CAA de TOULOUSE, 1ère chambre, 16/03/2023, 21TL00109, Inédit au recueil Lebon
CAA de TOULOUSE, 1ère chambre, 16/03/2023, 21TL00109, Inédit au recueil Lebon
CAA de TOULOUSE - 1ère chambre
- N° 21TL00109
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
16 mars 2023
- Président
- M. BARTHEZ
- Rapporteur
- M. Nicolas LAFON
- Avocat(s)
- BOUSCASSE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017.
Par un jugement n° 1802622 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 2 324 euros prononcé en cours d'instance par le directeur départemental des finances publiques de Vaucluse et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2021 sous le n° 21MA00109 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00109 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 14 août 2021, Mme B..., représentée par Me Bouscasse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le caractère contradictoire de la procédure d'imposition n'a pas été respecté dès lors que le service vérificateur ne lui a pas restitué avant la proposition de rectification les factures qu'elle lui avait remises ;
- les chambres louées épisodiquement constituaient, dans leur intégralité, sa résidence principale au jour de la cession de son bien immobilier et doivent bénéficier de l'exonération prévue au 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts ;
- le paragraphe 70 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10 précise que l'exonération s'applique à la totalité de la plus-value lorsque l'immeuble constitue le domicile commercial d'une entreprise ou lorsque l'activité exercée dans l'habitation ne nécessite ni locaux, ni matériels professionnels spécifiques ;
- l'application que l'administration fait de l'article 150 U du code général des impôts méconnaît les conditions d'accessibilité de la loi et de son énonciation suffisamment précise, garanties par la Cour européenne des droits de l'homme ;
- le montant de l'imposition prend en compte une surface excessive correspondant aux chambres proposées à la location et ne tient pas compte des périodes pendant lesquelles ces chambres étaient utilisées comme toutes les pièces de sa résidence principale ;
- le dispositif fiscal appliqué revêt un caractère inéquitable dès lors que le montant de l'imposition contestée est supérieur au total des recettes réalisées de 2011 à 2016 dans le cadre de son activité de chambres d'hôtes ;
- l'imposition contestée méconnaît le paragraphe 80 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10, qui ne permet de fractionner la plus-value que lorsque l'immeuble cédé est pour partie affecté à usage d'habitation et pour partie à usage professionnel ;
- la décharge des droits entraînera celle des pénalités correspondantes.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 juin 2021 et le 23 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 2 décembre 2021.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du tourisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bouscasse pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... fait appel du jugement du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017. Ce supplément procède de l'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de la vente, le 21 avril 2017, d'un immeuble situé ... à Séguret (Vaucluse).
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) ". L'article L. 11 du même livre dispose que : " (...) le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Selon l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) ". Aux termes enfin de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".
3. Il résulte de l'instruction que Mme B... a remis au vérificateur, lors d'une entrevue réalisée le 2 octobre 2017, des factures relatives aux travaux réalisés sur le bien immobilier en cause, tendant à majorer le prix d'acquisition à prendre en compte pour le calcul de la plus-value. Ces documents, qui avaient été conservés par l'administration fiscale, ne lui ont été restitués, sur sa demande, que le 20 novembre 2017, postérieurement à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 23 octobre 2017 et qu'elle a réceptionnée le 9 novembre 2017. Toutefois, Mme B..., qui a bénéficié d'un délai supplémentaire de trente jours, a pu présenter, par un courrier du 2 janvier 2018 reçu le 5 janvier 2018, ses observations sur la proposition de rectification, lesquelles ont été examinées par l'administration qui y a répondu le 23 janvier 2018. En se bornant à se prévaloir du nombre important de factures à analyser, la requérante n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'elle n'a pas disposé du temps nécessaire pour présenter utilement ses observations, alors qu'elle pouvait le faire jusqu'au 9 janvier 2018, terme du délai qui lui était imparti. Dans ces conditions, la circonstance que ces factures lui ont été restituées postérieurement à la proposition de rectification ne l'a privée d'aucune garantie, y compris celles qui sont attachées au caractère contradictoire de la procédure d'imposition, n'a pas eu d'influence sur la décision de rectification et ne saurait, par suite, entraîner la décharge des impositions correspondantes.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I.- (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques (...), lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH (...) II.- Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (...) ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si un contribuable remplit les conditions légales d'une exonération.
