CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 04/07/2022, 19MA05117, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 04/07/2022, 19MA05117, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 6ème chambre
- N° 19MA05117
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
04 juillet 2022
- Président
- M. PORTAIL
- Rapporteur
- M. François POINT
- Avocat(s)
- URIEN
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Campenon Bernard Sud-Est a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'établissement public Treize Habitat à lui verser la somme de 574 051,19 euros hors taxes assortie des intérêts à compter de l'enregistrement de la requête, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés. A titre reconventionnel, l'établissement public Treize Habitat a demandé à ce que la société Campenon Bernard Sud-est soit condamnée à lui verser la somme de 82 117,75 euros au titre du décompte général définitif. Par un jugement n° 1508258 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'établissement public Treize Habitat à verser à la société Campenon Bernard Sud-Est la somme de 216 963 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché, avec intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2015, les intérêts étant capitalisés à compter du 13 octobre 2016, et à chaque échéance ultérieure. Procédure devant la Cour : Par une requête du 26 novembre 2019 et trois mémoires du 17 décembre 2019, du 17 août 2021 et du 23 septembre 2021, l'établissement public Treize Habitat, représenté par Me Urien, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1508258 du 24 septembre 2019 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il la condamne à verser à la société Campenon Bernard Sud-Est la somme de 216 963 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché ; 2°) de rejeter la demande présentée par la société Campenon Bernard Sud-Est devant le tribunal administratif de Marseille ; 3°) de confirmer le jugement en tant qu'il a retenu que le solde du décompte général à la charge de la société Campenon Bernard Sud-Est était de 82 117,75 euros ; 4°) de condamner la société GTM Sud à lui restituer la somme de 227 170,29 euros versée en exécution du jugement en litige, outre intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ; 5°) de condamner la société GTM Sud à lui verser la somme de 82 117,75 euros ; 6 ) de mettre à la charge de la société Campenon Bernard Sud-Est à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier en tant qu'y figure la mention que le mémoire du 6 octobre 2017 ne lui a pas été communiqué ; la date de clôture de l'instruction mentionnée dans le jugement est erronée ; - la fin de non-recevoir tirée du défaut de précision du fondement juridique de la demande n'a pas été analysée ; - les mémoires du 5 septembre 2019 et du 6 octobre 2017 n'ont pas été analysés ; - les premiers juges ont omis de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée dans le mémoire du 5 septembre 2019 ; - les premiers juges ont statué ultra petita ; la société Campenon Bernard Sud-Est n'a pas présenté de demande sur le terrain contractuel ; - le jugement est entaché d'un défaut de motivation ; - la société Campenon Bernard Sud-Est n'a pas formulé de réserves auprès du maître d'œuvre, et n'a pas produit de mémoire en réclamation dans les délais prévus par le CCAG-Travaux ; le différend financier était déterminé dans son principe comme dans son montant ; les premiers juges ont omis de relever d'office que la requête était tardive et par suite irrecevable ; la requête a été enregistrée plus d'un an après le rejet de la réclamation ; - le maître de l'ouvrage n'a commis aucune faute ; l'étude G2 n'était pas à la charge du maître de l'ouvrage ; - le préjudice allégué par la société Campenon Bernard Sud-Est n'est pas établi ; l'avenant n° 1 comprenait un accord sur une compensation technique exclusive de toute incidence sur le prix des travaux ; la modification du principe constructif a fait l'objet d'un accord contractuel opérant compensation par adoption de variantes techniques ; - le lien de causalité entre l'absence de réalisation d'une étude G2 et les préjudices allégués n'est pas établi ; - les demandes de la société Campenon Bernard Sud-Est sont irrecevables ; le fondement de la demande est imprécis ; - aucune réserve n'a été formulée auprès du maître d'œuvre sur l'absence d'étude G2 ; - aucune réserve n'a été formulée auprès du maître d'œuvre sur le décompte général ; - le