CAA de PARIS, 1ère chambre, 29/09/2022, 22PA01186, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.

Par une ordonnance n° 2204281/8-1 du 7 mars 2022, le vice-président de section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande pour tardiveté.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, sous le numéro 22PA01186, Mme A..., représentée par Me Cukier, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 7 mars 2022 du vice-président de section du tribunal administratif de Paris ;

2°) principalement, de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Paris, et, subsidiairement d'annuler l'arrêté du préfet de police du 13 janvier 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français et d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, très subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le vice-président de section du tribunal administratif de Paris a considéré que sa requête était tardive ;
- la décision refusant son admission au séjour est illégale, en raison, de l'incompétence de l'auteur de l'acte ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité du refus d'admission au séjour ; la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2022, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 14 mars 2022 sous le numéro 22PA01187, Mme A..., représentée par Me Cukier, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution de l'ordonnance du 7 mars 2022 du vice-président de section du tribunal administratif de Paris.

Elle soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2022, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité bangladaise, née en 1994, entrée en France en janvier 2016 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour en août 2021. Le préfet de police, par un arrêté du 13 janvier 2022, a rejeté sa demande d'admission au séjour, et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours. Mme A... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris. Par ordonnance du 7 mars 2022, le vice-président de section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête pour tardiveté. Mme A... fait appel de cette ordonnance, en en demandant l'annulation par sa requête enregistrée sous le numéro 22PA01186, et le sursis à exécution par sa requête enregistrée sous le numéro 22PA01187.

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par Mme A... étant formés contre une même ordonnance, il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 22PA01186 :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête de première instance :

3. Il est constant que l'arrêté du 13 janvier 2022 du préfet de police rejetant la demande d'admission au séjour de Mme A..., et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a été pris sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I. - Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 13 janvier 2022 du préfet de police a été notifié à Mme A... par courrier recommandé avec accusé de réception, dont le talon comporte la mention " présenté/avisé le 18 janvier 2022 ", alors que la mention " distribué le " n'est pas renseignée. Mme A... a produit au dossier la copie d'écran du tableau de suivi de ce courrier recommandé, fournie par les services postaux à partir de leur application informatique, laquelle mentionne qu'à la date du 18 janvier 2022, l'envoi n'a pu être distribué, qu'à la date du 19 janvier il se trouve disponible en point de retrait où il sera conservé pendant une durée de 15 jours, et enfin qu'à la date du 24 janvier il a été distribué à son destinataire. Dans ces conditions, la seule date de présentation du pli au 18 janvier 2022, en l'absence de distribution effective, ne pouvait, alors que le délai de sa mise en instance n'était pas expiré, faire courir les délais de recours. La requête de première instance de Mme A... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 21 février 2022, soit dans le délai de 30 jours, à compter du 24 janvier 2022, prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-2 du code de justice administrative.

6. Mme A... est par conséquent fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance contestée du 7 mars 2022, le vice-président de section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme entachée d'une irrecevabilité manifeste sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

7. En conséquence, il y a lieu, ainsi que le demande la requérante, de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Paris pour qu'il statue à nouveau sur la demande de Mme A....

Sur la requête n° 22PA01187 :

8. Le présent arrêt statuant sur les conclusions de la requête n° 22PA01186 de Mme A... tendant à l'annulation de l'ordonnance du 7 mars 2022 du vice-président de section du tribunal administratif de Paris, les conclusions de sa requête n° 22PA01187 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au profit de Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :


Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22PA01187 de Mme A... à fin de sursis à exécution.

Article 2 : L'ordonnance du 7 mars 2022 du vice-président de section du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 3 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris pour qu'il soit statué sur la demande de Mme A....

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au président du tribunal administratif de Paris.
Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

La rapporteure,





M. RENAUDINLe président,





J. LAPOUZADE
La greffière,




Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 22PA01186, 22PA01187
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