CAA de NANTES, 6ème chambre, 25/10/2022, 22NT01099, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES, 6ème chambre, 25/10/2022, 22NT01099, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES - 6ème chambre
- N° 22NT01099
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
25 octobre 2022
- Président
- M. GASPON
- Rapporteur
- M. Olivier COIFFET
- Avocat(s)
- BAUDET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel préfet de la Loire-Atlantique a prononcé son expulsion, ensuite, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente dans un délai de 48 heures sous astreinte de 200 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2105940 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2022, M. A... C... représenté par Me Baudet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique prononçant son expulsion ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente dans un délai de 48 heures sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence de son auteur ; il méconnait, d'une part, l'article R.632-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; résidant en France depuis plus de dix ans, il entre en effet dans la catégorie des " étrangers protégés " au sens des articles L. 631-1 et L.631-2 du même code ; par ailleurs, seul le ministre de l'intérieur pouvait estimer que sa durée de détention ne pouvait pas être prise en compte dans le calcul de la durée de sa résidence ; d'autre part, le signataire de l'arrêté contesté ne justifie pas d'une délégation de signature dès lors que la délégation qui lui est accordée ne l'est que pour pouvoir assurer la permanence préfectorale pendant les jours non ouvrables ou de fermeture exceptionnelle de la préfecture ;
- l'arrêté est entaché d'une insuffisamment de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article L.631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mai et 16 septembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il informe la cour que l'expulsion de M. C... vers le Maroc a été effectuée le 14 juin 2022 et soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 5 octobre 2022, présenté pour M. C... n'a pas été communiqué.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain né le 20 juillet 1990, est entré mineur en France en 2008 à l'âge de 17 ans et bénéficiait d'un titre de résident. Il a fait l'objet d'une condamnation à une peine de 10 ans d'emprisonnement et à une inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles prononcées le 20 octobre 2017 pour des faits commis en 2014. Par un arrêté du 7 octobre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a prononcé son expulsion. M. C... a, le 19 novembre 2021, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C... relève appel du jugement du 9 mars 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 octobre 2021 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 2 septembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture donnant délégation de signature à M. Pascal Othéguy secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique : " Délégation de signature est donnée à M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique, à l'effet de signer les jours ouvrables et non ouvrables, tous actes arrêtés, décisions avis, documents et correspondances administratives concernant l'administration de l'Etat dans le département de la Loire-Atlantique (...) " et son article 2 dispose : " En cas d'absence et d'empêchement du préfet, M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique, assure l'administration de l'Etat dans le département ". Ces dispositions, contrairement à ce qui est soutenu, donnait compétence à M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique, pour signer l'arrêté d'expulsion contesté du 7 octobre 2021. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée sera écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ". Aux termes de l'article L. 631-2 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : / (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) " et aux termes de son article R. 632-1: " Sauf en cas d'urgence absolue, l'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 631-1 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. ". Enfin, selon l'article R. 632-2 du même code : " L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application des articles L. 631-2 (...) ainsi qu'en cas d'urgence absolue est le ministre de l'intérieur. ".
4. M. C... soutient que, résidant en France depuis plus de dix ans, il entre dans la catégorie des " étrangers protégés " au sens des articles L. 631-1 et L.631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'en conséquence, seul le ministre de l'intérieur était compétent pour décider de son expulsion. Si M. C... est entré sur le territoire français en 2008, il ressort cependant des pièces du dossier qu'il a été incarcéré le 18 octobre 2014 et condamné à 10 ans de réclusion criminelle. Or, les années passées en détention en exécution d'une peine privative de liberté ne peuvent être prises en compte au titre des dix ans de résidence régulière en France mentionnés par les dispositions législatives précitées. Le préfet de département, autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 631-1 et à, ce titre, à même de retenir la durée d'incarcération de l'intéressé, était dès lors compétent pour prendre l'arrêté d'expulsion contesté.
