CAA de DOUAI, 3ème chambre, 23/06/2022, 21DA02453, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 23/06/2022, 21DA02453, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI - 3ème chambre
- N° 21DA02453
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
23 juin 2022
- Président
- Mme Borot
- Rapporteur
- M. Nil Carpentier-Daubresse
- Avocat(s)
- SCP ZURFLUH LEBATTEUX SIZAIRE & ASSOCIES
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG) a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, de condamner la société Belliard à lui verser la somme de 386 032,43 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête ainsi que de leur capitalisation, au titre du préjudice subi du fait de son retard lors de l'exécution du marché de construction du pôle éducatif et familial Molière au Havre, à titre subsidiaire, de désigner un expert aux fins de déterminer la durée du retard imputable à la société Belliard lors de l'exécution de ce marché et le préjudice qu'elle a subi de ce fait et, enfin, de mettre à la charge de la société Belliard une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1503015 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18DA00050 du 17 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé contre ce jugement.
Par une décision n° 438872 du 11 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt, renvoyé l'affaire à la cour et condamné la société Belliard à verser à la société CMEG la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, initialement enregistrés sous le n° 18DA00050, les 5 janvier 2018, 3 octobre 2019 et 26 janvier 2022, la société CMEG, représentée par Me Jobelot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de condamner la société Belliard à lui verser la somme de 386 032,43 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa demande de première instance, ainsi que la capitalisation de ces intérêts, au titre du préjudice subi du fait du retard de celle-ci lors de l'exécution des travaux du marché de construction du pôle éducatif et familial Molière au Havre ;
3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert aux fins de déterminer la durée du retard imputable à la société Belliard lors de l'exécution de ce marché et le préjudice qu'elle a subi de ce fait ;
4°) de mettre à la charge de la société Belliard une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le retard de huit semaines de la société Belliard, dans la réalisation des travaux qui lui incombaient conformément aux stipulations du contrat qu'elle avait conclu avec le maître d'ouvrage, ont perturbé le déroulement de ses propres travaux, en particulier s'agissant de leur date de démarrage pour les écoles maternelle et primaire, et lui ont occasionné des préjudices financiers ; le retard de la société Belliard ne provient pas de fautes commises par la société CMEG elle-même ou par d'autres intervenants au marché ;
- elle est fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices subis au titre de ce retard concernant la location et l'immobilisation de matériels, les frais d'encadrement du chantier et la perte de productivité de ses salariés pour un montant total de 386 032,43 euros hors taxes.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mai 2018, 28 octobre 2019 et 7 février 2022, la société Belliard, représentée par Me Duteil, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société CMEG la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 février 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 7 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Hincker pour la société CMEG.
Considérant ce qui suit :
1. La commune du Havre et l'établissement public foncier de Normandie ont organisé une consultation dans le cadre d'un groupement de commandes en vue de l'attribution de marchés de travaux, en lots séparés, pour la réalisation du pôle éducatif et familial Molière du lotissement Courbet au Havre, comportant différents bâtiments dont un pôle " loisir ", une école maternelle et une école élémentaire. La société coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG) a conclu, respectivement le 3 octobre 2012 avec la ville du Havre puis le 17 octobre suivant avec l'établissement public foncier, un acte d'engagement pour la réalisation du lot n° 2-1 " gros œuvre " pour un montant total de 4 649 579,06 euros. La livraison du lot est intervenue le 17 octobre 2014, soit six mois après la date initialement prévue. Estimant que le retard de huit semaines dans la réalisation du lot n° 2-2 " charpente " confié à la société Belliard lui avait causé un préjudice financier, la société CMEG a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner cette société à lui verser la somme de 386 032,43 euros au titre des frais exposés en raison de son retard dans l'exécution des travaux. Par un arrêt du 17 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel de cette société contre le jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 novembre 2017 qui avait rejeté sa demande. Par une décision du 11 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.
