CAA de PARIS, 2ème chambre, 01/03/2023, 21PA05360, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) An Avel Braz a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants et la restitution des sommes versées à tort, assorties des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1920339/2-1 du 28 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a réduit la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SAS An Avel Braz d'un montant de 4 929 026 euros au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2013, l'a déchargée, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés correspondante, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance et rejeté le surplus des demandes de la société.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 8 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 28 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris, et de décider que la SAS An Avel Braz Services sera rétablie aux seuls droits d'impôt sur les sociétés dont la décharge a été prononcée par les premiers juges établis sur une base de 4 929 026 euros.

Il soutient que :

- en ce qui concerne les deux premiers redressements issus de la vérification de comptabilité, la proposition de rectification du 1er septembre 2014 est de nature à informer la société An Avel Braz des conséquences des redressements si elle n'était pas membre d'un groupe intégré ; la lettre d'information du 4 septembre 2014 l'a informée des conséquences des redressements en sa qualité de société mère du groupe ;
- les conséquences financières mentionnées dans la proposition de rectification concomitamment adressée le 4 septembre 2014 à la même société en sa qualité de société mère du groupe sont celles établies à partir de l'ensemble des trois redressements, issus tant de la vérification de comptabilité que du contrôle sur pièces ;
- la solidarité au paiement prévue au dernier alinéa de l'article 223 A du code général des impôts ne saurait être mise en œuvre à hauteur de ce qui serait dû " par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe " puisque ce montant excède celui dû par la société mère ;
- les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ont été respectées.


Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2021, la société An Avel Braz, représentée par Me Gaelle Menu-Lejeune, conclut au rejet du recours du ministre et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens du ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2022.

Un mémoire a été présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique le 30 septembre 2022 après clôture de l'instruction.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :


1. La société par actions simplifiée (SAS) An Avel Braz, qui a pour activité le développement, la construction et l'exploitation de champs éoliens, est la société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2013 au titre de ses activités propres. A l'issue de ce contrôle, par une proposition de rectification du 1er septembre 2014, l'administration a procédé, selon la procédure de rectification contradictoire, à des rehaussements de ses bases d'imposition et les conséquences des rehaussements opérés au niveau du groupe ont été portées à sa connaissance par un courrier du 4 septembre 2014. La société a également fait l'objet d'un contrôle sur pièces de ses déclarations en sa qualité de société mère du groupe intégré, qui a donné lieu à une proposition de rectification du 4 septembre 2014, procédant à la réintégration de provisions sur créances détenues sur des filiales. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ces contrôles ont été mises en recouvrement le 15 avril 2015, pour un montant de 1 269 025 euros en droits et intérêts de retard, au titre de l'exercice clos en 2013. Le ministre de l'économie des finances et de la relance relève appel du jugement n° 1920339/2-1 du 28 septembre 2021 en tant que le Tribunal administratif de Paris a réduit la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SAS An Avel Braz d'un montant de 4 929 026 euros au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2013, l'a déchargée, dans la mesure des seuls droits, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés correspondante et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance.

2. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe (...). Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. (...) Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe ".

3. Par ailleurs, les deux premiers alinéas de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales disposent que : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. / Pour une société membre d'un groupe mentionné à l'article 223 A du code général des impôts, l'information prévue au premier alinéa porte, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes, sur les montants dont elle serait redevable en l'absence d'appartenance à un groupe ". Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts la société mère d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de rectification, dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. L'information délivrée à chacune des sociétés membres du groupe ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de ses activités propres doit comporter le montant des droits, taxes et pénalités dont elle serait redevable à titre individuel si elle n'était pas membre du groupe, cette information permettant à son destinataire d'apprécier la portée de son obligation solidaire, à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus par elle si elle n'était pas membre du groupe. Cette obligation, qui met la société vérifiée en mesure de présenter utilement ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire, incombe également à l'administration lorsque la vérification de comptabilité a été menée avec la société mère à raison de ses activités propres, même si les conséquences financières effectives du redressement sont nécessairement égales aux sommes qu'elle doit en sa qualité de société mère du groupe et si aucune conséquence ne peut être tirée des sommes qui seraient dues par elle si elle n'était pas membre du groupe, la solidarité prévue à l'article 223 A du code général des impôts ne pouvant être mise en œuvre en l'espèce en l'absence de distinction entre un redevable principal et un redevable solidaire.

5. Contrairement à ce qui est soutenu par le ministre, la proposition de rectification du 1er septembre 2014, qui indique, avant intégration fiscale, le montant des redressements en base et la répartition des bases taxables entre le taux normal d'impôt sur les sociétés et le taux normal réduit applicable à une partie des rehaussements, n'indique pas les taux d'imposition applicables ni les droits d'impôt sur les sociétés en résultant. Le ministre n'est par suite pas fondé à soutenir que ces indications suffisaient à informer la société An Avel Braz, prise en sa qualité de société membre, des sommes dont elle aurait été redevable en l'absence d'appartenance au groupe fiscalement intégré. C'est par suite à bon droit, et alors même que des informations complètes auraient été données à la société sur les impositions dues après intégration fiscale en tant que société mère du groupe, et que le montant qui serait dû par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe excède celui dû par l'intéressée après intégration fiscale, que les premiers juges ont estimé que la garantie prévue à l'article L. 48 du livre des procédures fiscales avait été méconnue et ont prononcé pour ce motif la décharge des impositions litigieuses.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge litigieuse. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DECIDE :


Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société An Avel Braz la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société An Avel Braz.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 15 février 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2023.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA05360



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