CAA de PARIS, 6ème chambre, 19/04/2022, 21PA02241, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :


Mme B... C... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet de la
Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler A... titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.


Par un jugement n° 2003118 du 26 mars 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :


Par une requête, enregistrée le 26 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Boitel, demande à la Cour :


1°) d'annuler ce jugement du 26 mars 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;


2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 14 novembre 2019 ;


3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de renouveler A... titre de séjour mention " salarié " ou de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;


4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser soit à Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, soit à Me Boitel en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché de défaut de motivation ;
- le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle justifie de dix ans de présence en France ;
- l'arrêté attaqué est entaché de défaut de loyauté, l'administration devant l'informer de la possibilité de non renouvellement de titre salarié pour qu'elle puisse le cas échéant formuler une demande sur un autre fondement ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait en ce qui concerne la réalisation du contrôle médical et à la présentation du contrat de travail visé par les autorités compétentes ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.


La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.


Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,
- et les observations de Me Boitel pour Mme C....


Considérant ce qui suit :


1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 4 avril 1975, a sollicité le 4 décembre 2018 le renouvellement de sa carte de séjour temporaire en qualité de salariée. Par un arrêté en date du 14 novembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler A... titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 26 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.


Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :


2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de A... domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".


3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui fait valoir qu'elle est entrée en France en 2001, justifie d'une résidence habituelle en France au moins depuis l'année 2012, dont pour une partie en situation régulière en qualité de salariée, ayant bénéficié d'un titre de séjour en qualité de salariée à compter de juillet 2015. Elle a, en effet, travaillé comme aide à domicile pour les personnes âgées au cours des mois de juin à décembre 2013, au cours des mois de janvier à mai et décembre 2014, puis à compter du mois de janvier 2015 jusqu'au mois de juin 2016, date à laquelle elle a bénéficié d'un congé de maternité, avant de devoir suspendre A... activité professionnelle pour élever A... fils. A... père, A... frère et ses deux sœurs sont titulaires de cartes de résident, sa mère étant décédée. Elle est donc dépourvue d'attaches familiales dans A... pays d'origine. Comme il a été dit, la requérante est mère d'un enfant né en 2016, scolarisé et suivi médicalement en France, alors qu'elle est divorcée du père de l'enfant, de nationalité égyptienne, reparti en Egypte et qu'elle est elle-même de nationalité marocaine. Quand bien même A... activité professionnelle n'est pas continue, elle témoigne d'une insertion professionnelle significative et n'a jamais constitué une menace pour l'ordre public. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme C... est fondée à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêté litigieux.


4. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.


Sur les conclusions à fin d'injonction


5. Le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation retenu, implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " à la requérante. Il y a donc lieu, en vertu de l'article L.911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un tel titre de séjour à Mme C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761 -1 du code de justice administrative :


6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2003118 du 26 mars 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine Saint Denis du 14 novembre 2019 pris à l'encontre de Mme C... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " à Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme C... au titre de l'article L 761 -1 du code de justice administrative .
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 avril 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02241



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