mémoire en réclamation n'a pas été signé par une personne habilitée au sein de l'entreprise ; - le mémoire en réclamation était tardif ; le décompte général a été notifié régulièrement ; le décompte général était complet et suffisamment précis ; - le recours contentieux est tardif ; le recours a été introduit plus d'un an après le rejet de la réclamation. Par trois mémoires en défense enregistrés le 27 juillet 2020, le 6 septembre 2021, et le 7 octobre 2021, la société GTM Sud, venue aux droits de la société Campenon Bernard Sud-Est, représentée par la SEL Le Roux-Brin, conclut : 1°) à titre principal au rejet de la requête ; 2°) à titre subsidiaire de condamner l'établissement public Treize Habitat à lui verser la somme de 574 051,19 euros hors taxes, avec intérêts de droit au taux légal à compter du 13 octobre 2015, avec capitalisation à compter du 13 octobre 2016 ; 3°) à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'établissement public Treize Habitat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux dépens. Elle soutient que : - le jugement est régulier ; - l'omission à statuer relevée par l'établissement public Treize Habitat porte sur une fin de non-recevoir qui manquait en fait et qui a fait l'objet d'une réponse implicite ; - les premiers juges n'ont pas statué ultra petita ; - le jugement attaqué est suffisamment motivé ; - le recours contentieux n'était pas forclos ; - le délai de six mois prévu par le CCAG n'est pas opposable dès lors qu'aucun différend financier n'existait, en l'absence de précision apportée par le maître de l'ouvrage sur les éléments du décompte ; le décompte général était incompréhensible et ne pouvait servir de base utile à une réclamation ; - en l'absence de notification d'un décompte précis, les délais de recours contentieux ne lui sont pas opposables ; - l'établissement public Treize Habitat a commis une faute ; aucune étude de type G2 n'a été réalisée ; - elle justifie de l'existence et du montant de ses préjudices ; ces préjudices ont un lien de causalité direct avec la faute invoquée ; - la réception des travaux est intervenue le 15 décembre 2010 ; - les décomptes notifiés par courriers du 5 décembre 2011 et 19 septembre 2012 ou par courriel du 7 mai 2013 sont irréguliers et ne peuvent être regardés comme définitifs ; aucun décompte général n'a été notifié par ordre de service ; elle était dès lors recevable à saisir le tribunal administratif de Marseille ; - les difficultés rencontrées sur les fondations ont bouleversé l'économie du marché initial ; elles résultent d'une faute du maître de l'ouvrage qui n'a pas ordonné une mission de type G2 ; - la faute a engendré des surcouts liés à la modification du principe constructif, pour un montant de 250 067,52 euros hors taxes ; - elle a subi des surcouts liés au décalage du planning pour un montant de 73 273,39 euros ; - les modifications du projet VRD ont engendré des travaux supplémentaires pour un montant de 56 400 euros hors taxes ; - la découverte d'un réseau de la société des Eaux de Marseille a engendré des travaux supplémentaires pour un montant de 6 265,25 euros hors taxes ; - l'ordre de service n° 6 a ordonné des travaux supplémentaires pour un montant de 9 729,10 euros hors taxes ; - l'ordre de service n° 12 a ordonné des travaux supplémentaires pour un montant de 25 886,98 euros hors taxes ; - l'ordre de service n° 15 a ordonné des travaux supplémentaires pour un montant de 14 015,11 euros hors taxes ; - l'ordre de service n° 16 a ordonné des travaux supplémentaires pour un montant de 17 702,35 euros hors taxes ; - l'ordre de service n° 17 a ordonné des travaux supplémentaires pour un montant de 3 158,80 euros hors taxes ; - l'ordre de service n° 18 a ordonné des travaux supplémentaires pour un montant de 20 247,98 euros hors taxes ; - l'ordre de service n° 19 a ordonné des travaux supplémentaires pour un montant de 15 296,24 euros hors taxes ; - le déplacement des ballons d'eau chaude a donné lieu à des travaux supplémentaires pour un montant de 22 636,47 euros hors taxes ; - le préjudice subi du fait de la prolongation de son intervention sur le chantier du 15 novembre 2010 au 15 décembre 2020 s'élève à la somme de 20 000 euros hors taxes ; - aucun retard ne peut lui être imputé ; les demandes de l'établissement public Treize Habitat sont infondées. Par ordonnance du 19 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 novembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ; - le code civil ; - le