en se prévalant des événements rappelés ci-dessus, à opposer l'exception de prescription quadriennale.
En ce qui concerne les préjudices :
9. L'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par la faute de l'administration a pour seule vocation de replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, c'est-à-dire, lorsque la faute résulte d'une décision illégale, si celle-ci n'était jamais intervenue.
S'agissant de la perte de valeur vénale du terrain et des frais notariés :
10. En premier lieu, M. C... soutient qu'il doit être indemnisé pour un montant de 123 600 euros du coût excessif de la parcelle qu'il a acquise en 2007 pour un montant de 130 100 euros, alors qu'elle est estimée par un notaire à 6 500 euros en raison de son caractère inconstructible. Cette attestation notariale n'ayant pas été contestée et l'inexactitude de cette estimation ne résultant pas des pièces du dossier, M. C... est fondé à demander à être indemnisé à ce titre pour le montant demandé de 123 600 euros.
11. En deuxième lieu, M. C... soutient qu'il doit être indemnisé de la somme de 14 342,92 euros correspondant à la différence entre les frais d'actes notariés exposés en 2007 pour l'achat de la parcelle en litige, pour un montant de 15 550 euros, et ceux qu'il aurait exposés s'il avait acquis le même terrain non constructible, soit 1 207,08 euros. Ces montants, au demeurant non contestés, étant justifiés par les attestations que le requérant verse à l'instance, il y a lieu de fixer l'indemnisation à ce titre au montant de 14 342 euros.
12. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une action en responsabilité exercée par M. C... en 2007 devant le TGI de Guingamp à l'encontre de la précédente propriétaire du terrain ainsi que du notaire devant lequel s'était conclue la vente en juillet 2007, les parties ont conclu le 6 juillet 2012 un protocole d'accord transactionnel mettant fin à l'instance alors pendante devant la cour d'appel. Au terme de cet accord transactionnel M. C... a bénéficié d'une indemnité forfaitaire et définitive de 35 000 euros, destinée à couvrir plusieurs des préjudices que lui avait occasionné l'acquisition du terrain ici en cause. Dès lors que cet accord, qui visait essentiellement à réparer la moins-value du terrain lié à son inconstructibilité, portait également sur d'autres chefs de préjudice sans lien avec ceux invoqués dans la présente instance, tels notamment les frais d'architectes engagés en vue de la construction projetée, il y a lieu de tenir compte de cette transaction en tant qu'elle comporte des montants visant à indemniser en partie les chefs de préjudice énoncés ci-dessus aux points 10 et 11. Il en sera fait une juste appréciation en réduisant de 30 000 euros les sommes mises à la charge de la commune de Trégastel à ce titre.
13. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Trégastel la somme de 107 942 euros au titre de l'indemnisation de la perte de valeur vénale du bien immobilier et des frais notariés exposés par M. C....
S'agissant du préjudice d'immobilisation financière :
14. M. C... demande à être indemnisé pour un total de 50 293,04 euros du préjudice né de l'immobilisation financière de son capital, dès lors qu'il a été privé d'une chance sérieuse de placer la somme de 145 650 euros qu'il a investi pour l'acquisition de ce terrain, en soutenant que ce placement lui aurait ouvert droit au versement d'intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2007, date d'acquisition, et jusqu'à sa demande préalable du 22 mars 2021.
15. Il résulte de l'instruction que M. C... a acquis sans emprunt la parcelle en litige au prix du terrain constructible, afin d'y construire une maison d'habitation qu'il n'a pu réaliser. La commune fait valoir qu'à compter de l'annulation du plan local d'urbanisme par un jugement du 12 mai 2011 du tribunal administratif de Rennes et avant l'approbation en 2017 du nouveau plan qui interdit à nouveau toute construction sur cette parcelle, M. C... avait la possibilité d'obtenir un permis de construire, à l'instar de proches voisins, au regard des règles issues du plan d'occupation des sols de la commune de 1999 remis en vigueur consécutivement à l'annulation du plan local d'urbanisme. Cependant il résulte de l'instruction qu'il n'aurait pu légalement être fait droit à cette demande au regard des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur, qui imposaient une construction en continuité d'une agglomération ou d'un village existant. M. C... est donc en droit d'être indemnisé de son préjudice d'immobilisation financier consécutif à l'acquisition de sa parcelle à compter de la date de cet achat, le 11 juillet 2007. Ce préjudice peut être calculé pour la période courant jusqu'à la transaction intervenue le 6 juillet 2012 sur la base de 137 942 euros par référence aux sommes précisées aux points 10 et 11. A compter du 7 juillet 2012 et jusqu'au 22 mars 2021, ainsi qu'il le demande, afin de prendre en compte le montant de cette transaction et au regard de la perception de la somme prévue par la transaction et dans les limites prévues au point 12, il y a lieu de fixer ce montant de référence à 107 942 euros. En conséquence, M. C... a droit à être indemnisé par la commune de Trégastel du montant des intérêts au taux légal à calculer sur la somme de 137 942 euros pour la période courant du 11 juillet 2007 au 6 juillet 2012 puis sur la somme de 107 942 euros pour la période comprise entre le 7 juillet 2012 et le 22 mars 2021.
16. En quatrième lieu, M. C... a subi un préjudice moral du fait de l'acquisition d'un bien immobilier sur lequel il n'a pas pu réaliser son projet de construction et de la nécessité d'engager plusieurs procédures pour se faire indemniser. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant la commune de Trégastel à lui verser à ce titre un montant de 1 500 euros.
17. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Trégastel, au bénéfice de M. C..., la somme de 107 942 euros au titre de l'indemnisation de la perte de valeur vénale de son bien immobilier et des frais notariés exposés, de 1 500 euros au titre de son préjudice moral, ainsi qu'une somme à calculer, au titre du préjudice d'immobilisation financière, dans les conditions fixées au point 15 du présent arrêt. Par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté en totalité sa demande.
Sur les intérêts et la capitalisation :
18. M. C... a droit, pour le total des sommes mises à la charge de la commune de Trégastel telles que précisées au point précédent, aux intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017, date de réception de sa demande préalable par la commune. Les intérêts échus à la date du 28 décembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, seront capitalisés à cette date et à chacune des échéances annuelles suivantes pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur les frais d'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de Trégastel. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C....
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1801930 du 29 janvier 2021 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La commune de Trégastel versera à M. C... la somme de 109 442 euros.
Article 3 : La commune de Trégastel versera à M. C... les intérêts dus sur la somme de 137 942 euros puis sur la somme de 107 942 euros, dans les conditions fixées au point 15.
Article 4 : Les sommes dues en application des articles 2 et 3 porteront intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 28 décembre 2018.
Article 5 : La commune de Trégastel versera à M. C... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la commune de Trégastel.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21NT00824