En ce qui concerne les manquements de la société Belliard aux stipulations du contrat qu'elle a conclu avec le maître d'ouvrage et le lien de causalité avec les préjudices invoqués par la société CMEG :
3. Il résulte de l'instruction, notamment du calendrier détaillé d'exécution des travaux établi le 14 décembre 2012 par la société de coordination et d'ordonnancement (SCO), co-traitant du groupement de maîtrise d'œuvre du marché de travaux concerné et chargée de la mission " ordonnancement, pilotage, coordination ", que la société Belliard devait avoir achevé, au 9 juin 2013, les travaux de son lot n° 2-2 " charpente " concernant le pôle " loisirs ", comprenant notamment la pose d'une charpente métallique, et que la société CMEG devait, à compter de cette date, débuter les travaux de son lot n° 2-1 " gros œuvre " relatifs au plancher " haut " du rez-de-chaussée de l'école maternelle ainsi que, une semaine après cette date, les mêmes travaux concernant l'école élémentaire. Il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu de la réunion de chantier du 10 juillet 2013, que la société Belliard avait un retard de sept semaines dans la réalisation de ses travaux concernant le pôle " loisirs " et que, par conséquent, la société CMEG n'a pu procéder au démontage des étaiements provisoires, maintenant le mur de façade du pôle " loisir ", afin de débuter ses propres travaux concernant les écoles maternelle et élémentaire qui le jouxtaient, que le 29 juillet 2013. Dans ces conditions, le retard de la société Belliard dans la réalisation de ses travaux, en méconnaissance des stipulations du contrat qu'elle a conclu avec le maître d'ouvrage, doit être évalué à sept semaines.
4. Si la société Belliard soutient que la société CMEG ne produit pas le dossier de méthodologie qu'elle devait établir en application de l'article 1.11 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 2-1 " gros œuvre " dont elle est titulaire, il résulte de l'instruction, notamment du catalogue général des méthodologies que produit la société appelante ainsi que des photographies transmises, que la dépose des étais sur la façade du pôle " loisirs " ne pouvait intervenir qu'après la pose par la société Belliard de la charpente métallique et que le maintien de ceux-ci empêchait l'avancement des travaux de la société CMEG mentionnés au point précédent sur les écoles maternelle et élémentaire. La circonstance que cet article prévoit le déplacement de l'étaiement et du " massif de lest " en fonction de l'avancement des travaux ne permet pas de remettre en cause ce constat.
5. Par ailleurs, si la société Belliard soutient que la société CMEG et d'autres intervenants sont à l'origine de retards dans la réalisation de leurs propres prestations, il résulte de l'instruction que le calendrier détaillé d'exécution des travaux du 14 décembre 2012 précité a modifié les dates initialement envisagées par le calendrier prévisionnel concernant les travaux de dépollution réalisés par la société appelante et ceux du lot n° 1 concernant les fondations profondes, de sorte que ces travaux ne sauraient être à l'origine du retard imputé à la société Belliard sur le fondement du calendrier daté du 14 décembre 2012 dont elle se prévaut au demeurant. Il résulte, à l'inverse, du rapport d'avancement mensuel du 6 novembre 2013 que le retard de la société CMEG dans la réalisation notamment des écoles maternelle et élémentaire, résulte de retards dans les travaux de charpente dont la société Belliard était chargée.
6. En outre, il résulte de l'instruction que, eu égard au retard constaté, la société CMEG a produit un devis, le 9 juillet 2013, d'un montant de 4 130 euros hors taxes afin de proposer une méthode alternative, consistant en la réalisation d'un chaînage horizontal par un mur en béton afin de stabiliser la façade conservée sans avoir à maintenir les étais, dont il ne résulte pas des stipulations contractuelles qu'elle aurait déjà été prévue par le marché contrairement à ce que soutient la société Belliard, afin de lui permettre de poursuivre ses propres travaux, mais que cette solution technique n'a pas été acceptée par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, le montant afférent ne figurant d'ailleurs pas dans le décompte général ni au demeurant dans les avenants n°1 et 2 conclus par le maître d'ouvrage et la société CMEG. Aucun reproche ne peut donc être formulé à l'égard de la société appelante à ce titre. En outre, contrairement à ce que soutient la société Belliard, la circonstance que la société CMEG n'a pas proposé cette alternative plus tôt ne saurait démontrer une faute de sa part. Enfin, il résulte des termes du courrier établi par le maître d'ouvrage, le 17 juillet 2015, que l'avenant n° 2 conclu entre celui-ci et la société appelante n'a eu pour objet que de prendre en compte les coûts supplémentaires d'installation de chantier ainsi que les frais d'encadrement de fin de chantier mais qu'il ne portait pas sur les préjudices invoqués par la société CMEG au titre de la défaillance d'entreprises titulaires d'autres lots et dont, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle est fondée à demander l'indemnisation.
