CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 28/02/2022, 20MA03713, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Nobilia Petrolacci a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel le maire de Cargèse a refusé de lui délivrer un permis d'aménager un lotissement sur une parcelle cadastrée section F nos 552, 553 et 555, au lieu-dit " Spelunca ", ainsi que la décision du 15 octobre 2018 par laquelle la préfète de Corse-du-Sud a refusé de déférer cet arrêté.

Par un jugement n° 1801349 du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2020, la SCI Nobilia Petrolacci, représentée par Me Jourdan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 juillet 2020 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 du maire de Cargèse ;

3°) d'enjoindre au maire de Cargèse de lui délivrer l'autorisation demandée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cargèse la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'avis du préfet de Corse-du-Sud du 16 mai 2018 et l'arrêté du maire de Cargèse du 26 juillet 2018 sont insuffisamment motivés ;
- le maire a fait une inexacte application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- il a fait une inexacte application de l'article L. 121-13 du même code.


Par des observations en défense, enregistrées le 28 octobre 2021, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête présentée par la SCI Nobilia Petrolacci.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI Nobilia Petrolacci ne sont pas fondés.


La clôture de l'instruction a été fixée au 2 décembre 2021 par une ordonnance du même jour.

Un mémoire en défense a été enregistré pour la commune de Cargèse le 2 décembre 2021.

Un mémoire a été enregistré pour la SCI Nobilia Petrolacci le 6 décembre 2021.


Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur une question relevée d'office, relative à l'irrecevabilité des moyens de légalité externe, reposant sur une cause juridique nouvelle invoquée après l'expiration du délai de recours.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Jourdan, représentant la SCI Nobilia Petrolacci.

Une note en délibéré présentée par la SCI Nobilia Petrolacci a été enregistrée le 7 février 2022.

Considérant ce qui suit :
1. Le 17 avril 2018, la SCI Nobilia Petrolacci a demandé un permis d'aménager un lotissement sur une parcelle cadastrée section F nos 552, 553 et 555, au lieu-dit " Spelunca ", à Cargèse. Le 16 mai 2018, la préfète de Corse-du-Sud a rendu un avis conforme défavorable au projet sur le fondement de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme. Par un arrêté du 26 juillet 2018, le maire de Cargèse a refusé le permis demandé. Par une décision du 15 octobre 2018, la préfète de Corse-du-Sud a refusé de déférer cet arrêté.

2. La SCI Nobilia Petrolacci fait appel du jugement du 28 juillet 2020 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le tribunal administratif a écarté le moyen de la SCI Nobilia Petrolacci portant sur l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme aux points 6 à 11 du jugement attaqué, par des motifs qui répondent de façon complète aux écritures succinctes de la société en première instance. Il n'avait pas à répondre par anticipation à une argumentation nouvelle en appel.

Sur la légalité externe du refus de permis d'aménager :

4. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'avis du préfet de Corse-du-Sud du 16 mai 2018 et de l'arrêté du maire de Cargèse du 26 juillet 2018 relèvent d'une cause juridique nouvelle, invoquée pour la première fois en appel, et sont par suite irrecevables.
Sur l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme :

5. D'une part, le premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

6. Le projet porte sur un lotissement de six constructions à usage de logements pour une surface de plancher de 1 233 mètres carrés. Il est situé le long de la route départementale, au sud du cimetière communal, dans une vaste zone ne comprenant que quelques constructions éparses. Contrairement à ce que soutient la SCI Nobilia Petrolacci, il n'y a pas lieu de prendre en compte les constructions autorisées mais non réalisées. Le projet caractériserait l'ouverture à la construction d'une zone non urbanisée, c'est-à-dire une expansion spatiale de l'urbanisation au sens du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC). Il constitue dès lors une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, tel que précisé par le PADDUC. En outre, il n'est pas contesté qu'il n'est pas situé en continuité d'une agglomération ou d'un village.

7. Par ailleurs, une autorisation d'urbanisme ne peut être délivrée pour la réalisation d'une construction qui n'est pas en continuité avec les agglomérations et villages existants, sur le fondement de ces dispositions, qu'à la condition que le projet soit conforme à la destination d'une zone délimitée par le document local d'urbanisme, dans laquelle celui-ci prévoit la possibilité d'une extension de l'urbanisation de faible ampleur intégrée à l'environnement par la réalisation d'un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres et formant un ensemble dont les caractéristiques et l'organisation s'inscrivent dans les traditions locales.

8. La commune de Cargèse ne dispose pas d'un document local d'urbanisme. En l'absence d'un tel document, la SCI Nobilia Petrolacci ne peut utilement soutenir que son projet porte sur la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement.

9. L'avis conforme négatif de la préfète de Corse-du-Sud n'est donc pas entaché d'une inexacte application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

Sur l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme :

10. L'article L. 121-13 du code de l'urbanisme prévoit que : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. "

11. Si le PADDUC vaut schéma de mise en valeur de la mer, en application du III de l'article L. 4424-10 du code général des collectivités territoriales, la SCI Nobilia Petrolacci ne peut utilement, pour l'application des dispositions ci-dessus, se référer au livret IV du PADDUC, qui porte sur les orientations réglementaires générales. C'est l'annexe 6 du PADDUC qui constitue le chapitre individualisé valant schéma de mise en valeur de la mer. Cette annexe comporte en page 34 une orientation visant à " contenir l'étalement urbain pour renforcer et structurer les espaces urbanisés. " Elle indique notamment que " le mitage est proscrit. Il s'agit donc de stopper l'étalement urbain linéaire et en nappes le long des côtes et des voies de communication. " Le projet de la SCI Nobilia Petrolacci concourre à un tel étalement urbain. Elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'il serait compatible avec les dispositions du PADDUC valant schéma de mise en valeur de la mer.

12. L'avis conforme négatif de la préfète de Corse-du-Sud n'est donc pas davantage entaché d'une inexacte application de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

13. Il résulte de ce qui précède que la SCI Nobilia Petrolacci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
14. La commune de Cargèse n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SCI Nobilia Petrolacci au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.



D É C I D E :



Article 1er : La requête de la SCI Nobilia Petrolacci est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Nobilia Petrolacci, à la commune de Cargèse et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 7 février 2022, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Mérenne et Mme A..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.
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No 20MA03713



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