CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/07/2022, 17DA02493, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

La société Artisal a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 39 523,17 euros toutes taxes comprises au titre du solde de la première phase du lot n° 2 " partitions " du marché de restructuration et extension du centre hospitalier Laennec de Creil, ainsi que la somme de 3 865,69 euros au titre des intérêts moratoires sur ce solde. Elle a également demandé la condamnation de ce groupe hospitalier à lui verser la somme de 441 000 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché, ainsi que la somme de 43 129,80 euros au titre des intérêts moratoires sur ce solde. Elle demandait aussi la capitalisation des intérêts. A titre subsidiaire, elle demandait la désignation d'un expert. A titre encore plus subsidiaire, elle demandait la condamnation du groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 301 595,14 euros, toutes taxes comprises, avec intérêts et capitalisation en réparation du préjudice résultant de la résiliation du marché.

Par un jugement n° 1503136 du 3 novembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a, en son article 1er, condamné le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à verser la somme de 33 283,17 euros toutes taxes comprises à la société Artisal au titre de l'exécution de la phase 1 du lot n° 2 du marché de restructuration et extension du centre hospitalier Laennec de Creil, cette somme portant intérêts moratoires au taux de 7,05 % à compter du 27 mars 2015 dans la limite de 3 865,69 euros, avec capitalisation de ces intérêts la première fois le 27 mars 2016. Il a également condamné, dans son article 2, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à verser à la société Artisal les sommes de 2 500 euros toutes taxes comprises et de 210 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation des phases 2 et 3 de ce marché, ces sommes portant intérêts au taux de 7,05 % à compter du 27 mars 2015 dans la limite de 43 129,80 euros, avec capitalisation des intérêts la première fois le 27 mars 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 décembre 2017, le 23 octobre 2018, le 22 juillet 2019, le 5 septembre 2019, le 11 mai 2022 et le 15 juin 2022, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, représenté par la SCP Sur-Mauvenu, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

A titre principal :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la société Artisal tendant à ce que soient annulées les pénalités de retard d'un montant de 36 900 euros hors taxes pour retards dans la remise des devis, de 4 400 euros hors taxes pour absence aux réunions de maîtrise d'œuvre et de 1 200 euros hors taxes pour absence aux réunions d'ordonnancement, pilotage et coordination ;

3°) de rejeter la demande reconventionnelle de la société Artisal ;

4°) de condamner la société Michel Beauvais et associés à le garantir de toutes condamnations éventuelles ;

5°) de fixer le solde de la phase 1 du lot n° 2 du marché à la somme de 14 314,02 euros hors taxes à la charge de la société Artisal ;

6°) de mettre à la charge de la société Artisal la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

7°) à titre subsidiaire de condamner in solidum la société Michel Beauvais et associés et la société de coordination et d'ordonnancement à lui payer la somme de 42 500 euros et à le garantir de toutes condamnations prononcées contre lui.

Il soutient que :
- les pénalités de retard ont un caractère automatique et forfaitaire ; il est donc parfaitement fondé à les réclamer même s'il n'a subi aucun préjudice ;
- la société Artisal n'a pas remis ses devis dans les délais fixés par le maître d'œuvre et doit donc des pénalités à ce titre ;
- les pénalités pour absence aux réunions sont également dues comme il en justifie par les pièces qu'il produits ;
- subsidiairement, les intérêts moratoires sur les sommes à verser à la société Artisal au titre du présent arrêt doivent, le cas échéant, être calculés au taux légal majoré de deux points et non au taux de 7,05 %.




Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 août 2018, le 20 avril 2022 et le 28 mai 2022, la société Artisal, représentée par Me Laurent Pouilly, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en ce qu'il a fait droit à la demande du groupe hospitalier public du sud de l'Oise en ce qui concerne les pénalités de retard pour les réunions de maîtrise d'œuvre et d'ordonnancement, pilotage et coordination pour un montant de 5 700 euros ;

3°) à la condamnation du groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui payer la somme de 5 700 euros au titre du décompte général et définitif de la phase 1 du marché, avec intérêts moratoires au taux de 7,05 % à compter du 27 mars 2015 et capitalisation la première fois le 27 mars 2016 ;

4°) à la mise à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- elle n'est pas à l'origine des retards dans l'exécution des travaux ;
- le montant des pénalités n'est pas justifié ;
- ainsi il ne peut lui être reproché un retard de remise d'un devis pour le désenfumage mécanique du hall alors qu'elle n'avait pas la charge des ouvrages de désenfumage et qu'elle ne pouvait chiffrer ses travaux tant que les autres entreprises n'avaient pas remis leur devis ;
- la preuve des retards n'est pas apportée ;
- elle ne pouvait remettre son dossier des ouvrages exécutés à la réception car elle ne connaissait pas la date de réception.