code monétaire et financier ; - le code des marchés publics ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a décidé, par décision du 23 mai 2022, de désigner M. Philippe Portail, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. François Point, rapporteur, - les conclusions de M. Renaud Thielé, rapporteur public, - et les observations de Me Urien pour l'établissement public Treize Habitat. Une note en délibéré, produite pour la société GTM Sud venue aux droits et obligations de la société Campenon Bernard Sud-Est, a été enregistrée le 23 juin 2022. Considérant ce qui suit : 1. Par un marché conclu le 5 février 2009, l'établissement public Treize Habitat a confié à la société Campenon Bernard Sud-Est un marché public de travaux portant sur la construction d'un ensemble immobilier " Les Floralies de la Pounche ", comportant cinquante-trois logements collectifs et trois maisons individuelles, situé à Allauch. Le montant global et forfaitaire du marché était de 5 890 000 euros hors taxes soit 7 044 440 euros toutes taxes comprises. Par un avenant n° 1 du 18 août 2010, le montant du marché a été porté à la somme de 6 256 151,28 euros hors taxes. Par ce même avenant, le délai d'exécution des travaux, fixé à seize mois par le marché initial, a été reporté et fixé au 30 octobre 2010. La société Campenon Bernard Sud-Est a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'établissement public Treize Habitat à lui verser la somme totale de 574 051,19 euros hors taxes au titre des préjudices qu'elle allègue avoir subis en raison, d'une part, d'évènements qui ne lui sont pas imputables lors de la réalisation des fondations et des VRD et, d'autre part, des travaux supplémentaires qu'elle a exécutés. L'établissement public Treize Habitat, à titre reconventionnel, a sollicité la condamnation de la société Campenon Bernard Sud-Est à lui verser la somme de 82 117,75 euros correspondant au solde du décompte général du marché. L'établissement public Treize Habitat relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon en ce qu'il l'a condamné à indemniser la société Campenon Bernard Sud-Est à hauteur de 216 963 euros avec intérêts et capitalisation. Sur la régularité du jugement : 2. Il résulte de l'instruction que le mémoire de la société Campenon Bernard Sud-Est enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille le 6 octobre 2017 a été communiqué à l'établissement public Treize Habitat, qui l'a réceptionné le 27 août 2019. La communication de ce mémoire a eu pour effet de rouvrir l'instruction. Par un mémoire du 5 septembre 2019, présenté alors que l'instruction avait été rouverte, l'établissement public Treize Habitat a soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que la société Campenon Bernard Sud-Est n'avait pas précisé le fondement de sa demande. Ce mémoire n'a pas été analysé et les premiers juges n'ont pas répondu à la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public Treize Habitat. Dans ces conditions, l'établissement public Treize Habitat est fondé à soutenir que les premiers juges ont omis d'une part d'analyser la fin de non-recevoir qu'il avait opposée, d'autre part d'y statuer. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1508258 du 24 septembre 2019. Dans les cironstances de l'espèce, il y a lieu de statuer sur les conclusions des parties par la voie de l'évocation. Sur la demande de condamnation présentée par la société Campenon Bernard Sud-Est : 3. Aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par un décret du 21 janvier 1976 en application de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " 13.4. Décompte général. - Solde : 13.41. Le maître d'œuvre établit le décompte général qui comprend : - le décompte final défini au 34 du présent article ; - l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies au 21 du présent article pour les acomptes mensuels ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. 13.42. Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : - quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final (...); 13-44. L'entrepreneur doit, dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'œuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'œuvre dans le délai de quarante-cinq jours indiqué ci-dessus. