CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/07/2022, 19DA00692, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

La société Bouygues travaux publics régions France et la société Gagne ont demandé au tribunal administratif d'Amiens à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération Creil Sud Oise à leur verser les sommes de 2 043 029,67 euros toutes taxes comprises et de 145 823,14 euros toutes taxes comprises au titre du solde, respectivement, du lot n° 1 et du lot n° 2 du marché de travaux pour la réalisation d'une passerelle piétons et cycles sur l'Oise, assorties des intérêts moratoires au taux de 7,05 % à compter du 10 août 2015 inclus et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise une somme de 106 093,08 euros toutes taxes comprises correspondant aux dépens. A titre subsidiaire, elles demandaient au tribunal de condamner la communauté d'agglomération Creil Sud Oise à leur verser la somme de 853 075,08 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires au taux de 7,05 % à compter du 10 août 2015 inclus, de condamner la communauté d'agglomération Creil Sud Oise et la société RFR, in solidum, à leur verser la somme de 1 335 777,73 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts moratoires au taux de 7,05 % à compter du 10 août 2015 inclus et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise et de la société RFR, in solidum, une somme de 106 093,08 euros toutes taxes comprises correspondant aux dépens.

Par un jugement n° 1600779 du 18 janvier 2019, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la communauté d'agglomération Creil Sud Oise à verser une somme de 5 805,58 euros toutes taxes comprises à la société Bouygues travaux publics régions France et une somme de 61 719,18 euros toutes taxes comprises à la société Gagne, ces sommes portant intérêts au taux de 7,05 % à compter du 30 août 2015. Il a également mis les dépens s'élevant à la somme de 106 093,08 euros toutes taxes comprises à la charge pour moitié des sociétés Bouygues travaux publics régions France et Gagne et pour moitié de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019, les sociétés Bouygues travaux publics régions France et la société Gagne, représentées par Me Julien Molas, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) à titre principal de condamner la communauté d'agglomération Creil Sud Oise à leur verser la somme de 2 188 852,81 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires calculés au taux de 7,05 % à compter du 30 août 2015 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) à titre subsidiaire de condamner, d'une part, in solidum la communauté d'agglomération Creil Sud Oise et la société RFR à leur verser la somme de 1 831 321,8 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires calculés au taux de 7,05 % à compter du 30 août 2015, capitalisés et, d'autre part, la communauté d'agglomération Creil sud Oise à leur verser la somme de 392 224,57 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts dans les mêmes conditions ;

4°) à titre infiniment subsidiaire de condamner, d'une part, la société RFR à leur verser la somme de 1 831 321,8 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires calculés au taux de 7,05% à compter du 30 août 2015, capitalisés et, d'autre part, la communauté d'agglomération Creil Sud Oise à leur verser la somme de 392 224,57 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts calculés dans les mêmes conditions ;

5°) dans tous les cas de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise les dépens s'élevant à la somme de 106 093,08 euros toutes taxes comprises ainsi que la somme de 60 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
- la communauté d'agglomération Creil Sud Oise a commis des fautes qui leur ouvrent droit à indemnité ;
- elle a ainsi libéré tardivement les emprises nécessaires au chantier ;
- elle a également désigné tardivement le prestataire chargé des contrôles extérieurs ;
- elle s'est prononcée tardivement sur la tranche conditionnelle ;
- elle a validé un projet insuffisamment défini ;
- l'intercommunalité n'a pas exercé son pouvoir de direction du marché et s'est substituée au maître d'œuvre ;
- le chantier a donné lieu à de très nombreux travaux supplémentaires dont elles réclament le paiement ;
- il a engendré également des études d'exécution qui ne sauraient être laissées à leur charge ;
- la révision des prix appliquée par la communauté d'agglomération est erronée ;
- les pénalités de retard retenues par cet établissement public doivent être annulées ;
- les réfactions mises en œuvre ne sont pas justifiées ;
- la société RFR doit être condamnée solidairement ou seule pour les préjudices subis dans l'exécution du chantier.


Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2021, la communauté d'agglomération Creil Sud Oise, représentée par Mes Eric Landot et Evangélia Karamitrou, conclut à titre principal au rejet de la requête et des demandes des sociétés Bouygues travaux publics régions France et Gagne, ainsi que, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée. A titre subsidiaire, elle demande la condamnation de la société RFR à la garantir de toutes condamnations. Dans tous les cas, elle demande que soient mises à la charge des appelantes l'intégralité des frais d'expertise et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- elle n'a commis aucune faute ;
- les travaux supplémentaires, dont l'indemnisation est demandée, ne lui sont pas imputables et n'étaient pas indispensables à la livraison de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
- les études d'exécution entreprises par le groupement constructeur n'étaient pas non plus nécessaires ;
- les pénalités et les réfactions appliquées dans le décompte général étaient toutes justifiées, les demandes de l'appelante doivent être rejetées et le jugement du tribunal administratif doit être réformé en ce qu'il n'a pas retenu l'ensemble de ces pénalités et réfactions ;
- à titre subsidiaire, elle doit être garantie par le maître d'œuvre.


Par un mémoire, enregistré le 22 septembre 2021, la société Gagne, représentée par Me Julien Molas, se désiste de sa requête et conclut au rejet de la demande présentée par la communauté d'agglomération Creil Sud Oise à son encontre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Par un mémoire, enregistré le 22 septembre 2021, la société Bouygues travaux publics régions France, représentée par Me Julien Molas, conclut à ce que :

1°) le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 janvier 2019 soit réformé ;

2°) la communauté d'agglomération Creil Sud Oise soit condamnée à lui verser la somme de 2 012 296,74 euros toutes taxes comprises au titre du solde du lot n° 1 et la somme de 178 830,06 euros au titre du solde du lot n° 2, ces sommes étant dans les deux cas augmentées des intérêts moratoires au taux de 7,05 % à compter du 30 août 2015, capitalisés un an plus tard et ensuite à chaque échéance annuelle ;

3°) à titre subsidiaire, la communauté d'agglomération Creil Sud Oise et la société RFR soient condamnées in solidum à lui verser la somme 1 715 525,39 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires calculés au taux de 7,05 % à compter du 30 août 2015, capitalisés et la communauté d'agglomération Creil Sud Oise soit condamnée à lui verser la somme de 449 922,15 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts dans les mêmes conditions ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, la société RFR soit condamnée à lui verser la somme de 1 715 525,39 euros toutes taxes comprises ou a minima de 1 493 058,60 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires calculés au taux de 7,05 % à compter du 30 août 2015, capitalisés et à ce que la communauté d'agglomération Creil Sud Oise soit condamnée à lui verser la somme de 449 922,15 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts dans les mêmes conditions ;

5°) dans tous les cas soient mis à la charge de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise, ou à défaut de la société RFR, les dépens constitués des frais d'expertise, s'élevant à la somme de 106 093,08 euros toutes taxes comprises ainsi que la somme de 60 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la communauté d'agglomération Creil Sud Oise a commis des fautes qui lui ouvrent droit à indemnité ;
- elle a ainsi libéré tardivement les emprises nécessaires au chantier ;
- elle a également désigné tardivement le prestataire chargé des contrôles extérieurs ;
- elle s'est prononcée tardivement sur la tranche conditionnelle ;
- elle a validé un projet insuffisamment défini ;
- l'intercommunalité n'a pas exercé son pouvoir de direction du marché et s'est substituée au maître d'œuvre ;
- le chantier a donné lieu à de très nombreux travaux supplémentaires dont elle réclame le paiement ;
- il a engendré également des études d'exécution qui ne sauraient être laissées à sa charge ;
- la révision des prix appliquée par la communauté d'agglomération est erronée ;
- les pénalités de retard retenues par cet établissement public doivent être annulées ;
- les réfactions mises en œuvre ne sont pas justifiées ;
- la société RFR doit être condamnée solidairement ou seule pour les préjudices subis dans l'exécution du chantier.


La procédure a été communiquée à Me Gorrias, liquidateur judiciaire de la société RFR, qui n'a pas produit.



La clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2021 à 12 heures par ordonnance du même jour en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Boudet pour la société Bouygues travaux publics régions France et de Me Gouchon pour la communauté d'agglomération Creil Sud Oise.





Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération creilloise, devenue la communauté d'agglomération Creil Sud Oise, a décidé la construction d'une passerelle piétonne au-dessus de l'Oise entre l'ile Saint-Maurice et la place Fichet. Elle a confié la maîtrise d'œuvre de cette opération au cabinet d'architecture RFR puis a attribué les lots n° 1 et 2 du marché de construction à un groupement conjoint formé par les sociétés Bouygues travaux publics régions France, mandataire et Gagne, par actes d'engagement du 20 juillet 2012 pour un montant global et forfaitaire de 2 693 281,75 euros hors taxes pour le lot n° 1 correspondant à la rampe Fichet d'accès à la passerelle et à l'ouvrage de franchissement de l'Oise et de 341 621,5 euros hors taxes pour le lot n° 2 correspondant à la rampe sur l'ile Saint-Maurice. Des retards sont intervenus dans les travaux, amenant le groupement de constructeurs à demander au tribunal administratif d'Amiens la désignation d'un expert, obtenue par ordonnance du 7 avril 2015. L'expert a déposé son rapport le 10 janvier 2018. Le maître d'ouvrage a adressé au groupement les décomptes généraux des deux lots le 6 juillet 2015. Le groupement a émis des réclamations sur ces décomptes, le 24 juillet 2015, puis a saisi le tribunal administratif d'Amiens. Celui-ci, par un jugement du 18 janvier 2019, a condamné la communauté d'agglomération Creil Sud Oise à verser une somme de 5 805,58 euros toutes taxes comprises à la société Bouygues travaux publics régions France et une somme de 61 719,18 euros toutes taxes comprises à la société Gagne, ces sommes portant intérêts au taux de 7,05 % à compter du 30 août 2015. Il a également mis les dépens s'élevant à la somme de 106 093,08 euros toutes taxes comprises à la charge pour moitié des sociétés Bouygues travaux publics régions France et Gagne et pour l'autre moitié de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise. La société Bouygues travaux publics régions France et la société Gagne relèvent appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la communauté d'agglomération Creil Sud Oise demande, à titre principal, l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée.