La clôture de l'instruction a été fixée, la dernière fois, au 22 juin 2022 à 12 heures, par ordonnance du 16 juin 2022.


Les parties ont été informées que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions du groupe hospitalier public du sud de l'Oise tendant à ce que la société Michel Beauvais et associés soit condamnée à le garantir de toutes condamnations ainsi que des conclusions subsidiaires tendant à la condamnation in solidum de la société Michel Beauvais et associés et de la société de coordination et d'ordonnancement à payer à ce groupe hospitalier la somme de 42 500 euros, ces conclusions étant nouvelles en appel. Elles ont été invitées à faire valoir leurs observations.

Le groupe hospitalier public du sud de l'Oise a répondu le 29 mars 2022. Cette réponse a été communiquée à la société Artisal.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Yvernault pour le groupe hospitalier public du sud de l'Oise et de Me Pouilly pour la société Artisal.





Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier Laennec de Creil, aujourd'hui partie du groupe hospitalier public du sud de l'Oise, a décidé la restructuration et l'extension de ses locaux. Dans le cadre de cette opération, la société Artisal a été attributaire du lot n° 2 " partitions ". Les phases 2 et 3 de l'opération ainsi que le parking de quatre-vingt places prévu en phase 1 ont été abandonnés. Le décompte général et définitif du marché ainsi revu a été notifié à la société Artisal le 16 décembre 2014 avec un solde à la charge de l'attributaire de 20 976,83 euros toutes taxes comprises. La société a formé une réclamation les 3 et 4 février 2015. Elle a ensuite saisi le tribunal administratif d'Amiens qui a condamné en son article 1er, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à verser à la société Artisal, la somme de 33 823,17 euros toutes taxes comprises, avec intérêts moratoires au taux de 7,05% à compter du 27 mars 2015 dans la limite de 3 865,69 euros et capitalisation la première fois le 27 mars 2016 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. L'article 2 du jugement a condamné également le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à verser à la société Artisal les sommes de 2 500 euros toutes taxes comprises et de 210 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation des phases 2 et 3 du marché. Cette condamnation est assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article 1er du jugement. Le groupe hospitalier public du sud de l'Oise relève appel de ce jugement du 13 octobre 2017 uniquement en tant que par l'article 1er, il l'a condamnée à verser à la société Artisal, la somme de 33 823,17 euros toutes taxes comprises au titre du solde de la première phase modifiée du marché. La société Artisal a formé un appel incident qui porte également exclusivement sur l'article 1er du jugement.


Sur la recevabilité des conclusions d'appel provoqué et des conclusions subsidiaires du groupe hospitalier public du sud de l'Oise :

2. Le groupe hospitalier public du sud de l'Oise présente pour la première fois en appel et au surplus dans un mémoire du 23 octobre 2018 postérieur à l'expiration du délai d'appel, des conclusions tendant à ce que la société Michel Beauvais et associés, architecte de l'opération d'extension et de restructuration, le garantisse de toutes condamnations. Il présente également des conclusions subsidiaires tendant à ce que cette société ainsi que la société de coordination et d'ordonnancement, à qui avait été confiée la mission d'ordonnancement, pilotage et coordination du chantier soient condamnées in solidum sur le fondement de leurs responsabilités contractuelles à lui payer la somme de 42 500 euros. Si la circonstance que la commune était liée au maître d'ouvrage délégué et au maître d'œuvre par des contrats distincts de celui sur lequel se fonde le litige principal ne fait pas obstacle à ce que la commune soit recevable à présenter à leur encontre, au cours de l'instance l'opposant à l'entrepreneur, des conclusions à fin de garantie, de telles conclusions ne peuvent être formées pour la première fois en appel. Ces conclusions sont donc nouvelles en appel et doivent en conséquence être rejetées comme irrecevables.


