CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 23/05/2022, 20MA01533, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie Fermière des Grands Bains a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune du Monêtier-les-Bains à lui verser la somme à parfaire de 551 390,11 euros hors taxes, outre la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur et les intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2016 pour les sommes dues au titre des biens de reprise et, en tant que de besoin, avant-dire droit, de désigner un expert à l'effet de se rendre sur les lieux, de se faire remettre tous documents utiles et de donner son avis sur la nature et la valorisation des biens et immobilisations en cause.

Par un jugement n° 1801281 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune du Monêtier-les-Bains à lui payer la somme de 28 776,41 euros toutes taxes comprises et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique et récapitulatif, enregistrés les 3 avril 2020 et 3 août 2021, la société Compagnie Fermière des Grands Bains, représentée par Me Antoine, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801281 rendu le 4 février 2020, en tant que le tribunal administratif de Marseille a partiellement rejeté sa requête ;


2°) de condamner en conséquence la commune du Monêtier-les-Bains à lui verser la somme de 424 993,20 euros toutes taxes comprises, soit 354 161 euros hors taxes, correspondant à la valeur non amortie des biens de reprise conservés et réutilisés à compter de la reprise en régie de l'exploitation du centre thermoludique, le 1er août 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Monêtier-les-Bains la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés les 7 juillet et 24 août 2021, la commune du Monêtier-les-Bains, représentée par Me Belenet, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de joindre les instances n° 20MA01190 et 20MA01533 pendantes devant la Cour ;

2°) d'annuler le jugement en tant qu'il prononce sa condamnation à payer à la société Compagnie Fermière des Grands Bains une somme de 28 776,41 euros toutes taxes comprises, correspondant au rachat des stocks draps de bains, badges ski data, gaz en cuve, boutique ;

3°) de condamner la société Compagnie Fermière des Grands Bains à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'en la condamnant, le tribunal a tiré les conséquences de son jugement n° 1700621, 1700622, 1701284 du 4 février 2020 prononçant l'annulation du titre exécutoire n° 56 ; or, par une requête enregistrée au greffe de la Cour de céans le 11 mars 2020 sous le n° 20MA01190, la commune a interjeté appel de ce dernier jugement en tant qu'il prononce l'annulation du titre exécutoire n° 56 émis par la commune le 27 décembre 2016.

Par un courrier recommandé du 25 août 2021 dont il a été accusé réception le 30 août 2021, la société Compagnie Fermière des Grands Bains a été invitée, en application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, à présenter un mémoire récapitulatif et a été informée de ce que, à défaut de cette production dans le délai d'un mois, elle serait réputée s'être désistée d'office.

Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2022, la société Compagnie Fermière des Grands Bains conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.

Elle soutient qu'il ne peut y avoir eu de désistement d'office, alors qu'elle avait présenté dès le 3 août 2021 un mémoire en réplique et récapitulatif.

Par ordonnance du 25 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er octobre 2021.

Par ordonnance du 4 mai 2022, l'instruction a été rouverte.

Le 5 mai 2022, un mémoire non communiqué a été enregistré pour la commune du Monêtier-les-Bains.

Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gilles Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. Renaud Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Chaussat représentant la société Compagnie Fermière des Grands Bains et de Me Lo-Casto représentant la commune du Monêtier-les-Bains.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention d'affermage conclue le 8 août 2017, la commune du Monêtier-les-Bains a confié à la société Compagnie Européenne des Bains, à laquelle s'est substituée, conformément aux termes du contrat, la société Compagnie Fermière des Grands Bains (CFGB), l'exploitation du centre thermoludique appelé " Les Grands Bains du Monêtier " dont elle est propriétaire, pour une durée de huit ans à compter de la prise d'effet du contrat reportée au 1er août 2008.

