CAA de DOUAI, 4ème chambre, 02/03/2023, 22DA01547, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 02/03/2023, 22DA01547, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI - 4ème chambre
- N° 22DA01547
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
02 mars 2023
- Président
- M. Heu
- Rapporteur
- M. Mathieu Sauveplane
- Avocat(s)
- BAILLET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2015 et 2016, d'autre part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 688 euros au titre de la période couvrant l'année 2017.
Par un jugement n° 1809990, 1900477 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avait été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2015 et 2016, a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 juillet 2022, 11 janvier 2023 et 23 janvier 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Baillet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;
2°) de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2015 et 2016 pour un montant de 55 130 euros et 1 642 euros ;
3°) de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 688 euros au titre de la période couvrant l'année 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique ;
- les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts sont incompatibles avec la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qu'elles conditionnent strictement l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de mise à disposition d'un local meublé effectuées à titre onéreux et de manière habituelle à la fourniture de trois des quatre prestations qu'elles énoncent alors que le juge de l'impôt doit vérifier, indépendamment du nombre des critères, si l'activité de l'entreprise concernée est en concurrence potentielle avec les activités hôtelières ;
- à titre subsidiaire, la cour doit transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle relative à la compatibilité des dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts avec la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- il a apporté la preuve que les prestations de fourniture des petits déjeuners ainsi que les prestations de nettoyage avaient été fournies pendant les années en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, et un mémoire, enregistré le 23 janvier 2023, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Baillet et Me Debonnet, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a, le 21 janvier 2015, acquis, en l'état futur d'achèvement, un logement situé dans un ensemble immobilier dénommé " Résidence Le Domaine Sauvage ", à Équihen-Plage, pour le louer en meublé de tourisme ou de vacances. Il a créé, en vue de l'exploitation de ce bien immobilier, une entreprise individuelle immatriculée en France mais a confié la mise en location effective de ce bien à un tiers exploitant, la société Holiday Suites. Estimant que l'activité de location en meublé ainsi exercée entrait dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et n'était pas exonérée de cette taxe, M. B... a demandé et obtenu le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ce bien immobilier. À l'issue d'une vérification de comptabilité de l'activité individuelle de M. B..., l'administration fiscale a estimé, au contraire, que cette activité était exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée et a remis en cause les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée obtenus par l'intéressé et rappelé la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 55 130 euros au titre de l'année 2015 et 1 642 euros au titre de l'année 2016. Pour les mêmes motifs, l'administration fiscale a rejeté la demande de M. B... tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2017. M. B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016, d'autre part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 688 euros au titre de l'année 2017. Par un jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avait été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2015 et 2016, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction.
2. Aux termes de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : / (...) / l) l'affermage et la location de biens immeubles. / 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a° les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper ; / (...) ".
3. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / (...) ".
4. A l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des impositions en litige, M. B... soutient, notamment, que les dispositions du 4° du b. de l'article 261 D du code général des impôts sont incompatibles avec la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce que ces dispositions conditionnent strictement l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de mise à disposition d'un local meublé effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, à la fourniture de trois des quatre prestations qu'elles énoncent.
5. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".
6. La requête de M. B... soulève les questions suivantes :
1°) Les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, en ce qu'elles subordonnent l'absence d'application de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée aux locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation, s'agissant des prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, à la réalisation d'au moins trois des prestations définies à ces dispositions, sont-elles compatibles avec les dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 '
2°) En cas de réponse négative à cette question, la fourniture de seulement une ou deux des prestations définies au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts suffit-elle pour considérer que l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'applique pas aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle '
7. Ces questions constituent une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de M. B... et de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat pour avis sur ces questions.
DECIDE :
Article 1er : Le dossier de la requête de M. B... est transmis au Conseil d'Etat pour avis sur les questions de droit suivantes :
- Les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, en ce qu'elles subordonnent l'absence d'application de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée aux locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation, s'agissant des prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, à la réalisation d'au moins trois des prestations définies à ces dispositions, sont-elles compatibles avec les dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 '
- En cas de réponse négative à cette question, la fourniture de seulement une ou deux des prestations définies au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts suffit-elle pour considérer que l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'applique pas aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle '
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... jusqu'au prononcé de l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois, prévu à l'article L. 113-1 du code de justice administrative, à compter de la transmission du dossier.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 9 février 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°22DA01547 2
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2015 et 2016, d'autre part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 688 euros au titre de la période couvrant l'année 2017.
