CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 21/03/2022, 21MA04247, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 21/03/2022, 21MA04247, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 5ème chambre
- N° 21MA04247
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
21 mars 2022
- Président
- M. BOCQUET
- Rapporteur
- Mme Claire BALARESQUE
- Avocat(s)
- SCP MARGALL. D'ALBENAS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... et l'entreprise unipersonnelle (EURL) MCV ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 7 décembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Martin-de-Londres a décidé de mettre fin au bail consenti à M. A... portant sur un bâtiment situé 71 rue des Sapeurs à Saint-Martin-de-Londres et, d'autre part, de juger que la commune de Saint-Martin-de-Londres a commis une faute de nature à engager sa responsabilité " en laissant croire à M. A..., gérant de l'entreprise MCV, que le bail était de nature commerciale ". Par un jugement n° 1605711 du 9 avril 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 18MA02642 du 19 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A... et de l'entreprise MCV, annulé ce jugement et, statuant par voie de l'évocation, a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par une décision n° 443040 du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 19 juin 2020 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour après cassation :
Par un mémoire, enregistré le 17 novembre 2021, M. B... A... et l'EURL MCV, représentés par Me de Aranjo, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Martin-de-Londres a décidé de mettre fin au bail consenti à M. A... portant sur un bâtiment situé 71 rue des Sapeurs à Saint-Martin-de-Londres ;
3°) de juger que la commune de Saint-Martin-de-Londres a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de signer avec M. A... une convention d'occupation du domaine public ou un bail commercial ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Londres la somme de 2 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le local en cause appartient au domaine privé de la commune ; il appartient au département de produire l'acte de déclassement de ce local, pris préalablement à sa vente à la commune ;
- l'article 72 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 autorise désormais la constitution d'un fonds de commerce sur le domaine public ;
- le contrat conclu avec la commune constitue un bail commercial et n'est pas précaire ;
- à titre subsidiaire, la commune a commis une faute en ne signant pas une convention d'occupation du domaine public ;
- le motif de la résiliation est infondé dès lors que le projet de constitution d'une bibliothèque a été abandonné.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 et 25 novembre 2021, la commune de Saint-Martin de Londres, représentée par Me Margall de la SCP Margall-d'Albenas, demande à la Cour de rejeter la requête de M. A... et de l'entreprise MCV et de mettre à leur charge solidaire la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de ce que l'article 72 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 autorise la constitution d'un fonds de commerce sur le domaine public constitue une demande nouvelle irrecevable ;
- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur la qualification de bail commercial ;
- les moyens soulevés par M. A... et l'EURL MCV ne sont pas fondés ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le vice d'une particulière gravité affectant le contrat conclu entre la commune de Saint-Martin-de-Londres et M. A..., en ce qu'il porte sur la mise à la disposition à titre onéreux par la commune de biens qui n'ont pas cessé d'appartenir au domaine public du département de l'Hérault.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Balaresque,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;
- et les observations de Me d'Audigier, représentant la commune de Saint-Martin-de-Londres.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Saint-Martin-de-Londres a conclu le 31 août 2011 avec M. A..., artisan menuisier, un bail " de locaux d'exploitation " portant sur la location d'un hangar situé sur les parcelles cadastrées B n° 459 et 551 au 71 rue des Sapeurs pour la période allant du 1er octobre 2011 au 1er décembre 2012, renouvelable par tacite reconduction et moyennant le versement d'un loyer mensuel de 600 euros. Par une décision du 7 décembre 2015, le maire de Saint-Martin-de-Londres a décidé de mettre fin à ce bail. Par un jugement du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... et de l'EURL MCV tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 19 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A... et de l'entreprise MCV, annulé ce jugement et rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Par une décision du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 19 juin 2020 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques dont la partie législative est issue de l'ordonnance du 21 avril 2006 : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Aux termes de l'article L. 3111-1 du même code : " Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles. ". Aux termes de l'article L. 2141-1 du même code : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ".
3. Avant l'entrée en vigueur de la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, intervenue, en vertu des dispositions précitées, le 1er juillet 2006, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition qu'il ait été affecté à un service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1 qui exige, pour qu'un bien affecté au service public constitue une dépendance du domaine public, que ce bien fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public.
4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'acquisition de la parcelle et du hangar en litige en 1981 par le département de l'Hérault, ceux-ci ont été affectés à la prévention et la lutte contre les feux de forêts, qui constituent des missions relevant d'un service public complémentaire à celui des pompiers, et que le hangar a fait l'objet d'un aménagement spécial à cette fin. Ces biens immobiliers, affectés à un service public et ayant fait l'objet d'un aménagement spécial à cet effet, sont dès lors entrés dans le domaine public départemental. Il ne résulte pas de l'instruction que le département de l'Hérault ait pris une décision expresse de déclassement préalable à la vente de ces biens à la commune de Saint-Martin-de-Londres, par acte notarié des 9 et 10 décembre 1998. Dès lors, en vertu des principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité des biens des personnes publiques qui relèvent du domaine public, l'appartenance de ces biens au domaine public départemental n'a pas cessé.
