CAA de NANTES, 1ère chambre, 23/09/2022, 20NT04119, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Beurel Environnement a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et des droits supplémentaires de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignés au titre, respectivement, des années 2016 et 2017 et des années 2014 à 2017 dans les rôles de la commune d'Yffiniac (Côtes-d'Armor) à raison de l'établissement qu'elle exploite au lieu-dit " Le Pont-Pin ".

Par un jugement n°s 1805524, 1805532 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins de décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle la SARL Beurel Environnement a été assujettie au titre de l'année 2016 et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 décembre 2020 et 21 juillet 2021 la SARL Beurel Environnement, représentée par Me Dahan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'administration a méconnu les droits de la défense s'agissant de la procédure d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la procédure d'imposition à la cotisation foncière des entreprises ;
- il n'y a pas eu d'augmentation de la valeur locative avec la réalisation d'une dalle en béton ou avec les autres travaux et elle se prévaut de l'interprétation administrative référencée BOI-IF-TFB-20-20-10-20 § 230, qui exclut de la base imposable les grosses réparations se bornant à conforter une immobilisation ancienne.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2021 et un mémoire enregistré le
15 novembre 2021 qui n'a pas été communiqué le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Beurel Environnement ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,
- et les observations de Me Dahan, représentant la SARL Beurel Environnement.


Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Beurel Environnement, qui exerce une activité de récupération, tri, stockage et négoce de déchets issus du secteur du bâtiment, au sein d'un établissement industriel situé à Yffiniac, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration l'a informée, le 12 juillet 2017, du rehaussement de la valeur locative de son établissement en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2016 et 2017 et en matière de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2014 à 2018. La SARL Beurel Environnement a présenté des observations contestant ces rectifications qui ont toutefois été confirmées par l'administration, laquelle a procédé à la mise en recouvrement de cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2016 et 2017 et de droits supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2014 à 2017. La société a formé des réclamations le 12 juillet 2018 qui ont été rejetées par deux décisions du 9 octobre 2018. La SARL Beurel Environnement a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires. Par un jugement du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la première demande en tant qu'elles concernaient la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle la SARL Beurel Environnement a été assujettie au titre de l'année 2016 et a rejeté le surplus de ses demandes. La SARL Beurel Environnement fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur la compétence de la cour :

2. Il résulte des dispositions du 5° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et de l'article R. 811-1 du même code que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière sur les propriétés bâties, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.

3. Le tribunal administratif de Rennes a, par son jugement du 2 décembre 2020, statué en premier et dernier ressort sur les conclusions de la SARL Beurel Environnement relatives aux rappels de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017, dès lors qu'il n'a pas statué, par ce même jugement, sur des conclusions relatives aux cotisations foncières des entreprises concernant les mêmes biens appréciés les mêmes années, qui sont celles versées au titre de l'année 2019, le tribunal ne s'étant prononcé que sur les cotisations foncières des entreprises versées pour les années 2014 à 2017. La cour n'est donc pas compétente pour statuer sur les conclusions relatives aux rappels de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la SARL Beurel Environnement a été assujettie au titre de l'année 2017. Dès lors, il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de renvoyer au Conseil d'Etat les conclusions relatives aux rappels de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la SARL Beurel Environnement a été assujettie au titre de l'année 2017.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. En premier lieu, pour les motifs indiqués au point 3, le moyen tiré de ce que l'administration a méconnu les droits de la défense s'agissant de la procédure d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties est inopérant s'agissant de la cotisation foncière des entreprises, seule en litige devant la cour.
5. En second lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges le moyen tiré de ce que l'administration a méconnu les droits de la défense s'agissant de la procédure d'imposition à la cotisation foncière des entreprises.
Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les biens d'équipement spécialisés :
6. D'une part, l'article 1380 du code général des impôts dispose : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Selon l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / 2° Les ouvrages d'art et les voies de communication (...) ". Selon l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ".

7. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.