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (...). / 13.45 : Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'œuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. ". Dans le cas où le maître de l'ouvrage n'établit pas le décompte général, il appartient à l'entrepreneur de mettre celui-ci en demeure d'y procéder, préalablement à toute saisine du juge. 4. Aux termes de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. " Aux termes de l'article 50.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " 50.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. 50.32 si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 4 du présent article. ". 5. Il résulte de l'instruction que par courrier en date du 30 septembre 2011, la société Campenon Bernard Sud-Est a adressé au maître d'œuvre son projet de décompte final et un mémoire de réclamation. Par un courrier du 14 novembre 2011 notifié le 16 novembre 2011, le maître d'œuvre a adressé à la société Campenon Bernard Sud-Est un document intitulé " décompte général et définitif ". Toutefois, par un courrier du 29 novembre 2011, l'établissement public Treize Habitat a remis en cause le décompte établi par le maître d'œuvre. Par un courrier en date du 17 janvier 2012, le maître d'œuvre a adressé à l'établissement public Treize Habitat un nouveau décompte général, que le maître de l'ouvrage a transmis à la société Campenon Bernard Sud-Est par un courrier du 14 septembre 2012. Par un nouveau courrier du 19 septembre 2012, notifié le 24 septembre 2012 et intitulé " Notification du décompte général " l'établissement public Treize Habitat a adressé à la société Campenon Bernard Sud-Est un nouveau décompte général, annulant et remplaçant le précédent envoi. Par un courrier en date du 28 septembre 2012, la société Campenon Bernard Sud-Est a accusé réception des deux courriers et a indiqué à l'établissement public Treize Habitat que ces envois n'étaient pas conformes à l'article 13-42 du CCAG-Travaux en ce qu'ils n'étaient ni signés par la personne responsable, ni notifiés par ordre de service. La société Campenon Bernard Sud-Est a également relevé que le document notifié, qui arrêtait le solde du marché, ne précisait pas le détail de cette somme, en méconnaissance des stipulations applicables de l'article 13-41 du CCAG-Travaux. Par un nouveau courrier du 27 novembre 2012 reçu par le maître de l'ouvrage le 3 décembre 2012, la société Campenon Bernard Sud-Est a repris ses observations formulées dans un courrier du 28 septembre 2012 et indiqué qu'elle " réitérait la réclamation qu'elle avait adressée à l'appui de son décompte final par courrier du 30 septembre 2011 ". Par un courrier du 21 décembre 2021 notifié à la société Campenon Bernard Sud-Est le 3 janvier 2013, l'établissement public Treize Habitat a indiqué qu'elle avait bien notifié le décompte général dans son courrier du 19 septembre 2012, qui était selon elle accompagné du détail des sommes. L'établissement public Treize Habitat précise dans cette lettre que le décompte spécifiait le montant d'origine du marché, la moins-value validée pour travaux non-réalisés, le décompte final correspondant aux montants validés, l'état du solde établi à partir du décompte final et du décompte mensuel, la récapitulation des acomptes et du solde et les révisions de prix. La lettre indique que ce décompte faisait ressortir un solde de 82 117,76 euros toutes taxes comprises. L'établissement public Treize Habitat verse au dossier le tableau correspondant à ce détail des sommes, qui selon elle était produit à l'appui du courrier du 19 septembre 2012. La société Campenon Bernard Sud-Est soutient que ce tableau portant le détail des sommes n'était pas joint au courrier du 19 septembre 2012 et qu'elle n'en a pas eu connaissance avant le courriel du 7 mai 2013. 6. Il résulte de l'instruction que dans ses courriers du 28 septembre 2012, du 27 novembre 2012 et du 8 janvier 2013, la société Campenon Bernard Sud-Est a alerté l'établissement public Treize Habitat sur le fait qu'elle n'avait pas communication du détail des sommes annoncées dans le document intitulé " Notification du décompte " daté du 19 septembre 2012, et qu'aucun décompte n'y figurait. Dans son courrier du 8 janvier 2013, la société Campenon Bernard Sud-Est a contesté avoir reçu notification du document sur lequel figurait le tableau, en faisant valoir que la correspondance du 19 septembre 2012 était " composée de deux pages, la deuxième page étant constituée du courrier du 14 septembre précédent ". Les affirmations réitérées de la société Campenon Bernard Sud-Est selon laquelle aucun tableau n'était joint à l'envoi du 19 septembre 2012 ne sont pas utilement contestées par l'établissement