CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 28/03/2023, 21VE01669, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 28/03/2023, 21VE01669, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES - 1ère chambre
- N° 21VE01669
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
28 mars 2023
- Président
- M. BEAUJARD
- Rapporteur
- Mme Christine PHAM
- Avocat(s)
- SOCIETE D'AVOCATS ARIA
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Mistral a demandé au tribunal administratif de Versailles :
1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos au 31 mars 2014 ;
2°) de prononcer le report du déficit de 909 140 euros existant à la clôture de l'exercice clos le 31 mars 2013 en totalité ou, à défaut, dans la limite du bénéfice constaté au cours de l'exercice clos le 31 mars 2014 ;
3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1900421 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Versailles l'a déchargée de la majoration concernant la reprise du report sur l'exercice clos au 31 mars 2014 du déficit constaté le 31 mars 2013 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 juin 2021 et le 22 avril 2022, la société Mistral, représentée par Me Dugas, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a refusé de prononcer le report du déficit de 909 140 euros existant à la clôture de l'exercice clos le 31 mars 2013 en totalité ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement en ce qu'il a refusé de prononcer le report du déficit de 909 140 euros existant à la clôture de l'exercice clos le 31 mars 2013 dans la limite du bénéfice constaté au cours de l'exercice clos le 31 mars 2014 ;
3°) de prononcer le dégrèvement des impositions subséquentes ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son déficit est reportable, au moins sur l'exercice où la fusion avec la SAS Les Oliviers est intervenue, car cette fusion ne peut être regardée comme un changement de son activité réelle emportant cessation d'entreprise ;
- elle se prévaut des doctrines référencées BOI-IS-CESS-30-20 du 10 juillet 2013, nos 270 et 280, et BOI-IS-CESS-10 du 2 août 2017, n° 490.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'étendue du litige ne porte que sur la somme de 172 410 euros, dès lors que la société Mistral ne conteste plus que le bien-fondé de la rectification portant sur la reprise du report du déficit constaté le 31 mars 2013 sur les exercices suivants ;
- les moyens soulevés par la société Mistral ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dugas, représentant la société Mistral.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Mistral a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses exercices clos les 31 mars 2013, 31 mars 2014 et 31 décembre 2014 et, pour la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er avril 2012 au 30 septembre 2015. Des rectifications lui ont été proposées par lettre du 14 décembre 2016, confirmées le 14 avril 2017 portant, d'une part, en matière de taxe sur la valeur ajoutée déductible et d'impôt sur les sociétés, sur des dépenses ne constituant pas, selon le vérificateur, des charges et ne permettant pas la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, sur le refus du report, sur les exercices suivants, du déficit constaté le 31 mars 2013, à la clôture de l'exercice. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a proposé, le 17 mai 2018, de maintenir les rectifications proposées en matière d'impôt sur les sociétés. La société Mistral a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces rectifications. Par un jugement n° 1900421 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Versailles l'a déchargée de la majoration concernant la reprise du report sur l'exercice clos au 31 mars 2014 du déficit constaté le 31 mars 2013 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Mistral relève appel de ce jugement en ce qu'il a refusé de prononcer le report du déficit de 909 140 euros existant à la clôture de l'exercice clos le 31 mars 2013 en totalité ou en partie.
Sur le report des déficits :
En ce qui concerne la loi fiscale :
2. Si la société Mistral indique reprendre les moyens relatifs aux distributions développés dans l'instance introduite devant la cour administrative d'appel de Paris le 20 juillet 2020, de tels moyens doivent être écartés comme inopérants, dès lors que la société Mistral a seulement demandé la réformation du jugement en ce qu'il refuse le report de déficit.
3. Aux termes de l'article 221 du code général des impôts : " (...) 5. a) Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. Il en est de même en cas de disparition des moyens de production nécessaires à la poursuite de l'exploitation pendant une durée de plus de douze mois, sauf en cas de force majeure, ou lorsque cette disparition est suivie d'une cession de la majorité des droits sociaux. / Toutefois, dans les situations mentionnées au premier alinéa du présent a, l'article 221 bis est applicable, sauf en ce qui concerne les provisions dont la déduction est prévue par des dispositions légales particulières. / b) Le changement d'activité réelle d'une société s'entend notamment : / 1°) De l'adjonction d'une activité entraînant, au titre de l'exercice de sa survenance ou de l'exercice suivant, une augmentation de plus de 50 % par rapport à l'exercice précédant celui de l'adjonction : / soit du chiffre d'affaires de la société (...) ". L'article 221 bis de ce même code dispose que : " En l'absence de création d'une personne morale nouvelle, lorsqu'une société ou un autre organisme cesse totalement ou partiellement d'être soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal, les bénéfices en sursis d'imposition, les plus-values latentes incluses dans l'actif social et les profits non encore imposés sur les stocks ne font pas l'objet d'une imposition immédiate, à la double condition qu'aucune modification ne soit apportée aux écritures comptables et que l'imposition desdits bénéfices, plus-values et profits demeure possible sous le nouveau régime fiscal applicable à la société ou à l'organisme concerné. (...) ".