Sur l'appel principal :

En ce qui concerne les pénalités pour la remise de devis :

3. Aux termes de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales annexé au décret du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du cahier des clauses administratives particulières, une pénalité journalière de 1/3.000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix de base définis au 11 de l'article 13. / Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre ". Il résulte de ces dispositions que les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. L'article 4.3.6 du cahier des clauses administratives particulières prévoit une pénalité particulière pour " retard dans la fourniture de devis de travaux modificatifs par rapport à la date fixée par le maître d'œuvre au compte-rendu de chantier ". Cette pénalité est fixée à 150 euros hors taxes par jour calendaire.

4. En l'espèce, le décompte général et définitif retient à la charge de la société Artisal une pénalité d'un montant de 49 200 euros pour un retard de deux cent quarante-six jours dans la remise des devis. Pour justifier de cette pénalité, il comprend un tableau des " retards devis " faisant apparaître pour six fiches de travaux modificatifs, la date de cette fiche et la date de remise des devis. Le groupe hospitalier public du sud de l'Oise soutient que les devis devaient être remis dans les quinze jours suivant la date d'émission des fiches de travaux modificatifs. Le groupe hospitalier produit pour la première fois en appel cinq fiches de travaux modificatifs qui mentionnent leur date d'établissement et auxquels sont joints les devis de la société Artisal, faisant apparaître leurs dates de remise. Toutefois, il n'établit pas par cette production qu'un délai de quinze jours ait été convenu avec la société Artisal pour l'établissement des devis à compter de la diffusion de ces fiches alors que cela ne ressort pas de ces fiches et que la société Artisal conteste en cause d'appel l'existence d'un tel délai. L'établissement hospitalier produit également un compte-rendu de la réunion de maîtrise d'œuvre du 1er décembre 2010 qui fait état de la fiche de travaux modificatifs 14a relative à la cuisine et de sa diffusion le lundi 6 décembre suivant. Mais ce compte-rendu ne mentionne aucune date de remise des devis, contrairement à ce que prévoient les dispositions contractuelles citées au point 3. Si le groupe hospitalier se fonde sur d'autres dispositions du cahier des clauses administratives particulières qui fixent un délai de quinze jours pour la remise de documents d'exécution, notamment les notes de calcul, les devis produits en cours de chantier pour répondre à un souhait de modification du marché ne sont pas assimilables à de tels documents. Ainsi qu'il a été rappelé, le retard dans la remise des devis a été prévu par une disposition spécifique du cahier des clauses administratives particulières, ce qui exclut, contrairement à ce que soutient le groupe hospitalier, l'application d'autres clauses relatives aux pénalités. Si le groupe hospitalier rappelle que le maître d'œuvre dans son analyse du mémoire de réclamation de la société Artisal mentionnait que le délai de remise de devis de quinze jours avait été fixé en début de chantier lors de la présentation des procédures, il ne produit aucun compte-rendu de réunion permettant de vérifier cette assertion, ni a fortiori aucun document reprenant cette disposition et permettant de déroger aux clauses contractuelles rappelées au point 3. L'existence d'un délai de quinze jours pour la remise des devis, à compter des fiches de travaux modificatifs, n'est donc pas établi par le groupe hospitalier.

5. Le groupe hospitalier insiste, par ailleurs, sur le retard de la société Artisal dans la production de son devis en réponse à la fiche de travaux modificatifs 78 relative au désenfumage mécanique du hall. Il résulte de cette fiche produite pour la première fois en appel que la société Artisal en était bien destinataire contrairement à ce qu'elle fait valoir en défense. Cette fiche a été diffusée le 20 juillet 2011 et le devis de la société Artisal a été remis le 15 décembre 2011. Toutefois, cette fiche ne fait apparaître aucun délai pour la remise des devis, et en particulier ne mentionnait pas le délai de quinze jours dont se prévaut le centre hospitalier. Par ailleurs, le groupe hospitalier ne saurait se fonder, pour démontrer que les études correspondantes devaient être remises avant le 23 septembre 2011, sur le compte-rendu de la réunion de coordination, établi postérieurement le 3 octobre 2011. La société Artisal fait, au surplus, valoir que, dès lors qu'elle n'était chargée que de l'habillage des gaines de désenfumage, son devis ne pouvait être établi qu'une fois que les sociétés chargées des solutions techniques avaient établi le leur. Les pièces produites par le groupe hospitalier sur ces travaux ne comprennent donc de manière explicite aucun délai de remise des devis.