2. Au terme de la convention fixé au 1er août 2016, la commune du Monêtier-les-Bains a décidé de reprendre la gestion du centre thermoludique en régie directe et a émis, à l'encontre de son délégataire, un premier titre de recettes n° 53 du 9 novembre 2016 d'un montant de 168 193,14 euros correspondant aux sommes dues par ce dernier au titre, d'une part, des droits acquis avant le terme du contrat par le personnel transféré à la commune au titre des congés payés et des heures supplémentaires et, d'autre part, des abonnements, bons cadeaux et cartes vendus avant le terme du contrat et restant à consommer par les clients, somme totale ramenée, selon les termes du courrier du 26 décembre 2016 joint à ce titre, à 134 946,66 euros après compensation avec les sommes correspondant à la reprise par la commune du stock de gaz, de serviettes, des badges et du stock de la boutique. Par un deuxième titre n° 2 émis le 21 novembre 2016, la commune a procédé au retrait de ce premier titre de recettes, en raison d'une erreur commise sur le montant de la créance.

3. Par un troisième titre exécutoire n° 56 du 27 décembre 2016, la commune a mis à la charge de la société Compagnie Européenne des Bains une somme de 159 308,73 euros.

4. La commune du Monêtier-les-Bains ayant relevé appel du jugement n° 1700621, 1700622, 1701284 rendu le 4 février 2020, en tant que le tribunal administratif de Marseille a annulé le titre exécutoire n° 56 et déchargé la société Compagnie Fermière des Grands Bains de l'obligation de lui payer la somme de 159 308,73 euros, la cour administrative d'appel de Marseille a, par arrêt n° 20MA01190 du 25 avril 2022, annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance de la société Compagnie Européenne des Bains comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

5. Préalablement à l'échéance de la convention fixée au 1er août 2016 et à la reprise de l'activité en régie par la commune, plusieurs échanges de courriers ont eu lieu entre les parties en ce qui concerne les modalités de transfert des biens et des contrats à l'expiration du contrat d'affermage. Par courrier du 12 octobre 2017, la société Compagnie Fermière des Grands Bains a sollicité en vain de la commune du Monêtier-les-Bains le règlement de la somme de 579 098,28 euros hors taxes, soit 694 917,94 euros toutes taxes comprises, au titre du règlement des comptes de la fin de la délégation de service public.

6. La société Compagnie Européenne des Bains ayant demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de condamner la commune du Monêtier-les-Bains à lui verser une indemnité de 551 390,11 euros hors taxes, outre la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur, elle relève appel du jugement n° 1801281 du 4 février 2020, en tant que le tribunal administratif de Marseille a partiellement rejeté sa requête. La commune du Monêtier-les-Bains relève appel incident de ce jugement en tant que le tribunal l'a condamnée à payer à la société Compagnie Fermière des Grands Bains une somme de 28 776,41 euros toutes taxes comprises, correspondant au rachat des stocks draps de bains, badges ski data, gaz en cuve, boutique.

Sur l'appel principal de la société Compagnie Fermière des Grands Bains :

7. Aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement... peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés... / Le président de la formation de jugement... peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. ".

8. La société Compagnie Fermière des Grands Bains a été, en application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, invitée par un courrier recommandé du 25 août 2021 dont il a été accusé réception le 30 août 2021 à présenter un mémoire récapitulatif et a été informée de ce que, à défaut de cette production dans le délai d'un mois, elle serait réputée s'être désistée d'office. Toutefois, dès le 3 août 2021, cette société avait enregistré un mémoire en réplique et récapitulatif. Elle doit donc être regardée comme ne s'étant pas désistée de sa requête d'appel. Il n'y a pas lieu, en conséquence, pour la Cour de donner acte de son désistement d'office.

