CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 24/05/2022, 20BX01654, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 24/05/2022, 20BX01654, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX - 3ème chambre
- N° 20BX01654
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
24 mai 2022
- Président
- M. ARTUS
- Rapporteur
- M. Manuel BOURGEOIS
- Avocat(s)
- SELARL PREGUIMBEAU GREZE AEGIS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement la Société d'équipement du Limousin, Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, la société Eiffage construction Limousin, la société Socotec, la société Inddigo et la société Betec à lui verser la somme de 13 709 917,67 euros TTC.
Par un jugement n°1600747 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2020 et un mémoire enregistré le 15 avril 2022, Le Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés (Syded), représenté par Me Labetoule, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 mars 2020 ;
2°) de condamner solidairement et in solidum la Société d'équipement du Limousin, Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, la société Eiffage construction Limousin, la société Socotec, la société Inddigo et la société Betec à lui verser la somme de 13 709 917,67 euros TTC, assortis des intérêts légaux et de leur capitalisation ;
3°) de condamner in solidum la Société d'équipement du Limousin, Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, la société Eiffage construction Limousin, la société Socotec, la société Inddigo et la société Betec à lui verser la somme de 54 522,10 euros au titre des dépens ;
4°) de mettre à la charge in solidum de la Société d'équipement du Limousin, de Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, de la société Eiffage construction Limousin, de la société Socotec, de la société Inddigo et de la société Betec la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il appartiendra à la cour de vérifier que la minute du jugement est signée ;
- ce jugement n'a pas visé son mémoire du 12 avril 2017 ;
- les premiers juges n'ont pas statué sur le caractère global des désordres et, notamment sur les désordres liés au fonctionnement de l'installation ;
- l'expert judiciaire a régulièrement conduit les opérations d'expertise et a examiné les désordres affectant l'ensemble du centre de traitement des déchets ;
- les désordres constatés rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
- l'étendue de ces désordres l'a contrainte à cesser d'exploiter l'installation et présente un caractère irréparable ;
- ces désordres n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage et, en particulier, les arrivées d'eau dans la fosse étaient considérées, à cette date, comme résolues ;
- il n'a commis aucune faute et a, au demeurant, délégué la maitrise d'ouvrage ;
- la société Eiffage a manqué à son devoir de conseil ;
- la responsabilité contractuelle de la société d'équipement du Limousin doit être engagée en sa qualité de maître d'ouvrage délégué dès lors qu'elle a rejeté les travaux supplémentaires rendus nécessaires par les remontées d'eau sous le radier de la fosse ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle des constructeurs doit être engagée du fait des deux réserves maintenues, les fautes commises et leur lien de causalité avec les désordres étant établis par l'expertise ;
- la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage délégué et du groupement de maîtrise d'œuvre est engagée à raison de leurs manquements à leur devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage puis lors de l'établissement du décompte général ;
- il justifie de la réalité et du montant de ses préjudices matériels et financiers ;
- il n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2021, la société Inddigo, représentée par Me Benoit, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que la seconde expertise judiciaire soit déclarée nulle ou non opposable aux parties, à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise et à ce que les conclusions présentées à son encontre par les autres parties soient rejetées ;
3°) à titre très subsidiaire, à ce que le montant du préjudice subi par le Syded soit ramené à une somme inférieure ou égale à 1 088 500 euros, à ce que les condamnations prononcées ne le soient pas " in solidum ", à ce que sa responsabilité soit limitée à 10% ou, à défaut, à 40% du montant des dommages et à ce que les autres constructeurs soient condamnés à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) en tout état de cause, à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge du Syded au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que le jugement attaqué a été régulièrement rendu et n'est, en particulier, pas entaché d'une omission à statuer ; que la seconde expertise judiciaire est lacunaire et incomplète et a été menée en méconnaissance du principe du contradictoire ; que les désordres étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage et ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ; que l'établissement du décompte général du marché fait obstacle à l'engagement de sa responsabilité contractuelle ; que les réserves qui n'ont pas été levées ne concernent pas les désordres relevés par le second expert judiciaire ; qu'elle n'a commis aucune faute en lien avec ces désordres ; que la passivité du syded et le manque d'entretien de l'ouvrage sont à l'origine de l'aggravation des désordres ; que la société Seli est responsable de ces désordres dès lors qu'elle a validé les études d'avant-projet réalisées avant la conclusion du contrat de maîtrise d'œuvre ainsi que les études de projet ; que le délai de mise en cause de sa responsabilité pour manquement à son obligation de conseil est expirée ; qu'elle n'a pas manqué à son devoir de conseil ; que le préjudice subi par le Syded doit être ramené à la somme de 100 000 euros après amortissement comptable ; que le Syded ne justifie pas ne pas être assujetti à la TVA ; que le groupement de maîtrise d'œuvre n'est pas un groupement solidaire ; que l'imputabilité des dommages étant identifiée, il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation solidaire des constructeurs ; que sa responsabilité doit être limitée à 10% du montant de ces dommages.
Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2021, la société Eiffage construction Limousin, représentée par Me Preguimbeau, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que l'affaire soit renvoyée au tribunal administratif en cas d'irrégularité du jugement attaqué ;
3°) à défaut, à ce que soit prononcée la nullité et l'inopposabilité du second rapport d'expertise et au rejet des demandes du Syded ;
4°) à titre très subsidiaire, à ce que le montant du préjudice indemnisable soit ramené à la somme de 77 000 euros ou, à défaut, de 1 088 500 euros ; à ce que sa responsabilité dans la survenue des dommages soit limitée à 20% du montant des dommages ; au rejet des demandes du Syded concernant le TVA ;
5°) en cas de condamnation solidaire des constructeurs, à la condamnation des autres constructeurs à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
6°) en tout état de cause, à ce qu'une somme de 15 000 euros soit mise à la charge du Syded au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que : le jugement attaqué est régulier ; que l'expertise a été menée en méconnaissance du principe du contradictoire et de façon partiale ; qu'il n'est pas établi que l'écrasement des caillebottis, qui n'a pas été constaté par l'expert, soit dû à un entretien défectueux et qu'il ne lui est pas imputable ; que, de même, il est possible que l'utilisation par l'exploitant d'une quantité d'eau excessive soit à l'origine des autres désordres ; que de nombreux désordres n'ont jamais été constatés contradictoirement ; que l'arrêt de l'installation a été décidée pour des motifs politiques ; que les dommages n'engagent pas la responsabilité décennale des constructeurs et ne lui sont pas imputables ; que cette responsabilité ne peut être solidaire dès lors qu'il n'existe aucun engagement contractuel des constructeurs en ce sens ; que les arrivées d'eau dans la fosse ne lui sont pas imputables, ne se sont pas reproduites avant l'arrêt de l'exploitation et étaient apparentes lors de la réception de l'ouvrage ; qu'elle avait alerté le Syded, la société Seli et le maître d'œuvre de la nécessité de procéder au drainage de la fosse ; que les fissures affectant les voiles béton étaient apparentes, ne présentent pas un caractère décennal, résultent d'un défaut de conception et ne sont pas irréparables ; que le Syded est partiellement assujetti à la TVA ; que le Syded ne justifie pas de son préjudice ; que la faute de la société Seli caractérise une faute exonératoire du maître de l'ouvrage.
Par un mémoire enregistré le 16 mars 2022, Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, représenté par Me Boudet, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ou, en cas d'irrégularité du jugement attaqué, au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que le rapport d'expertise judiciaire soit annulé ou, à tout le moins, déclaré inopposable aux parties et au rejet les conclusions du Syded présentées à son encontre ;
3°) à titre très subsidiaire, à ce que sa responsabilité soit retenue au seul titre de l'écrasement des caillebottis et limiter le montant des préjudices en résultant à la somme de 10 000 euros ;
4°) mettre à la charge du Syded une somme de 8 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Il soutient que les moyens invoqués à l'encontre de la régularité du jugement attaqué sont infondés ; que l'expert n'a pas rempli sa mission, a méconnu le principe du contradictoire et n'a pas chiffré le montant des dommages ; que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée à raison de travaux qui n'ont pas fait de réserves lors de leur réception ; que les désordres survenus ne lui sont pas imputables et étaient apparents ; que l'expert ne l'a mise en cause qu'autre titre des caillebotis dont le remplacement intégral coûterait moins de 10 000 euros ; qu'il n'est pas établi que les dommages ne seraient pas réparables et que le Syded n'établit pas le montant de ses préjudices.
Par un mémoire enregistré le 17 mars 2022, la société Seli, représentée par Me Symchowicz, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, au rejet des conclusions des autres parties dirigées à son encontre ; très subsidiairement, de condamner les autres constructeurs à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre ; en tout état de cause, de mettre à la charge du Syded, une somme de 10 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que les conclusions dirigées contre elle sur le fondement de la garantie décennale sont irrecevables dès lors qu'elle n'a pas la qualité de constructeur et que la commission d'hypothétiques fautes contractuelles ne justifie pas sa condamnation solidairement avec les constructeurs ; que les conclusions du rapport d'expert devront être écartées des débats ; qu'elle n'a commis aucune faute dans le suivi du chantier ou au regard d'un hypothétique devoir de conseil et que le préjudice allégué par le Syded ne présente pas de lien de causalité avec les fautes imputées à la Seli.
Par un mémoire enregistré le 9 avril 2022, la société Socotec, représentée par Me Viaud, conclut au rejet de la requête ; subsidiairement, à sa mise hors de cause ; très subsidiairement, à l'exclusion de toute condamnation solidaire ou in solidum, à ce que les autres constructeurs soient condamnés à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre ; en tout état de cause, à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge du Syded au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que l'expert n'a pas rempli sa mission, que l'abandon de l'exploitation n'a pas été décidé à raison des désordres, que les moyens invoqués par la Syded ne sont pas fondés, que les dommages ne lui sont pas imputables et qu'elle n'a commis aucune faute, que les autres constructeurs sont responsables de ces désordres et qu'il y a lieu de ramener le montant du préjudice à de plus juste proportions.
Par ordonnance du 8 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 avril 2022 à midi.
Un mémoire a été enregistré pour la société Betec le 28 avril 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Duguet, représentant le Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés, de Me Greze, représentant la société Eiffage construction Limousin, de Me Liaud, représentant la société Socotec et de Me Benoit, représentant la société Inddigo.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 octobre 2006, le Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés (Syded) a conclu un marché de mandat de maîtrise d'ouvrage avec la société d'équipement du Limousin (Seli) pour la construction d'un centre de traitement et de stockage de déchets ménagers et assimilés sur le territoire des communes de Bellac et Peyrat-de-Bellac. L'opération de construction a été divisée en deux lots, le premier relatif à l'unité de prétraitement et ses bâtiments annexes, le second relatif aux installations de stockage et leurs équipements annexes. La maîtrise d'œuvre du lot n°1 a été confiée le 26 mars 2007 à un groupement conjoint composé des sociétés Trivalor sud-ouest, aux droits de laquelle vient la société Inddigo, BVL Architecture, Jean-Paul Deloménie, Betec, Cité 4 et Arcadis. Le marché de travaux correspondant a été confié à un groupement conjoint composé des sociétés Greenpro et Eiffage construction par acte d'engagement du 3 mars 2008. Le contrôle technique de l'opération a été confié à la société Socotec. La réception du lot n°1 a été prononcée avec réserves le 29 janvier 2010 et à effet du 4 décembre 2009. A la suite de dysfonctionnements affectant l'ouvrage, le Syded a décidé de suspendre l'activité de l'unité de traitement mécano-biologique le 24 mai 2012. Les experts successivement nommés par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges ont remis leurs rapports les 6 août 2012 et 30 novembre 2015. Le Syded relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, des sociétés Eiffage construction Limousin, Socotec, Inddigo, Betec et Seli à lui verser la somme de 13 709 917,67 euros toutes taxes comprises en réparation de ses préjudices financiers et matériels, outre les entiers dépens.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du conseiller-rapporteur et de la greffière de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement n'aurait pas été signé en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, si le Syded fait valoir qu'en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement attaqué a omis de mentionner, dans les visas, le mémoire en réplique enregistré pour le Syded le 12 avril 2017, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le contenu de ce mémoire a été repris dans le mémoire récapitulatif du Syded enregistré le 19 juillet 2019, lequel a été visé et analysé et, d'autre part, que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs de ce jugement.
4. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les premiers juges ont examiné l'ensemble des désordres constatés par les experts judiciaires et, en particulier, ceux liés au fonctionnement global ou au " process " de l'installation. Par suite, le Syded n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué n'aurait pas statué sur son moyen tiré de ce que les désordres présentaient un caractère global rendant l'ouvrage impropre à sa destination et faisant obstacle à la réalisation de travaux de reprise.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la garantie décennale :
5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La garantie décennale peut être recherchée pour des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
6. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise judiciaire, que l'unité de traitement mécano-biologique et ses bâtiments annexes sont affectés de plusieurs désordres contradictoirement constatés, essentiellement des infiltrations d'eau dans la fosse de réception des déchets, l'écrasement des caillebotis des biofiltres, des fissurations au niveau du génie civil de plusieurs voiles béton et une corrosion généralisée des installations. Le Syded soutient que ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination et qu'ils n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage.
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que des infiltrations d'eau dans la fosse de réception des déchets se sont produites au cours des travaux, que les fissures permettant ces infiltrations ont été temporairement colmatées par la société Eiffage mais que, par une lettre qu'elle a adressée le 19 juin 2009 au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué et aux maîtres d'œuvre, elle a alerté de la nécessité de procéder à un drainage par creusement d'un puisard avec pompe de relevage pour éviter la réitération de ces désordres. En outre, la société Socotec, contrôleur technique, a également indiqué, dans son rapport final du 24 août 2009, qu'elle avait validé cette réparation des fissures de la fosse mais que " cette réparation ne peut cependant être durable que si les eaux drainées dans les couches de terrain concernées sont dirigées vers un exutoire efficace. A notre connaissance, la recherche de solution (puisard avec pompe ') et sa mise en œuvre n'ont pas abouti à ce jour ". Enfin, la société Inddigo a indiqué, dans la lettre qu'elle a adressée au maître d'ouvrage délégué le 25 septembre 2009 avec copie au maître de l'ouvrage qu'elle prenait acte de son " refus de lancer une étude complémentaire pouvant permettre de trouver les solutions au problème de venues d'eau dans la fosse, ce que nous déplorons ". Dans ces conditions, le Syded ne peut pas utilement faire valoir que ces infiltrations avaient cessé au jour de la réception de l'ouvrage pour soutenir que la fissuration du fond de la fosse ne présentait pas un caractère apparent excluant, sur ce point, l'engagement de la garantie décennale des constructeurs.
8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le constat d'achèvement des travaux du 25 février 2009 fait mention d'une " période d'observation pour l'ensemble des fissures dans les silos ", que la société Inddigo a proposé de ne procéder à la réception de l'ouvrage qu'en l'assortissant d'une réserve sur ce point et que ces fissures ont été signalées par la société Socotec dans sa fiche de contrôle F43 du 21 octobre 2009. Dans ces conditions, le Syded, qui n'a pas souhaité donner suite à ces propositions de réserves, n'est pas davantage fondé à soutenir que les fissures affectant les voiles bétons n'étaient pas apparentes lors des opérations de réception du 15 janvier 2010.
9. En troisième lieu, l'écrasement de 23 caillebottis des biofiltres sur 84 n'a été constaté par aucun des deux experts mais uniquement lors d'un " diagnostic " réalisé par le Syded lui-même à une date qui n'est pas précisée. Elle n'est corroborée que par la photographie d'un caillebottis affecté d'une rupture localisée. En outre, il ne peut être exclu que ces éventuels écrasements aient été occasionnés lors des opérations de diagnostic ou de retrait du substrat. Enfin, si ces écrasements sont de nature à altérer le fonctionnement de la désodorisation des déchets, il n'est pas établi qu'eu égard, notamment, à son caractère partiel, ce désordre rendrait, à lui seul, l'ouvrage impropre à sa destination. Par suite, le Syded n'est pas fondé à soutenir que la garantie décennale des constructeurs serait engagée à ce titre.
10. En quatrième et dernier lieu, le Syded soutient, conformément aux conclusions du rapport établi par le second expert judiciaire, que la corrosion généralisée des éléments métalliques et électriques correspondant au lot n°1 résulte d'une humidité excessive chargée en particules d'ammoniac, liée au " process " de l'installation. Cet expert, dont le Syded s'est approprié les conclusions, indique que cet excès d'humidité résulte, d'une part, des infiltrations d'eau dans la fosse de réception des déchets et, d'autre part, d'une ventilation insuffisante. Toutefois, si l'expert précise qu'une ventilation par soufflage présente un meilleur rendement qu'une ventilation par aspiration, il n'est ni établi ni même soutenu que le système de ventilation prévu et mis en place était insuffisant pour permettre l'évacuation de l'eau produite par le compostage dans des conditions de fonctionnement normal, c'est-à-dire sans infiltration d'eau, ou que ce système de ventilation serait affecté d'une quelconque malfaçon. Dans ces conditions, les désordres affectant le pré-compostage des déchets et entraînant le dégagement d'odeurs dangereuses et corrosives doivent être regardés comme entièrement dus à ces infiltrations, lesquelles ont elles-mêmes été rendues possibles par le refus du maître de l'ouvrage et de son délégué de procéder aux travaux rendus nécessaires par l'apparition de fissures liées à des remontées d'eau " s'accumulant sous le radier de la fosse de réception des déchets. ".