7. Il résulte de ce qui précède que le retard de sept semaines de la société Belliard dans la réalisation de ses propres travaux a engendré un retard de même durée dans le démarrage des travaux de la société CMEG afférents aux écoles maternelle et élémentaire et lui a ainsi causé un préjudice dont elle est en droit d'obtenir l'indemnisation.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des matériels :
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du calendrier détaillé d'exécution des travaux du 14 décembre 2012, que le maintien de la grue G1, louée par la société CMEG, pour une durée complémentaire de six semaines, du 2 septembre au 14 octobre 2013, par rapport au délai initialement prévu résulte du retard de la société Belliard ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Eu égard aux factures produites par la société appelante, il y a lieu de fixer à 9 125 euros hors taxes le montant dû par la société Belliard à la société CMEG à ce titre. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, notamment du calendrier détaillé d'exécution des travaux du 14 décembre 2012, que le maintien de la grue G2 pour une durée complémentaire de six semaines, du 4 novembre au 16 décembre 2013, par rapport au délai initialement prévu résulte également du retard de la société Belliard ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Eu égard aux documents produits, il y a lieu de fixer à 4 050 euros hors taxes le montant dû par la société Belliard au titre du préjudice subi par la société appelante relatif à l'immobilisation de celle-ci sur cette période. Enfin, il résulte de l'instruction que les frais d'immobilisation d'un container doivent être indemnisés, s'agissant d'un retard de sept semaines comme indiqué au point 7, à la somme de 281 euros hors taxes.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du calendrier détaillé d'exécution des travaux du 14 décembre 2012, que, comme il a été dit au point 3, la société CMEG n'a pu procéder au retrait des étaiements que le 29 juillet 2013, soit avec un retard de sept semaines. Si la société Belliard soutient que la société appelante aurait pu restituer le matériel loué au bailleur avant de le relouer pour effectuer le retrait des étais, il résulte de l'instruction que la société CMEG n'était pas en mesure d'anticiper la date de fin des travaux par la société Belliard alors au demeurant qu'une telle opération aurait engendré des coûts de transport supplémentaires. Eu égard aux factures produites par la société CMEG, il y a lieu de fixer à 16 305 euros hors taxes le montant dû par la société Belliard à celle-ci. De même, l'immobilisation pour une durée complémentaire de sept semaines des étais doit donner lieu à indemnisation de la société appelante pour un montant de 616 euros. En revanche, si la société CMEG sollicite le paiement d'indemnités pour la location de banches et d'autres matériels au titre des mois de mai et juin 2013, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le retard imputable à la société Belliard a débuté le 9 juin 2013, de sorte que seules trois semaines au titre du mois de juin 2013 peuvent être retenues comme période à indemniser concernant le préjudice subi à ce titre. Eu égard aux éléments produits, il y a lieu de fixer à 2 869 euros l'indemnité due à la société appelante au titre de la location de banches et à 5 493 euros celle due au titre de la location de matériels extérieurs. Enfin, s'agissant de l'immobilisation d'autres matériels de chantier, et eu égard au retard de sept semaines imputable à la société Belliard ainsi qu'il a été dit précédemment, il y a lieu d'évaluer à 6 102 euros le montant dû à ce titre.
10. En troisième lieu, si la société CMEG sollicite l'indemnisation de frais de transport du matériel loué et de celui lui appartenant, il résulte de l'instruction que, indépendamment du retard pris par la société Belliard, elle aurait été amenée à supporter des frais de transport des matériels utilisés sur le chantier et qu'en tout état de cause, les sommes sollicitées au titre des mois d'avril et mai 2013 portent sur une période antérieure à celle en litige. Enfin, si la société CMEG sollicite le paiement d'une indemnité pour location d'une grue mobile à compter du 14 octobre 2013, date de démontage de la grue G1, le caractère certain de ce préjudice n'est pas établi dès lors que le maintien de la grue G1 pour une durée complémentaire de six semaines a déjà fait l'objet d'une indemnisation ainsi qu'il a été dit au point 8 et qu'il n'est pas établi qu'indépendamment du retard dont la société Belliard est à l'origine, une telle location n'aurait pas été nécessaire pour la réalisation des travaux de la société CMEG.