4. Il est constant que la société Mistral a absorbé la SAS Les Oliviers le 10 octobre 2013 avec effet rétroactif au 1er avril 2013. L'administration a considéré que cette fusion-absorption constituait une cessation d'entreprise au sens des dispositions précitées de l'article 221 du code général des impôts et a refusé le report, sur les exercices suivants, du déficit de 909 141 euros constaté à l'issue de l'exercice clos le 31 mars 2013, ce que la société Mistral conteste.
5. Il résulte de l'instruction que la société requérante, constituée en 1990, si elle avait un objet social très vaste, avait exercé entre 2004 et 2011 une activité de construction-vente d'un ensemble immobilier situé à La Fare-les-Oliviers (Bouches-du-Rhône). Au cours de l'exercice portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013, son activité s'était bornée à réaliser des prestations de services au profit des sociétés appartenant au même dirigeant. La SAS Les Oliviers, créée en 1990, avait pour objet la construction et l'exploitation d'un ensemble immobilier et l'acquisition de tout immeuble ainsi que la participation financière dans d'autres sociétés à des projets similaires. Elle possédait un immeuble à usage industriel et commercial à La Fare-les-Oliviers qu'elle donnait en location depuis 2004 et ses revenus déclarés en 2013 étaient exclusivement constitués par les loyers perçus par elle. Ainsi, la société Mistral n'exerçait pas d'activité de location immobilière avant la fusion-absorption de la société Les Oliviers, qui a eu pour effet de lui adjoindre une nouvelle activité. Contrairement à ce qu'elle soutient, la promotion immobilière, l'entretien et la rénovation de biens immobiliers, d'une part, et la location immobilière, d'autre part, sont des activités distinctes au sens de l'article 221 du code général des impôts. Est par ailleurs sans incidence la circonstance alléguée, mais au demeurant non démontrée, selon laquelle il y aurait identité des moyens d'exploitation mis en œuvre et de la clientèle cible.
6. Au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014, le chiffre d'affaires réalisé par la SAS Mistral après la fusion absorption est réparti en prestations de services rendues à d'autres sociétés à hauteur de 293 486 euros, en activité de location d'immeuble à hauteur de 463 553,75 euros et en refacturations à la société SMEF Azur à hauteur de 40 735,20 euros. Les parts de ces mêmes activités sont respectivement de 103 200 euros, 248 886,60 euros et 106 008,35 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014. Par suite, le chiffre d'affaires afférent à la location immobilière a entraîné une augmentation de plus de 50 % du chiffre d'affaires de la société Mistral par rapport à l'exercice précédant celui de l'adjonction. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé le report du déficit reportable de la SAS Mistral sur le terrain de la loi fiscale.
Sur l'interprétation de la doctrine :
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
8. D'une part, la société Mistral ne peut utilement se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-IS-CESS-30-20 du 4 février 2015, nos 270 et 280, dès lors que celle-ci ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle faite par le présent arrêt.
