Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/07/2022, 458427
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/07/2022, 458427
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 458427
- ECLI:FR:CECHR:2022:458427.20220720
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
20 juillet 2022
- Rapporteur
- M. Alexis Goin
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... A... et la société Visto Mar ont demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, de condamner la commune du Lavandou à leur verser la somme de 79 600 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi au titre des frais engagés et de leur manque à gagner du fait de leur éviction de la procédure de passation du lot n° 3 de la sous-concession de la plage de Saint-Clair, et à titre subsidiaire de condamner la commune du Lavandou à leur verser la somme de 2 676 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2015 avec capitalisation des intérêts. Par un jugement n°1503100 du 26 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune du Lavandou à verser à M. A... la somme de 79 600 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2015, avec capitalisation.
Par un arrêt n° 18MA05361 du 13 septembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la commune du Lavandou, décidé avant-dire-droit une expertise avec mission pour l'expert de déterminer le montant du bénéfice que M. A... aurait perçu en sa qualité d'associé unique de la société à créer au cours de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2016.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2021 et 16 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Lavandou demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la commune du Lavandou et à Me Balat, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté en date du 11 mars 2005, le préfet du Var a accordé la concession de plage naturelle de Saint-Clair à la commune du Lavandou. Cette commune a engagé, par un avis d'appel public à la concurrence du 5 septembre 2013, une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution de sous-traités du service public balnéaire sur cette plage. Par délibération du 12 juin 2014, la commune du Lavandou a attribué le lot n° 3 de la délégation de service public d'exploitation de la plage de Saint-Clair à la société Les Pingouins. Par un courrier du 26 juin 2014, la commune a informé M. A... que sa candidature pour l'attribution de ce lot avait été rejetée, au motif qu'elle était irrégulière. M. A... a adressé une demande indemnitaire à la commune du Lavandou, en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de son éviction de la procédure d'attribution du lot n° 3. Le tribunal administratif de Toulon, saisi par M. A... et la société Visto Mar, a condamné par jugement du 26 octobre 2018 la commune du Lavandou à verser à M. A... la somme de 79 600 euros. La cour administrative d'appel, par l'arrêt attaqué du 13 septembre 2021, a ordonné avant-dire droit une expertise en vue de déterminer le montant du bénéfice que M. A... aurait réalisé au cours de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2016.
Sur le pourvoi :
2. Le règlement de la consultation prévu par une autorité délégante pour la passation d'une délégation de service public est obligatoire dans toutes ses mentions. L'autorité délégante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres ou si la méconnaissance de cette exigence résulte d'une erreur purement matérielle d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue.
3. Pour juger que la commune du Lavandou ne pouvait écarter comme irrégulière la candidature en litige, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que, si le projet de sous-traité soumis à la commune du Lavandou par M. A... ne comportait pas le nom du candidat ni le montant de la redevance proposée, l'identité du candidat ressortait de la lettre de présentation de la candidature, tandis que le montant de la redevance était énoncé dans une fiche distincte. En jugeant que ces omissions ne rendaient pas la candidature irrégulière au motif que les informations manquantes pouvaient être déduites d'autres pièces produites par le candidat, alors qu'il lui incombait de rechercher si ces exigences étaient manifestement dépourvues de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres ou si leur méconnaissance résultait d'une erreur purement matérielle, la cour a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la commune du Lavandou est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.
Sur l'appel de la commune du Lavandou :
6. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre.
7. Aux termes de l'article 4 du règlement de la consultation, intitulé " 4 - Pièces relatives à la soumission ", le dossier de candidature comprend le " projet de sous-traité d'exploitation, signé par le candidat et complété par le montant de la redevance qu'il s'engage à verser annuellement à la commune, révisable dans les conditions définies à l'article 3 ". Selon l'article 5, relatif au contenu du dossier de la consultation, celui-ci comporte un " projet de contrat à parapher, compléter, dater et signer par le candidat ".
8. Il résulte de l'instruction que le projet de contrat qui devait être rempli par les candidats en application du règlement de la consultation comprenait un article 1er, intitulé " identification du concessionnaire et du sous-traitant ", que les opérateurs économiques candidats à l'attribution du contrat devaient compléter en indiquant leur nom et des informations permettant de les identifier, lesquelles étaient différentes selon qu'ils agissaient en leur nom personnel ou pour une société ou un groupe de personnes physiques. Aucune de ces informations n'était renseignée dans le document soumis par M. A....
9. Or ces informations étaient nécessaires à l'autorité délégante pour s'assurer de l'identité de la personne avec laquelle elle contracterait, et ne peuvent, dès lors, être regardées comme ayant été manifestement inutiles. En outre, l'omission en cause ne saurait être regardée comme une erreur purement matérielle, aucune des informations relatives à l'identité du titulaire de la concession n'ayant été renseignée dans le projet de contrat. Par suite, ainsi qu'il a été dit au point 2, la commune ne pouvait attribuer le contrat à un candidat qui n'avait pas respecté une des exigences imposées par le règlement de consultation. Si M. A... soutient, par ailleurs, que la commune du Lavandou aurait méconnu le principe d'égalité en ne l'invitant pas à régulariser sa candidature, contrairement à celles de candidats à l'attribution des lots n°s 2 et 9 de la même plage, il ne peut utilement se prévaloir de cette circonstance qui intéresse la procédure de passation d'autres lots. Il s'ensuit que la commune, qui n'était pas tenue de demander la régularisation de sa candidature, devait l'écarter comme irrégulière.
