Conseil d'État, 7ème chambre, 09/03/2022, 451598, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A... E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et l'a astreint à se présenter au commissariat de police de Laval afin d'y justifier ses diligences dans la préparation de son départ. Par un jugement n° 1811025 du 18 avril 2019, le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté contesté en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 19NT01824 du 5 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes, a, sur un appel formé par le préfet de la Mayenne, annulé les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement et rejeté la demande de M. B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 12 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet de la Mayenne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., ressortissant pakistanais, a sollicité le 7 mai 2018 auprès de la préfecture de la Mayenne un visa long séjour en tant que conjoint de Français, et deux cartes de séjour " conjoint de Français " et " liens personnels et familiaux " respectivement sur le fondement des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 6 novembre 2018, le préfet de la Mayenne, a, en vertu du 1° du I de l'article L. 511-1 du même code, refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. M. B... a formé un recours contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Nantes. Par un jugement du 18 avril 2019, le président de ce tribunal a annulé l'arrêté litigieux et enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai de deux mois. Par un arrêt du 5 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes, sur un appel formé par le préfet de la Mayenne, a annulé ce jugement et rejeté les demandes de M. B....

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) /4°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;(...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...). ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...). ". Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 de ce code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

3. D'une part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 313-11 et L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que si la production par l'étranger d'un visa de long séjour est une condition pour la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au titre du 4° de l'article L. 313-11, elle ne l'est pas pour la délivrance de cette carte au titre du 7° du même article. D'autre part, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code qu'une telle condition serait nécessaire, dès lors que cet article ne vise que les procédures de délivrance des visas, et non des cartes de séjour. Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'en jugeant que le préfet de Mayenne avait pu légalement se fonder sur l'absence de production d'un visa de long séjour pour rejeter la demande de délivrance d'une carte de séjour au titre du 7° de l'article L. 313-11, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 5 novembre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... E... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 février 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 9 mars 2022.

Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
La secrétaire :
Signé : Mme D... C...

ECLI:FR:CECHS:2022:451598.20220309
Retourner en haut de la page