S'agissant des personnels :
11. En premier lieu, la société appelante sollicite l'indemnisation des frais complémentaires engagés au titre de l'encadrement du chantier du fait du retard imputable à la société Belliard. Il résulte de l'instruction que l'effectif présent sur le chantier comprenait au moins un conducteur de travaux, son assistant et un chef de chantier. Ainsi qu'il a été dit au point 6, l'avenant n° 2 conclu entre le maître d'ouvrage et la société appelante n'a pas eu pour objet d'indemniser les frais complémentaires d'encadrement liés à des retards imputables à la société Belliard. Il résulte de l'instruction, notamment des bulletins de salaire versés au dossier, que la rémunération brute mensuelle peut être établie à 3 810 euros pour le conducteur de travaux, 2 418 euros pour l'assistant au conducteur de travaux et 3 380 euros pour le chef de chantier. En revanche, la société CMEG n'établit pas la réalité des frais annexes dont elle demande l'indemnisation. Ainsi, en retenant une période d'indemnisation de sept semaines ainsi qu'il a été dit précédemment, il y a lieu de condamner la société Belliard à verser à la société CMEG la somme de 15 478 euros au titre des frais complémentaires d'encadrement du chantier.
12. En second lieu, si la société CMEG invoque une perte de productivité, elle ne l'établit pas, alors que le tableau qu'elle produit indique que le nombre de personnes présentes sur le chantier était inférieur au nombre de personnes prévues et que celles qui ne s'y sont pas rendues ont pu être réaffectées sur d'autres chantiers dont la société avait la charge.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise, que la société CMEG est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Belliard à l'indemniser du préjudice subi du fait du retard de celle-ci dans l'exécution de ses travaux. Il y a ainsi lieu de condamner la société Belliard à verser à la société CMEG la somme totale de 60 319 euros hors taxes à ce titre.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
14. Il y a lieu d'assortir la somme de 60 319 euros hors taxes des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la demande de première instance, soit le 23 septembre 2015, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts la première fois, le 23 septembre 2016, date à laquelle une année entière d'intérêts était due, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société CMEG qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par la société Belliard et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Belliard une somme de 2 000 euros à verser à la société CMEG au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : La société Belliard est condamnée à verser la somme de 60 319 euros hors taxes à la société CMEG, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2015 et de la capitalisation de ces intérêts la première fois le 23 septembre 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : La société Belliard versera à la société CMEG une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la société Belliard présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG) et à la société Belliard.
Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : N. Carpentier-Daubresse
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
1
2
N° 21DA02453
1
3
N°"Numéro"
Procédure contentieuse antérieure :
La société coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG) a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, de condamner la société Belliard à lui verser la somme de 386 032,43 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête ainsi que de leur capitalisation, au titre du préjudice subi du fait de son retard lors de l'exécution du marché de construction du pôle éducatif et familial Molière au Havre, à titre subsidiaire, de désigner un expert aux fins de déterminer la durée du retard imputable à la société Belliard lors de l'exécution de ce marché et le préjudice qu'elle a subi de ce fait et, enfin, de mettre à la charge de la société Belliard une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1503015 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18DA00050 du 17 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé contre ce jugement.
Par une décision n° 438872 du 11 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt, renvoyé l'affaire à la cour et condamné la société Belliard à verser à la société CMEG la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, initialement enregistrés sous le n° 18DA00050, les 5 janvier 2018, 3 octobre 2019 et 26 janvier 2022, la société CMEG, représentée par Me Jobelot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de condamner la société Belliard à lui verser la somme de 386 032,43 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa demande de première instance, ainsi que la capitalisation de ces intérêts, au titre du préjudice subi du fait du retard de celle-ci lors de l'exécution des travaux du marché de construction du pôle éducatif et familial Molière au Havre ;
3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert aux fins de déterminer la durée du retard imputable à la société Belliard lors de l'exécution de ce marché et le préjudice qu'elle a subi de ce fait ;
4°) de mettre à la charge de la société Belliard une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le retard de huit semaines de la société Belliard, dans la réalisation des travaux qui lui incombaient conformément aux stipulations du contrat qu'elle avait conclu avec le maître d'ouvrage, ont perturbé le déroulement de ses propres travaux, en particulier s'agissant de leur date de démarrage pour les écoles maternelle et primaire, et lui ont occasionné des préjudices financiers ; le retard de la société Belliard ne provient pas de fautes commises par la société CMEG elle-même ou par d'autres intervenants au marché ;
- elle est fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices subis au titre de ce retard concernant la location et l'immobilisation de matériels, les frais d'encadrement du chantier et la perte de productivité de ses salariés pour un montant total de 386 032,43 euros hors taxes.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mai 2018, 28 octobre 2019 et 7 février 2022, la société Belliard, représentée par Me Duteil, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société CMEG la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 février 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 7 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Hincker pour la société CMEG.