9. Aux termes de l'article 4 du contrat d'affermage : " ... Si la réalisation des travaux nécessaires ne relève pas de sa compétence, en application des articles 17 et 19 du présent contrat, il devra dans les meilleurs délais, et en tout état de cause dans un délai de 15 jours, informer l'autorité délégante des travaux qu'il estime nécessaire d'exécuter... ". Aux termes de l'article 19.2.1 du même contrat : " Catégorie 1 : opération de maintenance simples... Ces interventions relèvent de la responsabilité exclusive du délégataire... ". Aux termes de l'article 19.2.2 : " Catégorie 2 : opération de maintenance de complexité moyenne. Cette catégorie comprend les interventions de niveau 4 de la norme. S'agissant du " process " tel que défini à l'article 19.1, ces interventions relèvent de la responsabilité exclusive du délégataire. /S'agissant de l'ensemble des bâtiments compris dans le périmètre délégué, ces interventions relèvent de la responsabilité de l'autorité délégante sauf dans l'hypothèse où l'intervention serait rendue nécessaire du fait d'un défaut d'entretien ou de réparation relevant de la responsabilité du délégataire. ". Aux termes de l'article 19.2.3 : " Catégorie 3 : Opération de maintenance majeure. Cette catégorie comprend les interventions du niveau 5 de la norme... Il s'agit des interventions de grosses réparations dues à l'usure normale du matériel ou en remplacement du matériel devenu obsolète. Ces interventions sont à la charge du délégataire si le montant des travaux est inférieur à 500 euros HT (sur production au moins de deux devis justificatifs), et à la charge de l'autorité délégante si le montant est supérieur à 500 euros... ". Aux termes de l'article 20 : " ... Sous réserve de ce qui précède, des améliorations ou modifications de la consistance des biens mobiliers ou immobiliers mis à disposition du délégataire ne peuvent en toute hypothèse être faites qu'avec l'accord exprès et préalable du délégant. Ces modifications deviennent immédiatement la propriété du délégant. En cas d'amélioration, le délégataire aura droit en fin de contrat, à l'allocation par l'autorité délégante d'une indemnité compensatrice correspondant à la valeur comptable résiduelle desdites améliorations... ".

10. Aux termes de l'article 44.1 du contrat d'affermage conclu entre la société Compagnie Fermière des Grands Bains et la commune du Monêtier-les-Bains : " Les biens susceptibles d'être utilisés par le délégataire dans le cadre de la présente délégation peuvent revêtir des caractéristiques juridiques différentes selon qu'ils font partie de l'une des rois catégories suivantes : biens de retours, biens de reprise, biens propres. La répartition entre ces trois catégories... est précisée dans l'inventaire dressé contradictoirement entre les parties ". Aux termes de l'article 44.2 du contrat : " Biens de reprise. Sous réserve de la validation préalable par l'autorité délégante des acquisitions réalisées par le délégataire (inscription à l'inventaire B), l'autorité délégante exercera sur les biens utiles au service, un droit de reprise qui lui en confère la propriété. 44.2.1. L'autorité délégante exerce sur les biens utiles à l'exploitation du service public, un droit de reprise moyennant le versement d'une indemnité au délégataire. 44.2.2. Le montant de l'indemnité est égal au montant de la valeur nette comptable. Elle sera versée au délégataire dans les 90 jours calendaires suivant la reprise de ces biens par l'autorité délégante. A défaut, son montant portera intérêt à compter de cette échéance au taux de l'intérêt légal en vigueur. Le transfert de propriété sera notifié à la date du paiement de l'indemnité par l'autorité délégante ; le non-paiement de l'indemnité étant suspensif du transfert de la propriété ". Aux termes de l'article 44.1 du contrat : " Biens de retour. Ces biens indispensables au service appartiennent dès l'origine à l'autorité délégante qui en recouvre automatiquement la possession à la fin du contrat d'affermage... 44.1.3. L'autorité délégante n'est tenue de verser aucune indemnité d'aucune sorte au délégataire lors du retour de ces biens et équipements d'exploitation. 44.1.4. Les améliorations apportées par le délégataire, avec l'accord exprès et préalable de l'autorité délégante, à ces biens de retour, sont également remises à l'autorité délégante moyennant, si ces biens ne sont pas amortis, une indemnité correspondant à leurs valeurs nettes résiduelles. Cette indemnité est payée au plus tard dans un délai de 90 jours calendaires suivant la remise ". Aux termes de son article 44.3 : " Bien propres. Tous les autres biens, non visés aux articles précédents et qui ne sont pas strictement nécessaires à l'exploitation du centre thermoludique sont considérés comme biens propres ".


