CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 21/10/2022, 22MA02076, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision de la ministre des armées du 2 juillet 2020 portant rejet de son recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires le 18 décembre 2019 à l'encontre de la décision du 21 octobre 2019 portant non-agrément d'une demande de cessation de l'état militaire le concernant.

Par un jugement n° 2002527 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision et a enjoint à la ministre des armées de prendre dans un délai de deux mois après la notification du jugement, une décision de résiliation du contrat de M. B... au 30 septembre 2022.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2022, sous le n° 22MA02074, le ministre des armées demande à la Cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Toulon.

Il soutient que :
- les moyens qu'il développe dans sa requête d'appel sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement contesté.


Par un mémoire enregistré le 25 août 2022, M. B..., représenté par Me Rayé, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il reprend les moyens de sa requête de 1ère instance et soutient qu'aucun des moyens de la requête du ministre des armées n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2022, sous le n° 22MA02076, le ministre des armées demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 2002527 du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Toulon ;
- de rejeter la requête de M. B....

Il soutient que :
- la demande de résiliation de contrat était soumise à l'agrément de la ministre des armées, l'autorité militaire disposant d'un large pouvoir d'appréciation pour se prononcer ;
- la décision de rejet de demande de résiliation du contrat de M. B... était justifiée par l'intérêt du service.

Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Rayé, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;
- le décret n° 2008-939 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de M. B....




Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes n° 22MA02074 et 22MA02076, qui sont présentées par le même appelant, sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.


2. M. C... B..., né en 1984, entré en 2006 au sein de l'institution militaire avec le grade de matelot, était pilote d'hélicoptère " Caïman " au sein de la flottille 31F de Hyères. Il détenait le grade de lieutenant de vaisseau depuis 2016. Le 17 octobre 2018, il a signé un renouvellement de contrat à compter du 1er octobre 2019 pour une durée de cinq ans jusqu'au 1er octobre 2024. Le 17 septembre 2019, l'intéressé a fait une demande auprès de son supérieur hiérarchique, pour demander la résiliation de son contrat de manière anticipée le 30 septembre 2021. Cette demande a été rejetée par une décision de l'administration du 21 octobre 2019. Le recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires en date du 18 décembre 2019 a fait l'objet d'un rejet explicite par la ministre des armées le 2 juillet 2020, notifiée au requérant le 23 juillet 2020.


3. Le ministre des armées relève appel du jugement n° 2002527 du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision explicite de la ministre des armées du 2 juillet 2020 portant rejet du recours administratif préalable obligatoire formé par M. B... devant la commission des recours des militaires le 18 décembre 2019 à l'encontre de la décision du 21 octobre 2019 portant non-agrément d'une demande de cessation de l'état militaire le concernant.


Sur la requête n° 22MA02076 :


4. Aux termes de l'article L. 4139-12 du code de la défense : " L'état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l'intéressé est radié des cadres, pour le militaire servant en vertu d'un contrat, lorsque l'intéressé est rayé des contrôles. ". Aux termes de l'article L. 4139-13 du même code : " La démission du militaire de carrière ou la résiliation du contrat du militaire servant en vertu d'un contrat, régulièrement acceptée par l'autorité compétente, entraîne la cessation de l'état militaire. La démission ou la résiliation du contrat, que le militaire puisse bénéficier ou non d'une pension de retraite dans les conditions fixées au II de l'article L. 24 et à l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels, lorsque, ayant reçu une formation spécialisée ou perçu une prime liée au recrutement ou à la fidélisation, le militaire n'a pas atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en activité. ". Aux termes de l'article 11 du décret du 12 septembre 2008 relatif aux officiers sous contrat : " Les contrats sont résiliés par le ministre de la défense (...) / 2° Sur demande écrite de l'intéressé, agréée par le ministre de la défense ". Il résulte de ces dernières dispositions que la résiliation du contrat d'un officier sous contrat est, dès lors que l'intéressé n'est pas placé dans une situation lui permettant de bénéficier de plein droit de cette résiliation, soumis à l'agrément du ministre afin de lui permettre d'en apprécier la compatibilité avec les contraintes de la gestion du service.


5. Pour refuser de faire droit à la demande d'agrément de résiliation de contrat de M. B..., la ministre des armées s'est fondée notamment sur les besoins de la marine nationale et la situation particulièrement tendue en termes d'effectifs de pilotes ainsi que sur les compétences de M. B..., notamment sur hélicoptère " Caïman ", qui confèrent à l'intéressé une employabilité immédiate et des perspectives d'emplois.


6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des tableaux fournis par le ministre des armées en appel que le nombre total de postes de pilotes de l'aéronautique navale filière " hélicoptère " est passé de 108 en 2019, à 101 en 2020, 105 en 2021 et 114 en 2022. Le nombre de postes occupés est passé pour les mêmes années de 99, à 95, puis 94 et 104 tandis que le nombre de postes non pourvus est passé de 9 en 2019, 6 en 2020, 11 en 2021 et 10 en 2022. Si de tels chiffres tendent à établir que tous les postes de pilotes ouverts ne sont pas pourvus, ces seuls éléments ne permettent pas de démontrer que les besoins de la marine nationale auraient justifié de maintenir l'intéressé en poste. En effet, d'une part, M. B... a formulé sa demande le 17 septembre 2019, soit plus de deux ans avant la date de résiliation envisagée, à savoir le 30 septembre 2021, un tel délai permettant à l'administration d'anticiper son départ. D'autre part, M. B... soutient sans être contesté, que, affecté au service formation de la base de Hyères pour une durée de deux ans depuis le 1er octobre 2021, il a temporairement perdu ses qualifications aéronautiques et opérationnelles. Dans ces conditions, le ministre des armées n'établit pas que le refus qui a été apporté à la demande de M. B... de mettre fin à son contrat d'officier, serait justifié par des considérations opérationnelles et de service.



7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, la décision de la ministre des armées du 2 juillet 2020.



Sur la requête n° 22MA02074 tendant au sursis à exécution du jugement attaqué :


8. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Toulon, enregistrée sous le n° 22MA02074.



Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :


9. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées sur ce fondement par M. B... ne peuvent donc qu'être rejetées.



10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA02074.
Article 2 : La requête n° 22MA02076 du ministre des armées est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.
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N° 22MA02074, 22MA02076

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