Considérant ce qui suit :
1. La commune du Havre et l'établissement public foncier de Normandie ont organisé une consultation dans le cadre d'un groupement de commandes en vue de l'attribution de marchés de travaux, en lots séparés, pour la réalisation du pôle éducatif et familial Molière du lotissement Courbet au Havre, comportant différents bâtiments dont un pôle " loisir ", une école maternelle et une école élémentaire. La société coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG) a conclu, respectivement le 3 octobre 2012 avec la ville du Havre puis le 17 octobre suivant avec l'établissement public foncier, un acte d'engagement pour la réalisation du lot n° 2-1 " gros œuvre " pour un montant total de 4 649 579,06 euros. La livraison du lot est intervenue le 17 octobre 2014, soit six mois après la date initialement prévue. Estimant que le retard de huit semaines dans la réalisation du lot n° 2-2 " charpente " confié à la société Belliard lui avait causé un préjudice financier, la société CMEG a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner cette société à lui verser la somme de 386 032,43 euros au titre des frais exposés en raison de son retard dans l'exécution des travaux. Par un arrêt du 17 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel de cette société contre le jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 novembre 2017 qui avait rejeté sa demande. Par une décision du 11 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.
En ce qui concerne les manquements de la société Belliard aux stipulations du contrat qu'elle a conclu avec le maître d'ouvrage et le lien de causalité avec les préjudices invoqués par la société CMEG :
3. Il résulte de l'instruction, notamment du calendrier détaillé d'exécution des travaux établi le 14 décembre 2012 par la société de coordination et d'ordonnancement (SCO), co-traitant du groupement de maîtrise d'œuvre du marché de travaux concerné et chargée de la mission " ordonnancement, pilotage, coordination ", que la société Belliard devait avoir achevé, au 9 juin 2013, les travaux de son lot n° 2-2 " charpente " concernant le pôle " loisirs ", comprenant notamment la pose d'une charpente métallique, et que la société CMEG devait, à compter de cette date, débuter les travaux de son lot n° 2-1 " gros œuvre " relatifs au plancher " haut " du rez-de-chaussée de l'école maternelle ainsi que, une semaine après cette date, les mêmes travaux concernant l'école élémentaire. Il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu de la réunion de chantier du 10 juillet 2013, que la société Belliard avait un retard de sept semaines dans la réalisation de ses travaux concernant le pôle " loisirs " et que, par conséquent, la société CMEG n'a pu procéder au démontage des étaiements provisoires, maintenant le mur de façade du pôle " loisir ", afin de débuter ses propres travaux concernant les écoles maternelle et élémentaire qui le jouxtaient, que le 29 juillet 2013. Dans ces conditions, le retard de la société Belliard dans la réalisation de ses travaux, en méconnaissance des stipulations du contrat qu'elle a conclu avec le maître d'ouvrage, doit être évalué à sept semaines.
4. Si la société Belliard soutient que la société CMEG ne produit pas le dossier de méthodologie qu'elle devait établir en application de l'article 1.11 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 2-1 " gros œuvre " dont elle est titulaire, il résulte de l'instruction, notamment du catalogue général des méthodologies que produit la société appelante ainsi que des photographies transmises, que la dépose des étais sur la façade du pôle " loisirs " ne pouvait intervenir qu'après la pose par la société Belliard de la charpente métallique et que le maintien de ceux-ci empêchait l'avancement des travaux de la société CMEG mentionnés au point précédent sur les écoles maternelle et élémentaire. La circonstance que cet article prévoit le déplacement de l'étaiement et du " massif de lest " en fonction de l'avancement des travaux ne permet pas de remettre en cause ce constat.
