CAA de LYON, 1ère chambre, 18/10/2022, 21LY03508, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021, par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104046 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire récapitulatif, enregistrés les 29 octobre et 22 novembre 2021, M. A..., représenté par SCP Robin Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 21 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de communiquer son entier dossier ;

4°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", ou subsidiairement " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

S'agissant du refus de séjour :
- l'arrêté litigieux est entaché d'un défaut de motivation en ce qui concerne sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail au titre de laquelle il ne se prononce pas suffisamment sur son expérience, sa qualification et les caractéristiques de l'emploi pour lequel il disposait d'un contrat de travail et en ce qu'il ne se prononce pas au regard des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; pour les mêmes raisons, cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 316-1, dont les dispositions sont méconnues, et cet article lui ouvrait droit, dès 2016, à un titre de séjour puis une carte de dix ans ;
- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant un délai :
- elles sont illégales par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.


La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Beligon, substituant Me Robin, pour M. A... ;


Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 4 août 1976 à Faisalabad (Pakistan), de nationalité pakistanaise, a déclaré être entré irrégulièrement en France pour la dernière fois en juin 2016. M. A... a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour successives d'une durée de trois mois entre le 29 août 2017 et le 26 février 2019 délivrées sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 316-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 15 novembre 2019, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 21 avril 2021, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur et désormais codifié à l'article L.435-1 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...). ".

3. Dans le cadre de l'examen d'une telle demande, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont il ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. En revanche, la demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 n'a pas à être instruite selon les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à l'article L. 5221-2 de ce code. Il s'ensuit que pour refuser de délivrer une telle carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14, le préfet ne peut se fonder sur les éléments d'appréciation énoncés par les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail, relative à l'examen des demandes d'autorisation de travail.

4. Pour considérer que M. A... ne remplissait pas les conditions prévues à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Rhône s'est fondé sur l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), dont il a repris les motifs, et selon lesquels l'employeur de l'intéressé n'a pas transmis les documents qui auraient permis de vérifier le respect de la législation du travail et de la protection sociale ni les documents qui auraient permis de vérifier le caractère comparable de la rémunération proposée à l'intéressé par rapport à celles des autres salariés de l'entreprise. Ces conditions sont toutefois prévues par les 3° et 5° de l'article R. 5221-20 du code du travail pour l'obtention d'une autorisation de travail, et le préfet s'est ensuite borné à relever, dans une formule-type, l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, sans se prononcer sur la qualification, l'expérience et les diplômes de M. A... ou encore sur les caractéristiques de l'emploi qu'il occupe. Dans ces circonstances, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit et cette décision doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et celle fixant le pays de destination.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner au préfet de communiquer son entier dossier, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "

7. Eu égard à son motif, l'annulation prononcée implique seulement d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer la demande de M. A... présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

8. M. A... n'étant pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil doivent être rejetées.


DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2021 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du préfet du Rhône du 21 avril 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.



Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Mehl-Schouder, présidente,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
Mme Claire Burnichon première conseillère



Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
La rapporteure,
C. VinetLa présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03508



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