6. Il résulte de ce qui précède que le groupe hospitalier public du sud de l'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a modifié le solde du marché pour supprimer la pénalité de retard pour la remise de devis.


En ce qui concerne les pénalités pour absence aux réunions de coordination et de maitrise d'œuvre :

7. Aux termes de l'article 4.3.6 du cahier des clauses administratives particulières : " En cas d'absence à un rendez-vous de chantier ou d'un retard supérieur à 30 minutes à une réunion de chantier, d'études, de coordination, une visite de chantier ou une convocation du Maitre d'œuvre ou de l'ordonnancement-pilotage-coordination, l'entrepreneur subira une pénalité égale à 400 euros hors taxes. (...) ". Le décompte général et définitif met à la charge de la société Artisal des pénalités respectivement de 4 400 euros pour absences aux réunions d'ordonnancement, pilotage et coordination et de 1 200 euros pour absences aux réunions de maîtrise d'œuvre. Le groupe hospitalier public du sud de l'Oise produit pour la première fois en appel les comptes-rendus de ces réunions. Ceux des réunions d'ordonnancement, pilotage et coordination mentionnent expressément, contrairement à ce qu'allègue la société Artisal, la présence ou l'absence des entreprises et, s'agissant de la société Artisal, établissent son absence à onze réunions d'ordonnancement, pilotage et coordination, ce qui justifie une pénalité de 4 400 euros. Si la société Artisal se fonde sur la rature dans le compte-rendu de la réunion suivante de l'absence à la réunion précédente, il résulte de l'instruction que chaque compte-rendu de réunion fait état du nombre cumulé d'absences, en corrigeant ainsi le constat fait à la réunion précédente par une rature de la ligne relative et en imputant, le cas échéant, une absence supplémentaire au total des absences. S'agissant des réunions de maîtrise d'œuvre, les comptes-rendus ne mentionnent que les entreprises présentes. Il ressort de ces pièces que la société Artisal n'a pas été notée comme présente aux réunions du 13 juillet 2010, du 1er septembre 2010, du 8 septembre 2010, du 22 septembre 2010 ou encore par exemple du 13 octobre 2010. La société n'apportant pas la preuve de sa présence, le groupe hospitalier était fondé à lui appliquer une pénalité qu'il a d'ailleurs limitée à trois absences à des réunions de la maîtrise d'œuvre, soit à la somme de 1 200 euros. Par suite, le groupe hospitalier est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif d'Amiens a réduit le solde à la charge de la société Artisal d'un montant total de 5 600 euros, correspondant à ces pénalités. Le jugement du 3 novembre 2017 doit être réformé sur ce point.


Sur l'appel incident :

8. L'appel incident de la société Artisal porte uniquement sur la contestation de la pénalité pour retard dans la remise du dossier des ouvrages exécutés d'un montant de 5 700 euros. Aux termes de l'article 4.5 du cahier des clauses administratives particulières : " Les plans, notices de fonctionnement et d'entretien seront fournis en cinq exemplaires papier et en trois exemplaires sur support informatique au maître d'œuvre obligatoirement le jour de la réception (par dérogation à l'article 40 du CCAG) /.../ Le non-respect de cette date sera sanctionné par une pénalité de 300 euros H.T. par jour calendaire de retard en dérogation à l'article 20.6 du CCAG / (...) ". La société Artisal ne conteste pas qu'elle a transmis le dossier des ouvrages exécutés le 18 juillet 2013 alors que la réception lui a été notifiée le 27 juin 2013 par courrier reçu le 30 juin 2013.
Si la société Artisal fait valoir qu'elle ignorait la date de la réception, les opérations préalables à la réception ayant eu lieu dès le 19 février 2013, il résulte de l'instruction que la société a été parfaitement informée, par courrier du maître d'ouvrage du 27 mars 2013 que la réception était refusée, compte tenu du refus de deux entreprises de signer le procès-verbal des opérations préalables de réception et de ce que les marchés prévoyaient une réception unique de l'ensemble des lots. Elle a également été avertie par courrier du maître d'œuvre du 13 mai 2013 que la réception serait prononcée sous quinze jours. Elle pouvait donc anticiper la constitution de son dossier, compte tenu de ces éléments et de l'exigence d'une remise du dossier des ouvrages exécutés dès réception telle que prévue de manière dérogatoire par les documents contractuels. Au demeurant, en application de ce qui a été dit au point 3, le simple constat d'un retard par le maître d'œuvre suffit à justifier une pénalité. Si la société conteste que le cahier des clauses administratives particulières lui était opposable, elle a produit elle-même dans le cadre de la présente instance, ce document qui, en outre, était annexé à l'acte d'engagement signé par ses soins et dont elle ne démontre pas qu'elle l'aurait demandé au maître d'ouvrage sans succès, faute d'en avoir été destinatrice. Elle ne peut donc soutenir qu'elle en ignorait les dispositions. Par suite, la société Artisal n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande de décharge de cette pénalité.