8. D'autre part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...) ".

9. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu du 11° de l'article 1382 du code général des impôts ne sont pas compris dans les bases de la cotisation foncière des entreprises.
10. Le service a intégré aux bases devant être soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises, pour un montant de 49 366 euros, une dalle en béton construite à l'occasion de travaux réalisés en 2011 et 2012. Si la requérante fait valoir que cette dalle a été réalisée afin de permettre temporairement le stockage de bois et qu'elle a été démolie antérieurement aux années en litige, le vérificateur, lors de sa visite sur place, a constaté la présence d'une dalle, confirmée par les photographies jointes au constat d'huissier de justice en date du 25 juillet 2017, et la SARL Beurel Environnement n'établit pas que la dalle en cause ne correspondait pas à ces photographies. Enfin, cette dalle doit être regardée comme une installation destinée à stocker des produits ainsi, en tout état de cause, que comme un ouvrage en maçonnerie présentant le caractère de véritable construction au sens du 1° de l'article 1381 du code général des impôts et, dès lors, ne peut pas bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du même code.
En ce qui concerne les travaux de réfection :
11. Aux termes de l'article 1517 du code général des impôts : " I. - 1. Il est procédé, annuellement, à la constatation des constructions nouvelles et des changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties. Il en va de même pour les changements de caractéristiques physiques ou d'environnement. (...) ".
12. La SARL Beurel Environnement ayant comptabilisé en compte d'immobilisations les travaux dont elle demande désormais qu'ils soient distraits de la base imposable, il lui incombe de démontrer que ces travaux constituent des charges déductibles.
13. S'agissant du montant de 9 932 euros se rapportant à la réfection de la toiture, il ressort des pièces du dossier et en particulier des photographies, qu'il correspond au remplacement du bardage d'un hangar à l'identique, et n'a donc entraîné aucune augmentation de la valeur locative. Cette immobilisation doit dès lors être distraite de la base imposable.
En ce qui concerne les autres travaux et biens :
14. En premier lieu, l'administration fait valoir sans être contredite que les mâts d'éclairage sont fixés au sol à perpétuelle demeure. Ainsi, et alors même qu'ils seraient d'occasion, ils doivent être regardés comme de véritables constructions au sens du 1° de l'article 1381 du code général des impôts et doivent, dès lors, être inclus dans la base imposable à la cotisation foncière des entreprises.
15. En deuxième lieu, la circonstance que les travaux de terrassement et d'empierrement ont été réalisés en 1990, alors que le site était à usage de carrière, est sans influence sur leur prise en compte pour la détermination de la valeur locative du site en litige, dès lors qu'il est constant que ces travaux figurent toujours au bilan de la SARL Beurel Environnement, que l'ouvrage en résultant n'a pas été détruit antérieurement aux années ou aux périodes de référence en litige et que la société requérante en est propriétaire et en a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence.
16. Enfin, si la SARL Beurel Environnement soutient que, lors d'un précédent contrôle portant sur des années antérieures, l'administration n'a pas soumis à la cotisation foncière des entreprises les travaux de réfection de toiture, l'installation de mâts d'éclairage et les travaux de terrassement et d'empierrement, cette absence de rectification, qui n'a pas été motivée par le service, n'a pas pu constituer une prise de position formelle de l'administration sur la situation de la société requérante au regard d'un texte fiscal, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, et n'est, par suite, pas opposable au service sur le fondement de ce texte.
17. Il résulte de ce qui précède que la requérante est seulement fondée à soutenir, dans la mesure des travaux énoncés au point 13 du présent arrêt, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les frais liés au litige :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de la SARL Beurel Environnement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de la SARL Beurel Environnement tendant à la décharge des rappels de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017 à raison de son établissement d'Yffiniac sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Article 2 : Les bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises de la SARL Beurel Environnement pour les années 2014 à 2017 sont fixées en excluant l'immobilisation relative à la réfection de la toiture, d'un prix de revient de 9 932 euros.

Article 3 : La SARL Beurel Environnement est déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017 à concurrence de la réduction des bases d'imposition prononcée à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le jugement n°s 1805524, 1805532 du 2 décembre 2020 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à la SARL Beurel Environnement la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus de la requête de la SARL Beurel Environnement est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Beurel Environnement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2022.


La rapporteure
P. A...La présidente
I. Perrot
La greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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