9. D'autre part, la société Mistral invoque la doctrine administrative relative à l'application du 5 de l'article 221 du code général des impôts référencée BOI-IS-CESS-10 du 2 août 2017 n° 490 aux termes de laquelle " Les déficits subis antérieurement au changement d'objet social, à la disparition des moyens de production ou au changement d'activité réelle caractérisant une cessation d'entreprise, sont définitivement perdus et ne peuvent plus être imputés sur les éventuels bénéfices réalisés ultérieurement. Ils demeurent toutefois imputables sur les bénéfices d'exploitation non encore taxés, les bénéfices en sursis d'imposition et les plus-values latentes incluses dans l'actif social imposables au titre de l'exercice au titre duquel le changement d'activité est caractérisé, sous réserve de l'application de l'atténuation conditionnelle prévue à l'article 221 bis du CGI ". Toutefois, les dispositions dont la société Mistral se prévaut ne figurent que dans des instructions postérieures à la période d'imposition en cause. Il s'ensuit qu'il ne peut être considéré que la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Mistral n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Mistral est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mistral et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
La rapporteure,
C. A... Le président,
P. BEAUJARDLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 21VE01669
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Mistral a demandé au tribunal administratif de Versailles :
1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos au 31 mars 2014 ;
2°) de prononcer le report du déficit de 909 140 euros existant à la clôture de l'exercice clos le 31 mars 2013 en totalité ou, à défaut, dans la limite du bénéfice constaté au cours de l'exercice clos le 31 mars 2014 ;
3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1900421 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Versailles l'a déchargée de la majoration concernant la reprise du report sur l'exercice clos au 31 mars 2014 du déficit constaté le 31 mars 2013 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 juin 2021 et le 22 avril 2022, la société Mistral, représentée par Me Dugas, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a refusé de prononcer le report du déficit de 909 140 euros existant à la clôture de l'exercice clos le 31 mars 2013 en totalité ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement en ce qu'il a refusé de prononcer le report du déficit de 909 140 euros existant à la clôture de l'exercice clos le 31 mars 2013 dans la limite du bénéfice constaté au cours de l'exercice clos le 31 mars 2014 ;
3°) de prononcer le dégrèvement des impositions subséquentes ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son déficit est reportable, au moins sur l'exercice où la fusion avec la SAS Les Oliviers est intervenue, car cette fusion ne peut être regardée comme un changement de son activité réelle emportant cessation d'entreprise ;
- elle se prévaut des doctrines référencées BOI-IS-CESS-30-20 du 10 juillet 2013, nos 270 et 280, et BOI-IS-CESS-10 du 2 août 2017, n° 490.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'étendue du litige ne porte que sur la somme de 172 410 euros, dès lors que la société Mistral ne conteste plus que le bien-fondé de la rectification portant sur la reprise du report du déficit constaté le 31 mars 2013 sur les exercices suivants ;
- les moyens soulevés par la société Mistral ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dugas, représentant la société Mistral.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Mistral a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses exercices clos les 31 mars 2013, 31 mars 2014 et 31 décembre 2014 et, pour la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er avril 2012 au 30 septembre 2015. Des rectifications lui ont été proposées par lettre du 14 décembre 2016, confirmées le 14 avril 2017 portant, d'une part, en matière de taxe sur la valeur ajoutée déductible et d'impôt sur les sociétés, sur des dépenses ne constituant pas, selon le vérificateur, des charges et ne permettant pas la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, sur le refus du report, sur les exercices suivants, du déficit constaté le 31 mars 2013, à la clôture de l'exercice. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a proposé, le 17 mai 2018, de maintenir les rectifications proposées en matière d'impôt sur les sociétés. La société Mistral a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces rectifications. Par un jugement n° 1900421 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Versailles l'a déchargée de la majoration concernant la reprise du report sur l'exercice clos au 31 mars 2014 du déficit constaté le 31 mars 2013 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Mistral relève appel de ce jugement en ce qu'il a refusé de prononcer le report du déficit de 909 140 euros existant à la clôture de l'exercice clos le 31 mars 2013 en totalité ou en partie.
Sur le report des déficits :
En ce qui concerne la loi fiscale :
2. Si la société Mistral indique reprendre les moyens relatifs aux distributions développés dans l'instance introduite devant la cour administrative d'appel de Paris le 20 juillet 2020, de tels moyens doivent être écartés comme inopérants, dès lors que la société Mistral a seulement demandé la réformation du jugement en ce qu'il refuse le report de déficit.
3. Aux termes de l'article 221 du code général des impôts : " (...) 5. a) Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. Il en est de même en cas de disparition des moyens de production nécessaires à la poursuite de l'exploitation pendant une durée de plus de douze mois, sauf en cas de force majeure, ou lorsque cette disparition est suivie d'une cession de la majorité des droits sociaux. / Toutefois, dans les situations mentionnées au premier alinéa du présent a, l'article 221 bis est applicable, sauf en ce qui concerne les provisions dont la déduction est prévue par des dispositions légales particulières. / b) Le changement d'activité réelle d'une société s'entend notamment : / 1°) De l'adjonction d'une activité entraînant, au titre de l'exercice de sa survenance ou de l'exercice suivant, une augmentation de plus de 50 % par rapport à l'exercice précédant celui de l'adjonction : / soit du chiffre d'affaires de la société (...) ". L'article 221 bis de ce même code dispose que : " En l'absence de création d'une personne morale nouvelle, lorsqu'une société ou un autre organisme cesse totalement ou partiellement d'être soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal, les bénéfices en sursis d'imposition, les plus-values latentes incluses dans l'actif social et les profits non encore imposés sur les stocks ne font pas l'objet d'une imposition immédiate, à la double condition qu'aucune modification ne soit apportée aux écritures comptables et que l'imposition desdits bénéfices, plus-values et profits demeure possible sous le nouveau régime fiscal applicable à la société ou à l'organisme concerné. (...) ".