6. D'une part, Mme B... a déclaré bénéficier, s'agissant de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession du 21 avril 2017, du régime d'exonération prévu à l'article 150 U du code général des impôts, au motif que l'immeuble en cause constituait sa résidence principale. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du contenu de sites internet de réservations et du site officiel de la commune de Séguret, que cinq des six chambres composant l'immeuble en cause étaient, au jour de la cession, proposées à la location en tant de chambres d'hôtes de manière continue toute l'année. Mme B... a déclaré, à ce titre, des revenus de locations meublées non professionnelles au titre des années 2011 à 2016, notamment pour un montant de recettes brutes de 26 488 euros au titre de cette dernière année. En se bornant à se prévaloir de ce que l'article L. 324-3 du code du tourisme précise que les chambres d'hôtes sont " situées chez l'habitant ", du caractère prétendument limité du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé à l'occasion de cette activité et des variations de ses consommations d'eau et à affirmer qu'elle n'a investi dans aucun matériel spécifique à cette activité, la requérante n'apporte, y compris par la production d'attestations peu précises et établies pour les besoins de la cause, aucun élément de nature à établir que les chambres offertes à la clientèle étaient également utilisées à des fins privatives. Dans l'ensemble de ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l'exonération de l'imposition de la fraction de la plus-value concernant la cession de la partie de l'immeuble, dissociable compte tenu de son affectation, portant sur des biens donnés en location et ne constituant pas la résidence principale de Mme B... au jour de la cession.
7. D'autre part, il résulte de l'instruction que les cinq chambres affectées à l'activité de chambres d'hôtes représentaient une superficie totale de 118 mètres carrés, correspondant à 57,56 % de la surface totale de l'immeuble. Ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, Mme B... n'apporte en tout état de cause aucun élément permettant de considérer que ces chambres, qui étaient réputées être à la disposition permanente de la clientèle, étaient utilisées, à certaines périodes de l'année, à des fins privatives. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a limité l'exonération de l'imposition de la fraction de la plus-value correspondant à la cession de la partie correspondant à 42,44 % de la superficie totale du bien, sans ajouter la prise en compte, pour le surplus, d'une période d'occupation à titre de résidence principale.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 150 V du code général des impôts : " La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant ". Le II de l'article 150 VB du même code dispose que : " Le prix d'acquisition est, sur justificatifs, majoré : (...) 4° Des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure (...) ".
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 du présent arrêt que l'exonération de l'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession du 21 avril 2017 a été remise en cause en raison de la mise à disposition permanente d'une partie de l'immeuble, qui ne constituait donc pas la résidence principale de sa propriétaire au jour de la cession, et non de l'exercice d'une activité professionnelle. Par suite, la circonstance que le montant de l'imposition contestée est supérieur au total des recettes réalisées de 2011 à 2016 dans le cadre de l'activité de chambres d'hôtes réalisée par Mme B..., qui en déduit le caractère inéquitable du dispositif fiscal appliqué, est en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé des suppléments en litige, qui portent sur une plus-value immobilière. Il en est de même de la circonstance que le prix d'acquisition à retenir, contrairement à celui qui est pris en compte pour le calcul des plus-values réalisées à titre professionnel, n'est pas majoré du coût des achats de matériaux que Mme B... aurait personnellement supporté.
10. En troisième lieu, les dispositions de l'article 150 U du code général des impôts, telles qu'appliquées par l'administration fiscale à Mme B..., ne présentent aucune difficulté particulière d'interprétation qui serait source d'insécurité juridique et remplissent les conditions de clarté, d'accessibilité et de prévisibilité de la loi, lesquelles s'apprécient tant au regard de la loi elle-même que de la jurisprudence qui l'interprète. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des principes découlant des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en tout état de cause être écarté.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
11. Mme B... se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 70 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10, qui prévoit que : " (...) Lorsque l'immeuble ou la partie d'immeuble cédé est totalement affecté à usage d'habitation mais constitue le domicile commercial d'une entreprise, il est admis que l'exonération puisse s'appliquer à la totalité de la plus-value, toutes les autres conditions étant par ailleurs remplies. Il en est de même lorsque l'activité exercée dans l'habitation ne nécessite ni locaux ni matériels professionnels spécifiques ". Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'immeuble cédé par Mme B... n'était pas totalement affecté à un usage d'habitation et comprenait des locaux spécifiquement affectés à l'activité de chambres d'hôtes. Par suite, la cession en cause n'entrait pas dans les prévisions du paragraphe 70 de l'instruction invoquée, relative à l'exonération de l'imposition des plus-values immobilières résultant de la cession de la résidence principale.
12. Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir du paragraphe 80 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10, selon lequel : " Lorsque l'immeuble ou la partie d'immeuble cédé est pour partie affecté à usage d'habitation et pour partie à usage professionnel, seule la fraction de la plus-value afférente à la cession de la partie privative qui constitue la résidence principale du cédant peut bénéficier de l'exonération ", qui ne peut être regardé comme comportant une interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application ci-dessus.