5. Aux termes de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; (...) ".
6. Le litige opposant M. A... et l'entreprise unipersonnelle (EURL) MCV à la commune de Saint-Martin-de-Londres, qui a trait à la mesure de résiliation d'un contrat relatif à l'occupation de biens immobiliers appartenant au domaine public, relève dès lors de la compétence du juge administratif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. La demande de M. A... et de l'EURL MCV doit être regardée, à titre principal, comme contestant la validité de la résiliation du bail conclu le 31 août 2011 et tendant à la reprise des relations contractuelles.
8. Il incombe en principe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, de rechercher si cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé et, dans cette hypothèse, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Toutefois, dans le cas où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, qui le conduirait, s'il était saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat, à prononcer, après avoir vérifié que sa décision ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation, il doit, quels que soient les vices dont la mesure de résiliation est, le cas échéant, entachée, rejeter les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles.
9. En l'espèce, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que les locaux qui ont fait l'objet du bail conclu le 31 août 2011 entre la commune de Saint-Martin-de-Londres et M. A... appartenaient toujours à cette date, en l'absence de décision de déclassement, au domaine public du département de l'Hérault. Eu égard à la particulière gravité du vice entachant le contrat conclu entre M. A... et la commune, qui n'était pas légalement propriétaire des locaux objets du bail et ne pouvait dès lors conclure un tel contrat, et en l'absence de tout motif d'intérêt général s'opposant à la résiliation de ce contrat, les conclusions présentées par M. A... et l'EURL MCV et tendant à la reprise des relations contractuelles ne peuvent qu'être rejetées.
10. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, en l'absence de tout élément de nature à établir le préjudice qui résulterait pour les requérants de la décision de résiliation contestée, leurs conclusions indemnitaires, au demeurant non chiffrées, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la reprise des relations contractuelles ainsi que leur demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Londres qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... et l'EURL MCV demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Martin-de-Londres tendant à l'application des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et de l'EURL MCV est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Martin-de-Londres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MCV et à la commune de Saint-Martin-de-Londres.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 février 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.
2
No 21MA04247
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... et l'entreprise unipersonnelle (EURL) MCV ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 7 décembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Martin-de-Londres a décidé de mettre fin au bail consenti à M. A... portant sur un bâtiment situé 71 rue des Sapeurs à Saint-Martin-de-Londres et, d'autre part, de juger que la commune de Saint-Martin-de-Londres a commis une faute de nature à engager sa responsabilité " en laissant croire à M. A..., gérant de l'entreprise MCV, que le bail était de nature commerciale ". Par un jugement n° 1605711 du 9 avril 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 18MA02642 du 19 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A... et de l'entreprise MCV, annulé ce jugement et, statuant par voie de l'évocation, a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par une décision n° 443040 du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 19 juin 2020 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour après cassation :
Par un mémoire, enregistré le 17 novembre 2021, M. B... A... et l'EURL MCV, représentés par Me de Aranjo, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Martin-de-Londres a décidé de mettre fin au bail consenti à M. A... portant sur un bâtiment situé 71 rue des Sapeurs à Saint-Martin-de-Londres ;
3°) de juger que la commune de Saint-Martin-de-Londres a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de signer avec M. A... une convention d'occupation du domaine public ou un bail commercial ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Londres la somme de 2 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le local en cause appartient au domaine privé de la commune ; il appartient au département de produire l'acte de déclassement de ce local, pris préalablement à sa vente à la commune ;
- l'article 72 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 autorise désormais la constitution d'un fonds de commerce sur le domaine public ;
- le contrat conclu avec la commune constitue un bail commercial et n'est pas précaire ;
- à titre subsidiaire, la commune a commis une faute en ne signant pas une convention d'occupation du domaine public ;
- le motif de la résiliation est infondé dès lors que le projet de constitution d'une bibliothèque a été abandonné.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 et 25 novembre 2021, la commune de Saint-Martin de Londres, représentée par Me Margall de la SCP Margall-d'Albenas, demande à la Cour de rejeter la requête de M. A... et de l'entreprise MCV et de mettre à leur charge solidaire la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de ce que l'article 72 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 autorise la constitution d'un fonds de commerce sur le domaine public constitue une demande nouvelle irrecevable ;
- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur la qualification de bail commercial ;
- les moyens soulevés par M. A... et l'EURL MCV ne sont pas fondés ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le vice d'une particulière gravité affectant le contrat conclu entre la commune de Saint-Martin-de-Londres et M. A..., en ce qu'il porte sur la mise à la disposition à titre onéreux par la commune de biens qui n'ont pas cessé d'appartenir au domaine public du département de l'Hérault.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Balaresque,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;
