CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 17/02/2022, 20BX01301, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 12 octobre 2018 par laquelle le conseil municipal de Naujac-sur-Mer a approuvé la première modification du plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision du 23 janvier 2019 par laquelle le maire de Naujac-sur-Mer a refusé de retirer cette délibération.

Par un jugement n° 1804731-1804734-1805034-1901430 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2020 en tant qu'il a rejeté son déféré ;
2°) d'annuler la délibération du 12 octobre 2018 par laquelle le conseil municipal de Naujac-sur-Mer a approuvé la première modification du plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision du 23 janvier 2019 par laquelle le maire de Naujac-sur-Mer a refusé de retirer cette délibération.

Elle soutient que :
- cette délibération a été approuvée à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de mention dans l'arrêté prescrivant l'enquête publique de la modification de l'article 1er de la zone UE du plan local d'urbanisme, en méconnaissance de l'article L. 123-10 du code de l'environnement ;
- le rapport de présentation ne mentionne pas la modification de l'article 1er de la zone UE, ni les raisons qui ont conduit à la proposer en méconnaissance des articles L. 151-4 et R. 151-5 du code de l'urbanisme ;
- en autorisant l'implantation d'annexes aux bâtiments d'habitation dans les zones agricoles et naturelles, le règlement modifié méconnaît l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et n'est pas compatible avec les points 2-4 et 2-6 du document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale de la pointe du Médoc.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2021, la commune de Naujac-sur-Mer, représentée par Me Boissy, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Dubois, représentant la commune de Naujac-sur-Mer.



Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 12 octobre 2018, le conseil municipal de Naujac-sur-Mer a approuvé la première modification du plan local d'urbanisme de la commune. Le préfet a sollicité auprès du maire, par un courrier du 19 décembre 2018, le retrait de cette délibération. Ce recours gracieux a été rejeté par un courrier du 23 janvier 2019. La préfète de la Gironde a alors déféré cette délibération et le rejet de son recours gracieux devant le tribunal administratif de Bordeaux. Elle relève appel du jugement du 11 février 2020 rejetant sa demande.


Sur la recevabilité du déféré préfectoral :

2. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du 12 octobre 2018 en litige a été transmise en préfecture le 18 octobre 2018. Si la préfète de la Gironde a formé un recours gracieux par un courrier reçu par la commune le 21 décembre 2018, soit le lendemain de l'expiration du délai de recours contentieux, elle fait valoir qu'elle avait également adressé ce recours par un courrier électronique envoyé à la mairie de Naujac-sur-Mer le 19 décembre 2018 dont les services de la préfecture ont invité le destinataire à accuser réception. Pour établir la réception de cet envoi, la préfète de la Gironde produit la copie de ce courrier électronique comportant en pièce jointe une pièce intitulée " demande de retrait modif n°1 PLU " et un accusé de lecture daté du 19 décembre 2018 à 14h53. Alors que la commune ne conteste pas avoir reçu ce message électronique, ces éléments doivent être regardés comme attestant de la réception par celle-ci du courrier électronique contenant le recours gracieux. Dans ces conditions, le recours gracieux de la préfète de la Gironde, parvenu le 19 décembre 2018 à la commune de Naujac-sur-Mer, a interrompu le délai de recours contentieux. Dès lors, le déféré de la préfète de la Gironde enregistré le 25 mars 2019 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, soit dans le délai de deux mois après le 24 janvier 2019, date de réception de la décision rejetant son recours gracieux, n'était pas tardif. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Naujac-sur-Mer en première instance doit être écartée.

Sur la légalité de la modification du plan local d'urbanisme :

En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :

3. Aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire. ". Aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : " I.- Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. / Cet avis précise : (...) - la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête (...). ".

4. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et à la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement précédemment citées, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

5. Ainsi que le reconnaît la commune dans ses écritures, la modification de l'article 1er du règlement de la zone UE n'est pas mentionnée dans l'arrêté prescrivant l'enquête publique. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce point précis du projet de modification figurait dans les documents consultables, et qu'il a fait l'objet de discussions et de demandes de modifications au cours de l'enquête publique et a ainsi été porté à la connaissance du commissaire enquêteur qui le mentionne dans ses conclusions. En outre, le bilan de l'enquête mentionne que la demande de modification sur ce point n'a pu être accueillie. Dans ces conditions, cette omission n'a pas nui à une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par la modification du plan local d'urbanisme et n'a pas été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision prise par le conseil municipal. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme en raison de l'absence de cette mention doit être écarté.

En ce qui concerne le contenu du rapport de présentation :

6. Aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / (...) ". Le 2° de l'article R. 151-5 de ce code dispose que le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés lorsque le plan local d'urbanisme est modifié.