Sur le désistement de la société Gagne :

2. La société Gagne s'est désistée, en cours d'instance d'appel, de sa requête, présentée conjointement avec la société Bouygues travaux publics régions France. Rien ne s'oppose à ce qu'il soit fait droit à cette demande. Par suite, il est donné acte du désistement d'instance de la société Gagne.




Sur les conclusions d'appel principal :

En ce qui concerne l'allongement de la durée des travaux :

3. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 49.1.1 du cahier des clauses administratives générales approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 applicable au marché : " L'ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. le titulaire, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement. Une indemnité d'attente de reprise des travaux peut être fixée suivant les modalités prévues aux articles 14.3 et 14.4 ". Il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération Creil Sud Oise a libéré les emprises nécessaires à la réalisation de l'ouvrage et au chantier avec dix-huit jours de retard par rapport au calendrier prévisionnel des travaux. Si la communauté d'agglomération soutient que ce retard résulte d'une faute du groupement constructeur, elle ne l'établit nullement alors que l'expert concluait à l'imputabilité de cet ajournement au seul maître d'ouvrage. Le tribunal administratif d'Amiens a retenu cette faute du maître d'ouvrage et l'a condamné à payer à ce titre la somme de 6 070 euros hors taxes à la société Gagne. La société Bouygues travaux publics régions France réclame à nouveau comme en première instance que soit prise en charge par l'intercommunalité une somme supplémentaire de 628 euros hors taxes, au titre du lot n° 1 pour cette faute. La société Bouygues travaux publics régions France soutient que la somme demandée correspond au coût du matériel et de la main d'œuvre immobilisés du fait de la libération tardive de l'emprise. Cette dépense a été validée par l'expert et n'est pas sérieusement contestée dans son montant par la communauté d'agglomération. Par suite, il doit être fait droit à cette demande directement imputable à la faute du maître d'ouvrage et il convient donc d'ajouter la somme de 628 euros hors taxes au crédit de la société Bouygues travaux publics régions France dans le solde du lot n° 1.

5. En deuxième lieu, si la société Bouygues travaux publics régions France soutient que les contrôleurs externes ont été désignés tardivement, elle n'établit pas en quoi les préjudices dont elle demande l'indemnisation sont en lien direct avec ce retard. Par suite, sa demande à ce titre doit être rejetée.

6. En troisième lieu, la société Bouygues travaux publics régions France se plaint du caractère tardif du renoncement du maître d'ouvrage à la tranche conditionnelle. Cette tranche conditionnelle consistait à mettre en place des micropieux plutôt que des tirants pour l'ancrage des culées de la passerelle. Toutefois, l'affermissement de cette tranche était par nature hypothétique et devait au surplus faire l'objet d'une décision écrite, en application de l'article 8.7 du cahier des clauses administratives particulières de ce marché. Le maître d'ouvrage n'ayant pris aucune décision écrite avant la fin de la période de préparation du chantier, délai dans lequel il devait se prononcer aux termes du cahier des clauses administratives particulières, il a ainsi renoncé à cette tranche conditionnelle, comme il l'a d'ailleurs confirmé le lendemain de la fin de la période de préparation du chantier, ainsi que le reconnaît la société appelante. Si le mémoire technique du groupement constructeur préconisait la mise en œuvre de micropieux, ce document avait, d'après les termes mêmes du cahier des clauses administratives particulières, une valeur inférieure au cahier des clauses administratives particulières, qui, ainsi qu'il a été dit, ne donnait qu'un caractère conditionnel à la mise en place de micropieux, La société appelante ne saurait donc se prévaloir d'aucune faute du maître d'ouvrage. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait pris des engagements laissant penser à la société appelante qu'il affermirait la tranche conditionnelle. La faute de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise n'est donc pas établie.

7. En quatrième lieu, la société Bouygues travaux publics régions France soutient que le maître d'ouvrage a manqué à ses obligations dans la définition du projet. Toutefois, si, au stade du concours, la communauté d'agglomération avait fait appel à un assistant technique dont les remarques ont amené le maître d'œuvre à modifier son projet, cette circonstance ne démontre pas que le dossier de consultation des entreprises, qui reprenait les modifications opérées à la suite de l'intervention de cet assistant technique, était affecté d'erreurs suffisamment graves ne permettant pas aux constructeurs de déposer leurs offres en toute connaissance de cause. Si la société soutient que la communauté d'agglomération aurait dû se faire assister par un bureau d'études pour la validation des études du maître d'œuvre, aucune disposition n'impose une telle obligation. Il n'est pas établi que l'insuffisance des plans et notes de calculs, alléguée par la société, ait eu une incidence sur le retard d'exécution des travaux, dès lors que l'expert a conclu que les retards consécutifs aux études ont été masqués par les autres retards du chantier. Par ailleurs, si l'appelante soutient que le dossier technique du marché était insuffisamment précis notamment parce que les plans n'étaient pas cotés, elle ne l'établit pas alors que la communauté d'agglomération fait valoir que les épaisseurs des différentes parties du projet étaient indiquées dans l'index annexé au dossier de consultation des entreprises. L'article 21 du cahier des clauses techniques particulières des lots 1 et 2 disposait en outre que " tous les dimensionnements structuraux, les notes de calculs, les plans d'exécution sont à la charge de l'entreprise au titre de la mission EXE de l'ensemble des ouvrages ". Il revenait donc aux titulaires des lots n° 1 et 2 de préciser les détails du projet et il ne saurait en conséquence être reproché à la communauté d'agglomération dans ces conditions, une définition insuffisante de son projet dans le dossier de consultation des entreprises. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que la société Bouygues travaux publics régions France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande sur ce point.

8. En cinquième lieu, la société Bouygues travaux publics régions France soutient que le maître d'ouvrage a également manqué à son obligation de direction du chantier au stade de l'exécution des travaux. Toutefois, le rapport de l'expert ne retient aucune faute de la communauté d'agglomération dans le retard pris par le chantier après le démarrage des travaux. Si l'appelante reproche au maître d'ouvrage de ne pas avoir rappelé au maître d'œuvre la nécessité de valider dans le délai de quinze jours ses notes de calcul, la communauté d'agglomération soutient, sans être sérieusement contredite, que les études des titulaires des lots n° 1 et 2 n'étaient pas suffisamment abouties pour permettre une validation dans les délais. Par ailleurs, l'appelante n'établit pas que le maître d'ouvrage aurait été averti de manière précise de l'absence de respect des délais de visas par le maître d'œuvre. Au contraire, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le recours par la communauté d'agglomération, en cours de chantier, à l'expertise du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a permis de mettre fin au différend entre le maître d'œuvre et les constructeurs sur le dimensionnement du tablier, ce litige qualifié de " stérile " par l'expert étant la principale cause de retard du chantier. Aucune faute de la communauté d'agglomération dans la direction du chantier n'est donc établie.

9. Si la société appelante soutient également que ses demandes au titre de l'allongement du chantier constituent des sujétions imprévues et doivent être indemnisées à ce titre, elle n'établit pas que ces modifications ont eu pour effet de bouleverser l'économie du marché. Par suite sa demande doit être rejetée. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 que la société Bouygues travaux publics régions France est seulement fondée à soutenir que le préjudice résultant de la libération des emprises avec dix-huit jours de retard, résultant de la responsabilité contractuelle pour faute du maître d'ouvrage, doit être augmenté d'une somme de 628 euros hors taxes pour être porté à un montant total de 6 698 euros hors taxes au titre du lot n° 1. Les autres demandes de la société appelante au titre de l'allongement des travaux doivent être rejetées. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens doit être réformé sur ce point.


En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

10. L'entrepreneur a le droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation d'un ouvrage dans les règles de l'art. La charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage.

S'agissant des travaux :

11. La société Bouygues travaux publics régions France réclame, à nouveau, au titre du lot n° 1 la somme de 628 euros hors taxes mentionnée au point 4, correspondant au coût du matériel et de la main d'œuvre immobilisée du fait de de la libération tardive de l'emprise de l'ouvrage. Toutefois, ce préjudice a déjà été pris en compte au titre de la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage résultant de sa libération tardive des emprises du chantier, ainsi qu'il a été dit au point 4.

12. La société Bouygues travaux publics régions France demande ensuite la prise en charge des coûts d'amenée et de repli du matériel résultant du décalage de réalisation du portique C 4 pour un montant de 32 775 euros hors taxes au titre du lot n° 1. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il s'agit de travaux indispensables ni que ces sujétions ont bouleversé l'économie du marché, la société appelante ne l'alléguant même pas, outre que le rapport de l'expert conclut que ce retard est imputable au sous-traitant des titulaires des lots n° 1 et 2. Par ailleurs, la société ne saurait réclamer, toujours au titre du lot n° 1, l'indemnisation pour un montant de 1 740 euros hors taxes du coût résultant de la reprise des études d'une note de calcul à la suite de la transmission tardive de l'ordre de service 1.39. Elle n'établit pas en effet qu'il s'agit ni de travaux supplémentaires, ou d'une sujétion imprévue alors que l'expert a conclu que le coût de reprise de ces études incombait au groupement.