En ce qui concerne les pénalités :
13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que Mme B... doit être déchargée des intérêts de retard en conséquence du caractère infondé des impositions contestées doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 23 février 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
Le rapporteur,
N. A...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL00109 2
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017.
Par un jugement n° 1802622 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 2 324 euros prononcé en cours d'instance par le directeur départemental des finances publiques de Vaucluse et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2021 sous le n° 21MA00109 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00109 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 14 août 2021, Mme B..., représentée par Me Bouscasse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le caractère contradictoire de la procédure d'imposition n'a pas été respecté dès lors que le service vérificateur ne lui a pas restitué avant la proposition de rectification les factures qu'elle lui avait remises ;
- les chambres louées épisodiquement constituaient, dans leur intégralité, sa résidence principale au jour de la cession de son bien immobilier et doivent bénéficier de l'exonération prévue au 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts ;
- le paragraphe 70 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10 précise que l'exonération s'applique à la totalité de la plus-value lorsque l'immeuble constitue le domicile commercial d'une entreprise ou lorsque l'activité exercée dans l'habitation ne nécessite ni locaux, ni matériels professionnels spécifiques ;
- l'application que l'administration fait de l'article 150 U du code général des impôts méconnaît les conditions d'accessibilité de la loi et de son énonciation suffisamment précise, garanties par la Cour européenne des droits de l'homme ;
- le montant de l'imposition prend en compte une surface excessive correspondant aux chambres proposées à la location et ne tient pas compte des périodes pendant lesquelles ces chambres étaient utilisées comme toutes les pièces de sa résidence principale ;
- le dispositif fiscal appliqué revêt un caractère inéquitable dès lors que le montant de l'imposition contestée est supérieur au total des recettes réalisées de 2011 à 2016 dans le cadre de son activité de chambres d'hôtes ;
- l'imposition contestée méconnaît le paragraphe 80 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10, qui ne permet de fractionner la plus-value que lorsque l'immeuble cédé est pour partie affecté à usage d'habitation et pour partie à usage professionnel ;
- la décharge des droits entraînera celle des pénalités correspondantes.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 juin 2021 et le 23 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 2 décembre 2021.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du tourisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bouscasse pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... fait appel du jugement du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017. Ce supplément procède de l'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de la vente, le 21 avril 2017, d'un immeuble situé ... à Séguret (Vaucluse).
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) ". L'article L. 11 du même livre dispose que : " (...) le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Selon l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) ". Aux termes enfin de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".
3. Il résulte de l'instruction que Mme B... a remis au vérificateur, lors d'une entrevue réalisée le 2 octobre 2017, des factures relatives aux travaux réalisés sur le bien immobilier en cause, tendant à majorer le prix d'acquisition à prendre en compte pour le calcul de la plus-value. Ces documents, qui avaient été conservés par l'administration fiscale, ne lui ont été restitués, sur sa demande, que le 20 novembre 2017, postérieurement à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 23 octobre 2017 et qu'elle a réceptionnée le 9 novembre 2017. Toutefois, Mme B..., qui a bénéficié d'un délai supplémentaire de trente jours, a pu présenter, par un courrier du 2 janvier 2018 reçu le 5 janvier 2018, ses observations sur la proposition de rectification, lesquelles ont été examinées par l'administration qui y a répondu le 23 janvier 2018. En se bornant à se prévaloir du nombre important de factures à analyser, la requérante n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'elle n'a pas disposé du temps nécessaire pour présenter utilement ses observations, alors qu'elle pouvait le faire jusqu'au 9 janvier 2018, terme du délai qui lui était imparti. Dans ces conditions, la circonstance que ces factures lui ont été restituées postérieurement à la proposition de rectification ne l'a privée d'aucune garantie, y compris celles qui sont attachées au caractère contradictoire de la procédure d'imposition, n'a pas eu d'influence sur la décision de rectification et ne saurait, par suite, entraîner la décharge des impositions correspondantes.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I.- (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques (...), lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH (...) II.- Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (...) ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si un contribuable remplit les conditions légales d'une exonération.