5. En troisième lieu, d'une part, l'arrêté d'expulsion contesté vise les dispositions et stipulations légales ou conventionnelles dont il fait application, notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit. D'autre part, en se référant à la condamnation pénale dont a fait l'objet M. C... et aux faits établis dont il s'était rendu coupable, puis en déduisant qu'en raison de l'ensemble de son comportement, la présence du requérant constituait une menace grave pour l'ordre public le préfet de la Loire-Atlantique a suffisamment motivé en fait l'arrêté en litige. Il ne ressort pas des éléments du dossier que cet arrêté serait entaché d'un défaut d'examen de sa situation particulière. Les moyens seront écartés.
6. En quatrième lieu, il ressort des pièces versées au dossier que M. C..., s'est rendu coupable des crimes de viol, agression sexuelle, enlèvement et séquestration commis avec un mode opératoire organisé, notamment l'utilisation d'un taser, et a été condamné pour ces faits à 10 ans de réclusion criminelle - avec période de sûreté - par la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine le 20 octobre 2017. Si le requérant invoque le bénéfice de son comportement qualifié de " bon, respectueux des personnels et engagé " durant son incarcération, il est également constant qu'interrogé sur sa perception des faits plus six ans après, il a indiqué " que les choses ne s'étaient pas passées comme cela " et que " la victime était dans le jeu ". En estimant, sur la base de l'ensemble de ces éléments et compte tenu de la gravité des faits à l'origine de sa condamnation, que la présence sur le territoire de M. C... constituait une menace grave à l'ordre public justifiant une mesure d'expulsion le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., arrivé à l'âge de dix-sept ans en France, est célibataire, sans charge de famille. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales à l'étranger. S'il fait état de la durée de sa résidence en France, il a passé la majeure partie de ce temps en prison pour des faits particulièrement graves. S'il fait valoir diverses attestations de ses proches faisant état de sa gentillesse, du bon exemple qu'il montre ou niant la réalité de ses crimes, ces éléments ne sont pas de nature à diminuer la gravité de la menace qu'il représente pour l'ordre public. Eu égard tant à la gravité et au caractère récent des faits reprochés à M. C... qu'au but poursuivi, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 7 octobre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique ordonnant son expulsion.
Sur les frais d'instance :
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2021.
Le rapporteur,
O. B...Le président,
O. GASPON
La greffière,
S. PIERODE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT01099 2
1
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel préfet de la Loire-Atlantique a prononcé son expulsion, ensuite, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente dans un délai de 48 heures sous astreinte de 200 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2105940 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2022, M. A... C... représenté par Me Baudet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique prononçant son expulsion ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente dans un délai de 48 heures sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence de son auteur ; il méconnait, d'une part, l'article R.632-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; résidant en France depuis plus de dix ans, il entre en effet dans la catégorie des " étrangers protégés " au sens des articles L. 631-1 et L.631-2 du même code ; par ailleurs, seul le ministre de l'intérieur pouvait estimer que sa durée de détention ne pouvait pas être prise en compte dans le calcul de la durée de sa résidence ; d'autre part, le signataire de l'arrêté contesté ne justifie pas d'une délégation de signature dès lors que la délégation qui lui est accordée ne l'est que pour pouvoir assurer la permanence préfectorale pendant les jours non ouvrables ou de fermeture exceptionnelle de la préfecture ;
- l'arrêté est entaché d'une insuffisamment de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article L.631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mai et 16 septembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il informe la cour que l'expulsion de M. C... vers le Maroc a été effectuée le 14 juin 2022 et soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 5 octobre 2022, présenté pour M. C... n'a pas été communiqué.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain né le 20 juillet 1990, est entré mineur en France en 2008 à l'âge de 17 ans et bénéficiait d'un titre de résident. Il a fait l'objet d'une condamnation à une peine de 10 ans d'emprisonnement et à une inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles prononcées le 20 octobre 2017 pour des faits commis en 2014. Par un arrêté du 7 octobre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a prononcé son expulsion. M. C... a, le 19 novembre 2021, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C... relève appel du jugement du 9 mars 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 octobre 2021 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 2 septembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture donnant délégation de signature à M. Pascal Othéguy secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique : " Délégation de signature est donnée à M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique, à l'effet de signer les jours ouvrables et non ouvrables, tous actes arrêtés, décisions avis, documents et correspondances administratives concernant l'administration de l'Etat dans le département de la Loire-Atlantique (...) " et son article 2 dispose : " En cas d'absence et d'empêchement du préfet, M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique, assure l'administration de l'Etat dans le département ". Ces dispositions, contrairement à ce qui est soutenu, donnait compétence à M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique, pour signer l'arrêté d'expulsion contesté du 7 octobre 2021. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée sera écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ". Aux termes de l'article L. 631-2 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : / (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) " et aux termes de son article R. 632-1: " Sauf en cas d'urgence absolue, l'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 631-1 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. ". Enfin, selon l'article R. 632-2 du même code : " L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application des articles L. 631-2 (...) ainsi qu'en cas d'urgence absolue est le ministre de l'intérieur. ".