13. Cette société demande également la prise en charge des coûts d'amenée et de repli du matériel de forage, pour un montant de 44 441 euros hors taxes, toujours au titre du lot n° 1 résultant selon elle d'une absence de contrôle des plans d'exécution ainsi que le surcoût des modifications du portique de la culée C 4, dont le coût a été estimé par l'expert à 20 000 euros hors taxes, également au titre du lot n° 1. Ces prestations ne constituent pas des travaux supplémentaires mais des sujétions imprévues dont il n'est pas établi qu'elles aient bouleversé l'économie du marché. Il en est également de même pour le retard de conception des colliers, chiffré par l'appelante à la somme de 14 892 euros hors taxes pour le lot n° 1. De même, le surcoût dans la pose de ces colliers résultant de ce retard de conception, que la société chiffre à 7 454 euros également pour le lot n° 1, ne constitue ni une prestation complémentaire indispensable, ni une sujétion imprévue, outre que la communauté d'agglomération en attribue, sans qu'il y soit répliqué, la responsabilité aux constructeurs, qui ont différé la réalisation d'un prototype. Il en est aussi de même s'agissant de la réparation du banc de préfabrication, nécessitée par son absence d'utilisation immédiate du fait du retard dans la conception du tablier, outre que, comme l'admet l'appelante en ne réclamant qu'une indemnisation limitée à la moitié du préjudice soit 2 834 euros hors taxes au titre du lot n° 1, elle a sa part de responsabilité dans la survenance de ce surcoût. Si la société Bouygues travaux publics régions France soutient également que ces coûts résultent de la défaillance du maître d'ouvrage dans la définition de son besoin et dans la direction du chantier, aucune faute n'est établie à ce titre ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 9. Ces demandes ne peuvent donc qu'être rejetées.

14. L'expert désigné par le tribunal administratif d'Amiens a conclu par ailleurs que l'interruption des pieux C 4 et P 2 résulte de la faute du sous-traitant des titulaires des lots n° 1 et 2. Si la société Bouygues travaux publics régions France conteste cette analyse en demandant une indemnisation pour un montant de 84 577 euros hors taxes au titre du lot n° 1, elle reconnaît que la cause des anomalies à l'origine de cette interruption n'a pu être identifiée précisément. Par ailleurs, si elle critique à nouveau l'imprécision du marché sur ces points, elle ne démontre pas la responsabilité du maître d'ouvrage dans la définition de son besoin, compte tenu de la complexité du contrôle des hypothèses techniques de l'ouvrage et du fait que le groupement constructeur avait, ainsi qu'il a été dit, la charge des études d'exécution, telles qu'elles étaient définies par l'article 21 du cahier des clauses techniques particulières. La faute du maître d'ouvrage n'est donc pas établie, contrairement à ce que soutient la société appelante. Elle ne démontre pas plus que ces travaux constitueraient des sujétions imprévues ayant bouleversé l'économie du marché qui justifieraient son indemnisation.

15. Si cette société réclame une indemnisation complémentaire, s'agissant du solde du lot n° 1, de 1 027 euros par rapport à celle allouée par le maître d'ouvrage pour la modification du prix au mètre cube des éléments du tablier, elle n'établit pas que ce surcoût était indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. De même si elle demande que la réalisation d'un pieu de faisabilité soit prise en compte pour un montant de 69 186 euros hors taxes au titre du lot n° 1, alors que le tribunal administratif avait retenu une indemnisation à ce titre à hauteur de 48 485 euros hors taxes conformément aux conclusions de l'expert, elle n'apporte, en cause d'appel, aucune justification du complément d'indemnisation demandé. Ces demandes doivent donc être rejetées.

16. La société Bouygues travaux publics régions France demande ensuite la prise en charge par le maître d'ouvrage de la réparation, à la suite de la chute d'un peuplier, toujours au titre du lot n° 1, de la clôture de chantier pour un montant de 1 627 euros hors taxes. La communauté d'agglomération fait valoir, sans qu'il y soit répliqué que, l'arbre en question ne se situait pas sur le domaine public et que par suite, sa chute ne constitue pas, comme le prétend l'appelante, un dommage de travaux publics dont elle devrait assumer la responsabilité. Par ailleurs, si la société appelante entend établir que ce préjudice constitue une sujétion imprévue, elle n'établit pas qu'il ait bouleversé l'économie du marché.

17. La société demande aussi la prise en compte du surcoût résultant de l'augmentation du ratio de ferraillage des ouvrages pour des montants de 51 750 euros hors taxes pour le ferraillage dans les zones de recouvrement du tablier et de 29 143 euros hors taxes, s'agissant du ferraillage résultant du renforcement des armatures. L'expert retient que cette augmentation contribue à la pérennité de l'ouvrage et la met à la charge du maître d'ouvrage. Par suite, ce surcoût apparait indispensable à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art. Si, la communauté d'agglomération fait valoir que cette société avait initialement sous-estimé la quantité d'armatures nécessaires, la société appelante impute le sous-dimensionnement de sa prévision initiale à l'imprécision des études de conception du maître d'œuvre et au fait qu'elle a élaboré son offre à partir des hypothèses erronées du maître d'œuvre. Par suite, ces surcoûts correspondent à des dépenses supplémentaires indispensables permettant la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art et n'ont pas été rendus nécessaires par un défaut d'exécution imputables à la société appelante. Il doit donc être fait droit à la demande de la société Bouygues sur ce point en augmentant le solde du lot n° 1, ces deux surcoûts ayant trait à ce lot d'après le tableau produit par la société, dans la limite des sommes retenues par l'expert, dont le chiffrage n'est pas sérieusement discuté, à savoir 35 467 euros hors taxes et 29 143 euros hors taxes.

18. Cette société réclame aussi l'indemnisation de pissettes galvanisées pour un montant de 1 568 euros hors taxes, au titre du lot n° 1. Toutefois, le marché ne précisait pas le matériau nécessaire pour ces pièces et la société n'établit pas que le matériau retenu était indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.

19. La société demande encore la prise en compte de la modification de la réalisation du tablier par un coffrage sur place en lieu et place de béquets préfabriqués. Toutefois, elle n'établit pas que l'utilisation du préfabriqué était impossible. Au contraire, l'expert fait valoir que le recours au coffrage résulte d'un choix de l'entreprise pour optimiser sa méthode d'exécution. Cette demande, chiffrée à la somme de 21 740 euros hors taxes pour la partie entre les files 01 et 06 et à 20 068 euros hors taxes pour la partie entre les files 25 et 26 B, concernant toutes deux le lot n° 1, doit donc être rejetée, dès lors qu'il n'est donc pas démontré qu'elle était indispensable à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art.

20. Le coût des essais nécessités par l'utilisation d'un acier ne répondant pas aux normes NF, d'un montant de 21 738 euros hors taxes, au titre du lot n° 1 résulte selon la communauté d'agglomération du choix de l'entreprise d'utiliser de manière dérogatoire des tôles qui ne soient pas aux normes NF. Le seul fait qu'aucun fournisseur ne dispose des pièces nécessaires pour le chantier aux normes NF, ne saurait entraîner la mise à la charge du maître d'ouvrage du coût des essais, alors que l'entreprise aurait dû s'assurer de la disponibilité de matériaux aux normes au stade de la remise de son offre et par suite prendre en compte ce risque dans son prix forfaitaire et global. Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.

21. Si la société Bouygues travaux publics régions France demande la prise en charge d'une attache ajoutée au garde-corps pour des montants de 21 438 euros hors taxes au titre du lot n° 1 et de 9 223 euros hors taxes au titre du lot n° 2, les documents contractuels imposaient la fourniture de cette pièce ou à tout le moins de livrer un garde-corps convenablement fixé comme le confirme l'expert. L'expert conclut également que les plans du marché permettaient de déterminer la hauteur du treillis du garde-corps et que la demande de plus-value de l'entreprise pour le dimensionnement de cette pièce n'est donc pas recevable. Par suite, cette demande ne peut qu'être rejetée.

22. Si la société soutient qu'elle a été contrainte de modifier le diamètre de la main courante pour faire passer le câblage électrique, elle ne démontre pas que le diamètre de cette partie de l'ouvrage prévu par le cahier des clauses techniques particulières ne permettait pas d'y inclure les câbles électriques. Elle s'est en effet fondée, d'après ses réserves sur l'ordre de service 1.37, sur les attestations de fournisseurs qu'elle ne produit pas. En outre, d'après ses écritures en appel, elle n'a consulté qu'un seul fournisseur. L'expert, pour sa part, concluait seulement que cette modification valorisait l'ouvrage sans mentionner qu'elle était indispensable à sa réalisation selon les règles de l'art, ce que conteste la communauté d'agglomération. Par ailleurs, si cette réalisation était difficile, il n'est toutefois pas démontré qu'elle aurait été impossible, ce que conteste également l'établissement public intercommunal. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la modification du diamètre de la main courante, pour un montant de 5 538 euros hors taxes au titre du lot n° 1, était rendue indispensable pour assurer la réalisation de l'ouvrage dans le respect des règles de l'art.

23. Il n'est pas démontré que la pose des voussoirs par ponton, dont la société demande également la prise en charge pour un montant de 7 272 euros hors taxes, constituait un travail supplémentaire, alors que l'expert estime qu'il s'agit d'une bonne initiative de l'entreprise qui a permis de réduire le retard du chantier, sans qu'il soit démontré que cette méthode était indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.