11. Il résulte de toute ce qui précède que le Syded n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses demandes indemnitaires fondées sur l'engagement de la garantie décennale des constructeurs.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage délégué :
12. Un maître d'ouvrage délégué doit, dans l'exercice de sa mission définie par la convention de mandat qui le lie au maître d'ouvrage, accomplir les diligences que son mandant est en droit d'attendre d'un professionnel ayant accepté cette mission.
13. En premier lieu, le Syded soutient que la société Seli a commis une faute dans l'accomplissement de sa mission de maîtrise d'ouvrage déléguée en refusant d'ordonner les travaux supplémentaires rendus nécessaires. Toutefois, elle se borne à se prévaloir, à l'appui de cette allégation, de ce que le second expert a estimé que " le maître d'ouvrage délégué a rejeté des travaux supplémentaires, renvoyant la prise de décision sur la maîtrise d'œuvre " sans plus de précision et sans l'établir alors qu'il ressort au contraire de la lettre, que la société Seli a adressée le 27 août 2009 à la société Inddigo concernant précisément la question des fissurations du radier de la fosse, que le maitre d'ouvrage délégué a seulement indiqué qu'il ne lui appartenait pas, en cette qualité, d'ordonner ou de refuser la réalisation de travaux supplémentaires. En outre, il résulte de l'instruction qu'un représentant du maître de l'ouvrage a assisté aux comptes-rendus de chantier traitant de la question des venues d'eau dans la fosse, que la société Seli a adressé au maître de l'ouvrage une copie de la mise en demeure adressée sur ce sujet à la société Inddigo le 8 juin 2009 et que le maître de l'ouvrage a été destinataire du rapport final de la Socotec mentionnant la nécessité de procéder à des travaux de drainage. Ainsi le Syded était parfaitement informé des recommandations de l'ensemble des intervenants. Enfin, ce syndicat à qui il appartenait, dès lors, d'ordonner ou de refuser la réalisation des travaux de drainage proposés, ne conteste pas que la décision de mettre simplement le radier de la fosse sous surveillance sans procéder aux travaux de drainage recommandés a été prise à son initiative ou, au moins, avec son accord ainsi qu'il ressort d'ailleurs de ses écritures récapitulatives devant le tribunal administratif. Dans ces conditions, le syndicat appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses demandes indemnitaires tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Seli à raison de son suivi des travaux.
14. En deuxième lieu, le Syded n'est pas davantage fondé à soutenir que la société Seli aurait manqué à son devoir de conseil lors des opérations de réception de l'ouvrage en ne lui proposant pas d'assortir cette réception de réserves en ce qui concerne les remontées d'eau, les réseaux de collecte de lixiviats ainsi que les fissures affectant le génie civil dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il était parfaitement informé de l'existence de ces désordres.
15. En troisième lieu, si, en application du principe rappelé au point 12, il appartient à un maître d'ouvrage délégué auquel est confiée une mission d'approbation du décompte, de s'assurer que ce document n'est pas entaché d'erreurs ou d'omissions qui ne devraient pas échapper à un professionnel, le Syded ne fait état d'aucune erreur ou omission et n'établit pas davantage en quoi le maître d'ouvrage délégué n'aurait pas accompli les diligences qu'il était en droit d'attendre de lui dans le cadre de sa mission en s'abstenant d'assortir le décompte général du marché de travaux d'éventuelles réserves qu'il n'incombait qu'au maître d'œuvre de prononcer.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle des sociétés Betec et Inddigo :
16. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte. Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.
17. Le décompte du marché de maîtrise d'œuvre afférent au lot n°1 a été notifié, sans réserve, à la société Inddigo, mandataire du groupement de maitrise d'œuvre, le 27 septembre 2011 et est devenu définitif faute d'avoir été contesté dans les délais contractuels. Par suite, la société Inddigo est fondée, en cette même qualité, à soutenir que le maître de l'ouvrage ne peut plus engager la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre, y compris en raison d'un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux de l'établissement du décompte général.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle des constructeurs :
18. Le Syded entend enfin rechercher la responsabilité contractuelle des autres constructeurs à raison des deux réserves apportées à la réception de l'ouvrage et qui n'ont pas été levées. Toutefois, ces conclusions ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier la portée alors, au demeurant, que la société Eiffage construction Limousin fait valoir que sa responsabilité contractuelle ne peut plus être recherchée par le maître de l'ouvrage dès lors que le décompte général du marché de travaux a été notifié, sans réserve, au mandataire du groupement conjoint composé des sociétés Greenpro et Eiffage construction le 26 mai 2010 et qu'il est devenu définitif après son acceptation par ce mandataire le 9 juin suivant.
19. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à la condamnation solidaire ou in solidum de la Seli, de Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro ainsi que des sociétés Eiffage construction Limousin, Socotec, Inddigo et Betec à lui verser la somme de 13 709 917,67 euros TTC, outre les dépens. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
20. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Syded, cinq sommes de 1 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance, respectivement, par Me Jenner ainsi que par les sociétés Eiffage construction Limousin, Socotec, Seli et Inddigo.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du Syded est rejetée.
Article 2 : Le Syded versera une première somme de mille euros à la société Eiffage, une seconde somme du même montant à la société Inddigo construction Limousin, une troisième somme du même montant à Me Jenner, une quatrième somme du même montant à la société Socotec et une cinquième somme du même montant à la société Seli sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés, à la Société d'équipement du Limousin, à Me Jenner, à la société Eiffage construction Limousin, à la société Socotec, à la société Inddigo et la société Betec.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022.
