CAA de PARIS, 9ème chambre, 13/07/2022, 20PA04065, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel au titre de l'année 2017 ainsi que ses versions successives,

Par un jugement n° 1904078 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Ouled, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904078 du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les versions successives de son compte-rendu d'entretien professionnel en date du 21 février 2018 afférant à l'année 2017 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la relance de procéder à une nouvelle évaluation professionnelle au titre de l'année 2017 à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de retirer le compte-rendu litigieux de son dossier administratif ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la minute du jugement n'est pas signée par les membres de la formation de jugement ;
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation ;
- les premiers juges n'ont pas pris en compte certaines pièces versées aux débats en omettant de mentionner le rapport circonstancié d'activité professionnelle ;
- ils ne se sont pas prononcés sur l'argument tiré de ce que les missions décrites dans le compte-rendu d'entretien professionnel diffèrent de celles mentionnées dans le rapport circonstancié d'activité professionnelle ;
- ils ne se sont pas prononcés sur l'argument tiré de ce que l'administration ne pouvait pas se prévaloir de ses observations formulées devant la commission administrative paritaire nationale en ce qu'elle celle-ci est réputée n'avoir pas pris position en raison d'un partage des voix ;
- le compte-rendu d'entretien professionnel est entaché d'un vice de procédure, à défaut pour l'administration de l'avoir convoqué à l'entretien professionnel ;
- il est entaché d'un vice de procédure, à défaut pour l'administration de lui avoir permis de préparer l'entretien ;
- il est entaché d'un vice de procédure, l'administration étant dans l'impossibilité de l'évaluer compte tenu de son absence pour congés maladie ;
- il est irrégulier en raison du manque d'impartialité de l'évaluateur ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir.


Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant sont irrecevables, le juge ne disposant que du pouvoir d'annuler une décision, et que les moyens qu'il soulève ne sont pas fondés.



Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;
- le décret n° 2010-982 du 26 août 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., contrôleur principal des finances publiques, était affecté à compter de septembre 2016 au service de prise en charge des recettes non fiscales à la direction départementale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris. M. B... demande à la Cour l'annulation du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de son compte-rendu d'évaluation professionnelle en date du 21 février 2018 afférent à l'année 2017 et de ses versions successives, ainsi que l'annulation dudit compte-rendu.

2. Aux termes de l'article 2 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " La date de l'entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. M. B... soutient, ce qui n'est pas contesté en défense, qu'il n'a pas été convoqué à l'entretien professionnel du 21 février 2018, en méconnaissance de l'article 2 du décret précité et de l'instruction du directeur général des finances publiques du 4 janvier 2018 sur l'entretien professionnel des agents des catégories A, B et C. S'il ressort des pièces du dossier que durant la période au cours de laquelle devaient avoir lieu les entretiens professionnels, soit entre le 8 décembre 2017 et le 9 mars 2018, le requérant était placé en congé de longue maladie par arrêté du 12 janvier 2018, cette circonstance ne dispensait pas l'administration, si elle ne pouvait pas retarder la tenue de l'entretien, de le convoquer néanmoins, conformément aux dispositions du décret du 28 juillet 2010 précité, dans des délais lui permettant, à défaut d'entretien et dans la mesure compatible avec son état de santé, soit d'avoir un échange par visioconférence ou par téléphone, soit de faire parvenir des observations écrites avant la date fixée. M. B... a dès lors été privé de la garantie tenant à la convocation à son entretien professionnel. Au demeurant, l'instruction du directeur général des finances publiques du 4 janvier 2018 sur l'entretien professionnel des agents des catégories A, B et C précise, à la page 60 : " Si l'agent est absent pour maladie ou pour une durée indéterminée au moment des opérations d'entretien, il y a lieu de le convier malgré tout à l'entretien par courrier (recommandé avec AR) adressé à son domicile à une date compatible avec le calendrier de la compagne d'entretien (date limite de tenue des entretiens 2018 fixée au 9 mars 2018) ". M. B... est, par suite, fondé à soutenir que le compte-rendu de l'entretien professionnel du 21 février 2018 est entaché d'un vice de procédure, de nature à justifier son annulation.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel en date du 21 février 2018 afférant à l'année 2017 et de ses versions successives, et à demander l'annulation du jugement entrepris.


Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...). ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

7. D'une part, il résulte des dispositions précitées que le juge peut, par voie de conséquence de l'annulation d'une décision, enjoindre à l'administration de prendre, dans un délai qu'il fixe, les mesures résultant du motif d'annulation qu'il retient. Par suite, M. B... est recevable à demander à la Cour d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder à une nouvelle évaluation professionnelle au titre de l'année 2017. La fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre doit dès lors être écartée comme étant dépourvue de fondement.

8. D'autre part, eu égard au motif d'annulation du compte-rendu de l'évaluation professionnelle ci-dessus retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique procède à une nouvelle évaluation professionnelle de M. B... au titre de l'année 2017. Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.


Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1904078 du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Le compte-rendu d'entretien professionnel du 21 février 2018 et ses versions successives sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder à une nouvelle évaluation professionnelle de M. B... au titre de l'année 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de M. B... sont rejetées pour le surplus.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. Simon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 13 juillet 2022.
Le rapporteur,
C. A...Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA04065



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