10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a estimé que la commune du Lavandou ne pouvait écarter la candidature de M. A... comme irrégulière.
11. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon.
12. Si M. A... soutenait devant le tribunal administratif que le conseil municipal de la commune du Lavandou aurait méconnu les dispositions de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales en se bornant à entériner les propositions faites par la commission mentionnée à cet article, que l'autorité délégante aurait méconnu les dispositions de l'article L. 1411-7 de ce code en se prononçant sur le choix des attributaires avant l'expiration du délai de deux mois qu'il prévoit et que la commune du Lavandou aurait fait preuve d'exigences variables dans le traitement de déport d'agents ou d'élus communaux en fonction des intérêts auxquels ils étaient liés dans le cadre de la procédure d'attribution, il résulte de ce qui est dit au point 9 que la commune du Lavandou, qui n'était pas tenue de demander la régularisation de sa candidature, devait l'écarter en raison de sa méconnaissance du règlement de la consultation. Cette irrégularité, qui est la cause directe de son éviction et dont il ne soutient pas qu'elle serait en tout ou partie imputable à la commune, fait obstacle à ce que soit caractérisé un lien direct de causalité entre les irrégularités qu'il invoque, à les supposer établies, et le préjudice dont il se prévaut tiré de ce qu'il aurait disposé d'une chance d'obtenir le contrat.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne peut prétendre à aucune indemnité en raison de son éviction de la procédure de passation litigieuse. Il s'ensuit que la commune du Lavandou est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à M. A... la somme de 79 600 euros assortie des intérêts en raison de son éviction de la procédure.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 6 000 euros à verser à la commune du Lavandou au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble de la procédure. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune du Lavandou, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, sur son fondement.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 13 septembre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement du 26 octobre 2018 du tribunal administratif de Toulon sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 4 : M. A... versera à la commune du Lavandou une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble de la procédure. Ses conclusions présentées au même titre sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune du Lavandou, à M. B... A... et à la société Visto Mar.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.
Rendu le 20 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexis Goin
La secrétaire :
Signé : Mme Nadine Pelat
ECLI:FR:CECHR:2022:458427.20220720
M. B... A... et la société Visto Mar ont demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, de condamner la commune du Lavandou à leur verser la somme de 79 600 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi au titre des frais engagés et de leur manque à gagner du fait de leur éviction de la procédure de passation du lot n° 3 de la sous-concession de la plage de Saint-Clair, et à titre subsidiaire de condamner la commune du Lavandou à leur verser la somme de 2 676 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2015 avec capitalisation des intérêts. Par un jugement n°1503100 du 26 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune du Lavandou à verser à M. A... la somme de 79 600 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2015, avec capitalisation.
Par un arrêt n° 18MA05361 du 13 septembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la commune du Lavandou, décidé avant-dire-droit une expertise avec mission pour l'expert de déterminer le montant du bénéfice que M. A... aurait perçu en sa qualité d'associé unique de la société à créer au cours de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2016.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2021 et 16 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Lavandou demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la commune du Lavandou et à Me Balat, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté en date du 11 mars 2005, le préfet du Var a accordé la concession de plage naturelle de Saint-Clair à la commune du Lavandou. Cette commune a engagé, par un avis d'appel public à la concurrence du 5 septembre 2013, une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution de sous-traités du service public balnéaire sur cette plage. Par délibération du 12 juin 2014, la commune du Lavandou a attribué le lot n° 3 de la délégation de service public d'exploitation de la plage de Saint-Clair à la société Les Pingouins. Par un courrier du 26 juin 2014, la commune a informé M. A... que sa candidature pour l'attribution de ce lot avait été rejetée, au motif qu'elle était irrégulière. M. A... a adressé une demande indemnitaire à la commune du Lavandou, en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de son éviction de la procédure d'attribution du lot n° 3. Le tribunal administratif de Toulon, saisi par M. A... et la société Visto Mar, a condamné par jugement du 26 octobre 2018 la commune du Lavandou à verser à M. A... la somme de 79 600 euros. La cour administrative d'appel, par l'arrêt attaqué du 13 septembre 2021, a ordonné avant-dire droit une expertise en vue de déterminer le montant du bénéfice que M. A... aurait réalisé au cours de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2016.
Sur le pourvoi :
2. Le règlement de la consultation prévu par une autorité délégante pour la passation d'une délégation de service public est obligatoire dans toutes ses mentions. L'autorité délégante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres ou si la méconnaissance de cette exigence résulte d'une erreur purement matérielle d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue.
