CAA de DOUAI, 3ème chambre, 30/08/2022, 21DA02647, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 30/08/2022, 21DA02647, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI - 3ème chambre
- N° 21DA02647
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
30 août 2022
- Président
- Mme Borot
- Rapporteur
- M. Marc Lavail Dellaporta
- Avocat(s)
- ZAIRI
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a décidé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au même préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2106323 du 22 septembre 2021 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 novembre et le 23 décembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Zaïri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de constater l'omission à statuer, concernant la demande d'octroi d'aide juridictionnelle provisoire ;
3°) de lui octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire en première instance ;
4°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a décidé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
5°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
6°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas statué sur sa demande d'aide juridictionnelle provisoire ;
- l'interdiction de retour est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur une mesure d'éloignement elle-même illégale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de délai de départ volontaire est dépourvu de base légale dès lors qu'il est fondé sur une mesure d'éloignement elle-même illégale ;
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2022, le préfet du Nord, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 février 2022, la demande d'aide juridictionnelle de M. B... A... a été rejetée.
Par ordonnance du 27 mai 2022, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 17 juin 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 25 novembre 1984, déclare être entré en France en septembre 2017. A la suite d'un contrôle par les services de police, il a fait l'objet d'un arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a décidé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 22 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté notamment ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2021 précité.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a demandé l'octroi du bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Or le premier juge ne s'est pas prononcé sur ces conclusions. Par suite, le jugement du 22 septembre 2021 doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, il mentionne que M. A... a déclaré être entré sur le territoire national en septembre 2017, qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et qu'il ne justifie pas se trouver dans un des cas où il ne pourrait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. M. A... a indiqué être célibataire, sans enfant à sa charge. S'il précise que sa sœur et des cousins résident sur le territoire français, ses parents résident au Maroc où il a vécu l'essentiel de son existence et où il n'établit pas être isolé. Il indique vouloir épouser sa compagne, mère de son fils, né postérieurement à l'arrêté contesté. Il n'apporte toutefois pas de preuves suffisantes permettant d'établir une vie commune et ne démontre pas la durée de sa relation avec sa compagne. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'appelant ou d'un défaut d'examen de sa situation.
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire doivent être rejetées. Ses conclusions à fin d'injonction doivent par suite être rejetées.
Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 7 que le moyen tiré de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Enfin, l'article L. 612-3 de ce code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
10. M. A... n'a pas sollicité de titre de séjour et, s'il affirme dans sa requête d'appel être hébergé à Blois, il ne justifie nullement d'une résidence effective permanente dans une habitation. Par suite, il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes au sens du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait méconnu l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de l'arrêté en cause que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé. Les moyens tirés de ce que le préfet du Nord aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que le moyen tiré de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. La décision fixant le pays de destination vise notamment les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle précise que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
15. Il ne résulte ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
16. M. A... n'établit ni même n'allègue que sa vie ou sa sécurité serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination doivent être rejetées.
Sur l'interdiction de retour :
18. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
19. Compte tenu de la situation personnelle de l'intéressé telle que décrite au point 5, et notamment de la naissance de son fils en octobre 2021, qu'il a reconnu, le préfet a méconnu l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'interdiction de retour dont il fait l'objet.
Sur les frais de l'instance :
20. Aux termes de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) Lorsqu'en vertu des alinéas qui précèdent, l'aide juridictionnelle n'a pas été accordée et que cependant le juge a fait droit à l'action intentée par le demandeur, il est accordé à ce dernier le remboursement des frais, dépens et honoraires par lui exposés ou versés, à concurrence de l'aide juridictionnelle dont il aurait bénéficié compte tenu de ses ressources ".
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle de première instance, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... sur le fondement des dispositions précitées, les sommes de 800 euros pour chacune des instances d'appel et de première instance, soit la somme totale de 1 600 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 22 septembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La décision du 5 août 2021 du préfet du Nord interdisant à M. A... le retour sur le territoire français pour une durée d'un an est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus de la demande de M. A... en première instance et en appel est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 août 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
2
N° 21DA02647
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a décidé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au même préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2106323 du 22 septembre 2021 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 novembre et le 23 décembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Zaïri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de constater l'omission à statuer, concernant la demande d'octroi d'aide juridictionnelle provisoire ;
3°) de lui octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire en première instance ;
4°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a décidé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
5°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
6°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas statué sur sa demande d'aide juridictionnelle provisoire ;
- l'interdiction de retour est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur une mesure d'éloignement elle-même illégale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de délai de départ volontaire est dépourvu de base légale dès lors qu'il est fondé sur une mesure d'éloignement elle-même illégale ;
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2022, le préfet du Nord, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 février 2022, la demande d'aide juridictionnelle de M. B... A... a été rejetée.
Par ordonnance du 27 mai 2022, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 17 juin 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 25 novembre 1984, déclare être entré en France en septembre 2017. A la suite d'un contrôle par les services de police, il a fait l'objet d'un arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a décidé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 22 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté notamment ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2021 précité.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a demandé l'octroi du bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Or le premier juge ne s'est pas prononcé sur ces conclusions. Par suite, le jugement du 22 septembre 2021 doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, il mentionne que M. A... a déclaré être entré sur le territoire national en septembre 2017, qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et qu'il ne justifie pas se trouver dans un des cas où il ne pourrait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. M. A... a indiqué être célibataire, sans enfant à sa charge. S'il précise que sa sœur et des cousins résident sur le territoire français, ses parents résident au Maroc où il a vécu l'essentiel de son existence et où il n'établit pas être isolé. Il indique vouloir épouser sa compagne, mère de son fils, né postérieurement à l'arrêté contesté. Il n'apporte toutefois pas de preuves suffisantes permettant d'établir une vie commune et ne démontre pas la durée de sa relation avec sa compagne. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'appelant ou d'un défaut d'examen de sa situation.
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire doivent être rejetées. Ses conclusions à fin d'injonction doivent par suite être rejetées.
Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 7 que le moyen tiré de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Enfin, l'article L. 612-3 de ce code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
10. M. A... n'a pas sollicité de titre de séjour et, s'il affirme dans sa requête d'appel être hébergé à Blois, il ne justifie nullement d'une résidence effective permanente dans une habitation. Par suite, il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes au sens du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait méconnu l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de l'arrêté en cause que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé. Les moyens tirés de ce que le préfet du Nord aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que le moyen tiré de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. La décision fixant le pays de destination vise notamment les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle précise que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
15. Il ne résulte ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
16. M. A... n'établit ni même n'allègue que sa vie ou sa sécurité serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination doivent être rejetées.
Sur l'interdiction de retour :
18. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
19. Compte tenu de la situation personnelle de l'intéressé telle que décrite au point 5, et notamment de la naissance de son fils en octobre 2021, qu'il a reconnu, le préfet a méconnu l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'interdiction de retour dont il fait l'objet.
Sur les frais de l'instance :
20. Aux termes de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) Lorsqu'en vertu des alinéas qui précèdent, l'aide juridictionnelle n'a pas été accordée et que cependant le juge a fait droit à l'action intentée par le demandeur, il est accordé à ce dernier le remboursement des frais, dépens et honoraires par lui exposés ou versés, à concurrence de l'aide juridictionnelle dont il aurait bénéficié compte tenu de ses ressources ".
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle de première instance, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... sur le fondement des dispositions précitées, les sommes de 800 euros pour chacune des instances d'appel et de première instance, soit la somme totale de 1 600 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 22 septembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La décision du 5 août 2021 du préfet du Nord interdisant à M. A... le retour sur le territoire français pour une durée d'un an est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus de la demande de M. A... en première instance et en appel est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 août 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 21DA02647