4. M. C... soutient que, résidant en France depuis plus de dix ans, il entre dans la catégorie des " étrangers protégés " au sens des articles L. 631-1 et L.631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'en conséquence, seul le ministre de l'intérieur était compétent pour décider de son expulsion. Si M. C... est entré sur le territoire français en 2008, il ressort cependant des pièces du dossier qu'il a été incarcéré le 18 octobre 2014 et condamné à 10 ans de réclusion criminelle. Or, les années passées en détention en exécution d'une peine privative de liberté ne peuvent être prises en compte au titre des dix ans de résidence régulière en France mentionnés par les dispositions législatives précitées. Le préfet de département, autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 631-1 et à, ce titre, à même de retenir la durée d'incarcération de l'intéressé, était dès lors compétent pour prendre l'arrêté d'expulsion contesté.
5. En troisième lieu, d'une part, l'arrêté d'expulsion contesté vise les dispositions et stipulations légales ou conventionnelles dont il fait application, notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit. D'autre part, en se référant à la condamnation pénale dont a fait l'objet M. C... et aux faits établis dont il s'était rendu coupable, puis en déduisant qu'en raison de l'ensemble de son comportement, la présence du requérant constituait une menace grave pour l'ordre public le préfet de la Loire-Atlantique a suffisamment motivé en fait l'arrêté en litige. Il ne ressort pas des éléments du dossier que cet arrêté serait entaché d'un défaut d'examen de sa situation particulière. Les moyens seront écartés.
6. En quatrième lieu, il ressort des pièces versées au dossier que M. C..., s'est rendu coupable des crimes de viol, agression sexuelle, enlèvement et séquestration commis avec un mode opératoire organisé, notamment l'utilisation d'un taser, et a été condamné pour ces faits à 10 ans de réclusion criminelle - avec période de sûreté - par la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine le 20 octobre 2017. Si le requérant invoque le bénéfice de son comportement qualifié de " bon, respectueux des personnels et engagé " durant son incarcération, il est également constant qu'interrogé sur sa perception des faits plus six ans après, il a indiqué " que les choses ne s'étaient pas passées comme cela " et que " la victime était dans le jeu ". En estimant, sur la base de l'ensemble de ces éléments et compte tenu de la gravité des faits à l'origine de sa condamnation, que la présence sur le territoire de M. C... constituait une menace grave à l'ordre public justifiant une mesure d'expulsion le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., arrivé à l'âge de dix-sept ans en France, est célibataire, sans charge de famille. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales à l'étranger. S'il fait état de la durée de sa résidence en France, il a passé la majeure partie de ce temps en prison pour des faits particulièrement graves. S'il fait valoir diverses attestations de ses proches faisant état de sa gentillesse, du bon exemple qu'il montre ou niant la réalité de ses crimes, ces éléments ne sont pas de nature à diminuer la gravité de la menace qu'il représente pour l'ordre public. Eu égard tant à la gravité et au caractère récent des faits reprochés à M. C... qu'au but poursuivi, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 7 octobre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique ordonnant son expulsion.
Sur les frais d'instance :
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2021.
Le rapporteur,
O. B...Le président,
O. GASPON
La greffière,
S. PIERODE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT01099 2
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