Conseil d'État, 9ème chambre, 20/02/2023, 457740, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 11 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi formé par la société Pâtisserie Pasquier contre le jugement nos 1510741, 1510742 du 8 novembre 2018 du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il s'est prononcé sur l'imposition des immobilisations mentionnées aux points 21, 23, 26 et 27 de ce jugement.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 30 juin 2022 et 6 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce qu'un non-lieu à statuer soit prononcé à hauteur des dégrèvements qu'il entend accorder et s'en remet à la sagesse du Conseil d'Etat concernant le surplus des conclusions du pourvoi.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 27 décembre 2022, la société Pâtisserie Pasquier maintient les conclusions de son pourvoi et conclut en outre à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Pâtisserie Pasquier ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Nantes que la société Pâtisserie Pasquier, qui exerce une activité de boulangerie et de pâtisserie surgelées, a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2013 et 2014 à raison de l'établissement qu'elle exploite dans la commune des Cerqueux (Maine-et-Loire). Par un jugement du 8 novembre 2018, le tribunal a partiellement fait droit à la demande de la société tendant à la réduction de ces impositions. Par une décision du 11 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi dirigé contre ce jugement en tant qu'il a statué sur l'imposition des immobilisations mentionnées aux points 21, 23, 26 et 27 du jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. Par deux décisions des 22 juillet 2022 et 10 janvier 2023, l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques des Pays-de-la-Loire et de la Loire-Atlantique a accordé un dégrèvement au titre des années 2013 et 2014 à hauteur, respectivement, de 13 922 euros et 12 862 euros, correspondant à l'imposition relative aux immobilisations libellées " 2009120003 Réseau électrique lig bisc ", " 2004120007 Imef Extension froid ", " 2004120029 Imef clim tampon ", à celles mentionnées au point 27 des motifs du jugement attaqué et, au titre de l'année 2013, à l'immobilisation " 2006080002 TCS Réseau eau chaude". Dans cette mesure, les conclusions admises sont devenues sans objet.

Sur les immobilisations restant en litige :

3. L'article 1380 du code général des impôts dispose : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Selon l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / 2° Les ouvrages d'art et les voies de communication (...) ". Selon l'article 1382 du même code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ".

4. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.

5. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a jugé que les immobilisations restant en litige ne constituaient pas des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu du 11° de l'article 1382 du code général des impôts au motif que ces biens n'étaient ni spécifiquement adaptés au processus industriel mis en œuvre par l'entreprise ni matériellement dissociables des immeubles qui en constituaient le support. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'il lui appartenait seulement de rechercher si ces biens étaient spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts, sans être au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381 du même code, le tribunal a commis une erreur de droit. Par suite, la société Pâtisserie Pasquier est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il se prononce, au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties, sur les immobilisations relatives aux installations électriques restant en litige ainsi que sur l'immobilisation libellée " 2002120003 Imef clim étuve L24 ".

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans la mesure de la cassation énoncée au point 5, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article
L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il est constant que les immobilisations en litige relèvent de l'établissement exploité par la société, qui doit être regardé comme un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts.

8. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du tableau des consommations électriques produit par la société, que les immobilisations relatives aux installations électriques restant en litige libellées " 1999060007 Aliment electrique creme ", " 2000040001 Electricité L09 Onillon ", " 2000040007 Chauffage L9 Maine Energi ", " 2000050007 Capteurs niveau L4 RIO IN " soient spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts.

9. En second lieu, il ne résulte pas davantage de l'instruction, en l'absence de tout élément permettant d'apprécier sa nature, que l'immobilisation libellée " 2002120003 Imef clim étuve L24 " corresponde à un bien spécifiquement adapté aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel.

10. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 au titre de son établissement des Cerqueux, correspondant à l'exclusion de ses bases d'imposition des immobilisations relatives aux installations électriques restant en litige et à l'immobilisation " 2002120003 Imef clim étuve L24 ".

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la société Pâtisserie Pasquier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer, à hauteur des dégrèvements prononcés le 22 juillet 2022 et le 10 janvier 2023, sur les conclusions de la société Pâtisserie Pasquier.

Article 2 : Le jugement du 8 novembre 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il s'est prononcé, au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties, sur les immobilisations relatives aux installation électriques restant en litige et celle libellée " 2002120003 Imef clim étuve L24 ".

Article 3 : La demande de la société Pâtisserie Pasquier est rejetée.

Article 4 : L'Etat versera à la société Pâtisserie Pasquier la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Pâtisserie Pasquier ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 janvier 2023 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 20 février 2023.


La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mazauric
La secrétaire :
Signé : Mme Wafak Salem


La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


ECLI:FR:CECHS:2023:457740.20230220
Retourner en haut de la page