5. Par ailleurs, si la société Belliard soutient que la société CMEG et d'autres intervenants sont à l'origine de retards dans la réalisation de leurs propres prestations, il résulte de l'instruction que le calendrier détaillé d'exécution des travaux du 14 décembre 2012 précité a modifié les dates initialement envisagées par le calendrier prévisionnel concernant les travaux de dépollution réalisés par la société appelante et ceux du lot n° 1 concernant les fondations profondes, de sorte que ces travaux ne sauraient être à l'origine du retard imputé à la société Belliard sur le fondement du calendrier daté du 14 décembre 2012 dont elle se prévaut au demeurant. Il résulte, à l'inverse, du rapport d'avancement mensuel du 6 novembre 2013 que le retard de la société CMEG dans la réalisation notamment des écoles maternelle et élémentaire, résulte de retards dans les travaux de charpente dont la société Belliard était chargée.
6. En outre, il résulte de l'instruction que, eu égard au retard constaté, la société CMEG a produit un devis, le 9 juillet 2013, d'un montant de 4 130 euros hors taxes afin de proposer une méthode alternative, consistant en la réalisation d'un chaînage horizontal par un mur en béton afin de stabiliser la façade conservée sans avoir à maintenir les étais, dont il ne résulte pas des stipulations contractuelles qu'elle aurait déjà été prévue par le marché contrairement à ce que soutient la société Belliard, afin de lui permettre de poursuivre ses propres travaux, mais que cette solution technique n'a pas été acceptée par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, le montant afférent ne figurant d'ailleurs pas dans le décompte général ni au demeurant dans les avenants n°1 et 2 conclus par le maître d'ouvrage et la société CMEG. Aucun reproche ne peut donc être formulé à l'égard de la société appelante à ce titre. En outre, contrairement à ce que soutient la société Belliard, la circonstance que la société CMEG n'a pas proposé cette alternative plus tôt ne saurait démontrer une faute de sa part. Enfin, il résulte des termes du courrier établi par le maître d'ouvrage, le 17 juillet 2015, que l'avenant n° 2 conclu entre celui-ci et la société appelante n'a eu pour objet que de prendre en compte les coûts supplémentaires d'installation de chantier ainsi que les frais d'encadrement de fin de chantier mais qu'il ne portait pas sur les préjudices invoqués par la société CMEG au titre de la défaillance d'entreprises titulaires d'autres lots et dont, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle est fondée à demander l'indemnisation.
7. Il résulte de ce qui précède que le retard de sept semaines de la société Belliard dans la réalisation de ses propres travaux a engendré un retard de même durée dans le démarrage des travaux de la société CMEG afférents aux écoles maternelle et élémentaire et lui a ainsi causé un préjudice dont elle est en droit d'obtenir l'indemnisation.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des matériels :
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du calendrier détaillé d'exécution des travaux du 14 décembre 2012, que le maintien de la grue G1, louée par la société CMEG, pour une durée complémentaire de six semaines, du 2 septembre au 14 octobre 2013, par rapport au délai initialement prévu résulte du retard de la société Belliard ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Eu égard aux factures produites par la société appelante, il y a lieu de fixer à 9 125 euros hors taxes le montant dû par la société Belliard à la société CMEG à ce titre. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, notamment du calendrier détaillé d'exécution des travaux du 14 décembre 2012, que le maintien de la grue G2 pour une durée complémentaire de six semaines, du 4 novembre au 16 décembre 2013, par rapport au délai initialement prévu résulte également du retard de la société Belliard ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Eu égard aux documents produits, il y a lieu de fixer à 4 050 euros hors taxes le montant dû par la société Belliard au titre du préjudice subi par la société appelante relatif à l'immobilisation de celle-ci sur cette période. Enfin, il résulte de l'instruction que les frais d'immobilisation d'un container doivent être indemnisés, s'agissant d'un retard de sept semaines comme indiqué au point 7, à la somme de 281 euros hors taxes.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du calendrier détaillé d'exécution des travaux du 14 décembre 2012, que, comme il a été dit au point 3, la société CMEG n'a pu procéder au retrait des étaiements que le 29 juillet 2013, soit avec un retard de sept semaines. Si la société Belliard soutient que la société appelante aurait pu restituer le matériel loué au bailleur avant de le relouer pour effectuer le retrait des étais, il résulte de l'instruction que la société CMEG n'était pas en mesure d'anticiper la date de fin des travaux par la société Belliard alors au demeurant qu'une telle opération aurait engendré des coûts de transport supplémentaires. Eu égard aux factures produites par la société CMEG, il y a lieu de fixer à 16 305 euros hors taxes le montant dû par la société Belliard à celle-ci. De même, l'immobilisation pour une durée complémentaire de sept semaines des étais doit donner lieu à indemnisation de la société appelante pour un montant de 616 euros. En revanche, si la société CMEG sollicite le paiement d'indemnités pour la location de banches et d'autres matériels au titre des mois de mai et juin 2013, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le retard imputable à la société Belliard a débuté le 9 juin 2013, de sorte que seules trois semaines au titre du mois de juin 2013 peuvent être retenues comme période à indemniser concernant le préjudice subi à ce titre. Eu égard aux éléments produits, il y a lieu de fixer à 2 869 euros l'indemnité due à la société appelante au titre de la location de banches et à 5 493 euros celle due au titre de la location de matériels extérieurs. Enfin, s'agissant de l'immobilisation d'autres matériels de chantier, et eu égard au retard de sept semaines imputable à la société Belliard ainsi qu'il a été dit précédemment, il y a lieu d'évaluer à 6 102 euros le montant dû à ce titre.
