CAA de PARIS, 4ème chambre, 03/03/2023, 21PA04511, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS, 4ème chambre, 03/03/2023, 21PA04511, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS - 4ème chambre
- N° 21PA04511
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
03 mars 2023
- Président
- Mme BRIANÇON
- Rapporteur
- Mme Claudine BRIANÇON
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2021 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 2103254/4 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de restituer à M. B... son titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;
- il conserve le bénéfice de ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens de la requête ;
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense malgré la mise en demeure adressé par un courrier en date du 17 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant angolais né le 10 mai 1973, est entré en France en 1988 selon ses déclarations. Il a bénéficié de cartes de séjour temporaire entre 1992 et 1995, et de cartes de résident depuis 1995. Le 26 mars 2015, il a sollicité le renouvellement de sa carte de résident et a été mis en possession d'un titre valable du 16 octobre 2015 au 15 octobre 2025. Par un arrêté du 18 janvier 2021, le préfet de police, après avoir saisi la commission spéciale d'expulsion, a prononcé son expulsion du territoire français, au motif que son comportement constituait une menace à l'ordre public. Le préfet de police relève appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au litige, et désormais codifié à l'article L. 631-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 521-2 de ce code, devenu l'article L. 631-2 : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) ; ".
3. Si le préfet de police soutient que M. B... présente une menace à l'ordre public, ne justifie pas résider en France depuis l'âge de 13 ans et ne démontre pas disposer de ressources ou de moyens d'existence suffisants, il ressort toutefois des écritures des parties, notamment celles du préfet de police, que M. B... a été mis en possession d'une première carte de séjour temporaire par le préfet de la Haute-Garonne le 16 novembre 1992, régulièrement renouvelée jusqu'au 15 novembre1995. Le préfet de police mentionne également que M. B... a bénéficié d'une carte de résident délivrée par le préfet d'Eure-et-Loir valable du 16 novembre 1995 au 15 novembre 2005, d'une carte de résident délivrée par le préfet du Loiret valable du 16 novembre 2005 au 15 novembre 2015, et d'une carte de résident délivrée par le préfet de police, valable du 16 novembre 2015 au 15 novembre 2025. Ainsi, M. B... a vécu en situation régulière sur le territoire national entre le 16 novembre 1992 et le 21 janvier 2021, soit une durée de vingt-huit ans. Si les périodes de détention de M. B..., d'une durée totale cumulée de dix ans et neuf mois, ne sauraient être comptabilisées dans le calcul de la durée de résidence régulière de l'intéressé, ce dernier a toutefois séjourné en France sous couvert de titres de séjour pendant une durée de dix-sept ans au moins. Ainsi, alors même que M. B... a commis de nombreuses infractions d'escroquerie et d'atteintes aux biens, elles ne comportent toutefois pas de faits d'atteinte à la personne, comme l'a relevé la commission d'expulsion qui a rendu le 15 décembre 2019 un avis défavorable à son expulsion. Par suite, le préfet n'établissant pas, par cette mesure, une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 janvier 2021 et lui a enjoint de restituer à M. B... sa carte de résident.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 10 février 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Briançon, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mars 2023.
La présidente-rapporteure,
C. C...L'assesseur le plus ancien,
P.MANTZ
La greffière,
A.GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04511 2
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2021 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 2103254/4 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de restituer à M. B... son titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;
- il conserve le bénéfice de ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens de la requête ;
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense malgré la mise en demeure adressé par un courrier en date du 17 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant angolais né le 10 mai 1973, est entré en France en 1988 selon ses déclarations. Il a bénéficié de cartes de séjour temporaire entre 1992 et 1995, et de cartes de résident depuis 1995. Le 26 mars 2015, il a sollicité le renouvellement de sa carte de résident et a été mis en possession d'un titre valable du 16 octobre 2015 au 15 octobre 2025. Par un arrêté du 18 janvier 2021, le préfet de police, après avoir saisi la commission spéciale d'expulsion, a prononcé son expulsion du territoire français, au motif que son comportement constituait une menace à l'ordre public. Le préfet de police relève appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au litige, et désormais codifié à l'article L. 631-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 521-2 de ce code, devenu l'article L. 631-2 : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) ; ".
3. Si le préfet de police soutient que M. B... présente une menace à l'ordre public, ne justifie pas résider en France depuis l'âge de 13 ans et ne démontre pas disposer de ressources ou de moyens d'existence suffisants, il ressort toutefois des écritures des parties, notamment celles du préfet de police, que M. B... a été mis en possession d'une première carte de séjour temporaire par le préfet de la Haute-Garonne le 16 novembre 1992, régulièrement renouvelée jusqu'au 15 novembre1995. Le préfet de police mentionne également que M. B... a bénéficié d'une carte de résident délivrée par le préfet d'Eure-et-Loir valable du 16 novembre 1995 au 15 novembre 2005, d'une carte de résident délivrée par le préfet du Loiret valable du 16 novembre 2005 au 15 novembre 2015, et d'une carte de résident délivrée par le préfet de police, valable du 16 novembre 2015 au 15 novembre 2025. Ainsi, M. B... a vécu en situation régulière sur le territoire national entre le 16 novembre 1992 et le 21 janvier 2021, soit une durée de vingt-huit ans. Si les périodes de détention de M. B..., d'une durée totale cumulée de dix ans et neuf mois, ne sauraient être comptabilisées dans le calcul de la durée de résidence régulière de l'intéressé, ce dernier a toutefois séjourné en France sous couvert de titres de séjour pendant une durée de dix-sept ans au moins. Ainsi, alors même que M. B... a commis de nombreuses infractions d'escroquerie et d'atteintes aux biens, elles ne comportent toutefois pas de faits d'atteinte à la personne, comme l'a relevé la commission d'expulsion qui a rendu le 15 décembre 2019 un avis défavorable à son expulsion. Par suite, le préfet n'établissant pas, par cette mesure, une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 janvier 2021 et lui a enjoint de restituer à M. B... sa carte de résident.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 10 février 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Briançon, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mars 2023.
La présidente-rapporteure,
C. C...L'assesseur le plus ancien,
P.MANTZ
La greffière,
A.GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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