4. Il est constant que la société Mistral a absorbé la SAS Les Oliviers le 10 octobre 2013 avec effet rétroactif au 1er avril 2013. L'administration a considéré que cette fusion-absorption constituait une cessation d'entreprise au sens des dispositions précitées de l'article 221 du code général des impôts et a refusé le report, sur les exercices suivants, du déficit de 909 141 euros constaté à l'issue de l'exercice clos le 31 mars 2013, ce que la société Mistral conteste.
5. Il résulte de l'instruction que la société requérante, constituée en 1990, si elle avait un objet social très vaste, avait exercé entre 2004 et 2011 une activité de construction-vente d'un ensemble immobilier situé à La Fare-les-Oliviers (Bouches-du-Rhône). Au cours de l'exercice portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013, son activité s'était bornée à réaliser des prestations de services au profit des sociétés appartenant au même dirigeant. La SAS Les Oliviers, créée en 1990, avait pour objet la construction et l'exploitation d'un ensemble immobilier et l'acquisition de tout immeuble ainsi que la participation financière dans d'autres sociétés à des projets similaires. Elle possédait un immeuble à usage industriel et commercial à La Fare-les-Oliviers qu'elle donnait en location depuis 2004 et ses revenus déclarés en 2013 étaient exclusivement constitués par les loyers perçus par elle. Ainsi, la société Mistral n'exerçait pas d'activité de location immobilière avant la fusion-absorption de la société Les Oliviers, qui a eu pour effet de lui adjoindre une nouvelle activité. Contrairement à ce qu'elle soutient, la promotion immobilière, l'entretien et la rénovation de biens immobiliers, d'une part, et la location immobilière, d'autre part, sont des activités distinctes au sens de l'article 221 du code général des impôts. Est par ailleurs sans incidence la circonstance alléguée, mais au demeurant non démontrée, selon laquelle il y aurait identité des moyens d'exploitation mis en œuvre et de la clientèle cible.
6. Au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014, le chiffre d'affaires réalisé par la SAS Mistral après la fusion absorption est réparti en prestations de services rendues à d'autres sociétés à hauteur de 293 486 euros, en activité de location d'immeuble à hauteur de 463 553,75 euros et en refacturations à la société SMEF Azur à hauteur de 40 735,20 euros. Les parts de ces mêmes activités sont respectivement de 103 200 euros, 248 886,60 euros et 106 008,35 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014. Par suite, le chiffre d'affaires afférent à la location immobilière a entraîné une augmentation de plus de 50 % du chiffre d'affaires de la société Mistral par rapport à l'exercice précédant celui de l'adjonction. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé le report du déficit reportable de la SAS Mistral sur le terrain de la loi fiscale.
Sur l'interprétation de la doctrine :
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
8. D'une part, la société Mistral ne peut utilement se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-IS-CESS-30-20 du 4 février 2015, nos 270 et 280, dès lors que celle-ci ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle faite par le présent arrêt.
9. D'autre part, la société Mistral invoque la doctrine administrative relative à l'application du 5 de l'article 221 du code général des impôts référencée BOI-IS-CESS-10 du 2 août 2017 n° 490 aux termes de laquelle " Les déficits subis antérieurement au changement d'objet social, à la disparition des moyens de production ou au changement d'activité réelle caractérisant une cessation d'entreprise, sont définitivement perdus et ne peuvent plus être imputés sur les éventuels bénéfices réalisés ultérieurement. Ils demeurent toutefois imputables sur les bénéfices d'exploitation non encore taxés, les bénéfices en sursis d'imposition et les plus-values latentes incluses dans l'actif social imposables au titre de l'exercice au titre duquel le changement d'activité est caractérisé, sous réserve de l'application de l'atténuation conditionnelle prévue à l'article 221 bis du CGI ". Toutefois, les dispositions dont la société Mistral se prévaut ne figurent que dans des instructions postérieures à la période d'imposition en cause. Il s'ensuit qu'il ne peut être considéré que la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Mistral n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Mistral est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mistral et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
La rapporteure,
C. A... Le président,
P. BEAUJARDLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 21VE01669