24. Si la société se plaint de l'imprécision du cahier des clauses techniques particulières relativement à la liaison entre les lots n° 1 et 2, elle ne saurait réclamer une indemnisation de 6 037 euros hors taxes à ce titre, alors qu'elle ne démontre pas que la mise en place d'une tôle pour assurer cette liaison était indispensable à la livraison de l'ouvrage dans les règles de l'art.

25. La modification des suspentes secondaires est liée à la modification de la géométrie de l'ouvrage postérieurement à la signature du marché qui a été à l'origine d'une indemnisation du groupement. Cette modification des suspentes était indispensable pour réaliser un ouvrage conforme aux règles de l'art, comme le confirme l'expert. Par suite, la société Bouygues travaux publics régions France est fondée à soutenir que ces travaux chiffrés à la somme de 2 361 euros hors taxes, doivent être pris en charge par la communauté d'agglomération au titre du lot n° 1. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens doit être réformé sur ce point.

S'agissant des études supplémentaires :

26. La société Bouygues travaux publics régions France réclame que soient prises en charge des études qu'elle a réalisées compte tenu de l'insuffisance des études de conception faites par le maître d'œuvre. Elle ne démontre toutefois pas que la charge de ces études incombait au maître d'ouvrage alors qu'au contraire l'expert avait conclu qu'aucune de ces études ne relevait de la communauté d'agglomération, à la seule exception de celle relative à l'escalier du quai d'aval, qui résulte d'une modification du programme initial et pour laquelle le tribunal a admis l'indemnisation de la société Gagne. En outre, le groupement constructeur avait la charge des études d'exécution aux termes des documents contractuels. Il convient également d'exclure toute indemnisation des études supplémentaires du pylône P 1 réalisées par la seule société Gagne dans la mesure où celle-ci s'est désistée de l'ensemble de ses conclusions.

27. La société Bouygues travaux publics régions France demande ensuite l'indemnisation du recours à des consultants externes pour un total de 9 200 euros hors taxes, notamment pour définir les caractéristiques du tablier de la passerelle. Toutefois, il résulte de l'instruction que c'est l'étude du CEREMA qui a permis de mettre fin au différend entre le groupement constructeur et le maître d'œuvre sur ce sujet. Les études commandées par le groupement n'ont donc pas été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, outre qu'ainsi qu'il a été dit, le groupement avait la charge des études d'exécution dans les conditions fixées par l'article 21 du cahier des clauses techniques particulières.

28. En particulier, si la société Bouygues travaux publics régions France soutient que l'étude relative à la justification des pièces d'attaches, d'un montant de 44 295 euros hors taxes a été rendue obligatoire par l'insuffisance de précision du projet établi par le maître d'œuvre, elle connaissait ce risque lors de la remise de son offre et ne démontre donc pas qu'elle ne pouvait pas le prendre en compte dans son prix global et forfaitaire. Par suite, sa demande à ce titre doit être rejetée.

29. Il en est de même pour les études liées à la justification des fondations pour un montant de 31 639 euros hors taxes, pour lesquelles le groupement constructeur, au vu des documents contractuels, pouvait prendre en compte l'insuffisance des études de la maîtrise d'œuvre qu'il allègue dans son offre. Cette demande doit donc également être rejetée.

30. De même, les études sur les caractéristiques du tablier, dont la société appelante demande le paiement pour un montant de 221 125 euros hors taxes, résultent du différend entre le maître d'œuvre et les constructeurs. Outre que la responsabilité en incombait selon l'expert à ces deux parties, la société appelante n'établit pas, en faisant valoir l'insuffisance de la conception du projet par la maîtrise d'œuvre, qu'elle ne pouvait pas inclure ce coût dans son prix global et forfaitaire. Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.

31. Par ailleurs, le coût de l'étude sur la méthode de forage des pieux, d'un montant de 21 859 euros hors taxes, était imputable selon l'expert à la faute du sous-traitant des entreprises chargées des lots n° 1 et 2 et ne saurait donc être mise à charge du maître d'ouvrage.

32. La société Bouygues travaux publics régions France réclame enfin l'indemnisation du chiffrage de l'élargissement des semelles du podium de la rampe de l'ile Saint-Maurice, au titre du lot n° 2, pour un montant de 1 740 euros hors taxes. Il résulte de l'instruction que cette étude est liée à la modification en cours de chantier de la géométrie de l'ouvrage, dont les conséquences ont été indemnisées au titre des travaux supplémentaires par le tribunal administratif. Ce chiffrage était indispensable à la livraison d'un ouvrage conforme aux règles de l'art. La société Bouygues travaux publics régions France est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens n'a pas pris en compte cette somme à son crédit dans le solde du lot n° 2. Le jugement doit donc être réformé sur ce point.


En ce qui concerne la révision des prix :

33. Aux termes de l'article 10. 4 du cahier des clauses administratives générales applicable au présent marché : " Variation dans les prix: / 10.4.1. Les prix sont réputés fermes, sauf dans les cas où la réglementation prévoit des prix révisables ou si les documents particuliers du marché prévoient de tels prix et qu'ils comportent une formule de révision des prix. / (...) / 10.4.4. La révision se fait en appliquant la formule et les coefficients fixés par les documents particuliers du marché. / La valeur initiale du ou des index à prendre en compte est celle de la date d'établissement des prix initiaux. / La valeur finale des références utilisées pour l'application de cette clause doit être appréciée au plus tard à la date de réalisation des prestations concernées telle que prévue par les documents particuliers du marché, ou à la date de leur réalisation réelle si celle-ci est antérieure. / La date de réalisation des prestations prévue par le marché est celle prévue initialement, éventuellement modifiée dans les conditions prévues aux articles 19.2.1 et 19.2.2. / Si les travaux ne sont pas achevés à l'issue du délai de réalisation des prestations, et si ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation dans les conditions prévues à l'article 19.2, la révision des règlements ultérieurs à la date contractuelle de fin d'exécution se fait sur la base de la valeur des index de référence à la date d'achèvement contractuelle ". L'article 5. 4 du cahier des clauses administratives particulières du marché fixe la formule de révision et renvoie pour ses modalités d'application à l'article 10. 4 du cahier des clauses administratives générales auquel il ne déroge pas.

34. La société Bouygues travaux publics régions France soutient que la révision appliquée par la communauté d'agglomération dans son décompte général aurait dû prendre en compte l'indice du mois d'avril 2015. Les stipulations contractuelles précitées prévoient que la valeur des indices prise en compte doit être celle du mois d'achèvement contractuel. Il ne résulte pas de l'instruction que la formule de révision a pris en compte un indice d'un mois antérieur à celui de la date contractuelle de fin d'exécution des prestations telle qu'elle avait été fixée par les documents initiaux du marché et par les ordres de service ayant prolongé le délai contractuel, alors que la communauté d'agglomération a refusé une prolongation de ce délai au-delà de 4,3 mois. Par ailleurs, si la société appelante soutient que les chiffres doivent être arrondis au millième supérieur en application de l'article 5.4 du cahier des clauses administratives particulières, aucune disposition de cet article ne le prévoit. Par suite, la demande de la société Bouygues travaux publics régions France sur ce point doit être rejetée.


En ce qui concerne les pénalités de retard :

35. Aux termes de l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières : " Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG travaux, lorsque le délai contractuel d'exécution est dépassé par le fait du titulaire, celui-ci encourt, sans mise en demeure préalable une pénalité forfaitaire de : 2.000,00 € par jour de retard pour le lot 1, / 300,00 € par jour de retard pour le lot 2 ".

36. La société Bouygues travaux publics régions France demande la décharge de la totalité des pénalités de retard, soit 360 000 euros correspondant à 180 jours de retard au titre du lot n° 1, le jugement ayant déchargé la société de toutes pénalités de retard au titre du lot n° 2. Elle reconnaît toutefois que l'ouvrage n'a pas été livré à la date contractuellement fixée. Elle admet même une part de responsabilité dans le retard dans la livraison des travaux qu'elle estime à 2,4 mois. L'expert pour sa part a considéré que les retards étaient imputables pour vingt-neuf semaines au groupement dont dix semaines étaient de la responsabilité de son sous-traitant. La communauté d'agglomération a donc fixé des pénalités pour un retard inférieur à celui retenu par l'expert. La société Bouygues travaux publics régions France n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause de manière sérieuse cette décision. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif d'Amiens, qui a laissé à sa charge une pénalité d'un montant de 360 000 euros au titre du lot n° 1, doit être réformé sur ce point.


Sur les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise :

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

37. La communauté d'agglomération conteste d'abord le coût supplémentaire de 4 002 euros hors taxes mis à sa charge par le tribunal administratif d'Amiens au titre du lot n° 1 pour la réalisation de quatre micropieux forés pour la fondation de la pile P 0 en lieu et place des deux micropieux prévus par les documents contractuels. Il n'est pourtant pas contesté que ces travaux ont été ordonnés par ordre de service et que l'indemnisation supplémentaire accordée par le tribunal administratif par rapport au décompte général et définitif est conforme aux conclusions du rapport d'expertise. La communauté d'agglomération n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette analyse.

38. Si la communauté d'agglomération conteste le paiement des travaux supplémentaires de protection contre les remontées de pétrole d'un montant de 2 030 euros hors taxes au titre du lot n° 1, au motif qu'ils ont été effectués par la société Eurovia, la société Bouygues travaux publics régions France établit qu'elle a déduit de sa réclamation le montant directement réglé par le maître d'ouvrage à la société Eurovia. Par ailleurs, ces travaux ont été décidés par ordre de service et leur coût a été validé par l'expertise. La contestation de la communauté d'agglomération sur ce point doit donc être rejetée.

