CAA de NANCY, 3ème chambre, 08/03/2022, 21NC01095, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, 3ème chambre, 08/03/2022, 21NC01095, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY - 3ème chambre
- N° 21NC01095
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
08 mars 2022
- Président
- Mme la Pdte. SAMSON-DYE
- Rapporteur
- M. Swann MARCHAL
- Avocat(s)
- GAFFURI
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2002614 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 avril 2021, M. A..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 du préfet de l'Aube ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car les premiers juges n'ont pas répondu de manière suffisamment motivée au moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux.
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 5 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marchal a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 12 octobre 2002, est entré irrégulièrement en France le 13 juin 2017 selon ses déclarations. Le 6 février 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2°bis de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 novembre 2020, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. A... fait appel du jugement du 9 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
3. Les dispositions citées au point précédent posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. En outre, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.
5. Pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 2°bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Aube a retenu que ce dernier n'était pas en mesure de justifier de son identité et de son âge en raison de ce que, d'une part, un rapport d'expertise médico-légale, réalisé le 5 octobre 2017, a conclu à la majorité de M. A... et de ce que, d'autre part, les éléments versés pour justifier de son âge et de son identité sont irréguliers et ne pouvaient être pris en compte. Il ressort des pièces du dossier que pour justifier de son âge et de son identité, M. A... a produit devant le préfet un extrait d'acte de naissance, la copie intégrale de son état civil et un passeport. Or, dans un rapport du 8 octobre 2020, la direction zonale de la police aux frontières de l'Est conclut que la copie intégrale du registre d'état civil présente plusieurs irrégularités typographiques, des fautes d'orthographes et présente un code-barres d'identification dont les indications ne sont pas cohérentes avec le reste de la pièce. L'extrait de registre d'état civil présenté comme un acte de naissance, qui a été établi à quelques jours d'intervalle de la copie intégrale du registre d'état civil par le même agent, ne contient pas, pour sa part, les mentions exigées par la loi ivoirienne pour un acte de naissance et ne porte pas les garanties de sécurité suffisante pour assurer son authenticité. Pour autant, alors que la direction zonale de la police aux frontières de l'Est n'a relevé aucun élément permettant de conclure que le passeport fourni par M. A... était frauduleux, M. A... verse au dossier une attestation d'identification consulaire, un certificat de nationalité ivoirienne et, enfin, un extrait d'acte d'état civil daté de 2017 et donc antérieur aux pièces initialement produites au soutien de sa demande devant le préfet. Ces pièces, en particulier l'extrait d'acte d'état civil, confirment les indications fournies par M. A... quant à son âge et son identité. Le préfet ne soutient pas que ces documents, en particulier cet extrait d'acte de naissance, seraient frauduleux ou falsifiés, ce qui ne ressort pas non plus, de manière manifeste, des critiques articulées dans le rapport du 8 octobre 2020 ou, en toute hypothèse, de la simple lecture de ces actes. Ces actes doivent, dès lors que leur caractère frauduleux, falsifié ou non conforme à la réalité n'est pas établi, être regardés, en l'état, comme établissant que M. A... a bien justifié de son identité et de son âge. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision portant refus de délivrance de titre de séjour doit par suite être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique cependant pas que l'administration prenne une décision dans un sens déterminé, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé et dès lors que le préfet pourrait saisir les services de l'Etat pour s'assurer du caractère authentique des éléments versés par M. A... au cours de l'instance, ce qui le cas échéant constituerait une circonstance nouvelle susceptible de justifier l'adoption d'une décision de refus. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de l'Aube de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gaffuri, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gaffuri de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2002614 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 30 novembre 2020 du préfet de l'Aube sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gaffuri, avocat de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gaffuri renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
2
N° 21NC01095
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2002614 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 avril 2021, M. A..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 du préfet de l'Aube ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car les premiers juges n'ont pas répondu de manière suffisamment motivée au moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux.
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 5 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marchal a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 12 octobre 2002, est entré irrégulièrement en France le 13 juin 2017 selon ses déclarations. Le 6 février 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2°bis de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 novembre 2020, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. A... fait appel du jugement du 9 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
3. Les dispositions citées au point précédent posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. En outre, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.
5. Pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 2°bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Aube a retenu que ce dernier n'était pas en mesure de justifier de son identité et de son âge en raison de ce que, d'une part, un rapport d'expertise médico-légale, réalisé le 5 octobre 2017, a conclu à la majorité de M. A... et de ce que, d'autre part, les éléments versés pour justifier de son âge et de son identité sont irréguliers et ne pouvaient être pris en compte. Il ressort des pièces du dossier que pour justifier de son âge et de son identité, M. A... a produit devant le préfet un extrait d'acte de naissance, la copie intégrale de son état civil et un passeport. Or, dans un rapport du 8 octobre 2020, la direction zonale de la police aux frontières de l'Est conclut que la copie intégrale du registre d'état civil présente plusieurs irrégularités typographiques, des fautes d'orthographes et présente un code-barres d'identification dont les indications ne sont pas cohérentes avec le reste de la pièce. L'extrait de registre d'état civil présenté comme un acte de naissance, qui a été établi à quelques jours d'intervalle de la copie intégrale du registre d'état civil par le même agent, ne contient pas, pour sa part, les mentions exigées par la loi ivoirienne pour un acte de naissance et ne porte pas les garanties de sécurité suffisante pour assurer son authenticité. Pour autant, alors que la direction zonale de la police aux frontières de l'Est n'a relevé aucun élément permettant de conclure que le passeport fourni par M. A... était frauduleux, M. A... verse au dossier une attestation d'identification consulaire, un certificat de nationalité ivoirienne et, enfin, un extrait d'acte d'état civil daté de 2017 et donc antérieur aux pièces initialement produites au soutien de sa demande devant le préfet. Ces pièces, en particulier l'extrait d'acte d'état civil, confirment les indications fournies par M. A... quant à son âge et son identité. Le préfet ne soutient pas que ces documents, en particulier cet extrait d'acte de naissance, seraient frauduleux ou falsifiés, ce qui ne ressort pas non plus, de manière manifeste, des critiques articulées dans le rapport du 8 octobre 2020 ou, en toute hypothèse, de la simple lecture de ces actes. Ces actes doivent, dès lors que leur caractère frauduleux, falsifié ou non conforme à la réalité n'est pas établi, être regardés, en l'état, comme établissant que M. A... a bien justifié de son identité et de son âge. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision portant refus de délivrance de titre de séjour doit par suite être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique cependant pas que l'administration prenne une décision dans un sens déterminé, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé et dès lors que le préfet pourrait saisir les services de l'Etat pour s'assurer du caractère authentique des éléments versés par M. A... au cours de l'instance, ce qui le cas échéant constituerait une circonstance nouvelle susceptible de justifier l'adoption d'une décision de refus. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de l'Aube de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gaffuri, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gaffuri de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2002614 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 30 novembre 2020 du préfet de l'Aube sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gaffuri, avocat de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gaffuri renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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