Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 25/01/2023, 450161, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Ferme éolienne du Torpt a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir les six arrêtés du 2 août 2017 par lesquels le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer les permis de construire nécessaires à la réalisation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Tourville-la-Campagne et de Saint-Meslin-du-Bosc. Par un jugement n° 1703033 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19DA00520 du 29 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir admis l'intervention en défense de la commune de Tourville-la-Campagne, a, sur appel de la société Ferme éolienne du Torpt, réformé ce jugement, annulé les arrêtés du 2 août 2017 et enjoint au préfet de l'Eure de délivrer les permis de construire relatifs aux éoliennes E1 à E4 et au poste de livraison, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 février et 25 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Tourville-la-Campagne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Ferme éolienne du Torpt ;

3°) de mettre à la charge de la société Ferme éolienne du Torpt la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la commune de Tourville-la-Campagne et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Ferme éolienne du Torpt ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par six arrêtés du 2 août 2017, le préfet de l'Eure a refusé de délivrer à la société Ferme éolienne du Torpt les permis de construire cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Tourville-la-Campagne et de Saint-Meslin-du-Bosc. Par un jugement du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société pétitionnaire tendant à l'annulation de ces arrêtés. Saisie en appel par la société Ferme éolienne du Torpt, la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt du 29 décembre 2020, annulé cinq des six arrêtés du 2 août 2017 et enjoint au préfet de l'Eure de délivrer les permis de construire relatifs aux quatre éoliennes E1 à E4 et au poste de livraison. La commune de Tourville-la-Campagne, dont la cour administrative d'appel a admis l'intervention en défense, se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. La personne qui, devant la cour administrative d'appel, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir est recevable à se pourvoir en cassation contre l'arrêt rendu sur ce recours contrairement aux conclusions de son intervention lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition contre l'arrêt faisant droit au recours.

3. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". La circonstance qu'une personne justifie d'un intérêt pour agir contre une décision administrative ne lui donne pas, de ce seul fait, qualité pour former tierce opposition à l'arrêt par lequel une cour administrative d'appel a annulé la décision refusant cette autorisation, y compris lorsque la cour administrative d'appel a assorti son arrêt d'une injonction tendant à la délivrance de cette autorisation, dès lors que l'autorisation ainsi délivrée peut être contestée par des tiers à cette autorisation sans qu'ils puissent se voir opposer les termes de l'arrêt. Elle n'est donc pas recevable à se pourvoir en cassation contre cet arrêt alors même qu'elle est intervenue en défense devant la cour administrative d'appel. Il en va de même de toute personne qui justifierait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cette décision administrative, dès lors que l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel a annulé la décision refusant cette autorisation ne préjudicie pas à ses droits.

4. Alors même que la commune de Tourville-la-Campagne est intervenue en défense en première instance et devant la cour administrative d'appel, elle ne justifie pas d'un droit qui lui aurait donné qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel a annulé le refus opposé à la société Ferme éolienne du Torpt et enjoint au préfet de l'Eure de délivrer à cette société les permis de construire relatifs aux quatre éoliennes E1 à E4 et au poste de livraison. Par suite, son pourvoi ne peut qu'être rejeté comme irrecevable.

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la commune de Tourville-la-Campagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Tourville-la-Campagne est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Ferme éolienne du Torpt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Tourville-la-Campagne et à la société Ferme éolienne du Torpt.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 6 janvier 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 25 janvier 2023.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain


ECLI:FR:CECHR:2023:450161.20230125
Retourner en haut de la page