39. Le jugement a pris en compte un coût supplémentaire de 8 084 euros hors taxes dans le solde du lot n° 1 résultant de la modification des fondations des piles P 2 et P 3. La communauté d'agglomération se fonde sur l'avis de son maître d'œuvre au moment de l'établissement du décompte général et définitif pour remettre en cause l'analyse et l'évaluation de l'expert retenue par le tribunal administratif d'Amiens. Toutefois, la mission de l'expert était notamment d'assurer un chiffrage objectif des travaux supplémentaires demandés et la communauté d'agglomération n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette expertise. La contestation de la communauté d'agglomération sur ce point doit donc être rejetée.

40. La communauté d'agglomération fait valoir que le premier pieu de l'ouvrage aurait dû également constituer le pieu de faisabilité et que ce pieu de faisabilité n'est apparu nécessaire qu'en raison de l'absence de respect de la norme par le sous-traitant du groupement. Toutefois, la réalisation de ce pieu supplémentaire a été validée par ordre de service et l'expert considère que le marché aurait dû prescrire la réalisation d'un tel pieu de faisabilité compte tenu de la faible consistance des terrains alluvionnaires et de la nature de l'ouvrage à construire. La demande de la communauté d'agglomération visant à la réduction du solde du lot n° 1 d'un montant de 48 485 euros hors taxes de ce fait, ne peut qu'être rejetée.

41. S'agissant du coût des oreilles d'attache des suspentes chiffré à la somme de 8 046 euros hors taxes, au titre du lot n° 1, l'expert a conclu que la modification de ces pièces était indispensable à la stabilité de la structure. La communauté d'agglomération ne remet pas en cause ce constat. Le seul fait que la méthode d'attache résulte d'une proposition de variante du groupement ne saurait exonérer la communauté d'agglomération du paiement de cette prestation supplémentaire indispensable, d'autant que la variante proposée par le groupement avait été acceptée.

42. De même, s'agissant de la modification des pièces d'attache de câbles pour un montant de 25 610 euros hors taxes, toujours au titre du lot n° 1, l'expert note que ces pièces étaient sous-dimensionnées dans le dossier de consultation des entreprises. Par suite, même si la proposition de modification émane du groupement, le coût d'un dimensionnement de ces pièces permettant d'assurer la stabilité de l'ouvrage doit également être mis à la charge du maître d'ouvrage, comme l'ont retenu à bon droit, les premiers juges.

43. La communauté d'agglomération conteste avoir à supporter le coût de la fourniture de cales dynamométriques pour un montant de 9 338 euros hors taxes, au titre du lot n° 1, qui s'imposaient selon elle du fait du caractère inondable de l'ile Saint-Maurice que devait connaître le constructeur. Toutefois, le marché prévoyait des appareils de contrôle à lecture ordinaire et non déportée, alors que ceux finalement mis en œuvre étaient indispensables en raison justement du caractère inondable des berges.

44. Si la communauté d'agglomération fait valoir que l'élargissement des semelles du podium de l'ile Saint-Maurice d'un coût de 6 120 euros hors taxes, au titre du lot n° 2 dont elle ne conteste pas par ailleurs le caractère indispensable, résulte du choix d'optimisation des constructeurs qui ont supprimé deux micropieux, elle ne l'établit pas, alors que l'expert conclut à l'absence de liens entre les deux sujets. Par suite, la demande de la communauté d'agglomération que le jugement soit réformé sur ce point doit être rejetée.

45. Si la communauté d'agglomération admet que l'accroissement de la surface couverte par des lames en bois du podium de l'ile Saint-Maurice constitue un travail supplémentaire, elle en conteste le chiffrage d'un montant de 3 448 euros hors taxes au titre du lot n° 2 au motif que les frais généraux inclus dans ce coût sont déjà inclus dans le prix forfaitaire et global. L'expert conclut en sens inverse en justifiant ce coût dans son rapport. L'établissement public intercommunal n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette analyse alors d'ailleurs que toute prestation supplémentaire comprend nécessairement un amortissement des frais généraux du prestataire. La demande de la communauté d'agglomération que le jugement soit réformé sur ce point doit donc être rejetée.

46. La communauté d'agglomération ne remet pas en cause la réalisation en tôle de la couverture des rives du podium, alors que le marché ne précisait pas les dispositions constructives applicables. Si elle en conteste la prise en charge pour un total de 5 841 euros hors taxes au titre du lot n° 2, au motif qu'elle résulte d'un défaut d'exécution par les entreprises, elle ne le démontre pas alors que l'expert conclut en sens inverse. Sa demande à ce titre doit donc être rejetée.

47. Les soudures par pleine pénétration ont été demandées pas le contrôleur extérieur missionné par la communauté d'agglomération et ont fait l'objet d'un ordre de service. La seule circonstance que le maître d'œuvre estime cette modification non nécessaire ne suffit pas à décharger la communauté d'agglomération, qui avait validé cette prestation, de son paiement pour une somme de 18 090 euros hors taxes à son cocontractant, comme l'ont retenu les premiers juges, en ce qui concerne le solde du lot n° 1.

48. Il n'est pas sérieusement contesté que le changement de caractéristiques du béton par rapport au marché initial, était indispensable pour la livraison d'un ouvrage conforme aux règles de l'art. La communauté d'agglomération n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a mis cette dépense, d'un montant de 1 601 euros hors taxes, à sa charge dans le décompte du lot n° 1.

49. Le maître d'œuvre avait admis que les tirants étaient sous-dimensionnés dans les documents du marché. Même s'il considère qu'une taille de 110 millimètres suffisait par rapport à celle mise en œuvre de 120 millimètres, les travaux entrepris à ce titre par le groupement étaient indispensables et doivent être pris en charge par la communauté d'agglomération pour un montant de 6 500 euros, conformément aux conclusions de l'expert.

50. Il résulte de ce qui a été dit aux points 37 à 49 que l'appel incident de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise sur les travaux supplémentaires mis à sa charge ne peut qu'être rejeté.




En ce qui concerne les pénalités de retard :

51. Ainsi qu'il a été dit au point 36, les retards imputables à la société Bouygues travaux publics régions France résultent de la faute de son sous-traitant dans le forage des micro-pieux et du dimensionnement du tablier de la passerelle. Ces retards ne concernent donc que le lot n° 1, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif d'Amiens. Si la communauté d'agglomération a appliqué des pénalités de retard pour un montant de 105 900 euros pour le lot n° 2, elle n'apporte aucun élément en cause d'appel de nature à remettre en cause le constat opéré par les premiers juges qu'aucun retard du fait des titulaires du lot n° 2 ne peut être retenu pour ce lot. Par suite, la demande de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise au titre du lot n° 2 doit être rejetée.


En ce qui concerne les réfactions :

52. La communauté d'agglomération considère que le contrôle des colliers n'a pas été établi conformément aux documents contractuels. Toutefois ce point est contesté par l'appelante qui soutient au contraire que la modification sur la fabrication des colliers a entraîné des surcoûts pour le groupement. En tout état de cause, la communauté d'agglomération ne justifie pas en cause d'appel du fondement juridique de cette réfaction d'un montant de 12 789 euros toutes taxes comprises, qui n'a pas fait l'objet d'ordre de service, alors qu'elle a été précisément écartée pour ce motif par les premiers juges.

53. Aux termes du 7 de l'article 41 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés litigieux : " Si certains ouvrages ou certaines parties d'ouvrages ne sont pas entièrement conformes aux spécifications du marché, sans que les imperfections constatées soient de nature à porter atteinte à la sécurité, au comportement ou à l'utilisation des ouvrages, la personne responsable du marché peut, eu égard à la faible importance des imperfections et aux difficultés que présenterait la mise en conformité, renoncer à ordonner la réfection des ouvrages estimés défectueux et proposer à l'entrepreneur une réfaction sur les prix. / Si l'entrepreneur accepte la réfaction, les imperfections qui l'ont motivée se trouvent couvertes de ce fait et la réception est prononcée sans réserve. / Dans le cas contraire, l'entrepreneur demeure tenu de réparer ces imperfections, la réception étant prononcée sous réserve de leur réparation ". L'intervention d'une réception avec réserves fait obstacle à l'application d'une réfaction sur les prix, dès lors que l'entreprise concernée est alors tenue d'effectuer les travaux qui sont la condition de la levée des réserves.

54. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le groupement constructeur a livré cent vingt-et-un appareils d'éclairage alors que le marché, modifié par ordre de service, en prévoyait cent trente-quatre. La communauté d'agglomération a émis une réserve sur ce point lors de la réception de l'ouvrage. Elle ne pouvait donc pas appliquer une réfaction, en application de ce qui a été dit au point précédent. Le groupement était en effet tenu de lever cette réserve en livrant treize appareils supplémentaires avant le 24 avril 2015, date de levée des réserves mentionnée dans l'acte de réception. En cause d'appel, la communauté d'agglomération recherche la responsabilité contractuelle de la société Bouygues travaux publics régions France pour l'absence de levée de cette réserve, ce motif ressortissant à la même cause juridique que celle évoquée en première instance, fondée sur l'application d'une réfaction. Lorsque des réserves ont été émises lors de la réception et n'ont pas été levées, il appartient au maître d'ouvrage d'en faire état au sein de ce décompte. À défaut, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation des sommes correspondant à ces réserves. Lorsque le maître d'ouvrage chiffre le montant de ces réserves dans le décompte et que ce montant n'a fait l'objet d'aucune réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité, les sommes correspondant à ces réserves pouvant être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire au cas où celui-ci n'aurait pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves. En l'espèce, il est constant que la réserve n'a pas été levée, sans que l'appelante en remette en cause le fondement. La communauté d'agglomération était donc fondée à contester le projet de décompte du groupement sur ce point en opérant une retenue au titre de cette réserve non levée. Par suite, même si la société Bouygues travaux publics régions France n'a pas accepté la réfaction correspondante, la communauté d'agglomération Creil Sud Oise est fondée à demander que la société Bouygues travaux publics régions France lui verse la somme de 6 240 euros hors taxes au titre du lot n° 1 pour l'absence de levée de cette réserve. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens doit être réformé sur ce point.