- et les observations de Me d'Audigier, représentant la commune de Saint-Martin-de-Londres.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Saint-Martin-de-Londres a conclu le 31 août 2011 avec M. A..., artisan menuisier, un bail " de locaux d'exploitation " portant sur la location d'un hangar situé sur les parcelles cadastrées B n° 459 et 551 au 71 rue des Sapeurs pour la période allant du 1er octobre 2011 au 1er décembre 2012, renouvelable par tacite reconduction et moyennant le versement d'un loyer mensuel de 600 euros. Par une décision du 7 décembre 2015, le maire de Saint-Martin-de-Londres a décidé de mettre fin à ce bail. Par un jugement du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... et de l'EURL MCV tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 19 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A... et de l'entreprise MCV, annulé ce jugement et rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Par une décision du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 19 juin 2020 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques dont la partie législative est issue de l'ordonnance du 21 avril 2006 : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Aux termes de l'article L. 3111-1 du même code : " Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles. ". Aux termes de l'article L. 2141-1 du même code : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ".
3. Avant l'entrée en vigueur de la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, intervenue, en vertu des dispositions précitées, le 1er juillet 2006, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition qu'il ait été affecté à un service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1 qui exige, pour qu'un bien affecté au service public constitue une dépendance du domaine public, que ce bien fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public.
4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'acquisition de la parcelle et du hangar en litige en 1981 par le département de l'Hérault, ceux-ci ont été affectés à la prévention et la lutte contre les feux de forêts, qui constituent des missions relevant d'un service public complémentaire à celui des pompiers, et que le hangar a fait l'objet d'un aménagement spécial à cette fin. Ces biens immobiliers, affectés à un service public et ayant fait l'objet d'un aménagement spécial à cet effet, sont dès lors entrés dans le domaine public départemental. Il ne résulte pas de l'instruction que le département de l'Hérault ait pris une décision expresse de déclassement préalable à la vente de ces biens à la commune de Saint-Martin-de-Londres, par acte notarié des 9 et 10 décembre 1998. Dès lors, en vertu des principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité des biens des personnes publiques qui relèvent du domaine public, l'appartenance de ces biens au domaine public départemental n'a pas cessé.
5. Aux termes de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; (...) ".
6. Le litige opposant M. A... et l'entreprise unipersonnelle (EURL) MCV à la commune de Saint-Martin-de-Londres, qui a trait à la mesure de résiliation d'un contrat relatif à l'occupation de biens immobiliers appartenant au domaine public, relève dès lors de la compétence du juge administratif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. La demande de M. A... et de l'EURL MCV doit être regardée, à titre principal, comme contestant la validité de la résiliation du bail conclu le 31 août 2011 et tendant à la reprise des relations contractuelles.
8. Il incombe en principe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, de rechercher si cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé et, dans cette hypothèse, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Toutefois, dans le cas où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, qui le conduirait, s'il était saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat, à prononcer, après avoir vérifié que sa décision ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation, il doit, quels que soient les vices dont la mesure de résiliation est, le cas échéant, entachée, rejeter les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles.
9. En l'espèce, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que les locaux qui ont fait l'objet du bail conclu le 31 août 2011 entre la commune de Saint-Martin-de-Londres et M. A... appartenaient toujours à cette date, en l'absence de décision de déclassement, au domaine public du département de l'Hérault. Eu égard à la particulière gravité du vice entachant le contrat conclu entre M. A... et la commune, qui n'était pas légalement propriétaire des locaux objets du bail et ne pouvait dès lors conclure un tel contrat, et en l'absence de tout motif d'intérêt général s'opposant à la résiliation de ce contrat, les conclusions présentées par M. A... et l'EURL MCV et tendant à la reprise des relations contractuelles ne peuvent qu'être rejetées.
10. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, en l'absence de tout élément de nature à établir le préjudice qui résulterait pour les requérants de la décision de résiliation contestée, leurs conclusions indemnitaires, au demeurant non chiffrées, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la reprise des relations contractuelles ainsi que leur demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Londres qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... et l'EURL MCV demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Martin-de-Londres tendant à l'application des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et de l'EURL MCV est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Martin-de-Londres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MCV et à la commune de Saint-Martin-de-Londres.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 février 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.
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No 21MA04247