6. D'une part, Mme B... a déclaré bénéficier, s'agissant de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession du 21 avril 2017, du régime d'exonération prévu à l'article 150 U du code général des impôts, au motif que l'immeuble en cause constituait sa résidence principale. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du contenu de sites internet de réservations et du site officiel de la commune de Séguret, que cinq des six chambres composant l'immeuble en cause étaient, au jour de la cession, proposées à la location en tant de chambres d'hôtes de manière continue toute l'année. Mme B... a déclaré, à ce titre, des revenus de locations meublées non professionnelles au titre des années 2011 à 2016, notamment pour un montant de recettes brutes de 26 488 euros au titre de cette dernière année. En se bornant à se prévaloir de ce que l'article L. 324-3 du code du tourisme précise que les chambres d'hôtes sont " situées chez l'habitant ", du caractère prétendument limité du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé à l'occasion de cette activité et des variations de ses consommations d'eau et à affirmer qu'elle n'a investi dans aucun matériel spécifique à cette activité, la requérante n'apporte, y compris par la production d'attestations peu précises et établies pour les besoins de la cause, aucun élément de nature à établir que les chambres offertes à la clientèle étaient également utilisées à des fins privatives. Dans l'ensemble de ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l'exonération de l'imposition de la fraction de la plus-value concernant la cession de la partie de l'immeuble, dissociable compte tenu de son affectation, portant sur des biens donnés en location et ne constituant pas la résidence principale de Mme B... au jour de la cession.
7. D'autre part, il résulte de l'instruction que les cinq chambres affectées à l'activité de chambres d'hôtes représentaient une superficie totale de 118 mètres carrés, correspondant à 57,56 % de la surface totale de l'immeuble. Ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, Mme B... n'apporte en tout état de cause aucun élément permettant de considérer que ces chambres, qui étaient réputées être à la disposition permanente de la clientèle, étaient utilisées, à certaines périodes de l'année, à des fins privatives. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a limité l'exonération de l'imposition de la fraction de la plus-value correspondant à la cession de la partie correspondant à 42,44 % de la superficie totale du bien, sans ajouter la prise en compte, pour le surplus, d'une période d'occupation à titre de résidence principale.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 150 V du code général des impôts : " La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant ". Le II de l'article 150 VB du même code dispose que : " Le prix d'acquisition est, sur justificatifs, majoré : (...) 4° Des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure (...) ".
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 du présent arrêt que l'exonération de l'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession du 21 avril 2017 a été remise en cause en raison de la mise à disposition permanente d'une partie de l'immeuble, qui ne constituait donc pas la résidence principale de sa propriétaire au jour de la cession, et non de l'exercice d'une activité professionnelle. Par suite, la circonstance que le montant de l'imposition contestée est supérieur au total des recettes réalisées de 2011 à 2016 dans le cadre de l'activité de chambres d'hôtes réalisée par Mme B..., qui en déduit le caractère inéquitable du dispositif fiscal appliqué, est en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé des suppléments en litige, qui portent sur une plus-value immobilière. Il en est de même de la circonstance que le prix d'acquisition à retenir, contrairement à celui qui est pris en compte pour le calcul des plus-values réalisées à titre professionnel, n'est pas majoré du coût des achats de matériaux que Mme B... aurait personnellement supporté.
10. En troisième lieu, les dispositions de l'article 150 U du code général des impôts, telles qu'appliquées par l'administration fiscale à Mme B..., ne présentent aucune difficulté particulière d'interprétation qui serait source d'insécurité juridique et remplissent les conditions de clarté, d'accessibilité et de prévisibilité de la loi, lesquelles s'apprécient tant au regard de la loi elle-même que de la jurisprudence qui l'interprète. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des principes découlant des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en tout état de cause être écarté.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
11. Mme B... se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 70 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10, qui prévoit que : " (...) Lorsque l'immeuble ou la partie d'immeuble cédé est totalement affecté à usage d'habitation mais constitue le domicile commercial d'une entreprise, il est admis que l'exonération puisse s'appliquer à la totalité de la plus-value, toutes les autres conditions étant par ailleurs remplies. Il en est de même lorsque l'activité exercée dans l'habitation ne nécessite ni locaux ni matériels professionnels spécifiques ". Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'immeuble cédé par Mme B... n'était pas totalement affecté à un usage d'habitation et comprenait des locaux spécifiquement affectés à l'activité de chambres d'hôtes. Par suite, la cession en cause n'entrait pas dans les prévisions du paragraphe 70 de l'instruction invoquée, relative à l'exonération de l'imposition des plus-values immobilières résultant de la cession de la résidence principale.
12. Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir du paragraphe 80 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10, selon lequel : " Lorsque l'immeuble ou la partie d'immeuble cédé est pour partie affecté à usage d'habitation et pour partie à usage professionnel, seule la fraction de la plus-value afférente à la cession de la partie privative qui constitue la résidence principale du cédant peut bénéficier de l'exonération ", qui ne peut être regardé comme comportant une interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application ci-dessus.
En ce qui concerne les pénalités :
13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que Mme B... doit être déchargée des intérêts de retard en conséquence du caractère infondé des impositions contestées doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 23 février 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
Le rapporteur,
N. A...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL00109 2