55. Si la communauté d'agglomération a demandé au groupement de reprendre les fissures, sous peine qu'à défaut, elle fasse exécuter cette prestation par une autre entreprise, elle n'a pas justifié avoir engagé cette dépense, et elle ne l'établit pas plus en cause d'appel, alors que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande précisément pour ce motif. Elle ne démontre pas non plus que ce défaut affecte la stabilité et la sécurité de l'ouvrage. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a diminué les sommes portées à son crédit dans le décompte général et définitif, de cette réfaction d'un montant de 5 000 euros hors taxes au titre du lot n° 1.

56. La communauté d'agglomération a appliqué une réfaction sur le solde du lot n° 1 liée à la livraison d'une main courante de diamètre supérieur à ce qui était prévu au marché pour un montant de 1 030 euros hors taxes. Toutefois elle l'a fait, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, de manière unilatérale, en méconnaissance des dispositions de l'article 41.7 du cahier des clauses administratives générales citées au point 53, et alors au surplus que la société appelante demandait de son côté la prise en compte de travaux supplémentaires pour ce même motif, ainsi qu'il a été dit au point 22. Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.

57. La communauté d'agglomération a enfin appliqué une réfaction pour les dépenses liées à la réalisation de la culée C 4 pour un montant de 48 743,49 euros hors taxes au titre du lot n° 1. Elle n'établit pas plus en cause d'appel qu'en première instance, le lien de causalité entre les dépenses dont elle demande la prise en compte et la faute du sous-traitant dans l'exécution des travaux de cette culée, alors que le tribunal administratif d'Amiens avait précisément écarté cette demande pour ce motif.


Sur le solde des lots n° 1 et 2 :

58. Il résulte de tout ce qui précède que le solde du lot n° 1 fixé par le jugement du tribunal administratif d'Amiens à 5 805,58 euros toutes taxes comprises en faveur de la société Bouygues travaux publics régions France doit être modifié. Il y a en effet lieu d'inscrire au crédit de cette société les sommes de 628 euros hors taxes, correspondant au coût supplémentaire de la libération tardive des emprises, de 2 361 euros hors taxes pour la modification des suspentes secondaires, ainsi que les sommes de 35 467 euros hors taxes et de 29 143 euros hors taxes correspondant à l'augmentation du ratio de ferraillage. En sens inverse, il y a lieu d'imputer à son débit une somme de 6 240 euros hors taxes correspondant à la réserve non levée relative à l'absence de livraisons de treize luminaires. Par suite, le solde du lot n° 1 doit être fixé, s'agissant de la société Bouygues travaux publics régions France à la somme de 79 436,38 euros toutes taxes comprises, compte tenu d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 %. La communauté d'agglomération Creil Sud Oise doit être condamnée à verser cette somme à la société appelante. Cette somme portera intérêts moratoires au taux de 7,05 % à compter du 30 août 2015. La société Bouygues travaux publics régions France demande pour la première fois, en cause d'appel dans sa requête, la capitalisation des intérêts. Il y a lieu de faire droit à sa demande à compter du 21 mars 2019, date d'enregistrement de sa requête à laquelle une année entière d'intérêts était due, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens doit être réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

59. Le solde du lot n° 2 doit être diminué d'un montant de 1 740 euros hors taxes, soit 2 088 euros toutes taxes comprises, correspondant à l'élargissement des semelles du podium Saint-Maurice, à porter au crédit de la société Bouygues travaux publics régions France. Ce solde doit donc être fixé à la somme négative de 12 571,72 euros toutes taxes comprises. Par suite, les conclusions de la société appelante visant à la condamnation de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise à lui verser un montant au titre de ce lot ne peuvent qu'être rejetées. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens doit être également réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.


Sur les conclusions subsidiaires de la société Bouygues travaux publics régions France :

60. D'une part, lorsque l'une des parties à un marché de travaux a subi un préjudice imputable à la fois à l'autre partie, en raison d'un manquement à ses obligations contractuelles, et à d'autres intervenants à l'acte de construire, au titre de fautes quasi-délictuelles, elle peut demander au juge de prononcer la condamnation solidaire de l'autre partie avec les coauteurs des dommages. En revanche, ces derniers ne peuvent être rendus solidairement débiteurs de sommes correspondant à des préjudices qui ne leur sont aucunement imputables non plus que de sommes figurant dans le décompte général ne présentant pas de caractère indemnitaire. D'autre part, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.

61. La société Bouygues travaux publics régions France entend à titre subsidiaire rechercher, en application de ce qui a été rappelé au point 60, la responsabilité solidaire de la société RFR et de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise.


En ce qui concerne la prolongation du chantier :

62. En premier lieu, le retard de fabrication du pylône fait suite, selon l'expert, à une demande du maître d'œuvre de modification de la pièce d'appui. L'expert estime que ce coût est à la charge du maître d'œuvre " dans la mesure où le projet technique établi en phase projet n'était pas suffisamment défini ". La faute de la société RFR doit donc être regardée comme établie. Toutefois l'expert a chiffré le coût de ce retard à la somme de 41 493 euros hors taxes. Si la société Bouygues travaux publics régions France demande une indemnisation d'un total de 80 824 euros hors taxes, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier du montant ainsi réclamé. Par suite, le préjudice indemnisable imputable à la société RFR doit être limité à la somme de 41 493 euros hors taxes pour ce poste de préjudice.

63. En deuxième lieu, l'expert a retenu que le retard de fabrication du portique métallique de la culée C 4 " a été masqué par un retard plus important pris dans les études d'exécution du tablier en béton armé ". La société Bouygues travaux publics régions France indique en cause d'appel qu'elle n'entend pas contester l'analyse de l'expert sur ce point. Le retard de fabrication du portique n'ayant dès lors pas généré de préjudice spécifique, cette demande d'un montant de 47 430 euros hors taxes doit être rejetée.

64. En troisième lieu, la société Bouygues travaux publics régions France demande la prise en compte du surcoût des installations de chantier pendant 6,3 mois pour un montant de 148 768 euros hors taxes. Toutefois, l'expert a retenu que ce surcoût est pour partie " consécutif au retard pris dans les études d'exécution du tablier ". La faute du maître d'œuvre est donc à l'origine d'une partie de ce surcoût. Toutefois, l'expert estime que la part à la charge du maître d'œuvre dans ce surcoût doit être chiffrée à la somme de 145 065 euros hors taxes compte tenu d'une faute exonératoire du sous-traitant du groupement constructeur. La société Bouygues travaux publics régions France s'en remettant en cause d'appel à l'appréciation de l'expert sur la répartition des responsabilités et n'apportant aucun élément pour modifier ses calculs, la somme mise à la charge de la société RFR doit être limitée à 145 065 euros hors taxes.

65. En quatrième lieu, la société Bouygues travaux publics régions France demande l'indemnisation de la perte de productivité de la main d'œuvre mobilisée sur le chantier du fait des modifications apportées au déroulement de celui-ci. Elle réclame à ce titre une indemnisation pour un montant de 120 393 euros hors taxes. Elle soutient que cette perte de productivité est distincte, contrairement à ce qu'a retenu l'expert, de l'immobilisation de ses équipes résultant de l'allongement de la durée du chantier pour laquelle elle a également demandé une indemnisation. Toutefois, elle n'établit ni la réalité de cette perte de productivité au cours de l'exécution du chantier, ni son lien de causalité avec l'allongement de la durée du chantier et avec les fautes commises par le maître d'œuvre à l'origine de cet allongement. Cette demande doit donc être rejetée.

66. En cinquième lieu, le retard dans l'exécution du chantier a généré des frais généraux supplémentaires par rapport à la quote-part comprise dans le prix global et forfaitaire du groupement calculé sur une durée moindre de travaux. L'expert a conclu que le retard imputable au maître d'œuvre peut être estimé à trente et une semaines, ce que ne conteste plus la société Bouygues travaux publics régions France en cause d'appel. Si la société réclame à ce titre une somme de 89 626 euros hors taxes, l'expert a chiffré la part imputable à la société RFR à un montant de 67 766 euros hors taxes. La société appelante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ce calcul. Par suite, le préjudice à la charge de la société RFR doit être limité à la somme de 67 766 euros hors taxes.

67. En sixième lieu, si la société Bouygues travaux publics régions France demande une indemnisation pour perte de bénéfices résultant de l'immobilisation de son personnel compte tenu des retards du chantier pour un montant de 30 450 euros hors taxes, l'expert conclut, compte tenu des retards imputables au maître d'œuvre, à une indemnisation estimée à seulement 23 023 euros hors taxes à mettre à la charge de la société RFR. Aucune contestation des conclusions de l'expert n'est faite sur ce point. Par suite le préjudice à la charge de la société RFR doit être limité à la somme de 23 023 euros hors taxes à ce titre.

