Conseil d'État, 9ème chambre, 12/12/2022, 453950, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Stauff a demandé, sur le fondement de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales, au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de juger que la garantie qu'elle apportait à l'appui de sa demande de sursis de paiement des suppléments d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2014, 2015 et 2016 était propre à assurer le recouvrement de ces créances détenues par le Trésor public et devait être acceptée par le comptable public. Par une ordonnance n° 2000557 du 28 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20NT00756 du 10 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Stauff contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juin et 12 juillet 2021 et le 24 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Stauff demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Stauff ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Stauff a été assujettie, au titre de ses exercices clos de 2014 à 2016, à des suppléments d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi qu'à des retenues à la source, mis en recouvrement le 30 décembre 2019. À l'appui de sa réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement, la société Stauff a présenté à l'administration fiscale, afin de constituer les garanties exigées par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, l'engagement de sa société-mère de droit allemand, la SRL Stauffenberg Beteiligungs, de se porter caution de sa dette vis-à-vis du Trésor public. Cette garantie ayant toutefois été rejetée par le comptable public, la société Stauff a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans sur le fondement de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales. Par une ordonnance du 28 février 2020, ce juge a rejeté la demande de la société tendant à ce que la garantie qu'elle présentait soit jugée propre à assurer le recouvrement des créances détenues par le Trésor. La société Stauff se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / (...) / Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. / A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés. (...) ". Aux termes de l'article L. 279 du même livre : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque les garanties offertes par le contribuable ont été refusées, celui-ci peut, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par le comptable, porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge du référé administratif, qui est un membre du tribunal administratif désigné par le président de ce tribunal. / (...) / Dans les huit jours suivant la décision du juge, le redevable et le comptable peuvent, par simple demande écrite, faire appel devant le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. Celui-ci, dans le délai d'un mois, décide si les garanties doivent être acceptées comme répondant aux conditions de l'article L. 277. (...) ". Aux termes de l'article R. 277-1 de ce livre : " Le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à l'article L. 277. Le contribuable dispose d'un délai de quinze jours à compter de la réception de l'invitation formulée par le comptable pour faire connaître les garanties qu'il s'engage à constituer. / Ces garanties peuvent être constituées par un versement en espèces qui sera effectué à un compte d'attente au Trésor, par des créances sur le Trésor, par la présentation d'une caution, par des valeurs mobilières, des marchandises déposées dans des magasins agréés par l'Etat et faisant l'objet d'un warrant endossé à l'ordre du Trésor, par des affectations hypothécaires, par des nantissements de fonds de commerce. / Si le comptable estime ne pas pouvoir accepter les garanties offertes à sa demande ou spontanément par le contribuable parce qu'elles ne répondent pas aux conditions prévues au deuxième alinéa, il lui notifie sa décision par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal dans un délai de quarante-cinq jours à compter du dépôt de l'offre. (...) ".

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de la société Stauff tendant à ce que la caution de la SRL Stauffenberg Beteiligungs, sa société-mère de droit allemand, soit jugée propre à assurer le recouvrement des créances détenues par le Trésor public, au motif qu'elle ne proposait pas de sûreté réelle, et a estimé sans incidence la circonstance que la société-mère de la société requérante s'engageait à présenter un contrat de caution dans les formes voulues par l'administration. En écartant ainsi l'engagement de caution présenté par la société Stauff, sans rechercher si cette garantie présentait un caractère suffisant, alors que la présentation d'une sûreté personnelle telle que la caution figure parmi les garanties énumérées à l'article R. 277-1 du livre des procédures fiscales qui sont susceptibles d'être constituées pour répondre à l'exigence posée par l'article L. 277 du même livre, la cour a commis une erreur de droit. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, la société Stauff est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Stauff au titre des dispositions de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 10 juin 2021 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société Stauff au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Stauff et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 12 décembre 2022.

La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi


Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mazauric
La secrétaire :
Signé : Mme Laurence Chancerel


La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

ECLI:FR:CECHS:2022:453950.20221212
Retourner en haut de la page