10. En troisième lieu, si la société CMEG sollicite l'indemnisation de frais de transport du matériel loué et de celui lui appartenant, il résulte de l'instruction que, indépendamment du retard pris par la société Belliard, elle aurait été amenée à supporter des frais de transport des matériels utilisés sur le chantier et qu'en tout état de cause, les sommes sollicitées au titre des mois d'avril et mai 2013 portent sur une période antérieure à celle en litige. Enfin, si la société CMEG sollicite le paiement d'une indemnité pour location d'une grue mobile à compter du 14 octobre 2013, date de démontage de la grue G1, le caractère certain de ce préjudice n'est pas établi dès lors que le maintien de la grue G1 pour une durée complémentaire de six semaines a déjà fait l'objet d'une indemnisation ainsi qu'il a été dit au point 8 et qu'il n'est pas établi qu'indépendamment du retard dont la société Belliard est à l'origine, une telle location n'aurait pas été nécessaire pour la réalisation des travaux de la société CMEG.
S'agissant des personnels :
11. En premier lieu, la société appelante sollicite l'indemnisation des frais complémentaires engagés au titre de l'encadrement du chantier du fait du retard imputable à la société Belliard. Il résulte de l'instruction que l'effectif présent sur le chantier comprenait au moins un conducteur de travaux, son assistant et un chef de chantier. Ainsi qu'il a été dit au point 6, l'avenant n° 2 conclu entre le maître d'ouvrage et la société appelante n'a pas eu pour objet d'indemniser les frais complémentaires d'encadrement liés à des retards imputables à la société Belliard. Il résulte de l'instruction, notamment des bulletins de salaire versés au dossier, que la rémunération brute mensuelle peut être établie à 3 810 euros pour le conducteur de travaux, 2 418 euros pour l'assistant au conducteur de travaux et 3 380 euros pour le chef de chantier. En revanche, la société CMEG n'établit pas la réalité des frais annexes dont elle demande l'indemnisation. Ainsi, en retenant une période d'indemnisation de sept semaines ainsi qu'il a été dit précédemment, il y a lieu de condamner la société Belliard à verser à la société CMEG la somme de 15 478 euros au titre des frais complémentaires d'encadrement du chantier.
12. En second lieu, si la société CMEG invoque une perte de productivité, elle ne l'établit pas, alors que le tableau qu'elle produit indique que le nombre de personnes présentes sur le chantier était inférieur au nombre de personnes prévues et que celles qui ne s'y sont pas rendues ont pu être réaffectées sur d'autres chantiers dont la société avait la charge.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise, que la société CMEG est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Belliard à l'indemniser du préjudice subi du fait du retard de celle-ci dans l'exécution de ses travaux. Il y a ainsi lieu de condamner la société Belliard à verser à la société CMEG la somme totale de 60 319 euros hors taxes à ce titre.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
14. Il y a lieu d'assortir la somme de 60 319 euros hors taxes des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la demande de première instance, soit le 23 septembre 2015, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts la première fois, le 23 septembre 2016, date à laquelle une année entière d'intérêts était due, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société CMEG qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par la société Belliard et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Belliard une somme de 2 000 euros à verser à la société CMEG au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : La société Belliard est condamnée à verser la somme de 60 319 euros hors taxes à la société CMEG, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2015 et de la capitalisation de ces intérêts la première fois le 23 septembre 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : La société Belliard versera à la société CMEG une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la société Belliard présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG) et à la société Belliard.
Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : N. Carpentier-Daubresse
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
1
2
N° 21DA02453
1
3
N°"Numéro"