Le rapporteur,
Manuel A...
Le président,
Didier ArtusLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°20BX01654 2
Procédure contentieuse antérieure :
Le Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement la Société d'équipement du Limousin, Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, la société Eiffage construction Limousin, la société Socotec, la société Inddigo et la société Betec à lui verser la somme de 13 709 917,67 euros TTC.
Par un jugement n°1600747 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2020 et un mémoire enregistré le 15 avril 2022, Le Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés (Syded), représenté par Me Labetoule, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 mars 2020 ;
2°) de condamner solidairement et in solidum la Société d'équipement du Limousin, Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, la société Eiffage construction Limousin, la société Socotec, la société Inddigo et la société Betec à lui verser la somme de 13 709 917,67 euros TTC, assortis des intérêts légaux et de leur capitalisation ;
3°) de condamner in solidum la Société d'équipement du Limousin, Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, la société Eiffage construction Limousin, la société Socotec, la société Inddigo et la société Betec à lui verser la somme de 54 522,10 euros au titre des dépens ;
4°) de mettre à la charge in solidum de la Société d'équipement du Limousin, de Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, de la société Eiffage construction Limousin, de la société Socotec, de la société Inddigo et de la société Betec la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il appartiendra à la cour de vérifier que la minute du jugement est signée ;
- ce jugement n'a pas visé son mémoire du 12 avril 2017 ;
- les premiers juges n'ont pas statué sur le caractère global des désordres et, notamment sur les désordres liés au fonctionnement de l'installation ;
- l'expert judiciaire a régulièrement conduit les opérations d'expertise et a examiné les désordres affectant l'ensemble du centre de traitement des déchets ;
- les désordres constatés rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
- l'étendue de ces désordres l'a contrainte à cesser d'exploiter l'installation et présente un caractère irréparable ;
- ces désordres n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage et, en particulier, les arrivées d'eau dans la fosse étaient considérées, à cette date, comme résolues ;
- il n'a commis aucune faute et a, au demeurant, délégué la maitrise d'ouvrage ;
- la société Eiffage a manqué à son devoir de conseil ;
- la responsabilité contractuelle de la société d'équipement du Limousin doit être engagée en sa qualité de maître d'ouvrage délégué dès lors qu'elle a rejeté les travaux supplémentaires rendus nécessaires par les remontées d'eau sous le radier de la fosse ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle des constructeurs doit être engagée du fait des deux réserves maintenues, les fautes commises et leur lien de causalité avec les désordres étant établis par l'expertise ;
- la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage délégué et du groupement de maîtrise d'œuvre est engagée à raison de leurs manquements à leur devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage puis lors de l'établissement du décompte général ;
- il justifie de la réalité et du montant de ses préjudices matériels et financiers ;
- il n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2021, la société Inddigo, représentée par Me Benoit, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que la seconde expertise judiciaire soit déclarée nulle ou non opposable aux parties, à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise et à ce que les conclusions présentées à son encontre par les autres parties soient rejetées ;
3°) à titre très subsidiaire, à ce que le montant du préjudice subi par le Syded soit ramené à une somme inférieure ou égale à 1 088 500 euros, à ce que les condamnations prononcées ne le soient pas " in solidum ", à ce que sa responsabilité soit limitée à 10% ou, à défaut, à 40% du montant des dommages et à ce que les autres constructeurs soient condamnés à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) en tout état de cause, à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge du Syded au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que le jugement attaqué a été régulièrement rendu et n'est, en particulier, pas entaché d'une omission à statuer ; que la seconde expertise judiciaire est lacunaire et incomplète et a été menée en méconnaissance du principe du contradictoire ; que les désordres étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage et ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ; que l'établissement du décompte général du marché fait obstacle à l'engagement de sa responsabilité contractuelle ; que les réserves qui n'ont pas été levées ne concernent pas les désordres relevés par le second expert judiciaire ; qu'elle n'a commis aucune faute en lien avec ces désordres ; que la passivité du syded et le manque d'entretien de l'ouvrage sont à l'origine de l'aggravation des désordres ; que la société Seli est responsable de ces désordres dès lors qu'elle a validé les études d'avant-projet réalisées avant la conclusion du contrat de maîtrise d'œuvre ainsi que les études de projet ; que le délai de mise en cause de sa responsabilité pour manquement à son obligation de conseil est expirée ; qu'elle n'a pas manqué à son devoir de conseil ; que le préjudice subi par le Syded doit être ramené à la somme de 100 000 euros après amortissement comptable ; que le Syded ne justifie pas ne pas être assujetti à la TVA ; que le groupement de maîtrise d'œuvre n'est pas un groupement solidaire ; que l'imputabilité des dommages étant identifiée, il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation solidaire des constructeurs ; que sa responsabilité doit être limitée à 10% du montant de ces dommages.
Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2021, la société Eiffage construction Limousin, représentée par Me Preguimbeau, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que l'affaire soit renvoyée au tribunal administratif en cas d'irrégularité du jugement attaqué ;
3°) à défaut, à ce que soit prononcée la nullité et l'inopposabilité du second rapport d'expertise et au rejet des demandes du Syded ;
4°) à titre très subsidiaire, à ce que le montant du préjudice indemnisable soit ramené à la somme de 77 000 euros ou, à défaut, de 1 088 500 euros ; à ce que sa responsabilité dans la survenue des dommages soit limitée à 20% du montant des dommages ; au rejet des demandes du Syded concernant le TVA ;
5°) en cas de condamnation solidaire des constructeurs, à la condamnation des autres constructeurs à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
6°) en tout état de cause, à ce qu'une somme de 15 000 euros soit mise à la charge du Syded au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que : le jugement attaqué est régulier ; que l'expertise a été menée en méconnaissance du principe du contradictoire et de façon partiale ; qu'il n'est pas établi que l'écrasement des caillebottis, qui n'a pas été constaté par l'expert, soit dû à un entretien défectueux et qu'il ne lui est pas imputable ; que, de même, il est possible que l'utilisation par l'exploitant d'une quantité d'eau excessive soit à l'origine des autres désordres ; que de nombreux désordres n'ont jamais été constatés contradictoirement ; que l'arrêt de l'installation a été décidée pour des motifs politiques ; que les dommages n'engagent pas la responsabilité décennale des constructeurs et ne lui sont pas imputables ; que cette responsabilité ne peut être solidaire dès lors qu'il n'existe aucun engagement contractuel des constructeurs en ce sens ; que les arrivées d'eau dans la fosse ne lui sont pas imputables, ne se sont pas reproduites avant l'arrêt de l'exploitation et étaient apparentes lors de la réception de l'ouvrage ; qu'elle avait alerté le Syded, la société Seli et le maître d'œuvre de la nécessité de procéder au drainage de la fosse ; que les fissures affectant les voiles béton étaient apparentes, ne présentent pas un caractère décennal, résultent d'un défaut de conception et ne sont pas irréparables ; que le Syded est partiellement assujetti à la TVA ; que le Syded ne justifie pas de son préjudice ; que la faute de la société Seli caractérise une faute exonératoire du maître de l'ouvrage.
Par un mémoire enregistré le 16 mars 2022, Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, représenté par Me Boudet, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ou, en cas d'irrégularité du jugement attaqué, au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que le rapport d'expertise judiciaire soit annulé ou, à tout le moins, déclaré inopposable aux parties et au rejet les conclusions du Syded présentées à son encontre ;
3°) à titre très subsidiaire, à ce que sa responsabilité soit retenue au seul titre de l'écrasement des caillebottis et limiter le montant des préjudices en résultant à la somme de 10 000 euros ;
4°) mettre à la charge du Syded une somme de 8 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Il soutient que les moyens invoqués à l'encontre de la régularité du jugement attaqué sont infondés ; que l'expert n'a pas rempli sa mission, a méconnu le principe du contradictoire et n'a pas chiffré le montant des dommages ; que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée à raison de travaux qui n'ont pas fait de réserves lors de leur réception ; que les désordres survenus ne lui sont pas imputables et étaient apparents ; que l'expert ne l'a mise en cause qu'autre titre des caillebotis dont le remplacement intégral coûterait moins de 10 000 euros ; qu'il n'est pas établi que les dommages ne seraient pas réparables et que le Syded n'établit pas le montant de ses préjudices.
Par un mémoire enregistré le 17 mars 2022, la société Seli, représentée par Me Symchowicz, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, au rejet des conclusions des autres parties dirigées à son encontre ; très subsidiairement, de condamner les autres constructeurs à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre ; en tout état de cause, de mettre à la charge du Syded, une somme de 10 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que les conclusions dirigées contre elle sur le fondement de la garantie décennale sont irrecevables dès lors qu'elle n'a pas la qualité de constructeur et que la commission d'hypothétiques fautes contractuelles ne justifie pas sa condamnation solidairement avec les constructeurs ; que les conclusions du rapport d'expert devront être écartées des débats ; qu'elle n'a commis aucune faute dans le suivi du chantier ou au regard d'un hypothétique devoir de conseil et que le préjudice allégué par le Syded ne présente pas de lien de causalité avec les fautes imputées à la Seli.
Par un mémoire enregistré le 9 avril 2022, la société Socotec, représentée par Me Viaud, conclut au rejet de la requête ; subsidiairement, à sa mise hors de cause ; très subsidiairement, à l'exclusion de toute condamnation solidaire ou in solidum, à ce que les autres constructeurs soient condamnés à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre ; en tout état de cause, à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge du Syded au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que l'expert n'a pas rempli sa mission, que l'abandon de l'exploitation n'a pas été décidé à raison des désordres, que les moyens invoqués par la Syded ne sont pas fondés, que les dommages ne lui sont pas imputables et qu'elle n'a commis aucune faute, que les autres constructeurs sont responsables de ces désordres et qu'il y a lieu de ramener le montant du préjudice à de plus juste proportions.
Par ordonnance du 8 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 avril 2022 à midi.
Un mémoire a été enregistré pour la société Betec le 28 avril 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Duguet, représentant le Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés, de Me Greze, représentant la société Eiffage construction Limousin, de Me Liaud, représentant la société Socotec et de Me Benoit, représentant la société Inddigo.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 octobre 2006, le Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés (Syded) a conclu un marché de mandat de maîtrise d'ouvrage avec la société d'équipement du Limousin (Seli) pour la construction d'un centre de traitement et de stockage de déchets ménagers et assimilés sur le territoire des communes de Bellac et Peyrat-de-Bellac. L'opération de construction a été divisée en deux lots, le premier relatif à l'unité de prétraitement et ses bâtiments annexes, le second relatif aux installations de stockage et leurs équipements annexes. La maîtrise d'œuvre du lot n°1 a été confiée le 26 mars 2007 à un groupement conjoint composé des sociétés Trivalor sud-ouest, aux droits de laquelle vient la société Inddigo, BVL Architecture, Jean-Paul Deloménie, Betec, Cité 4 et Arcadis. Le marché de travaux correspondant a été confié à un groupement conjoint composé des sociétés Greenpro et Eiffage construction par acte d'engagement du 3 mars 2008. Le contrôle technique de l'opération a été confié à la société Socotec. La réception du lot n°1 a été prononcée avec réserves le 29 janvier 2010 et à effet du 4 décembre 2009. A la suite de dysfonctionnements affectant l'ouvrage, le Syded a décidé de suspendre l'activité de l'unité de traitement mécano-biologique le 24 mai 2012. Les experts successivement nommés par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges ont remis leurs rapports les 6 août 2012 et 30 novembre 2015. Le Syded relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro, des sociétés Eiffage construction Limousin, Socotec, Inddigo, Betec et Seli à lui verser la somme de 13 709 917,67 euros toutes taxes comprises en réparation de ses préjudices financiers et matériels, outre les entiers dépens.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du conseiller-rapporteur et de la greffière de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement n'aurait pas été signé en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, si le Syded fait valoir qu'en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement attaqué a omis de mentionner, dans les visas, le mémoire en réplique enregistré pour le Syded le 12 avril 2017, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le contenu de ce mémoire a été repris dans le mémoire récapitulatif du Syded enregistré le 19 juillet 2019, lequel a été visé et analysé et, d'autre part, que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs de ce jugement.
4. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les premiers juges ont examiné l'ensemble des désordres constatés par les experts judiciaires et, en particulier, ceux liés au fonctionnement global ou au " process " de l'installation. Par suite, le Syded n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué n'aurait pas statué sur son moyen tiré de ce que les désordres présentaient un caractère global rendant l'ouvrage impropre à sa destination et faisant obstacle à la réalisation de travaux de reprise.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la garantie décennale :
5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La garantie décennale peut être recherchée pour des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
6. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise judiciaire, que l'unité de traitement mécano-biologique et ses bâtiments annexes sont affectés de plusieurs désordres contradictoirement constatés, essentiellement des infiltrations d'eau dans la fosse de réception des déchets, l'écrasement des caillebotis des biofiltres, des fissurations au niveau du génie civil de plusieurs voiles béton et une corrosion généralisée des installations. Le Syded soutient que ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination et qu'ils n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage.
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que des infiltrations d'eau dans la fosse de réception des déchets se sont produites au cours des travaux, que les fissures permettant ces infiltrations ont été temporairement colmatées par la société Eiffage mais que, par une lettre qu'elle a adressée le 19 juin 2009 au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué et aux maîtres d'œuvre, elle a alerté de la nécessité de procéder à un drainage par creusement d'un puisard avec pompe de relevage pour éviter la réitération de ces désordres. En outre, la société Socotec, contrôleur technique, a également indiqué, dans son rapport final du 24 août 2009, qu'elle avait validé cette réparation des fissures de la fosse mais que " cette réparation ne peut cependant être durable que si les eaux drainées dans les couches de terrain concernées sont dirigées vers un exutoire efficace. A notre connaissance, la recherche de solution (puisard avec pompe ') et sa mise en œuvre n'ont pas abouti à ce jour ". Enfin, la société Inddigo a indiqué, dans la lettre qu'elle a adressée au maître d'ouvrage délégué le 25 septembre 2009 avec copie au maître de l'ouvrage qu'elle prenait acte de son " refus de lancer une étude complémentaire pouvant permettre de trouver les solutions au problème de venues d'eau dans la fosse, ce que nous déplorons ". Dans ces conditions, le Syded ne peut pas utilement faire valoir que ces infiltrations avaient cessé au jour de la réception de l'ouvrage pour soutenir que la fissuration du fond de la fosse ne présentait pas un caractère apparent excluant, sur ce point, l'engagement de la garantie décennale des constructeurs.
8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le constat d'achèvement des travaux du 25 février 2009 fait mention d'une " période d'observation pour l'ensemble des fissures dans les silos ", que la société Inddigo a proposé de ne procéder à la réception de l'ouvrage qu'en l'assortissant d'une réserve sur ce point et que ces fissures ont été signalées par la société Socotec dans sa fiche de contrôle F43 du 21 octobre 2009. Dans ces conditions, le Syded, qui n'a pas souhaité donner suite à ces propositions de réserves, n'est pas davantage fondé à soutenir que les fissures affectant les voiles bétons n'étaient pas apparentes lors des opérations de réception du 15 janvier 2010.
9. En troisième lieu, l'écrasement de 23 caillebottis des biofiltres sur 84 n'a été constaté par aucun des deux experts mais uniquement lors d'un " diagnostic " réalisé par le Syded lui-même à une date qui n'est pas précisée. Elle n'est corroborée que par la photographie d'un caillebottis affecté d'une rupture localisée. En outre, il ne peut être exclu que ces éventuels écrasements aient été occasionnés lors des opérations de diagnostic ou de retrait du substrat. Enfin, si ces écrasements sont de nature à altérer le fonctionnement de la désodorisation des déchets, il n'est pas établi qu'eu égard, notamment, à son caractère partiel, ce désordre rendrait, à lui seul, l'ouvrage impropre à sa destination. Par suite, le Syded n'est pas fondé à soutenir que la garantie décennale des constructeurs serait engagée à ce titre.
10. En quatrième et dernier lieu, le Syded soutient, conformément aux conclusions du rapport établi par le second expert judiciaire, que la corrosion généralisée des éléments métalliques et électriques correspondant au lot n°1 résulte d'une humidité excessive chargée en particules d'ammoniac, liée au " process " de l'installation. Cet expert, dont le Syded s'est approprié les conclusions, indique que cet excès d'humidité résulte, d'une part, des infiltrations d'eau dans la fosse de réception des déchets et, d'autre part, d'une ventilation insuffisante. Toutefois, si l'expert précise qu'une ventilation par soufflage présente un meilleur rendement qu'une ventilation par aspiration, il n'est ni établi ni même soutenu que le système de ventilation prévu et mis en place était insuffisant pour permettre l'évacuation de l'eau produite par le compostage dans des conditions de fonctionnement normal, c'est-à-dire sans infiltration d'eau, ou que ce système de ventilation serait affecté d'une quelconque malfaçon. Dans ces conditions, les désordres affectant le pré-compostage des déchets et entraînant le dégagement d'odeurs dangereuses et corrosives doivent être regardés comme entièrement dus à ces infiltrations, lesquelles ont elles-mêmes été rendues possibles par le refus du maître de l'ouvrage et de son délégué de procéder aux travaux rendus nécessaires par l'apparition de fissures liées à des remontées d'eau " s'accumulant sous le radier de la fosse de réception des déchets. ".