public Treize Habitat. La société Campenon Bernard Sud-Est est par suite fondée à soutenir que le courrier d'accompagnement du 19 septembre 2012, auquel n'était pas joint le décompte annoncé, n'avait pas le caractère d'un décompte général. Confrontée à l'absence de décompte général, la société Campenon Bernard Sud-Est a toutefois mis en demeure l'établissement public Treize Habitat de l'établir. Dans son courrier du 27 septembre 2012, elle a ainsi précisé : " nous restons en attente, par retour, de la notification du décompte général conforme à notre marché ". Ce courrier a fait naître un différend entre la société Campenon Bernard Sud-Est et l'établissement public Treize Habitat portait sur le décompte général du marché et doit par suite être regardé comme un mémoire de réclamation au sens de l'article 50.22 du CCAG-Travaux. 7. Il résulte de l'instruction que dans son courrier du 21 décembre 2012, notifié le 2 janvier 2013, l'établissement public Treize Habitat a apporté une réponse explicite au mémoire de réclamation de la société Campenon Bernard Sud-Est. Le contenu du courrier du 21 décembre 2012, qui précisait l'état du solde du marché, permettait à la société Campenon Bernard Sud-Est de connaître le différend financier existant entre elle et le maître de l'ouvrage. Dans ces conditions, le délai de six mois prévu à l'article 50.32 du CCAG-Travaux pour le règlement des contentieux entre l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage concernant les réclamations relatives au décompte général était applicable et a commencé à courir au plus tard le 2 janvier 2013. Il résulte de l'instruction que la demande de la société Campenon Bernard Sud-Est tendant à la condamnation de l'établissement public Treize Habitat à lui payer les sommes réclamées au titre du décompte du marché a été enregistrée par le greffe du tribunal administratif de Marseille le 13 octobre 2015. Cette demande a ainsi été présentée après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 50.32 du CCAG-Travaux. Par suite, ainsi que le soutient l'établissement public Treize Habitat dans ses écritures, cette demande est tardive et par suite irrecevable. 8. Il résulte de ce qui précède que les demandes indemnitaires présentées devant le tribunal administratif de Marseille par la société Campenon Bernard Sud-Est, aux droits de laquelle est venue la société GTM Sud, doivent être rejetées. Sur les conclusions reconventionnelles présentées par l'établissement public Treize Habitat : 9. L'établissement public Treize Habitat demande le règlement du solde du marché pour un montant de 82 117,75 euros. Ce solde résulte du décompte général établi par l'établissement public Treize Habitat, communiqué à la société Campenon Bernard Sud-Est par courriel du 3 mai 2013 et versé au dossier. Il résulte de ce qui est exposé précédemment aux points 6 et 7 que le décompte général n'a pas été notifié régulièrement à la société Campenon Bernard Sud-Est. Par suite, l'établissement public Treize Habitat ne peut se prévaloir d'aucun décompte général et définitif. La société Campenon Bernard Sud-Est conteste être redevable de cette somme de 82 117,75 euros. En ce qui concerne les travaux de fondation : 10. La société Campenon Bernard Sud-Est soutient que l'établissement public Treize Habitat lui est redevable de la somme de 250 067,52 euros, correspondant au paiement des travaux de fondation, suite à la décision d'adapter le principe constructif. Il résulte toutefois de l'instruction que ces travaux ont été pris en compte dans l'avenant n° 1 au marché daté du 18 août 2010, aux termes duquel les prestations prises en compte comportent " des adaptations techniques sans incidences financières proposées par l'entreprise, étudiées par le maître d'œuvre et acceptées par le maître de l'ouvrage afin de réduire l'impact d'importants aléas de chantier mis en évidence lors du démarrage de travaux. / Ces prestations sont décrites dans le rapport du maître d'œuvre joint au présent avenant. ". Les travaux dont la société Campenon Bernard Sud-Est demande le paiement figurent au point IV du rapport du maître d'œuvre joint à l'avenant. L'article III de l'avenant n° 1 au contrat précise que le montant de la plus-value apportée au marché est de 366 151,28 euros hors taxes, selon le rapport détaillé du maître d'œuvre. Cette somme a été prise en compte dans le décompte général établi par le maître de l'ouvrage. Par suite, la société Campenon Bernard Sud-Est, qui a accepté par contrat la modification du principe constructif sans modification financière, n'est pas fondée à soutenir qu'un montant supplémentaire de 250 067,52 euros devrait être inscrit au décompte à son crédit. 