11. Aux termes de l'article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur : " Le délégataire produit chaque année avant le 1er juin à l'autorité délégante un rapport comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l'exécution de la délégation de service public et une analyse de la qualité de service. Ce rapport est assorti d'une annexe permettant à l'autorité délégante d'apprécier les conditions d'exécution du service public ". Aux termes de l'article R. 1411-7 du même code en vigueur : " Le rapport mentionné à l'article L. 1411-3 tient compte des spécificités du secteur d'activité concerné, respecte les principes comptables d'indépendance des exercices et de permanence des méthodes retenues pour l'élaboration de chacune de ses parties, tout en permettant la comparaison entre l'année en cours et la précédente. Toutes les pièces justificatives des éléments de ce rapport sont tenues par le délégataire à la disposition du délégant dans le cadre de son droit de contrôle. / Ce rapport comprend : / I. - Les données comptables suivantes : / ... c) Un état des variations du patrimoine immobilier intervenues dans le cadre du contrat ; / d) Un compte rendu de la situation des biens et immobilisations nécessaires à l'exploitation du service public délégué, comportant notamment une description des biens et le cas échéant le programme d'investissement, y compris au regard des normes environnementales et de sécurité ; / e) Un état du suivi du programme contractuel d'investissements en premier établissement et du renouvellement des biens et immobilisations nécessaires à l'exploitation du service public délégué ainsi qu'une présentation de la méthode de calcul de la charge économique imputée au compte annuel de résultat d'exploitation de la délégation ; / f) Un état des autres dépenses de renouvellement réalisées dans l'année conformément aux obligations contractuelles ; / g) Un inventaire des biens désignés au contrat comme biens de retour et de reprise du service délégué ; /... Dès la communication de ce rapport, son examen est mis à l'ordre du jour de la plus prochaine réunion de l'assemblée délibérante qui en prend acte ". En application de ces dispositions, le délégataire est tenu de produire chaque année un rapport d'activité et de le remettre à l'autorité délégante. Ce rapport comporte en annexe des documents et informations dont notamment un inventaire des biens désignés au contrat comme biens de retour et de reprise du service délégué.



12. En l'espèce, le dernier rapport annuel d'activité concerne l'année 2016 et a été adressé le 15 mai 2017 à la commune du Monêtier-les-Bains qui en a accusé réception par courrier du 24 mai 2017. Par deux courriers datés des 13 juillet et 28 juillet 2016, la société Compagnie Fermière des Grands Bains a interrogé la commune sur l'éventuelle intention de la collectivité d'acquérir, à compter de la reprise en régie de l'exploitation du centre thermoludique, les stocks de produits en sa possession ; en réponse, la commune du Monêtier-les-Bains a, par courrier du 29 juillet 2016, indiqué au délégataire sa position s'agissant du sort à réserver aux biens de reprise (hors stocks de produits) présents dans le centre thermoludique et utilisés pour son bon fonctionnement, manifestant clairement son intention de récupérer la quasi-intégralité des biens de reprise présents dans le centre thermoludique, en vue de leur réutilisation à compter du 1er août 2016, en précisant que l'indemnisation du délégataire serait assurée à l'égard des biens en bon état de fonctionnement, et sur la base de la règle d'amortissement qu'il convient de leur appliquer ; par courrier LRAR du 12 octobre 2017, la société appelante a adressé une demande indemnitaire préalable à la commune.



13. La société requérante demande le paiement d'une indemnité d'un montant de 424 993,20 euros toutes taxes comprises, soit 354 161 euros hors taxes, correspondant à des biens relevant de la catégorie des biens de reprise. La société requérante, qui n'a pas donné suite à l'invitation de la commune du Monêtier-les-Bains de procéder à un inventaire contradictoire, produit à l'appui de sa demande une liste de biens et de travaux sous forme de tableau comportant notamment la désignation de chaque bien, sa date d'entrée et de sortie, sa durée et sa base d'amortissement et sa valeur nette comptable, accompagnée de factures d'acquisition.



