Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 01/07/2022, 444792

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler les articles 1er et 4 du contrat à durée indéterminée du 6 décembre 2012 qu'elle a conclu avec le centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune d'Hyères (Var) ainsi que la décision du 26 mars 2013 du président du CCAS rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre au CCAS de lui proposer un contrat de travail prenant effet au 1er janvier 2012 et reprenant les clauses substantielles de son contrat avec l'association " Comité de vacances et de loisirs ". Par un jugement n° 1301355 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15MA02802 du 24 avril 2018, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de Mme A..., a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à ordonner au CCAS d'Hyères de donner effet au contrat en cause à compter du 1er janvier 2012 et, d'autre part, rejeté le surplus de sa requête.

Par une décision n° 421715 du 2 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 2 de cet arrêt et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un arrêt n° 19MA05298 du 22 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi, a rejeté la requête de Mme A....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 22 septembre 2020, 22 décembre 2020 et 23 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du CCAS d'Hyères la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997 ;
- le décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme B... A... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du centre communal d'action sociale d'Hyères ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le centre communal d'action sociale de la commune d'Hyères (Var) a repris, à compter du 1er janvier 2012, les activités périscolaires et extrascolaires réalisées par l'association " Comité de vacances et de loisirs " et, à compter de cette date, a recruté Mme B... A..., précédemment salariée de cette association, pour exercer, par un contrat de droit public à durée indéterminée conclu le 6 décembre 2012, des fonctions d'animation avec une rémunération calculée sur la base du 8ème échelon du grade d'adjoint d'animation de 2ème classe et du régime indemnitaire afférent à ce grade. Mme A... a, notamment, demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 26 mars 2013 du président du centre communal d'action sociale de la commune d'Hyères rejetant son recours gracieux tendant à son reclassement à un indice majoré supérieur à celui qui est stipulé par ce contrat. Par une décision n° 421715 du 2 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 2 de l'arrêt du 24 avril 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir prononcé un non-lieu partiel, a rejeté le surplus de la requête que Mme A... avait formée contre ce jugement. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi, a de nouveau rejeté sa requête.

2. Aux termes de l'article L. 1224-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. / Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération (...) ".

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services. (...) / (...) ". En vertu de l'article 2 du décret du 26 décembre 1997 portant création d'une indemnité d'exercice de missions des préfectures, alors en vigueur, le montant de cette indemnité est calculé par application, à un montant de référence fixé par arrêté interministériel, d'un coefficient multiplicateur d'ajustement compris entre 0,8 et 3. En vertu de l'article 4 du décret du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité d'administration et de technicité, le montant moyen de cette indemnité est calculé par application à un montant de référence annuel, fixé par catégorie d'agents, d'un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 8 et, en vertu de l'article 5 du même décret, l'attribution individuelle de cette indemnité est modulée pour tenir compte de la manière de servir de l'agent dans l'exercice de ses fonctions.

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 qu'en écartant, en l'absence même de toute disposition législative ou réglementaire contraire, la reprise des clauses du contrat dont le salarié transféré était titulaire relatives à la rémunération, lorsque celles-ci ne sont pas conformes aux " conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique ", le législateur n'a pas entendu autoriser la personne publique concernée à proposer aux intéressés une rémunération inférieure à celle dont ils bénéficiaient auparavant au seul motif que celle-ci dépasserait, à niveaux de responsabilité et de qualification équivalents, celle des agents en fonctions dans l'organisme d'accueil à la date du transfert. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soient reprises, dans le contrat de droit public proposé au salarié transféré, des clauses impliquant une rémunération dont le niveau, même corrigé de l'ancienneté, excèderait manifestement celui que prévoient les règles générales fixées, le cas échéant, pour la rémunération de ses agents non titulaires. En l'absence de telles règles au sein d'une collectivité territoriale, la reprise de la rémunération antérieure n'est en tout état de cause légalement possible que si elle peut être regardée comme n'excédant pas manifestement la rémunération que, dans le droit commun, il appartiendrait à l'autorité administrative compétente de fixer, sous le contrôle du juge, en tenant compte, notamment, des fonctions occupées par l'agent non titulaire, de sa qualification et de la rémunération des agents de l'Etat de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues. Pour l'application de ces dispositions, la rémunération antérieure et la rémunération proposée doivent être comparées en prenant en considération, pour leurs montants bruts, les salaires ainsi que les primes éventuellement accordées à l'agent et liées à l'exercice normal des fonctions, dans le cadre de son ancien comme de son nouveau contrat.

5. Pour l'appréciation du montant de la rémunération résultant de l'ancien contrat de droit privé, le montant brut des primes accordées à l'agent et liées à l'exercice normal des fonctions comprend toutes les primes et indemnités qui, au moment de la reprise d'activité par une personne publique, lui étaient versées par son employeur à échéances régulières, y compris celles qui, à l'instar des primes d'ancienneté ou de déroulement de carrière, ne rémunèrent pas directement la prestation de travail. Pour l'appréciation du montant de la rémunération résultant du nouveau contrat de droit public, le montant brut des primes accordées à l'agent et liées à l'exercice normal des fonctions comprend toutes les primes et indemnités contractuellement prévues, qu'il s'agisse des primes fixes, comme l'indemnité de résidence, ou des primes variables que l'agent est susceptible de percevoir. S'agissant en particulier des primes variables, telles que l'indemnité d'exercice de missions des préfectures et l'indemnité d'administration et de technicité, elles doivent ainsi être prises en compte, eu égard aux modalités de leur détermination, pour leur montant de référence ou tout autre montant servant de base aux modulations individuelles, tel que ce montant est arrêté par la collectivité concernée dans le cadre du régime qui les détermine.

6. Dès lors, en jugeant qu'eu égard à leur nature de primes accordées à l'agent et liées à l'exercice normal des fonctions, les montants de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures et de l'indemnité d'administration et de technicité, perçues par l'intéressée à compter de son recrutement par le centre communal d'action sociale de la commune d'Hyères, devaient être intégrés dans la rémunération résultant du nouveau contrat de droit public et en en déduisant que Mme A... devait être regardée comme recevant une rémunération brute d'un montant équivalent à celle qu'elle percevait antérieurement dans son emploi privé, la cour administrative d'appel de Marseille, qui a porté une appréciation souveraine sur les stipulations contractuelles en débat sans les dénaturer, n'a pas commis d'erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du centre communal d'action sociale de la commune d'Hyères, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de la commune d'Hyères au titre des mêmes dispositions.




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de la commune d'Hyères au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au centre communal d'action sociale de la commune d'Hyères.
Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat ; M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur ;

Rendu le 1er juillet 2022.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Laurent-Xavier Simonel
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin

ECLI:FR:CECHR:2022:444792.20220701
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