11. Il résulte de toute ce qui précède que le Syded n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses demandes indemnitaires fondées sur l'engagement de la garantie décennale des constructeurs.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage délégué :
12. Un maître d'ouvrage délégué doit, dans l'exercice de sa mission définie par la convention de mandat qui le lie au maître d'ouvrage, accomplir les diligences que son mandant est en droit d'attendre d'un professionnel ayant accepté cette mission.
13. En premier lieu, le Syded soutient que la société Seli a commis une faute dans l'accomplissement de sa mission de maîtrise d'ouvrage déléguée en refusant d'ordonner les travaux supplémentaires rendus nécessaires. Toutefois, elle se borne à se prévaloir, à l'appui de cette allégation, de ce que le second expert a estimé que " le maître d'ouvrage délégué a rejeté des travaux supplémentaires, renvoyant la prise de décision sur la maîtrise d'œuvre " sans plus de précision et sans l'établir alors qu'il ressort au contraire de la lettre, que la société Seli a adressée le 27 août 2009 à la société Inddigo concernant précisément la question des fissurations du radier de la fosse, que le maitre d'ouvrage délégué a seulement indiqué qu'il ne lui appartenait pas, en cette qualité, d'ordonner ou de refuser la réalisation de travaux supplémentaires. En outre, il résulte de l'instruction qu'un représentant du maître de l'ouvrage a assisté aux comptes-rendus de chantier traitant de la question des venues d'eau dans la fosse, que la société Seli a adressé au maître de l'ouvrage une copie de la mise en demeure adressée sur ce sujet à la société Inddigo le 8 juin 2009 et que le maître de l'ouvrage a été destinataire du rapport final de la Socotec mentionnant la nécessité de procéder à des travaux de drainage. Ainsi le Syded était parfaitement informé des recommandations de l'ensemble des intervenants. Enfin, ce syndicat à qui il appartenait, dès lors, d'ordonner ou de refuser la réalisation des travaux de drainage proposés, ne conteste pas que la décision de mettre simplement le radier de la fosse sous surveillance sans procéder aux travaux de drainage recommandés a été prise à son initiative ou, au moins, avec son accord ainsi qu'il ressort d'ailleurs de ses écritures récapitulatives devant le tribunal administratif. Dans ces conditions, le syndicat appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses demandes indemnitaires tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Seli à raison de son suivi des travaux.
14. En deuxième lieu, le Syded n'est pas davantage fondé à soutenir que la société Seli aurait manqué à son devoir de conseil lors des opérations de réception de l'ouvrage en ne lui proposant pas d'assortir cette réception de réserves en ce qui concerne les remontées d'eau, les réseaux de collecte de lixiviats ainsi que les fissures affectant le génie civil dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il était parfaitement informé de l'existence de ces désordres.
15. En troisième lieu, si, en application du principe rappelé au point 12, il appartient à un maître d'ouvrage délégué auquel est confiée une mission d'approbation du décompte, de s'assurer que ce document n'est pas entaché d'erreurs ou d'omissions qui ne devraient pas échapper à un professionnel, le Syded ne fait état d'aucune erreur ou omission et n'établit pas davantage en quoi le maître d'ouvrage délégué n'aurait pas accompli les diligences qu'il était en droit d'attendre de lui dans le cadre de sa mission en s'abstenant d'assortir le décompte général du marché de travaux d'éventuelles réserves qu'il n'incombait qu'au maître d'œuvre de prononcer.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle des sociétés Betec et Inddigo :
16. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte. Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.
17. Le décompte du marché de maîtrise d'œuvre afférent au lot n°1 a été notifié, sans réserve, à la société Inddigo, mandataire du groupement de maitrise d'œuvre, le 27 septembre 2011 et est devenu définitif faute d'avoir été contesté dans les délais contractuels. Par suite, la société Inddigo est fondée, en cette même qualité, à soutenir que le maître de l'ouvrage ne peut plus engager la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre, y compris en raison d'un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux de l'établissement du décompte général.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle des constructeurs :
18. Le Syded entend enfin rechercher la responsabilité contractuelle des autres constructeurs à raison des deux réserves apportées à la réception de l'ouvrage et qui n'ont pas été levées. Toutefois, ces conclusions ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier la portée alors, au demeurant, que la société Eiffage construction Limousin fait valoir que sa responsabilité contractuelle ne peut plus être recherchée par le maître de l'ouvrage dès lors que le décompte général du marché de travaux a été notifié, sans réserve, au mandataire du groupement conjoint composé des sociétés Greenpro et Eiffage construction le 26 mai 2010 et qu'il est devenu définitif après son acceptation par ce mandataire le 9 juin suivant.
19. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à la condamnation solidaire ou in solidum de la Seli, de Me Jenner, es qualité de mandataire liquidateur de la société Greenpro ainsi que des sociétés Eiffage construction Limousin, Socotec, Inddigo et Betec à lui verser la somme de 13 709 917,67 euros TTC, outre les dépens. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
20. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Syded, cinq sommes de 1 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance, respectivement, par Me Jenner ainsi que par les sociétés Eiffage construction Limousin, Socotec, Seli et Inddigo.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du Syded est rejetée.
Article 2 : Le Syded versera une première somme de mille euros à la société Eiffage, une seconde somme du même montant à la société Inddigo construction Limousin, une troisième somme du même montant à Me Jenner, une quatrième somme du même montant à la société Socotec et une cinquième somme du même montant à la société Seli sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat départemental pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés, à la Société d'équipement du Limousin, à Me Jenner, à la société Eiffage construction Limousin, à la société Socotec, à la société Inddigo et la société Betec.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022.
Le rapporteur,
Manuel A...
Le président,
Didier ArtusLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°20BX01654 2