3. Pour juger que la commune du Lavandou ne pouvait écarter comme irrégulière la candidature en litige, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que, si le projet de sous-traité soumis à la commune du Lavandou par M. A... ne comportait pas le nom du candidat ni le montant de la redevance proposée, l'identité du candidat ressortait de la lettre de présentation de la candidature, tandis que le montant de la redevance était énoncé dans une fiche distincte. En jugeant que ces omissions ne rendaient pas la candidature irrégulière au motif que les informations manquantes pouvaient être déduites d'autres pièces produites par le candidat, alors qu'il lui incombait de rechercher si ces exigences étaient manifestement dépourvues de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres ou si leur méconnaissance résultait d'une erreur purement matérielle, la cour a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la commune du Lavandou est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.
Sur l'appel de la commune du Lavandou :
6. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre.
7. Aux termes de l'article 4 du règlement de la consultation, intitulé " 4 - Pièces relatives à la soumission ", le dossier de candidature comprend le " projet de sous-traité d'exploitation, signé par le candidat et complété par le montant de la redevance qu'il s'engage à verser annuellement à la commune, révisable dans les conditions définies à l'article 3 ". Selon l'article 5, relatif au contenu du dossier de la consultation, celui-ci comporte un " projet de contrat à parapher, compléter, dater et signer par le candidat ".
8. Il résulte de l'instruction que le projet de contrat qui devait être rempli par les candidats en application du règlement de la consultation comprenait un article 1er, intitulé " identification du concessionnaire et du sous-traitant ", que les opérateurs économiques candidats à l'attribution du contrat devaient compléter en indiquant leur nom et des informations permettant de les identifier, lesquelles étaient différentes selon qu'ils agissaient en leur nom personnel ou pour une société ou un groupe de personnes physiques. Aucune de ces informations n'était renseignée dans le document soumis par M. A....
9. Or ces informations étaient nécessaires à l'autorité délégante pour s'assurer de l'identité de la personne avec laquelle elle contracterait, et ne peuvent, dès lors, être regardées comme ayant été manifestement inutiles. En outre, l'omission en cause ne saurait être regardée comme une erreur purement matérielle, aucune des informations relatives à l'identité du titulaire de la concession n'ayant été renseignée dans le projet de contrat. Par suite, ainsi qu'il a été dit au point 2, la commune ne pouvait attribuer le contrat à un candidat qui n'avait pas respecté une des exigences imposées par le règlement de consultation. Si M. A... soutient, par ailleurs, que la commune du Lavandou aurait méconnu le principe d'égalité en ne l'invitant pas à régulariser sa candidature, contrairement à celles de candidats à l'attribution des lots n°s 2 et 9 de la même plage, il ne peut utilement se prévaloir de cette circonstance qui intéresse la procédure de passation d'autres lots. Il s'ensuit que la commune, qui n'était pas tenue de demander la régularisation de sa candidature, devait l'écarter comme irrégulière.
10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a estimé que la commune du Lavandou ne pouvait écarter la candidature de M. A... comme irrégulière.
11. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon.
12. Si M. A... soutenait devant le tribunal administratif que le conseil municipal de la commune du Lavandou aurait méconnu les dispositions de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales en se bornant à entériner les propositions faites par la commission mentionnée à cet article, que l'autorité délégante aurait méconnu les dispositions de l'article L. 1411-7 de ce code en se prononçant sur le choix des attributaires avant l'expiration du délai de deux mois qu'il prévoit et que la commune du Lavandou aurait fait preuve d'exigences variables dans le traitement de déport d'agents ou d'élus communaux en fonction des intérêts auxquels ils étaient liés dans le cadre de la procédure d'attribution, il résulte de ce qui est dit au point 9 que la commune du Lavandou, qui n'était pas tenue de demander la régularisation de sa candidature, devait l'écarter en raison de sa méconnaissance du règlement de la consultation. Cette irrégularité, qui est la cause directe de son éviction et dont il ne soutient pas qu'elle serait en tout ou partie imputable à la commune, fait obstacle à ce que soit caractérisé un lien direct de causalité entre les irrégularités qu'il invoque, à les supposer établies, et le préjudice dont il se prévaut tiré de ce qu'il aurait disposé d'une chance d'obtenir le contrat.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne peut prétendre à aucune indemnité en raison de son éviction de la procédure de passation litigieuse. Il s'ensuit que la commune du Lavandou est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à M. A... la somme de 79 600 euros assortie des intérêts en raison de son éviction de la procédure.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 6 000 euros à verser à la commune du Lavandou au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble de la procédure. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune du Lavandou, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, sur son fondement.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 13 septembre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement du 26 octobre 2018 du tribunal administratif de Toulon sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 4 : M. A... versera à la commune du Lavandou une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble de la procédure. Ses conclusions présentées au même titre sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune du Lavandou, à M. B... A... et à la société Visto Mar.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.
Rendu le 20 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexis Goin
La secrétaire :
Signé : Mme Nadine Pelat