11. La société Campenon Bernard Sud-Est demande le paiement des coûts supplémentaires liés aux adaptations techniques relatives aux fondations, résultant du décalage de planning pour un montant de 73 273,39 euros hors taxes et des frais d'encadrement pour un montant de 39 975 euros. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment au point 11 que l'ensemble des conséquences financières liées à ces modifications est régi par l'avenant n° 1 au contrat. Par suite, la société Campenon Bernard Sud-Est n'est pas fondée à soutenir que ces prestations n'auraient pas été prises en compte dans le décompte établi par le maître de l'ouvrage. En ce qui concerne les frais liés aux travaux V.R.D : 12. Il résulte de l'instruction que les modifications relatives aux travaux V.R.D ont été prises en compte dans l'avenant n° 1 au marché et figurent au point 3.10 du rapport du maître d'œuvre joint en annexe de cet avenant. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment au point 11 que l'ensemble des conséquences financières liées à ces modifications est régi par l'avenant n° 1 au contrat. Par suite, la société Campenon Bernard Sud-Est n'est pas fondée à soutenir que ces prestations n'auraient pas été prises en compte dans le décompte. En ce qui concerne les travaux supplémentaires : 13. Il résulte de l'instruction que figure au décompte établi par l'établissement public Treize Habitat une somme de 43 308,63 euros au crédit de la société Campenon Bernard Sud-Est, correspondant au " montant des travaux validés sur analyse du mémoire de réclamation ". Dans son rapport d'analyse, le maître d'œuvre a admis le bien-fondé des réclamations portées par la société Campenon Bernard Sud-Est à hauteur de 43 308,63 euros. Il résulte de l'instruction que les sommes réclamées par la société Campenon Bernard Sud-Est au titre des ordres de service n° 15, 16 et 17, ainsi que celle réclamée au titre des travaux supplémentaires réalisés à l'occasion de la découverte d'un réseau de la SEM, figurent dans le rapport d'analyse du maître d'œuvre et ont été incluses dans le montant de 43 308,63 euros admis à ce titre. Concernant les ordres de service n° 6, 12, 18 et 19, le maître d'œuvre a fait valoir que les prestations demandées étaient prévues au contrat et étaient comprises dans la rémunération globale et forfaitaire. La société Campenon Bernard Sud-Est, qui se borne à faire valoir que les prestations ne lui ont pas été payées, ne conteste pas utilement cette analyse faite par le maître d'œuvre. Concernant les ballons d'eau chaude, la demande de la société Campenon Bernard Sud-Est n'a été admise qu'à hauteur de 9 306,37 euros, au motif que les coûts unitaires exposés par la société étaient excessifs. La société Campenon Bernard Sud-Est ne conteste pas utilement l'analyse faite par le maître d'œuvre sur ce point. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait droit au paiement des sommes qu'elle réclame au titre des prestations supplémentaires non prises en compte dans le décompte. En ce qui concerne les moyens supplémentaires engagés pour la prolongation du chantier : 14. Il résulte de l'instruction que le maître de l'ouvrage a refusé de prononcer la réception des ouvrages à la date du 15 décembre 2010, au motif que les désordres constatés ne permettaient pas de considérer que l'ouvrage était propre à sa destination. La société Campenon Bernard Sud-Est, qui ne conteste pas ce motif, ne peut par suite utilement imputer la prolongation de son intervention sur le chantier au maître de l'ouvrage. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que devraient être pris en compte à son crédit des frais supplémentaires engagés du 15 novembre 2010 au 15 décembre 2010. En ce qui concerne les pénalités de retard : 15. Aux termes de l'article 41-3 du CCAG applicable aux marchés de travaux dans sa rédaction issue du décret du 21 janvier 1976 et auquel se réfère l'article 2 du CCAP du marché en cause : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée, ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre sont considérées comme acceptées. ". 