CAA de NANCY, 1ère chambre, 10/03/2022, 21NC00687, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, 1ère chambre, 10/03/2022, 21NC00687, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY - 1ère chambre
- N° 21NC00687
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
10 mars 2022
- Président
- Mme VIDAL
- Rapporteur
- Mme Marion BARROIS
- Avocat(s)
- BERTIN
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2001216 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces respectivement enregistrées le 8 mars 2021 et le 22 juin 2021, M. B..., représenté par Me Bertin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cette attente une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer son droit au séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer pendant cette attente une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant compte-tenu de l'ancienneté de son séjour et de ses liens stables et anciens en France ;
- le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ supérieur à 30 jours en raison de la suspension des liaisons aériennes avec l'Algérie à la date de la décision attaquée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 4 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit
1. M. A... B..., ressortissant algérien, est entré sur le territoire français en juillet 2001 pour y solliciter l'asile le 26 septembre 2001 qui lui a été refusé par l'OFPRA le 14 février 2002 puis par la commission de recours des réfugiés le 9 septembre 2002 et s'y est maintenu irrégulièrement depuis. Par un arrêté du 20 août 2013 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Besançon le 27 décembre 2013, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Le 27 mars 2014, il a été renvoyé en Algérie avant d'obtenir un titre de séjour italien le 27 mai 2015 et d'entrer à nouveau sur le territoire français. Le 22 avril 2017, il s'est marié avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025, avec qui il a eu trois enfants nés en France les 7 décembre 2017, 13 avril 2019 et 13 mars 2020. Il a donc à nouveau demandé la délivrance d'un titre de séjour qui lui a été refusé par arrêté du 22 juin 2020. Par la présente requête, M. B... fait appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré pour la dernière fois en France le 25 mai 2015, après avoir été obligé de quitter la France le 27 mars 2014 à la suite d'un refus de titre de séjour, confirmé par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 décembre 2013 et non contesté, qu'il s'est marié le 22 avril 2017 avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'en 2025 en tant que veuve d'un ressortissant français, et que de leur union, sont nés en France trois enfants en 2017, 2019 et 2020 dont l'ainé est scolarisé en petite section. De plus, M. B... travaille depuis le 27 mars 2019, et sous contrat à durée indéterminée depuis le 27 septembre 2019, en qualité de démonteur, pour un revenu mensuel net de 1 212 euros. Ainsi, alors même que l'intéressé peut bénéficier du regroupement familial, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris, et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... un certificat de résidence algérien. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bertin, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001216 du 12 novembre 2020 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté en date du 22 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin avocat de M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bertin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
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N° 21NC00687
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2001216 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces respectivement enregistrées le 8 mars 2021 et le 22 juin 2021, M. B..., représenté par Me Bertin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cette attente une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer son droit au séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer pendant cette attente une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant compte-tenu de l'ancienneté de son séjour et de ses liens stables et anciens en France ;
- le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ supérieur à 30 jours en raison de la suspension des liaisons aériennes avec l'Algérie à la date de la décision attaquée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 4 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit
1. M. A... B..., ressortissant algérien, est entré sur le territoire français en juillet 2001 pour y solliciter l'asile le 26 septembre 2001 qui lui a été refusé par l'OFPRA le 14 février 2002 puis par la commission de recours des réfugiés le 9 septembre 2002 et s'y est maintenu irrégulièrement depuis. Par un arrêté du 20 août 2013 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Besançon le 27 décembre 2013, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Le 27 mars 2014, il a été renvoyé en Algérie avant d'obtenir un titre de séjour italien le 27 mai 2015 et d'entrer à nouveau sur le territoire français. Le 22 avril 2017, il s'est marié avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025, avec qui il a eu trois enfants nés en France les 7 décembre 2017, 13 avril 2019 et 13 mars 2020. Il a donc à nouveau demandé la délivrance d'un titre de séjour qui lui a été refusé par arrêté du 22 juin 2020. Par la présente requête, M. B... fait appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré pour la dernière fois en France le 25 mai 2015, après avoir été obligé de quitter la France le 27 mars 2014 à la suite d'un refus de titre de séjour, confirmé par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 décembre 2013 et non contesté, qu'il s'est marié le 22 avril 2017 avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'en 2025 en tant que veuve d'un ressortissant français, et que de leur union, sont nés en France trois enfants en 2017, 2019 et 2020 dont l'ainé est scolarisé en petite section. De plus, M. B... travaille depuis le 27 mars 2019, et sous contrat à durée indéterminée depuis le 27 septembre 2019, en qualité de démonteur, pour un revenu mensuel net de 1 212 euros. Ainsi, alors même que l'intéressé peut bénéficier du regroupement familial, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris, et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... un certificat de résidence algérien. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bertin, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001216 du 12 novembre 2020 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté en date du 22 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin avocat de M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bertin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
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