Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 16/11/2022, 462305

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Fiorim a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la rectification du déficit qu'elle a initialement déclaré au titre de l'exercice clos en 2013 et le bénéfice du report en arrière de ce déficit sur les résultats de son exercice clos en 2012 tels qu'ils ont été rehaussés par l'administration. Par un jugement n° 1902940, 1902941 du 5 juin 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20LY01770 du 13 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Fiorim contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 mars,13 juin et 24 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fiorim demande au Conseil d'Etat:

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Fiorim ;

Vu la note en délibérée, enregistrée le 26 octobre 2022, présentée par la société Fiorim ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière (SCI) Les Terrasses du Prieuré, société de construction-vente dont la société Fiorim, détenait 99 % des parts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013 à l'issue de laquelle l'administration a notamment réintégré dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2012 une provision pour litige de 700 000 euros au motif que sa déclaration de résultats avait été souscrite après l'expiration du délai légalement imparti. Tirant les conséquences de ce redressement pour la société Fiorim à concurrence de ses droits dans la société Les Terrasses du Prieuré, l'administration a réduit de 692 999 euros les pertes déduites par cette SARL de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos le 31 décembre 2012. Le résultat de la société Fiorim pour cet exercice, déclaré déficitaire de 44 527 euros, a par suite été établi à 648 472 euros et cette société a, en conséquence, été assujettie, par avis de mise en recouvrement du 16 décembre 2016, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés. La société Les Terrasses du Prieuré et la société Fiorim ont, l'une et l'autre, déposé, le 26 octobre 2018 puis le 28 décembre 2018, des déclarations rectificatives de résultats au titre des exercices clos en 2012 et 2013. Les nouvelles déclarations souscrites au titre de l'exercice clos en 2013 ont majoré les déficits initialement déclarés par chacune d'elle de, respectivement, 100 % et 99 % du montant de la provision de 700 000 euros rejetée au titre de l'exercice clos en 2012 et que les sociétés estimaient devoir être regardée comme déduite au titre de 2013. La société Fiorim, dont le déficit ainsi rectifié s'établissait à 777 024 euros au titre de l'exercice clos en 2013, a joint à sa déclaration rectificative une demande de report en arrière de ce déficit, à hauteur de 639 418 euros, sur le bénéfice rectifié de l'exercice clos en 2012, faisant naître une créance sur le Trésor d'un montant égal à celui de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de cet exercice. L'administration fiscale a regardé ces déclarations rectificatives comme des réclamations contentieuses et les a rejetées. La société Fiorim se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 janvier 2022 par lequel la cour administrative de Lyon a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 5 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande tendant à lui accorder la rectification du déficit qu'elle avait initialement déclaré au titre de l'exercice clos en 2013 et le bénéfice du report en arrière de ce déficit sur les résultats de son exercice clos en 2012.

2. Aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " I. Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'exercice précédent (...) II. L'option visée au I est exercée au titre de l'exercice au cours duquel le déficit est constaté et dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultats de cet exercice. (...) ". Aux termes de l'article 223 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les personnes morales et associations passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de souscrire les déclarations prévues pour l'assiette de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux (régime de l'imposition d'après le bénéfice réel ou d'après le régime simplifié. / Toutefois, la déclaration du bénéfice ou du déficit est faite dans les trois mois de la clôture de l'exercice. Si l'exercice est clos le 31 décembre ou si aucun exercice n'est clos au cours d'une année, la déclaration est à déposer jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. (...) ".

4. En premier lieu, la cour administrative d'appel de Lyon ayant successivement envisagé que, par ses écritures, la société Fiorim avait entendu demander une modification de ses résultats au titre de son exercice clos 2013 ou bien, par une demande conjointe de report du déficit de cet exercice sur le précédent, de ses résultats au titre de son exercice clos en 2012, cette société n'est pas fondée à soutenir que la cour se serait méprise sur la portée de ses conclusions en ne retenant que la première de ces lectures.

5. En deuxième lieu, si les dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales permettent qu'un contribuable puisse demander, par voie de réclamation, la rectification d'une erreur commise par l'administration dans la détermination de son résultat déficitaire, ni ces dispositions, ni aucune autre, ne lui permettent de demander, postérieurement à la date limite fixée pour la déclaration de ses résultats, la rectification d'une erreur qu'il aurait lui-même commise dans le montant du déficit qu'il a déclaré. La cour administrative d'appel n'a, par suite, pas commis d'erreur de droit en jugeant irrecevable la demande formée par la société requérante devant le tribunal administratif tendant à ce que soit modifié le montant du déficit qu'elle avait déclaré au de l'exercice clos en 2013, au motif que cette demande n'avait pas la nature d'une réclamation contentieuse au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.

6. En troisième lieu, si la société Fiorim était recevable, eu égard au délai de réclamation ouvert par la notification d'un avis de mise en recouvrement le 16 décembre 2016, à demander le 28 décembre 2018 par voie de réclamation contentieuse portant sur l'exercice clos en 2012 le bénéfice du report en arrière sur le résultat de cet exercice, tel qu'il résultait des rectifications opérées par l'administration à la suite d'une vérification de comptabilité, à hauteur de 639 418 euros, d'un déficit de son exercice clos en 2013 qu'elle estimait devoir être majoré de sa quote-part de l'accroissement de 700 000 euros du déficit de la société Les Terrasses du Prieuré résultant de la déduction par cette SCI, au titre de de son exercice clos en 2013, de la provision dont l'administration avait remis en cause la déduction au titre de l'exercice clos en 2012, il ressort de manière constante des pièces du dossier soumis au juge du fond que la déclaration initiale de résultat au titre de l'exercice clos en 2013 n'a été déposée par la société Les terrasses du Prieuré que postérieurement au délai imparti. Il en résulte que la provision en litige ne pouvait, en tout état de cause, pas davantage être déduite des résultats de cet exercice par cette SCI et, par voie de conséquence, par la société Fiorim à hauteur de sa quote-part ni, par suite, de ceux de l'exercice précédent par le biais des dispositions de report en arrière des déficits mentionnées au point 2. Ces motifs, qui répondent à un moyen soulevé en défense par le ministre devant la cour, doivent être substitués aux motifs retenus par l'arrêt attaqué, dont ils justifient le dispositif.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fiorim n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Fiorim est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Fiorim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 octobre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, président de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat ; M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 16 novembre 2022.

Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. François-René Burnod
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle


ECLI:FR:CECHR:2022:462305.20221116
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