16. La société Campenon Bernard Sud-Est conteste la mise à sa charge de pénalités de retard, appliquées pour la somme de 506 748,25 euros et correspondant à 162 jours de retard entre le 30 octobre 2010 et le 11 avril 2011. Elle soutient que la réception des ouvrages a été prononcée le 15 décembre 2010. Il résulte toutefois de l'instruction que le procès-verbal des opérations de réception a été signé par la société Campenon Bernard Sud-Est le 23 décembre 2010. L'établissement public Treize Habitat a refusé de prononcer la réception des ouvrages par un courrier daté du 4 février 2011, dans le délai de 45 jours prévu par les dispositions de l'article 41-3 du CCAG-Travaux. Par suite, la société Campenon Bernard Sud-Est n'est pas fondée à se prévaloir d'une réception tacite des ouvrages. Il résulte de l'instruction que la réception a été prononcée le 11 avril 2011. Il résulte également de l'instruction et n'est pas contesté par la société Campenon Bernard Sud-Est que la date contractuelle d'achèvement des travaux a été fixée au 30 octobre 2010 par l'avenant n° 1 au contrat. Dans ces conditions, la société Campenon Bernard Sud-Est ne conteste pas utilement l'application des pénalités de retard figurant dans le décompte général. 17. Il résulte de tout ce qui précède que les demandes financières de la société Campenon Bernard Sud-Est, aux droits de laquelle est venue la société GTM Sud, doivent être rejetées. En l'absence de contestation des autres éléments du décompte, la créance de 82 117,75 euros alléguée par l'établissement public Treize Habitat est établie dans son principe et son montant. Les conclusions de l'établissement public Treize Habitat tendant à la condamnation de la société GTM Sud à lui verser la somme de 82 117,75 euros doivent par suite être accueillies. Sur les conclusions de l'établissement public Treize Habitat tendant à la condamnation de la société GTM Sud à lui restituer les sommes que celle-ci a perçues en exécution du jugement du 24 septembre 2019 : 18. En premier lieu, le présent arrêt qui annule le jugement du 24 septembre 2019 en tant qu'il fait droit aux conclusions indemnitaires de la société Campenon Bernard Sud-Est implique en lui-même la restitution à l'établissement public Treize Habitat des sommes que celle-ci a versé en exécution de ce jugement. La demande de l'établissement public Treize Habitat tendant à la restitution de ces sommes est donc sans objet. 19. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. ". Aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision (...) ". 20. Il résulte de ces dispositions que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision exécutoire du juge administratif n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, qui la rend exécutoire, de la décision ouvrant droit à restitution et que ces intérêts courent jusqu'à l'exécution de la décision, c'est-à-dire, en principe et sous réserve d'un délai anormalement long entre la liquidation et le paiement effectif, jusqu'à la date à laquelle la dette est liquidée. Dès lors, les conclusions de l'établissement public Treize Habitat tendant au versement d'intérêts sur les sommes qu'elle a versées en exécution du jugement du 24 septembre 2019 ne peuvent qu'être rejetées à la date du présent arrêt. Sur les frais du litige : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public Treize Habitat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la société GTM Sud demande sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société GTM Sud une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'établissement public Treize Habitat. D É C I D E :Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1508258 du 24 septembre 2019 est annulé. Article 2 : Les conclusions de la société GTM Sud, venue aux droits de la société Campenon Bernard Sud-Est, présentées devant le tribunal et la Cour sont rejetées.Article 3 : La société GTM Sud, venue aux droits de la société Campenon Bernard Sud-Est, est condamnée à verser à l'établissement public Treize Habitat la somme de 82 117,75 euros au titre du solde du marché. Article 4 : Le surplus des conclusions de l'établissement public Treize Habitat est rejeté.Article 5 : Il est mis à la charge de la société GTM Sud le versement à l'établissement public Treize Habitat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public Treize Habitat et à la société GTM Sud. Délibéré après l'audience du 20 juin 2022, à laquelle siégeaient : - M. Philippe Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-6 du code de justice administrative, - M. Gilles Taormina, président assesseur, - M. François Point, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2022. 2N° 19MA05117 ia