CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/02/2023, 21TL03343, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation de la commune de Montpellier, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à lui verser la somme de 12 414,08 euros, indexée à l'indice BT01 à compter du 1er janvier 2017, correspondant au préjudice subi à raison de l'infiltration dans son terrain dallé des racines d'arbres situés dans le parc municipal jouxtant sa propriété.

Par un jugement n° 2000057 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Montpellier à payer à M. B... la somme de 12 414,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 6 août 2021, enregistrée à la cour administrative d'appel de Marseille, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative de Toulouse, la commune de Montpellier représentée par Me Phelip, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- en vertu d'une jurisprudence constante du Conseil d'État, la responsabilité du maître de l'ouvrage public ne peut être engagée à l'égard d'un tiers, si ce dernier ne pouvait ignorer, à la date de l'acquisition de sa propriété, les inconvénients pouvant résulter de l'existence et du fonctionnement de l'ouvrage ; le risque accepté fait obstacle à toute indemnisation en cas d'antériorité de l'ouvrage public sur l'acquisition ou l'édification de la propriété affectée ;

- en l'espèce, ainsi que l'indique le rapport d'expertise et comme le reconnaît M. B..., les arbres étaient présents à la construction de la maison ; dans ces conditions et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la construction de l'immeuble de M. B... et plus encore celle de sa piscine construite encore plus tardivement, auraient dû s'adapter à cette situation et tenir compte de la présence de ces arbres, en se prémunissant contre les effets néfastes du développement de leurs racines, qui ne pouvaient être sérieusement ignorés des constructeurs ; l'implantation d'une maison et d'une piscine en ce lieu impliquait donc la mise en place d'un écran anti-racinaire afin de prévenir le développement des racines inhérent à la présence d'arbres implantés à proximité ; rien ne permet de considérer que l'âge des platanes, adultes, aurait induit une croissance racinaire moindre, ce que démentent d'ailleurs les faits ; au contraire, la présence de ces arbres adultes de haute tige, à proximité immédiate de la maison aurait dû alerter les propriétaires sur les risques inhérents à cette proximité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2021, M. B..., représenté par Me Vidal, conclut au rejet de la requête de la commune de Montpellier, à ce que la somme au paiement de laquelle cette dernière a été condamnée en première instance soit réindexée conformément à l'indice BT 01 à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à l'entier paiement des sommes et qu'elle porte intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt de la cour, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Montpellier, à son profit, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la commune de Montpellier ne sont pas fondés, et que par ailleurs il a droit à ce que sur la somme de 12 414,08 euros, à laquelle la commune a été condamnée en première instance, soit appliquée une indexation sur l'indice BT 01 à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à l'entier paiement des sommes et que cette somme porte intérêts au taux légal à compter de l'arrêt de la cour.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
-le code civil ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.


Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire d'une maison d'habitation sise 32, rue des Bouquetins à Montpellier, en bordure du parc public des Pastourelles dans lequel sont implantés des platanes centenaires. Du fait de la dégradation du dallage de sa piscine, M. B... a saisi son assureur à l'initiative duquel une expertise amiable a été diligentée, au contradictoire de la commune de Montpellier. Après rejet de sa demande indemnitaire par la commune, M. B... a demandé devant le tribunal administratif de Montpellier, la condamnation de la commune de Montpellier, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à lui verser la somme de 12 414,08 euros, correspondant au préjudice subi en raison de l'infiltration dans son terrain dallé des racines d'arbres situés dans le parc municipal jouxtant sa propriété, d'indexer cette somme sur l'indice BT01 à compter du 1er janvier 2017, et de l'assortir des intérêts au taux légal.

2. Par un jugement du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Montpellier à payer la somme de 12 414,08 euros à M. B... en réparation du préjudice subi avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2020 et a rejeté le surplus de sa demande.

3. Par la présente requête, la commune relève appel du jugement, et M. B..., par la voie de l'appel incident, demande à la cour d'indexer la somme de 12 414,08 euros sur l'indice BT 01 à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à l'entier paiement des sommes dues avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt de la cour à intervenir.

Sur l'appel principal de la commune de Montpellier :
4. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison de leur existence même. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
5. Lorsqu'il est soutenu qu'une partie s'est exposée en connaissance de cause au risque dont la réalisation a causé les dommages dont elle demande réparation au titre de la présence d'un ouvrage public, il appartient au juge d'apprécier s'il résulte de l'instruction, d'une part, que des éléments révélant l'existence d'un tel risque existaient à la date à laquelle cette partie est réputée s'y être exposée et, d'autre part, que la partie en cause avait connaissance de ces éléments et était à cette date en mesure d'en déduire qu'elle s'exposait à un tel risque, du fait de la présence d'un ouvrage public, que ce risque ait été d'ores et déjà constitué ou raisonnablement prévisible.

6. S'il est constant que les dommages affectant le dallage de la piscine réalisé en 2003 par M. B..., tels qu'ils ont été constatés le 19 décembre 2016 par l'expert de la compagnie d'assurance de ce dernier, ont été causés par l'introduction sur son terrain de racines des arbres implantés dans le parc des Pastourelles, qui borde sa propriété et vis-à-vis duquel il a la qualité de tiers, M. B..., contrairement à ce qu'a en revanche estimé le tribunal, ne pouvait ignorer, à la date à laquelle il a exécuté des travaux de dallage sur sa propriété, les inconvénients résultant de la proximité de ces platanes et notamment le risque présenté par leur développement racinaire. Par suite, le dommage allégué par le requérant à raison de la présence de ces arbres implantés sur la voie publique, qui a le caractère d'un dommage non accidentel, ne peut être qualifié d'anormal en raison de l'antériorité de l'ouvrage public et, ne peut, dès lors, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, être indemnisé sur le fondement du régime de responsabilité sans faute pour dommages non accidentels subis par les tiers du fait de la présence d'un ouvrage public.

7. Si la cour est saisie, de par l'effet dévolutif de l'appel, des autres moyens invoqués par M. B... tant en première instance qu'en appel, ces moyens ne reposent que sur l'existence d'une responsabilité sans faute de la commune au titre de la présence d'un ouvrage public. Dans ces conditions, les conclusions présentées par M. B... tendant à la condamnation de la commune de Montpellier à l'indemniser du préjudice subi du fait des dommages affectant le dallage de sa propriété, ne peuvent être que rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montpellier est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier l'a reconnue responsable des préjudices subis par M. B... et l'a condamnée à l'indemniser.

Sur l'appel incident de M. B... :

9. Compte tenu de ce qui a été exposé aux points 6 et 7 du présent arrêt, l'appel incident présenté par M. B... ne peut qu'être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

10. Les conclusions présentées par M. B..., partie perdante au présent litige, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent être que rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au profit de la commune de Montpellier.



D É C I D E :



Article 1er : L'article 1er du jugement du 17 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Montpellier à payer à M. B... la somme de 12 414,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. B... et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : M. B... versera à la commune de Montpellier la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montpellier et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

Le rapporteur




P. Bentolila
Le président,




É. Rey-Bèthbéder

La greffière,
C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL03343 2



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