Par un jugement n° 1809990, 1900477 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avait été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2015 et 2016, a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 juillet 2022, 11 janvier 2023 et 23 janvier 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Baillet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;
2°) de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2015 et 2016 pour un montant de 55 130 euros et 1 642 euros ;
3°) de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 688 euros au titre de la période couvrant l'année 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique ;
- les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts sont incompatibles avec la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qu'elles conditionnent strictement l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de mise à disposition d'un local meublé effectuées à titre onéreux et de manière habituelle à la fourniture de trois des quatre prestations qu'elles énoncent alors que le juge de l'impôt doit vérifier, indépendamment du nombre des critères, si l'activité de l'entreprise concernée est en concurrence potentielle avec les activités hôtelières ;
- à titre subsidiaire, la cour doit transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle relative à la compatibilité des dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts avec la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- il a apporté la preuve que les prestations de fourniture des petits déjeuners ainsi que les prestations de nettoyage avaient été fournies pendant les années en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, et un mémoire, enregistré le 23 janvier 2023, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Baillet et Me Debonnet, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a, le 21 janvier 2015, acquis, en l'état futur d'achèvement, un logement situé dans un ensemble immobilier dénommé " Résidence Le Domaine Sauvage ", à Équihen-Plage, pour le louer en meublé de tourisme ou de vacances. Il a créé, en vue de l'exploitation de ce bien immobilier, une entreprise individuelle immatriculée en France mais a confié la mise en location effective de ce bien à un tiers exploitant, la société Holiday Suites. Estimant que l'activité de location en meublé ainsi exercée entrait dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et n'était pas exonérée de cette taxe, M. B... a demandé et obtenu le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ce bien immobilier. À l'issue d'une vérification de comptabilité de l'activité individuelle de M. B..., l'administration fiscale a estimé, au contraire, que cette activité était exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée et a remis en cause les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée obtenus par l'intéressé et rappelé la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 55 130 euros au titre de l'année 2015 et 1 642 euros au titre de l'année 2016. Pour les mêmes motifs, l'administration fiscale a rejeté la demande de M. B... tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2017. M. B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016, d'autre part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 688 euros au titre de l'année 2017. Par un jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avait été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2015 et 2016, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction.
2. Aux termes de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : / (...) / l) l'affermage et la location de biens immeubles. / 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a° les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper ; / (...) ".
3. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / (...) ".
4. A l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des impositions en litige, M. B... soutient, notamment, que les dispositions du 4° du b. de l'article 261 D du code général des impôts sont incompatibles avec la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce que ces dispositions conditionnent strictement l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de mise à disposition d'un local meublé effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, à la fourniture de trois des quatre prestations qu'elles énoncent.
5. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".
6. La requête de M. B... soulève les questions suivantes :
1°) Les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, en ce qu'elles subordonnent l'absence d'application de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée aux locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation, s'agissant des prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, à la réalisation d'au moins trois des prestations définies à ces dispositions, sont-elles compatibles avec les dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 '
2°) En cas de réponse négative à cette question, la fourniture de seulement une ou deux des prestations définies au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts suffit-elle pour considérer que l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'applique pas aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle '
7. Ces questions constituent une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de M. B... et de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat pour avis sur ces questions.
DECIDE :
Article 1er : Le dossier de la requête de M. B... est transmis au Conseil d'Etat pour avis sur les questions de droit suivantes :
- Les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, en ce qu'elles subordonnent l'absence d'application de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée aux locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation, s'agissant des prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, à la réalisation d'au moins trois des prestations définies à ces dispositions, sont-elles compatibles avec les dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 '
- En cas de réponse négative à cette question, la fourniture de seulement une ou deux des prestations définies au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts suffit-elle pour considérer que l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'applique pas aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle '
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... jusqu'au prononcé de l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois, prévu à l'article L. 113-1 du code de justice administrative, à compter de la transmission du dossier.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 9 février 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°22DA01547 2