Sur le solde du marché :

9. Il résulte de ce qui précède que le solde de la phase 1 du lot n° 2 de l'opération de restructuration et d'extension de l'hôpital de Creil, initialement fixé à la somme de 20 976,83 euros toutes taxes comprises au débit de la société Artisal, et arrêté par le tribunal administratif d'Amiens à la somme de 33 823,17 euros toutes taxes comprises au crédit de la société doit être diminué d'une somme de 5 600 euros compte tenu de la pénalité pour absence aux réunions supprimée à tort par le tribunal administratif. Par suite, le solde du marché doit être fixé à la somme de 28 223,17 euros toutes taxes comprises, toujours au crédit de la société.

Sur les intérêts moratoires :

10. Aux termes de l'article 5 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, applicable aux marchés dont la procédure a été lancée avant le 30 avril 2008 : " I. - Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points ". Aux termes de l'article 5.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Le paiement sera effectué dans un délai de 50 jours à compter de la réception de la facture conformément à l'article 98 du Code des Marchés Publics. En cas de dépassement de ces délais, des intérêts moratoires calculés sur la base du taux d'intérêt légal seront appliqués. Le paiement du solde doit intervenir dans les mêmes conditions à compter de la plus tardive des dates suivantes : Date de publication de l'index de référence permettant la révision du solde ou date de réception par la Maîtrise d'Ouvrage (Service Economique) ". Bien que cet article s'intitule " paiement des acomptes ", il résulte de ces dispositions qu'elles s'appliquent également au paiement du solde du marché. Par suite, le groupe hospitalier, est fondé à soutenir, compte-tenu du présent litige d'appel, que les intérêts moratoires sur le solde du marché doivent être fixés au taux légal majoré de deux points. Toutefois, ces intérêts sont dus à compter du 27 mars 2015, date mise en avant par la société Artisal et à laquelle, comme le prévoit l'article 5.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché, le délai global de paiement du solde à la suite de la réclamation formulée par la société Artisal était expiré. La société Artisal demande également la capitalisation de ces intérêts. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 mars 2016, date à laquelle une année entière d'intérêts étaient dus, puis à chaque échéance annuelle.


Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Artisal, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que le groupe hospitalier public du sud de l'Oise demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la société Artisal sur le même fondement.









DÉCIDE :


Article 1er : Le solde de la phase 1 du lot n° 2 de l'opération de restructuration et d'extension de l'hôpital de Creil est fixé à la somme de 28 223,17 euros toutes taxes comprises, au crédit de la société Artisal.

Article 2 : Le groupe hospitalier public du sud de l'Oise est condamné à verser la somme de 28 223,17 euros toutes taxes comprises, à la société Artisal, augmentée des intérêts moratoires au taux légal majoré de deux points, à compter du 27 mars 2015, et de la capitalisation de ces intérêts la première fois le 28 mars 2016, puis à chaque échéance annuelle.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 3 novembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au groupe hospitalier public du sud de l'Oise et à la société Artisal.


Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.


Le rapporteur,
Signé : D. Perrin
La présidente de chambre,
Signé : G. BorotLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
1
2
N° 17DA02493
1
3
N°"Numéro"



Retourner en haut de la page