68. Si la société Bouygues travaux publics régions France demande une somme de 10 988 euros hors taxes pour les frais financiers résultant de l'avance de trésorerie du fait des surcoûts générés par l'allongement de la durée du chantier, elle n'apporte aucun élément pour justifier du caractère certain de ce préjudice. Cette demande doit donc être rejetée.


En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

69. En premier lieu, la société Bouygues travaux publics régions France demande le paiement d'une somme de 84 577 euros hors taxes pour le surcoût généré par l'ordre de service n° 1.16 par lequel le maître d'œuvre a notifié l'interruption des pieux de la coulée C 4 et de la pile P 2. L'expert a retenu comme cause de ce surcoût, la faute du sous-traitant du groupement qui a adopté une méthodologie de forage inadaptée. Si la société appelante critique cette analyse, elle reconnaît, ainsi qu'il a été dit au point 14, que la cause des anomalies n'a pu être précisément identifiée. Si elle fait état d'anomalies ponctuelles du terrain, pour expliquer ce surcoût elle ne saurait ainsi démontrer la faute du maître d'œuvre alors que " tous les dimensionnements structuraux, les notes de calculs, les plans d'exécution sont à la charge de l'entreprise au titre de la mission EXE de l'ensemble des ouvrages " aux termes de l'article 21 du cahier des clauses techniques particulières des lots n° 1 et 2, ainsi qu'il a été rappelé au point 7. Cette demande doit donc être rejetée.

70. Si la société Bouygues réclame, en deuxième lieu, une indemnisation complémentaire d'un montant de 1 027 euros hors taxes par rapport à celle allouée par la communauté d'agglomération pour la modification du prix au mètre cube des éléments du tablier, elle n'établit ni la faute du maître d'œuvre, ni le lien de causalité entre cette faute et le coût supplémentaire dont elle réclame l'indemnisation.

71. La société appelante demande, en troisième lieu, une somme de 32 775 euros hors taxes pour les coûts supplémentaires d'amenée et de repli du matériel résultant du décalage de réalisation du portique C 4. Si elle soutient que le retard pris par son sous-traitant dans l'exécution des micro-pieux a été masqué par le retard pris dans la conception de la coulée C 4, elle ne démontre pas ainsi l'absence de faute de son sous-traitant, alors que l'expert a retenu, sans être contredit sur ce point, des insuffisances dans la méthode de forage par cette entreprise. Elle n'établit pas non plus qu'elle aurait dû faire face à un surcoût en l'absence de faute de son sous-traitant. Sa demande à ce titre doit donc être rejetée.

72. En quatrième lieu, il résulte de l'expertise que le maître d'œuvre n'a pas été à même de contrôler les plans d'exécution au mois d'août 2013 et a visé avec retard le 6 septembre 2013, les notes de calcul durant cette période. Cette faute est en lien direct avec le coût d'amenée et de repli du matériel de forage dont la société appelante réclame l'indemnisation pour un montant de 44 441 euros hors taxes. Le préjudice imputable à la société RFR est donc établi à hauteur de cette somme.

73. En cinquième lieu, si la société Bouygues travaux publics régions France réclame l'indemnisation de l'augmentation du ratio de ferraillage, le présent arrêt a, en son point 17, condamné la communauté d'agglomération à indemniser la société Bouygues travaux publics régions France pour l'intégralité de son préjudice. Les conclusions dirigées contre la société RFR n'étant que subsidiaires, sa condamnation à ce titre doit donc être rejetée.

74. En sixième lieu, le présent arrêt a, en son point 25, condamné la communauté d'agglomération à indemniser la société Bouygues travaux publics régions France pour l'intégralité de son préjudice chiffré à 2 361 euros hors taxes pour la modification des suspentes secondaires. La demande au même titre et pour le même montant dirigée contre la société RFR n'étant que subsidiaire, elle ne peut donc qu'être rejetée.

75. En septième lieu, l'expert retient que les modifications à la suite de l'ordre de service 1.35 sont consécutives au sous-dimensionnement du projet au stade de la conception. Par suite, la faute du maître d'œuvre doit être retenue et l'indemnisation fixée à la somme de 20 000 euros hors taxes telle que chiffrée par l'expert et réclamée par la société Bouygues travaux publics régions France.

76. En huitième lieu, l'expert retient que la demande de la société Bouygues travaux publics régions France à hauteur de 1 568 euros hors taxes correspondant au surcoût de la réalisation des pissettes en acier galvanisé n'est pas justifié dès lors que les documents contractuels ne précisaient pas le matériau retenu pour ces pièces. Cette demande doit ainsi être rejetée.

77. En neuvième lieu, la réparation du banc de préfabrication a été nécessitée par son absence d'utilisation immédiate du fait du retard dans la conception du tablier. Ce retard de conception a été attribué par l'expert tant au maître d'œuvre qu'au groupement constructeur. Il sera donc fait une juste appréciation du préjudice de la société Bouygues travaux publics régions France en retenant une faute de la société RFR pour la moitié de ce préjudice, qui sera ainsi chiffré à la somme de 2 834 euros hors taxes, conformément aux conclusions du rapport d'expertise.

78. En dixième lieu, la société Bouygues demande une indemnisation du surcoût résultant de la réalisation du tablier par coffrage plutôt que par des becquets préfabriqués pour un montant de 21 740 euros hors taxes pour la partie entre les files 1 et 6 et d'un montant de 20 068 euros hors taxes pour la partie entre les files 25 et 26 B. Toutefois, elle n'établit pas la faute du maître d'œuvre en l'espèce alors qu'elle ne démontre pas non plus que le recours à une préfabrication était impossible et que l'expert a estimé que le coffrage a permis au groupement constructeur d'optimiser sa méthode d'exécution. Sa demande à ce titre doit donc être rejetée.

79. En onzième lieu, l'expert attribue le surcoût des essais des colliers au retard pris dans les études. Or il note par ailleurs de manière globale l'insuffisance des études au stade de la phase projet par le maître d'œuvre. Par suite, la faute de la société RFR doit être retenue et le préjudice de la société Bouygues travaux publics régions France chiffré à la somme de 14 892 euros hors taxes, conformément aux conclusions de l'expert. De même, le décalage de la pose des colliers après la pose des câbles a généré un surcoût de 7 454 euros hors taxes qui résulte selon l'expert, d'un décalage dans les études détaillées des pièces d'attache, lui-même consécutif au sous-dimensionnement de ces pièces au stade de la conception par le maître d'œuvre. Par suite, la faute de la société RFR doit également être retenue et l'indemnisation de ce préjudice fixée à la somme de 7 454 euros hors taxes.

80. En douzième lieu, la société appelante réclame une indemnisation pour un montant de 1 740 euros hors taxes pour la reprise de la note de calcul 1069. Toutefois, cette modification résulte de l'expertise du CEREMA qui a conduit à majorer les charges permanentes de l'ouvrage et par suite les caractéristiques du béton prévu au marché. Le groupement a admis que les hypothèses du CEREMA devaient être les seules valides pour la réalisation de l'ouvrage. L'expert conclut en conséquence que cette reprise de sa note de calcul incombe au groupement, sans que celui-ci démontre une erreur de conception du maître d'œuvre à l'origine de ce surcoût. Cette demande doit donc être rejetée. De même, si la société appelante demande la condamnation de la société RFR pour le surcoût de la réalisation du garde-corps pour des montants respectivement de 21 438 euros hors taxes pour le lot n° 1 et de 9 223 euros hors taxes pour le lot n° 2, l'expert a conclu qu'il appartenait au groupement de livrer un treillis convenablement fixé et qu'en conséquence ces coûts devaient rester à la charge du groupement. La société Bouygues travaux publics régions France n'apporte pas d'élément probant de nature à remettre en cause l'expertise. Sa demande doit donc être rejetée.

81. En treizième lieu, la société appelante demande une indemnisation supplémentaire d'un montant total de 5 538 euros hors taxes, par rapport à celle allouée par la communauté d'agglomération dans le décompte général pour la modification du diamètre de la main-courante. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 22, elle ne démontre pas que le diamètre de cette partie de l'ouvrage prévu par le cahier des clauses techniques particulières ne permettait pas d'y inclure les câbles électriques. L'expert, pour sa part, conclut seulement que cette réalisation était difficile. Par suite, cette demande ne peut qu'être rejetée.

82. En quatorzième lieu, la pose des voussoirs par ponton dont la société demande également la prise en charge pour un montant de 7 752 euros hors taxes, résulte selon l'expert d'une bonne initiative de l'entreprise, mais la société n'apporte pas d'éléments pour démontrer la faute du maître d'œuvre en la matière. Sa demande à ce titre doit donc être rejetée.

83. En quinzième lieu, la société appelante reproche au maître d'œuvre de ne pas avoir précisé au stade du projet la nature des liaisons entre le tablier de la passerelle en béton et la rampe en charpente métallique. L'expert reconnaît cette imprécision. Par suite, la faute de la société RFR est établie et le préjudice de la société appelante doit être fixé à la somme de 6 037 euros correspondant à la liaison en tôles entre ces deux parties de l'ouvrage.

84. En seizième et dernier lieu, la société appelante demande l'indemnisation du recours à des consultants externes pour un total de 9 200 euros hors taxes. Ces études ont été faites pour définir les caractéristiques du tablier de la passerelle. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 27 c'est l'étude du CEREMA qui a permis de mettre fin au différend. En outre, le groupement avait la charge des études d'exécution. L'expert conclut d'ailleurs que ce coût doit rester à la charge du groupement. Par suite, cette demande doit être rejetée.