14. La commune du Monêtier-les-Bains conteste le transfert et le caractère indemnisable de ces biens, leur existence, leur nature, leur état de fonctionnement et leur valeur nette comptable. Elle conclut également que nombre des investissements mobiliers listés par la requérante étaient en réalité à la charge exclusive du délégataire et devaient être amortis sur la durée du contrat, de sorte que ce dernier ne peut, selon elle, valablement solliciter aucune indemnisation les concernant, qu'à défaut d'inventaire contradictoire, la production de justificatifs comptables ne permet pas de démontrer que le transfert des mobiliers en question à la commune à l'expiration de la période d'affermage a bien eu lieu et que ces derniers n'ont pas été conservés par la société appelante, que les tableaux produits mélangent, de manière injustifiée, des biens mobiliers, dont certains constituent des investissements de premier établissement des travaux de maintenance et/ou d'amélioration réalisés sur des biens de retour et que certains postes figurant sur la liste sur laquelle la société appelante fonde sa demande et certains justificatifs produits à l'appui de cette liste se rattachent manifestement à des opérations de maintenance, tel l'achat de matériel ou travaux, tandis que d'autres postes et justificatifs correspondent à l'évidence à des travaux d'amélioration.



15. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de désigner un expert en vue de déterminer la liste des biens de reprise effectivement transférés à la commune et nécessaires au service public, et d'évaluer leur valeur et le montant de la somme due à ce titre par la commune du Monêtier-les-Bains à la société Compagnie Fermière des Grands Bains.


Sur l'appel incident de la commune du Monêtier-les-Bains :


16. Par jugement n° 1801281 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune du Monêtier-les-Bains à payer à la société Compagnie Fermière des Grands Bains la somme de 28 776,41 euros toutes taxes comprises, représentant la valeur des stocks de draps de bains, de badges ski data, de gaz en cuve et le stock boutique, consécutivement à l'annulation par jugement n° 1700621, 1700622 et 1701284 qu'il a rendu le même jour, du titre exécutoire n° 56 émis le 27 décembre 2016. La commune, qui n'a jamais contesté devoir ces sommes à la société Compagnie Fermière des Grands Bains, a seulement effectué une compensation entre ces sommes et les sommes dont elle estimait qu'elles lui étaient dues par la compagnie, et dont le reste à payer a ainsi fait l'objet d'un titre de recettes n° 56 émis le 27 décembre 2016. Le tribunal administratif de Marseille a estimé que cette somme devait être mise à la charge de la commune, compte tenu de l'annulation du titre exécutoire par le jugement n° 1700621, 1700622, 1701284 du 4 février 2020. Or, par arrêt n° 20MA01190 du 25 avril 2022, la Cour de céans a annulé ce jugement pour irrégularité, en estimant que le litige ressortissait à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Par suite, la commune du Monêtier-les-Bains est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à payer une somme qu'elle reconnaît devoir à la société Compagnie Fermière des Grands Bains, et qui est justement venue minorer une dette de la société qui est constatée par un titre exécutoire. Elle est en conséquence fondée à demander sur ce point l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille.



D É C I D E :



Article 1er : Le jugement n° 1801281 rendu le 4 février 2020 par le tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions indemnitaires de la société Compagnie Fermière des Grands Bains relatives aux biens de reprise transmis à la commune du Monêtier-les-Bains, procédé à une expertise contradictoire en présence de ladite société et de ladite commune, avec mission :
- de se faire communiquer toute pièce complémentaire nécessaire à l'exercice de sa mission ;
- de dresser la liste des biens de reprise utiles au service repris par la commune du Monêtier-les-Bains, figurant notamment parmi ceux énumérés au tableau produit en pièce n° 9 par la société Compagnie Européenne des Bains et qui étaient la propriété de ladite société ;
- d'évaluer la valeur non amortie de ces biens à la date du 31 juillet 2016 ;
- d'évaluer, le cas échéant, la plus-value qui aurait résulté du retour de biens dans le patrimoine de la commune au 31 juillet 2016.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie Fermière des Grands Bains et à la commune du Monêtier-les-Bains.


Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2022.
N° 20MA01533 2



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