CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 30/11/2022, 20BX04153, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :


M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 20 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune de Saint-Laurent-de-Céris a mis fin à son stage dans le grade d'adjoint technique territorial de deuxième classe à partir du 1er janvier 2017.


Par un jugement n° 1802459 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande, après avoir regardé cette dernière comme étant dirigée exclusivement contre l'arrêté du 31 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Saint-Laurent-de-Céris a refusé de le titulariser à l'issue de la prorogation de son stage dans le grade d'adjoint technique territorial de deuxième classe à compter du 1er janvier 2017 et l'a radié des effectifs de la collectivité,.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2020 et le 23 juin 2022, M. A..., représenté par Me Cotrian, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 novembre 2020 ;

2 °) d'annuler la décision du 20 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune de Saint-Laurent-de-Céris a mis fin à son stage ainsi que, " en tant que de besoin ", la décision du 1er juin 2016 portant prorogation de son stage pour une durée d'un an et la décision du 31 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune de Saint-Laurent-de-Céris a refusé de le titulariser à l'issue de la prorogation de son stage dans le grade d'adjoint technique territorial de deuxième classe à compter du 1er janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Laurent-de-Céris de le réintégrer dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune de Saint-Laurent de Céris à lui verser la somme brute de 77 442,08 euros, le cas échéant réactualisée à la date de sa réintégration effective, correspondant aux rémunérations dues depuis le 1er janvier 2017 ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de " dommages et intérêts complémentaires " ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Laurent de Céris la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision en litige refusant de le titulariser est illégale dès lors qu'elle est fondée sur la décision du 1er juin 2016 décidant de la prorogation de son stage d'une année laquelle est entachée d'un vice de procédure, faute pour cette décision d'avoir été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire ; ainsi il est réputé avoir été titularisé à l'issue de sa première année de stage ;
- la décision en litige est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- l'arrêté du 31 décembre 2016 refusant sa titularisation est illégal dès lors qu'il a été pris sans avis préalable de la commission administrative paritaire.
- la faute de la commune engage sa responsabilité ; il est donc fondé à demander sa réintégration ainsi qu'une indemnité résultant du préjudice qu'il a subi.


Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2022, la commune de Saint-Laurent-de-Céris, représentée par son maire en exercice et par Me Gomez, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable à défaut de contenir des moyens de contestation du jugement attaqué ;


- la requête de première instance est irrecevable dès lors que l'acte attaqué du 20 décembre 2016 constitue une simple lettre d'information dépourvue de caractère décisoire de sorte que seul l'arrêté du 31 décembre 2016 pouvait faire l'objet d'un recours contentieux ;
- la requête de première instance est tardive dès lors qu'elle a été enregistrée au-delà du délai raisonnable d'un an ;
- au fond, aucun des moyens de la requête n'est fondé.


Par une lettre du 8 novembre 2022, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2016 portant prorogation de stage et de l'arrêté du 31 décembre 2016 mettant fin au stage de M. A... et le radiant des effectifs de la collectivité, lesquelles n'ont pas été soumises aux premiers juges et ont donc le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.




Considérant ce qui suit :


1. M. A... a été nommé stagiaire dans le grade d'adjoint technique territorial de deuxième classe à compter du 1er janvier 2015. Par une décision du 1er juin 2016, son stage a été prorogé d'une année à compter du 1er janvier 2016. Par une décision du 20 décembre 2016, le maire a informé l'intéressé que son stage prendrait fin le 31 décembre 2016 et qu'il ne serait pas renouvelé. Enfin, par un arrêté du 31 décembre 2016 le maire de la commune de Saint-Laurent-de-Céris a refusé de le titulariser à compter du 1er janvier 2017 et l'a radié des effectifs de la commune à la même date. M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de la décision du 20 décembre 2016 précitée. Par un jugement du 3 novembre 2020, le tribunal, après avoir regardé la requête comme dirigée contre l'arrêté du 31 décembre 2016 portant refus de titularisation de l'intéressé et radiation des cadres, a rejeté les conclusions à fin d'annulation ainsi que celles aux fins d'injonction et d'indemnisation. Par sa requête d'appel, M. A... demande l'annulation de ce jugement, présente des conclusions à fin d'annulation de la décision du 1er avril 2016 portant prorogation de son stage à compter du 1er janvier 2016, de la décision du 20 décembre 2016 portant refus de renouvellement de son stage à compter du 1er janvier 2017 et de l'arrêté du 31 décembre 2016 mettant fin à son stage et le radiant des effectifs de la collectivité à compter du 1er janvier 2017 et réitère ses conclusions injonctives et celles tendant à être indemnisé de son préjudice qu'il fixe désormais à 72 442,08 euros.


Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. En premier lieu, les conclusions de M. A... dirigées contre l'arrêté du 1er juin 2016 portant prorogation de son stage et celles dirigées contre l'arrêté du 31 décembre 2016 mettant fin au stage de M. A... et le radiant des effectifs de la collectivité sont nouvelles en appel dès lors que l'intéressé n'avait pas demandé l'annulation de ces arrêtés devant le tribunal. Elles doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ". Contrairement à ce que soutient la commune, la requête d'appel présentée par M. A..., qui contient des conclusions et des moyens critiquant le jugement attaqué, répond aux exigences posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
Sur la légalité de la décision du 20 décembre 2016 :


4. En premier lieu, aux termes de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " La nomination (...) à un grade de la fonction publique territoriale présente un caractère conditionnel. La titularisation peut être prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est fixée par le statut particulier (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par les statuts particuliers des cadres d'emplois. / Sous réserve de dispositions contraires prévues par ces statuts et de celles résultant des articles 7 et 9 du présent décret, la durée normale du stage est fixée à un an. Elle peut être prorogée d'une période au maximum équivalente, après avis de la commission administrative paritaire compétente, si les aptitudes professionnelles du stagiaire ne sont pas jugées suffisantes pour permettre sa titularisation à l'expiration de la durée normale du stage (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " Les candidats recrutés en qualité d'adjoint technique territorial sur un emploi d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public d'une collectivité territoriale (...) sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an ". L'article 10 du même décret dispose que : " A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés par décision de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination au vu notamment d'une attestation de suivi de la formation d'intégration établie par le Centre national de la fonction publique territoriale. / Les autres stagiaires peuvent, sur décision de l'autorité territoriale, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Les adjoints techniques territoriaux stagiaires et les adjoints techniques territoriaux principaux de 2e classe stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire, ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant, sont soit licenciés s'ils n'avaient pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur grade d'origine ".


5. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.
6. M. A... soutient que, à défaut de saisine pour avis de la commission administrative paritaire à l'issue de sa première année de stage, la décision du 1er juin 2016 prorogeant son stage d'une année à compter du 1er janvier 2016 est entachée d'illégalité et que, en conséquence, la décision attaquée du 20 décembre 2016 mettant fin à son stage le 31 décembre 2016 et refusant de le renouveler est illégale, dès lors, d'une part, qu'il doit être regardé comme étant en position salarié à compter du 1er janvier 2016 et non de stagiaire et, d'autre part, que cette décision est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision du 1er juin 2016.


7. D'une part, si la nomination dans un corps en tant que fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisé. En l'absence d'une décision expresse de titularisation, de réintégration ou de licenciement au cours ou à l'issue de cette période, l'agent conserve la qualité de stagiaire. L'administration peut alors mettre fin à tout moment à son stage pour des motifs tirés de l'inaptitude de l'intéressé à son emploi par une décision qui doit être regardée comme un refus de titularisation.


8. Il résulte de ce qui précède que, en l'absence de titularisation à l'issue de sa première année de stage, M. A... a conservé la qualité de stagiaire à compter du 1er janvier 2016 et jusqu'au 31 décembre 2016, date à laquelle son stage arrivé à sa durée maximale a pris fin. A cet égard, la circonstance alléguée selon laquelle la décision du 1er juin 2016 prorogeant son stage d'une année aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine pour avis la commission administrative paritaire, est sans incidence sur la qualité de stagiaire de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que M. A... n'avait pas la qualité de stagiaire à la date de la décision attaquée doit être écarté.



9. D'autre part, la décision du 1er juin 2016 autorisant, en application des dispositions précitées, M. A... à effectuer une période complémentaire de stage ne forme pas, avec la décision contestée du 20 décembre 2016 mettant fin à sa période de stage, une opération administrative unique, qui confèrerait à ces différentes décisions un lien tel que les illégalités susceptibles d'affecter la décision de prorogation puissent, malgré le caractère définitif qu'elle aurait acquis, être invoquées à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté refusant la titularisation de l'intéressé à l'issue de son stage. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la première décision devenue définitive ne peut donc être invoqué à l'appui du recours dirigé contre la décision du 20 décembre 2016 mettant définitivement fin au stage de M. A....

10. En deuxième lieu, M. A... soutient que la décision du 20 décembre 2016 en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'arrêté du 31 décembre 2016 mettant fin à son stage n'a pas été précédé de la saisine pour avis de la commission administrative paritaire. Toutefois, ce moyen, dirigé contre la décision du 20 décembre 2016 contestée qui ne forme pas avec l'arrêté du 31 décembre 2016 une opération complexe, est inopérant.
11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titulariser M. A... dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux ne serait pas lié à son aptitude professionnelle mais résulterait de difficultés personnelles rencontrées avec le maire de la commune de Saint-Laurent-du-Céris après sa renonciation à un échange de parcelles agricoles. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'un détournement de pouvoir doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède, que le tribunal a pu à bon droit rejeter les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.


Sur les conclusions à fin d'indemnisation :


13. En l'absence de toute faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Laurent-de-Céris et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions présentées par le requérant tendant à l'indemnisation des préjudices qui résulterait des illégalités invoquées doivent être rejetées.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposées à l'encontre de la requête de première instance, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.






Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Laurent-de-Céris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. A..., partie perdante, la somme de 1500 euros à verser à la commune de Saint-Laurent-de-Céris au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :


Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune de de Saint-Laurent-de-Céris la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Saint-Laurent-de-Céris.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.


La rapporteure,
Caroline D...
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX04153



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