En ce qui concerne les études supplémentaires :

85. L'expert note que " les études sur les pièces d'assemblage de l'ossature métallique ont été mal définies et sous dimensionnées par le maître d'œuvre lors de la phase projet ". La société Bouygues travaux publics régions France a ainsi été contrainte de mener ses propres études pour pallier la défaillance de la société RFR. La faute de cette dernière est donc établie et le préjudice de la société appelante peut être fixé à la somme de 44 295 euros hors taxes à ce titre, conformément aux conclusions de l'expert.

86. De même, l'expert note que le surcoût d'études pour la société Bouygues travaux publics régions France nécessité par la justification des fondations est " imputable au maître d'œuvre RFR qui n'a pas suffisamment défini le dimensionnement des fondations ". Par suite, la faute de la société RFR est établie et le préjudice de la société appelante fixé à la somme de 21 820 euros hors taxes.

87. Par ailleurs, le dimensionnement du tablier a fait l'objet de longs débats techniques entre le maître d'œuvre et le groupement constructeur en cours d'exécution du chantier. Si le groupement a fait preuve d'inertie qui a contribué au surcoût de l'ouvrage, l'expert conclut qu'une partie des études complémentaires sont " consécutives à un manque de prescriptions initiales au stade de la conception par le maître d'œuvre ". Il chiffre un montant d'études de 110 563 euros imputables à la société RFR. La faute de cette dernière doit donc être retenue dans cette mesure.

88. En revanche, la mise au point de la méthode de forage des pieux pour laquelle la société appelante réclame une somme de 21 859 euros hors taxes résulte de la faute du sous-traitant du groupement constructeur, la société Franki qui, selon l'expert a fait preuve d'insuffisances ou de recherches d'économies abusives sur la méthode de forage. La demande de la société appelante à ce titre ne peut donc qu'être rejetée.

89. Il résulte de tout ce qui précède que d'une part, la société Bouygues travaux publics régions France ne peut demander, en vertu des principes rappelés au point 60, la condamnation de la société RFR, maître d'œuvre, pour les fautes retenues par le jugement du tribunal administratif d'Amiens et par le présent arrêt comme résultant de la responsabilité exclusive du maître d'ouvrage, en l'occurrence celle résultant de la libération tardive des emprises du chantier.

90. D'autre part, s'agissant des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art pour lesquels la société a obtenu par le présent arrêt ou par le jugement du tribunal administratif, la condamnation de la communauté d'agglomération, elle ne saurait rechercher à titre subsidiaire la responsabilité du maître d'œuvre dès lors qu'elle a obtenu à titre principal la réparation intégrale de son préjudice.

91. Toutefois, la société appelante est fondée, en application de ce qui a été rappelé au point 60, à demander la condamnation solidaire de la société RFR et de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise pour les préjudices dont elles seraient coauteurss et dont la société appelante n'aurait pas obtenu réparation, ni en première instance, ni en appel. Néanmoins, si certains préjudices résultent de la responsabilité du maître d'œuvre, ainsi que le confirment les conclusions de l'expert, il ne résulte pas de l'instruction et en particulier de l'expertise, ni n'est établi par la société appelante que les dommages pour lesquels elle n'a pas obtenu réparation soit en première instance, soit en application de ce qui précède en appel, auraient pour coauteurs la communauté d'agglomération et la société RFR. Par suite, la demande de condamnation solidaire de ces deux parties doit être rejetée.


Sur les conclusions infiniment subsidiaires de condamnation de la seule société RFR :

92. Il résulte de ce qui a été dit aux points 65 à 91 que la société RFR doit être condamnée à payer la somme de 549 683 euros hors taxes, soit 659 619,60 euros toutes taxes comprises, à la société Bouygues travaux publics régions France. Les intérêts moratoires doivent être calculés au taux légal, le taux contractuel de 7,05 % n'ayant pas lieu de s'appliquer, la société RFR n'étant pas lié contractuellement avec la société Bouygues travaux publics régions France. Cette somme doit intérêts à compter du 15 novembre 2018, date à laquelle la société Bouygues travaux publics régions France a mis en cause pour la première fois la société RFR devant le tribunal administratif d'Amiens. La société Bouygues travaux publics régions France demande également la capitalisation des intérêts. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande à compter du 16 novembre 2019, date à laquelle une année entière d'intérêts était due et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.


Sur les conclusions d'appel provoqué de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise dirigées contre la société RFR :

93. Le maître d'ouvrage est fondé, en cas de faute du maître d'œuvre, à l'appeler en garantie, notamment lorsque, en raison d'une faute du maître d'œuvre dans la conception de l'ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l'ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l'ouvrage si le maître d'œuvre n'avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants.

94. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise que le maître d'œuvre aurait dû prescrire la réalisation d'un pieu de faisabilité dans le cahier des clauses techniques particulières. Par suite, la communauté d'agglomération est fondée à demander être garantie par la société RFR de la condamnation de 48 485 euros hors taxes mise à sa charge au titre du lot n° 1 par le tribunal administratif d'Amiens.

95. En deuxième lieu, la communauté d'agglomération a été condamnée à payer la somme de 8 046 euros hors taxes pour l'augmentation du coût des oreilles au titre du lot n° 1. Il résulte du rapport d'expertise que ce surcoût est dû à un sous-dimensionnement lors de la conception par la société RFR. Il n'est pas sérieusement contesté que ce sous-dimensionnement résulte de l'insuffisance des études du maître d'œuvre relevée également par l'expert et que, compte tenu de la complexité de l'ouvrage, la communauté d'agglomération ne pouvait avoir conscience de ces insuffisances. Par suite, la communauté d'agglomération est fondée à demander être garantie par la société RFR de la condamnation de 8 046 euros hors taxes mise à sa charge par le tribunal administratif d'Amiens. Il en est de même pour la condamnation de la communauté d'agglomération pour un montant de 25 610 euros au titre de la modification des pièces d'attache. Il résulte en effet du rapport d'expertise que, dans le projet initial établi par le maître d'œuvre, ces pièces étaient sous-dimensionnées.

96. En troisième lieu, s'agissant des autres condamnations prononcées par le tribunal administratif et confirmées par le présent arrêt, la communauté d'agglomération qui dans ses écritures ne met en cause la responsabilité de RFR que pour les travaux supplémentaires et les études mises à sa charge, ne démontre pas la faute de son maître d'œuvre, alors que l'expert ne fait pas état de carences de la société RFR sur chacun de ces autres points.

97. Il résulte de ce qui précède que le montant des condamnations de la communauté d'agglomération que la société RFR doit garantir s'élève à la somme de 82 141 euros hors taxes, soit 98 569,20 euros toutes taxes comprises. Cette somme excède la condamnation de la communauté d'agglomération, retenue par le présent arrêt au titre du solde du lot n° 1. Par suite, la société RFR doit être condamnée à garantir la communauté d'agglomération pour la totalité de la somme mise à sa charge au titre de ce lot n° 1. S'agissant du lot n° 2, aucune condamnation de la communauté d'agglomération n'étant prononcée à ce titre, ses conclusions d'appel provoqué ne peuvent qu'être rejetées.




Sur les dépens :

98. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ". La société Bouygues travaux publics régions France demande la condamnation de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise à lui verser la somme de 2 188 852,81 euros toutes taxes comprises. La plupart de ces demandes ont été rejetées tant par le tribunal administratif que par le présent arrêt. Par suite, aucune des deux parties ne pouvant être considérée comme principalement gagnante, il n'y a pas lieu de remettre en cause le partage des dépens pour moitié auquel a procédé le tribunal administratif. Les demandes tant de la société Bouygues travaux publics régions France que, par la voie de l'appel incident de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise, doivent donc être rejetées.


Sur les frais liés au litige :

99. Le présent arrêt augmente les sommes que la communauté d'agglomération Creil Sud Oise est condamnée à verser à la société Bouygues travaux publics régions France. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de cette société, qui n'est pas la partie essentiellement perdante dans la présente instance d'appel, les sommes que réclame à ce titre la communauté d'agglomération Creil Sud Oise. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la société Bouygues travaux publics régions France sur ce fondement.


DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement d'instance de la société Gagne.

Article 2 : Le solde du lot n° 1 du marché de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise pour la construction d'une passerelle sur l'Oise est fixée à la somme de 79 436,38 euros toutes taxes comprises au crédit de la société Bouygues travaux publics régions France.

Article 3 : Le solde du lot n° 2 du marché de la communauté d'agglomération Creil Sud Oise pour la construction d'une passerelle sur l'Oise est fixée à la somme de 12 571,72 euros toutes taxes comprises au débit de la société Bouygues travaux publics régions France.

Article 4 : La communauté d'agglomération Creil Sud Oise est condamnée à payer la somme de 79 436,38 euros toutes taxes comprises à la société Bouygues travaux publics régions France, avec intérêts au taux de 7,05 % à compter du 30 août 2015 et capitalisation la première fois le 21 mars 2019, puis à chaque échéance annuelle.

Article 5 : La société RFR est condamnée à payer à la société Bouygues travaux publics régions France la somme de 659 619,60 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2018 et capitalisation la première fois le 16 novembre 2019, puis à chaque échéance annuelle.

Article 6 : La société RFR est condamnée à garantir la communauté d'agglomération Creil Sud Oise pour la totalité de la condamnation mise à sa charge à l'article 4.

Article 7 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bouygues travaux Publics régions France, à la société Gagne, à la communauté d'agglomération Creil Sud Oise et à Me Gorrias en qualité de liquidateur de la société RFR.

Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,
Signé : D. Perrin
La présidente de chambre,
Signé : G. BorotLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne à la préfète de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Huls-Carlier
1
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N° 19DA00692



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