7. La délibération en litige emporte notamment la modification du règlement applicable à la zone UE du plan local d'urbanisme, définie comme zone urbanisée à vocation d'équipements sportifs, de loisirs, de plein-air et collectifs, par la création d'un f) à l'article 1 qui ajoute, dans la liste des constructions non interdites, les logements destinés aux personnes dont la présence permanente est nécessaire pour assurer le fonctionnement, la surveillance ou le gardiennage des établissements et installations implantés dans la zone et que leur emprise au sol ne dépasse pas 200 m² de surface de plancher. Il est constant que ce point ne figure pas dans la rubrique " objet de la modification " du rapport de présentation. Toutefois, cette modification est mentionnée dans le point 3 " modifications du règlement et justification des règles " et au vu de son contenu, elle ne nécessitait pas de précisions supplémentaires s'agissant des motifs qui la justifiaient. Par suite, eu égard à l'ampleur de la modification en litige, le rapport de présentation est suffisant conformément à l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la modification des dispositions des articles 2 du règlement des zones N et A :

8. L'article L. 131-4 du code de l'urbanisme prévoit que les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale. En l'absence de schéma de cohérence territoriale, ils doivent notamment être compatibles, s'il y a lieu, avec les dispositions particulières au littoral prévues au chapitre Ier du titre II de ce code. L'article L. 131-1 prévoit, d'autre part, que les schémas de cohérence territoriale doivent être compatibles, s'il y a lieu, avec ces mêmes dispositions.

9. S'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, il résulte des dispositions citées au point précédent que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme, il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territoriale, cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières.


10. En l'espèce, le point 2.2 du document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale de la Pointe du Médoc prévoit que l'extension de l'urbanisation doit être réalisée en continuité avec les villes et villages, le point 2.3 définit la notion de hameaux par référence à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur et dresse la liste des hameaux où la densification de l'urbanisation est possible et le point 2.4 interdit le développement de l'habitat isolé en milieu rural et précise que toute extension de l'urbanisation à partir de l'habitat isolé est proscrite et que seuls sont possibles les aménagements et l'extension mesurée des constructions existantes. S'agissant plus particulièrement de l'application de la " loi littoral ", le point 2.6 du document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale de la Pointe du Médoc indique que le principe " d'extension de l'urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants ", alors prévu au I de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, s'applique sur la totalité des territoires des communes soumises à la loi littoral et définit les villages et agglomérations de son emprise en précisant que l'extension en continuité y est possible mais qu'elle doit être limitée dans les espaces proches du rivage et tenir compte de la capacité d'accueil du site. La liste des agglomérations et villages existants retient, pour la commune de Naujac-sur-Mer, le bourg et le " quartier " saint Isidore et aucun hameau n'y est recensé.

11. La modification en litige des articles 2 du règlement des zones agricoles et naturelles du plan local d'urbanisme de la commune de Naujac-sur-Mer autorise, par la création d'un point e), les annexes aux bâtiments d'habitation, dont celles liées à des activités de loisirs privés, (piscine, tennis, ...), d'une emprise au sol maximale de 50 m² pour les seuls bâtiments, d'une hauteur maximale de 4,5 mètres à l'égout du toit, situées à une distance au plus de 40 mètres du bâtiment d'habitation dont elles constituent l'annexe, avec une limitation à une ou plusieurs annexes avec un maximum de 50 m² d'emprise au sol par construction à usage d'habitation existante tous les dix ans. Au regard des caractéristiques des constructions ainsi autorisées par cette modification, et de la possibilité de renouvellement de cette dérogation tous les dix ans, ces dispositions ont pour conséquence de permettre une extension de l'urbanisation dans des zones d'urbanisation diffuse. Si la commune de Naujac-sur-Mer se prévaut de ce que le schéma de cohérence territoriale de la Pointe du Médoc autorise à son point 2.2 les constructions à vocation agricole ou liés à l'exploitation " hors agglomération ", ces dispositions ne sont pas de nature à permettre l'implantation des annexes en litige qui sont sans lien avec une activité agricole. Au demeurant, les constructions nouvelles et leurs extensions ainsi que les installations nouvelles nécessaires à l'exploitation agricole de la zone sont déjà prévues au b) des articles 2 des zones agricoles et naturelles, le d) autorisant en outre l'agrandissement des constructions à usage d'habitation existantes dans la limite de 30 % des surfaces de plancher existante et de 250 m² par unité foncière. Dès lors, les modifications en litige ne sont pas compatibles avec les préconisations du schéma de cohérence territoriale de la Pointe du Médoc relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, qui, en ne prévoyant la possibilité d'extension de l'urbanisation qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants, n'autorisent aucune construction, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. Par suite, la préfète de la Gironde est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, dans cette mesure, rejeté sa demande.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la délibération du 12 octobre 2018, par laquelle le conseil municipal de Naujac-sur-Mer a approuvé la modification n° 1 du plan local d'urbanisme, doit être annulée en tant qu'elle introduit dans les articles 2 du règlement des zones agricoles et naturelles un point e) permettant la construction d'annexes aux bâtiments d'habitation.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la commune de Naujac-sur-Mer au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

DECIDE :
Article 1er : La délibération du 12 octobre 2018, par laquelle le conseil municipal de Naujac-sur-Mer a approuvé la modification n° 1 du plan local d'urbanisme est annulée en tant qu'elle introduit dans les articles 2 du règlement des zones agricoles et naturelles un e) permettant la construction d'annexes aux bâtiments d'habitation.
Article 2 : Le jugement n° 1804731-1804734-1805034-1901430 du 11 février 2020, du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la préfète de la Gironde est rejeté.
Article 4 : La demande de la commune de Naujac-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Naujac-sur-Mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2022.

La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLa présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX01301 2



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